UN TRIOMPHE réalisé par Emmanuel Courcol, disponible en DVD le 4 janvier 2022 chez Memento Films.
Acteurs : Kad Merad, David Ayala, Lamine Cissokho, Sofian Khammes, Pierre Lottin, Wabinlé Nabié, Aleksandr Medvedev, Saïd ‘Benco’ Benchnafa, Marina Hands, Laurent Stocker, Mathilde Courcol-Rozès, Catherine Lascault…
Scénario : Emmanuel Courcol, Thierry de Carbonnières & Khaled Amara
Photographie : Yann Maritaud
Musique : Fred Avril
Durée : 1h42
Date de sortie initiale : 2021
LE FILM
Un acteur en galère accepte pour boucler ses fins de mois d’animer un atelier théâtre en prison. Surpris par les talents de comédien des détenus, il se met en tête de monter avec eux une pièce sur la scène d’un vrai théâtre. Commence alors une formidable aventure humaine.
Après le triomphe international de Bienvenue chez les Ch’tis en 2008 et son César du meilleur acteur dans un second rôle reçu en 2007 pour sa grande prestation dans Je vais bien, ne t’en fais pas de Philippe Lioret, Kad Merad a été partout. A la télévision (Baron Noir évidemment), dans des publicités (même encore aujourd’hui), dans toutes les émissions possibles et imaginables (sauf Chasse et pêche, et encore), mais aussi et surtout au cinéma, tournant parfois jusqu’à cinq films par an, faisant des caméos ici et là, passant derrière la caméra à la trois reprises, se moquant de lui-même dans Mais qui a re-tué Pamela Rose ?, qu’il a coréalisé avec son complice Olivier Baroux, quand une jeune femme lui déclare « Tu tournes trop ! ». Des gros succès au box-office, il y en a eu (Safari, Le Petit Nicolas, L’Immortel, L’Italien, La Fille du puisatier, La Nouvelle guerre des boutons, Supercondriaque…), des bides aussi (Des gens qui s’embrassent, Disparue en hiver, On voulait tout casser, La Mélodie, Comme des rois, Just a Gigolo)…Depuis quelques films, le comédien connaît un revers au box-office et les opus le plaçant en tête d’affiche n’ont pas vraiment brillé auprès des spectateurs. On note qu’il semble se spécialiser dans les rôles de mentor, de passeur ou d’entraîneur, comme dernièrement dans La Mélodie de Rachid Hami, Comme des rois de Xabi Molia et Une belle équipe de Mohamed Hamidi. C’est encore le cas dans Un triomphe d’Emmanuel Courcol, dans lequel il retrouve de sa superbe et l’un de ses plus beaux rôles. Porté par une critique dithyrambique, ce film très attachant n’a pas connu le succès espéré avec un peu plus de 300.000 entrées et méritait bien plus. Sa sortie en DVD et ses futures diffusions à la télévision devraient lui redonner une deuxième chance, ce qu’il mérite amplement.
Etienne, un acteur, doit animer un atelier théâtre en prison. Les cinq détenus (Patrick, Alex, Jordan, Moussa et Nabil), mécontents de l’ancien animateur, sont d’abord réticents. Mais Etienne parvient à les motiver et envisage de monter la pièce En attendant Godot de Samuel Beckett, qui reflète la vie des détenus, ces derniers se plaignant de passer leur temps à attendre. Alors que l’atelier ne devait durer que quelques jours, il convainc la directrice de la prison de faire six mois de répétitions pour pouvoir mener à bien son projet, et les acteurs seront payés, comme des professionnels. Un jour, alors qu’Etienne est sur le point de partir, un autre détenu, Kamel, lui montre qu’il a lu la pièce et lui demande un rôle, mais sans succès, les rôles ayant déjà été distribués. Cependant, quelque temps plus tard, Kamel est parvenu à remplacer Nabil, qui soi-disant souhaite travailler au lieu de participer à la pièce. Ce n’est pas sans poser de problème, car les détenus devront avoir l’accord du juge pour pouvoir sortir pour jouer la pièce dans un véritable théâtre, et cela est moins certain pour Kamel. Les jours de répétition se succèdent… Le jour de la représentation, l’équipe part pour le théâtre de la Croix-Rousse. Un imprévu se produit : Kamel ne veut plus jouer.
C’est vrai que nous avions tendance à oublier que Kad Merad est un merveilleux comédien dramatique. Un triomphe nous le rappelle immédiatement, car il apparaît d’emblée très sobre, arbore désormais un visage marqué par l’âge (55 ans au moment du tournage), sa silhouette s’est sans doute un peu épaissie aussi. Prendre de la bouteille lui va bien et son jeu s’est encore plus affiné. Bref, il est formidable dans Un triomphe, deuxième long-métrage d’Emmanuel Courcol, cinq ans après Cessez-le-feu, avec Romain Duris, Grégory Gadebois et Céline Sallette. Il est excellemment épaulé par un casting au diapason constitué de David Ayala (Coup de chaud, Suprêmes), Lamine Cissokho (Tamara, Tout s’est bien passé), Sofian Khammes (Chouf, Poissonsexe, La Nuée), Pierre Lottin (Wilfried dans la saga des Tuche), Wabinlé Nabié (La Nuit venue), Saïd Benchnafa (Adieu les cons), de vraies révélations et tous sensationnels, sans oublier Marina Hands et Laurent Stocker, de la Comédie-Française.
