Chronique du Blu-ray / Mr. Majestyk, réalisé par Richard Fleischer

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Mr. Majestyk réalisé par Richard Fleischer, disponible en Édition Collector Blu-ray + DVD + Livre le 5 octobre 2016 chez Wild Sild Vidéo.

Acteurs : Charles Bronson, Al Lettieri, Linda Cristal, Lee Purcell, Paul Koslo, Taylor Lacher

Scénario : Elmore Leonard

Photographie : Richard H. Kline

Musique : Charles Bernstein

Durée : 1h45

Date de sortie initiale : 1974

LE FILM

Vétéran du Vietnam, Vince Majestyk n’aspire aujourd’hui qu’à une seule chose : mener une existence paisible en dirigeant son exploitation de pastèques. Sa rencontre avec Bobby Kopas, crapule locale, va provoquer une redoutable réaction en chaîne et placer en travers de sa route Frank Renda, tueur à gages des plus sadiques… L’heure de l’affrontement a sonné. La lutte sera acharnée…

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Fils du pionnier de l’animation Max Fleischer (producteur de Popeye et de Betty Boop), Richard Fleischer (1916-2006) tente d’abord de devenir comédien mais se retrouve rapidement dans la salle de montage pour s’occuper des films d’actualités pour la RKO. Après quelques courts-métrages remarqués en tant que réalisateur, Richard Fleischer se voit confier quelques séries B. C’est le cas d’Assassin sans visage, remarquable film noir d’une heure montre en main tourné en seulement dix jours en 1949. Jalon de l’histoire du film criminel, l’oeuvre de Richard Fleischer repose sur une mise en scène virtuose et stylisée et demeure l’un des premiers films à traiter de manière réaliste de la figure du serial killer.

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Sous contrat avec la RKO, Richard O. Fleischer, signe plus tard Bodyguard, un petit polar à l’intrigue banale et même sans surprise, qu’il parvient à élever grâce à une mise en scène inspirée et dynamique, une direction d’acteurs parfaite (parfait Lawrence Tierney et dernière apparition de l’adorable Priscilla Lane) et même quelques touches d’humour qui font mouche. Bodyguard fait partie des premiers longs-métrages du réalisateur, qui en profite ici pour se faire la main en expérimentant sur le cadre, le rythme et le montage. Série B vive et dynamique, particulièrement intéressante sur le plan visuel et faisant fi d’un budget somme toute restreint, bourrée d’idées (la scène finale dans l’abattoir) et de trouvailles sympathiques (un gros plan sur un oeil), Bodyguard, ce quatrième long-métrage de Richard Fleischer, se voit encore aujourd’hui comme une belle curiosité annonçant par bribes, les plus grands films du cinéaste.

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Tous ces « petits longs métrages » vont permettre à Richard Fleischer de révéler son savoir-faire. Sa spécialité ? Les polars secs et nerveux à l’instar du Pigeon d’argile grâce auquel le cinéaste transcende une fois de plus un postulat de départ classique pour s’amuser avec les outils techniques mis à sa disposition. Dès 1952 avec L’Enigme du Chicago Express, le réalisateur est reconnu dans le monde entier comme étant un nouveau maître du cinéma. Cette ascension fulgurante lui ouvrira les portes des principaux studios Hollywoodiens où il démontrera son immense talent et son goût pour un éclectisme peu commun : Vingt Mille lieues sous les mers (1954), La Fille sur la balançoire (1955), Les Inconnus dans la ville (1955), Les Vikings (1958), Le Voyage fantastique (1966), L’Etrangleur de Boston (1968), Soleil vert (1973). Pour beaucoup de cinéphiles, Mr. Majestyk, réalisé en 1973, est un de ses meilleurs films.

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Richard Fleischer, réalisateur prolifique, est assurément l’un des plus grands metteurs en scène et raconteur d’histoires de l’industrie hollywoodienne. Dans Mr. Majestyk, comme il n’a eu de cesse de le prouver tout au long de sa longue carrière (60 films en 45 ans), Le cinéaste s’entoure de formidables comédiens et confie le rôle principal à Charles Bronson. Tout auréolé de son nouveau statut de star après un détour par le cinéma européen qui lui a fait prendre du galon, l’acteur alors âgé de 52 ans est de retour aux Etats-Unis et commence sa véritable carrière en tant que tête d’affiche. Entre le polar et le thriller d’aventures, Mr. Majestyk repose sur un scénario en béton écrit par l’immense écrivain Elmore Leonard (1925-2013), spécialisé dans les romans de western. Il n’est donc pas étonnant de retrouver de nombreux codes du genre dans le film de Richard Fleischer avec les affrontements nerveux et violents et les courses-poursuites dantesques où les voitures remplacent les chevaux sur des chemins impraticables. Les personnages apparaissent comme de vrais cowboys du XXe siècle.

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Vince Majestyk dirige une exploitation de pastèques dans un coin paumé du Colorado. Homme solitaire, il ne pensait pas être ennuyé par Bobby Kopas (Paul Koslo), une petite frappe de la petite bourgade du coin, qui voudrait l’obliger à engager de la main-d’oeuvre « du pays » plutôt que des saisonniers mexicains comme il a l’habitude de le faire, parmi lesquels Nancy Chavez (Linda Cristal), à qui Majestyk est venu en aide lors de son arrivée en ville. Mais c’était sans compter sur Vince Majestyk qui a plus d’un tour dans son sac, ou plutôt qui ne garde pas ses poings – gros comme des gants de baseball – serrés dans ses poches. Cette petite « anicroche » va alors le précipiter en prison, le mettre au contact du tueur Frank Renda (Al Lettieri), arrêté une dizaine de fois mais systématiquement relâché faute de preuves. Cette fois pourrait être la bonne. Mais lors du convoi des prisonniers vers le tribunal, une attaque destinée à libérer Renda a lieu en plein centre-ville. Les victimes tombent des deux côtés et finalement Majestyk s’empare du bus de la police et s’enfuit avec Renda, toujours menotté. Majestyk pense alors livrer Renda aux autorités en échange de sa propre libération, pour ainsi aller récolter ses pastèques qui l’attendent sur son terrain de 65 hectares. Mais son plan ne se déroule pas comme prévu.