Sélectionné au Festival de Cannes 2020, Un triomphe a reçu le Valois du Public au Festival du Film Francophone d’Angoulême, ainsi que le Prix de la meilleure comédie de l’année lors de la 33e cérémonie des prix du cinéma européen. Emmanuel Courcol s’inspire d’un fait divers réel survenu en Suède en 1985. Jan Jönson, comédien suédois, avait décidé de monter la pièce En attendant Godot avec les détenus d’une prison de haute sécurité. Le réalisateur s’est emparé de cette histoire vraie, la met à la « sauce française » et situe l’histoire de nos jours, tout en se documentant sur les ateliers théâtre à la prison de Fleury-Mérogis. Son observation du milieu carcéral n’est en rien caricatural et la radiographie qu’il en fait reste autant singulière que frontale. Tourné au Centre pénitentiaire de Meaux-Chauconin, où le metteur en scène avait par ailleurs réalisé son documentaire Je boxe les mots en 2019, déjà centré sur un spectacle de huit détenus, Un triomphe « profite » de son véritable décor et donne une authenticité au récit.
On suit avec un très grand plaisir les progrès et les aventures de cette poignée de mecs, qui à travers le théâtre vont trouver un moyen de rédemption, y compris Etienne, homme solitaire, à qui la vie n’a pas fait de cadeau, qui trouve enfin le rôle de sa vie, lui qui pensait être passé à côté de sa carrière. Car le film n’oublie pas de mentionner, sans entrer dans les détails, que les prisonniers sont tous criminels et enfermés, sans doute pour de bonnes raisons et pour la énième fois pour la plupart. Néanmoins, le dernier acte peut décontenancer, pour ne pas dire « sortir » certains spectateurs de l’histoire, en raison de son manque de crédibilité, autrement dit quand Etienne se retrouve seul sur la scène de l’Odéon, après que ses acteurs-détenus se soient tous faits la malle. On décroche quelque peu, on a un peu de mal à croire à ce qui se déroule à l’écran, contrairement à tout ce qui a pu se passer jusqu’à présent. Quelque chose cloche…mais, toutefois, on « accepte » ces partis-pris, car Un triomphe nous a fait beaucoup rire et il se dégage une force, ainsi que de la tendresse et de la mélancolie du jeu de Kad Merad et de ses camarades. Et puis, quand on nous rappelle que le film, coproduit par Dany Boon et Robert Guédiguian, est librement inspiré d’une histoire vraie, la pilule passe mieux. En dépit ce léger bémol donc, on garde un très beau et bon souvenir d’Un triomphe bien après la projection. Largement conseillé.
LE DVD
Malgré son score honorable au box-office, Un triomphe n’est proposé qu’en DVD chez Memento Films. Le disque repose dans un boîtier Slim-Digipack, qui reprend le visuel de l’affiche d’exploitation. Le menu principal est fixe et musical.
L’éditeur est allé à la rencontre d’Emmanuel Courcol et Kad Merad d’un côté (10’30) et Pierre Lotin et Sofian Khammes de l’autre (12’30). Des interviews brutes, sans montage, un peu foutraques, mais aux propos sincères et toujours intéressants. On en apprend un peu plus sur le documentaire à l’origine du film, centré sur le fait divers survenu en Suède dans les années 1980, sur la collaboration entre le metteur en scène et ses comédiens, la préparation de Kad Merad, le casting, les conditions de tournage, etc.
L’Image et le son
Nous ne sommes pas en présence d’une édition HD mais le constat est indéniable, Memento Films fournit une galette Standard plus qu’attractive. Le piqué est sans cesse acéré, les couleurs sont scintillantes, avec une palette chromatique qui fait honneur aux nombreuses gammes froides et bleues, des costumes en passant par les décors. Une photographie élégante réalisée par Yann Maritaud (Mignonnes, Slalom, Terrible jungle) lumineuse et tranchante, où le relief est palpable et où les contrastes affichent une superbe densité. N’oublions pas la profondeur des noirs, l’aspect brillant de l’ensemble et le rendu des matières qui demeurent souvent bluffants.
Comme pour l’image, la piste Dolby Digital 5.1 impose un confort acoustique, avec la musique composée par Fred Avril (Qui m’aime me suive !, Sound of Noise, Les Reines du ring) qui bénéficie d’une spectaculaire ouverture des enceintes latérales et frontales. Les voix sont imposantes, jamais noyés sous le flux musical, les ambiances naturelles abondent, le mixage est très spectaculaire. Il en est de même pour la version Stéréo, riche, dynamique et fluide. Les sous-titres français destinés au public sourd et malentendant sont également disponibles, ainsi qu’une piste Audiodescription.