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Soutenu par un montage vif de Ralph E. Winters (Ben-Hur, La Panthère rose), une photo élégante du chef opérateur Richard H. Kline (Soleil vert, Le Mystère Andromède, L’Etrangleur de Boston) et l’entêtante musique de Charles Bernstein (Les Griffes de la nuit, Cujo), Richard Fleischer déroule son récit avec une virtuosité unique et un art jamais démenti de la conduite dramaturgique. Charles Bronson, corps de reptile et regard de félin, n’a que « peu à faire » pour s’imposer et semble prendre beaucoup de plaisir à incarner Vince Majestyk, ennuyé dans son quotidien par quelques sbires mal intentionnés. Ces derniers étaient loin d’imaginer que ce propriétaire terrien avait passé trois ans dans l’armée, avait été instructeur de rangers à Fort Benning, capturé puis évadé d’un camp au Viet Nam et avait été décoré de la Silver Star. Autrement dit, ils auraient dû y réfléchir à deux fois avant de lui chercher des noises. Bronson, sourire en coin et la bonne répartie prête à fuser, est parfait dans un rôle à l’origine écrit pour Steve McQueen. Il prend la pétoire et n’allait quasiment plus la lâcher jusqu’à la fin de sa carrière en enchaînant directement avec Un justicier dans la ville, qui sera suivi par de nombreuses suites au cinéma et à la télévision pendant 25 ans. Bronson fait face à Al Lettieri, dont la carrière fut courte en raison de sa mort prématurée, mais son visage et son imposante carrure demeurent dans la mémoire des cinéphiles grâce à ses participations au Parrain de Francis Ford Coppola et Guet-Apens de Sam Peckinpah.

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Divertissement sévèrement burné qui fait parfois penser au Prime Cut Carnage de Michael Ritchie, Mr Majestyk est encore un joyau issu de la filmographie de Richard Fleischer.

LE BLU-RAY

Le Blu-ray de Mr. Majestyk, disponible chez Wild Side, a été réalisé sur un check-disc. Cette édition se compose du Blu-ray et du DVD du film, ainsi que d’un livret exclusif de 86 pages sur le film et sa genèse, écrit par Frédéric Albert Lévy (journaliste de cinéma et cofondateur de la revue Starfix), illustré de magnifiques photos et de documents d’archives rares. Le menu principal est animé et musical.

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Pour cette édition, deux interviews sont proposées :

Colorado cool (14′) : Le directeur de la photographie Richard H. Kline, né en 1926, partage ses souvenirs liés au tournage de Mr. Majestyk, y compris sur ses diverses collaborations avec Richard Fleischer sur L’Étrangleur de Boston, Soleil vert et Don Angelo est mort. Les deux hommes travailleront ensemble une dernière fois en 1975 sur Mandingo. Le chef opérateur parle également de Charles Bronson, l’homme et le comédien, tout en partageant quelques anecdotes de tournage. Mais dans l’ensemble et bien que le bonhomme soit très sympathique, nous ne tirons pas grand-chose de cette interview, d’autant plus que Richard H. Kline passe plus ou moins son temps à raconter l’histoire du film.

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Colorado chic (28′) : Dans Mr. Majestyk, la comédienne Lee Purcell interprète Wiley, le contact de Frank Renda. A l’instar de Richard H. Kline, peu de choses sont à retenir de cet entretien. Lee Purcell nous parle de son arrivée sur le film, s’avère aujourd’hui surprise que Mr. Majestyk soit considéré comme une œuvre culte pour beaucoup de cinéphiles. Après, cela devient typique de l’entretien « américain » où tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil. On ne doute pas de la sincérité de ces propos, mais il y avait sûrement plus d’éléments à raconter sur le film de Richard Fleischer.

L’Image et le son

Ce nouveau master restauré HD de Mr. Majestyk brille souvent de mille feux et s’impose comme une grande réussite technique à ajouter au palmarès de l’éditeur. En effet, en dépit de quelques petites poussières subsistantes, l’image bénéficie d’un traitement de faveur qui participe à la (re)découverte du film de Richard Fleischer. Le cadre offre une profondeur de champ très plaisante, le piqué est acéré, la stabilité jamais démentie, les contrastes soignés. Si les noirs manquent parfois de stabilité et la définition vacille quelque peu sur les séquences sombres, la colorimétrie retrouve un éclat et une chaleur bienvenus sur les scènes diurnes. Les gros plans sont souvent épatants, les détails abondent et la gestion du grain est épatante. C’est beau, c’est carré, c’est élégant.

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Les mixages anglais et français DTS-HD Master Audio 2.0 Surround sont propres et distillent parfaitement la musique de Charles Bernstein. La piste anglaise (avec les sous-titres français imposés) est la plus équilibrée du lot avec une homogénéité entre les dialogues et les bruitages. Au jeu des différences, la version française (au doublage excellent avec Claude Bertrand et Georges Aminel) s’avère plus chuintante et couverte, avec certaines ambiances et d’autres effets annexes qui peinent à se faire entendre quand on compare avec la piste anglaise. Le changement de langue est impossible à la volée et nécessite le retour au menu contextuel.

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Crédits images : © Wild Side Vidéo

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