L’ÉTOILE DU SILENCE (Der schweigende Stern) réalisé par Kurt Maetzig, disponible en DVD le 31 mai 2020 chez Artus Films.
Acteurs : Yôko Tani, Oldrich Lukes, Ignacy Machowski, Julius Ongewe, Mikhail N. Postnikov, Kurt Rackelmann, Günther Simon, Hua-Ta Tang…
Scénario : Jan Fethke, Wolfgang Kohlhaase, Günter Reisch, Günther Rücker, Alexander Stenbock-Fermor d’après le roman de Stanislas Lem
Photographie : Joachim Hasler
Musique : Andrzej Markowski
Durée : 1h30
Date de sortie initiale : 1960
LE FILM
Un élément d’origine inconnue, découvert après un tremblement de terre, attire l’attention des scientifiques. Il s’agit d’une bande magnétique en provenance de la planète Venus comportant un message hostile à l’égard des habitants de la Terre. Une équipe de savants appartenant aux principales nations du monde est envoyée vers la planète mystérieuse pour aller à la rencontre du peuple vénusien. Mais, à peine débarqués, les spationautes découvrent un monde dévasté.
Oh ! Un film de science-fiction allemand des années 1960 ! C’est assez rare pour être signalé, d’autant plus que L’Etoile du silence –Der schweigende Stern, également connu sous ses titres d’exploitation internationale First Spaceship on Venus ou encore Planet of the Dead, The Silent Star, Spaceship Venus Does Not Reply conserve encore un charme dingue. Produit par la DEFA, studio d’État de la République démocratique allemande, en partenariat avec la Pologne, L’Etoile du silence s’inspire bien sûr des films américains du genre qui pullulaient, mais agrémentés à la sauce communiste. Le résultat est étonnant, car si le film de Kurt Maetzig (1911-2012) véhicule forcément cette idéologie, c’est sans bourrage de crâne et en privilégiant avant tout le spectacle cinématographique. Et de ce point de vue nous ne sommes pas déçus. Der schweigende Stern n‘a absolument rien de honteux. La mise en scène est inventive, les effets visuels très réussis et l‘ensemble bénéficie d‘une véritable dynamique de groupe puisque “l‘Internationale“ étant prônée, L‘Etoile du silence est un film choral où chinois, allemands, polonais, africains, indiens et bien d‘autres s‘entraident sans cesse durant leur voyage spatial qui les mènera jusqu‘à Vénus. Des partis pris qui annonçaient alors les séries télévisées à venir, et qui renvoient d‘ailleurs aux shows galactiques contemporains. C‘est dire si Der schweigende Stern, inspiré d‘un roman de Stanislas Lem (Solaris) publié en 1951, est un vrai bon film de SF vintage.
Alors qu’ils essaient un procédé pour irriguer le désert de Gobi, des scientifiques tombent sur un artefact d’origine extraterrestre. Le professeur Harringway identifie l’objet comme étant un débris d’un vaisseau originaire de Vénus. Il semble s’agir d’une sorte d’enregistreur de vol, mais seule une partie de son contenu peut être traduit. Les scientifiques terriens envoient des salutations par ondes radio jusqu’à Vénus. En l’absence de réponse quelque temps plus tard, une expédition est montée pour se rendre sur cette planète afin de chercher des renseignements sur cette mystérieuse civilisation extraterrestre. Il a pour équipage une équipe internationale de scientifiques dirigée par le professeur Sikarna et le professeur Tchen Yu. Le vaisseau Kosmostrator, récemment terminé mais prévu pour un voyage vers Mars, est rééquipé en prévision d’un voyage jusqu’à Vénus. Le voyage durera une trentaine de jours. Pendant le voyage, Sikarna s’efforce de déchiffrer le message vénusien figurant sur l’enregistreur extraterrestre. Lorsque le vaisseau approche de Vénus, les communications avec la Terre se trouvent coupées. Pendant ce temps, Sikarna a réussi à traduire les dernières informations contenues dans l’enregistreur de vol : il découvre avec terreur qu’il s’agit d’un plan d’invasion de la Terre prévoyant d’irradier toute la planète à l’aide d’une arme nucléaire pour provoquer l’anéantissement de l’humanité. Harringway convainc l’équipage de poursuivre le voyage jusqu’à Vénus plutôt que de retourner tout de suite sur Terre, car l’information ne ferait que semer la panique sans résoudre le problème. À l’aide d’Omega, le robot du vaisseau, le cosmonaute allemand Brinkman prend les commandes d’un petit vaisseau d’exploration à une place. Parvenu à la surface de Vénus, il y trouve un complexe industriel et de petits systèmes d’enregistrement ressemblant à des insectes.
On le comprend au résumé, L’Etoile du silence est irrigué par la peur du nucléaire et surtout du trauma encore bien présent des bombardements atomiques d’Hiroshima et de Nagasaki. Si dans les films de science-fiction américains des années 1950, la menace communiste est représentée par les diverses invasions d’aliens, les Vénusiens, que nous ne verrons pas à l’écran dans L’Etoile du silence, évoquent les américains. Dans le film de Kurt Maetzig, les Vénusiens ont été anéantis par leur propre technologie. Mais leurs machines destructrices fonctionnent toujours. Le futur n’est possible que si la société prône l’égalité entre les hommes et les femmes, la fraternité, l’union des populations, sans distinction sociale. Toutes ces notions parcourent L’Etoile du silence. Mais au-delà de ça, le divertissement est garanti. La beauté des décors, notamment sur Vénus représentée comme une planète de verre, le soin apporté aux maquettes (non, nous ne parlerons pas des costumes-pyjamas), le rythme soutenu pendant 90 minutes, le casting melting-pot, tout contribue à faire de Der schweigende Stern une belle réussite.
Si au départ nous ne misions pas grand-chose sur ce film, en toute honnêteté on pouvait même s‘attendre à un petit nanar, la surprise est de taille car L‘Etoile du silence peut se voir comme un blockbuster de l‘époque, qui combine intelligemment distraction et réflexion, tout en délivrant un message humaniste fort.
LE DVD
L‘Etoile du silence intègre la collection SF Vintage d‘Artus Films. Le DVD est présenté dans un format Slim Digipack d‘une folle élégance et au visuel très attractif. Le menu principal est fixe et musical.
Au programme de cette édition, l‘éditeur propose un entretien avec Christian Lucas (12‘), de la chaîne YouTube Ciné Forever Vidéo. En à peine un quart d‘heure, l‘invité d‘Artus Films livre une brillante présentation du film qui nous intéresse, de sa genèse, en passant par le contexte historique de la production (la conquête spatiale faisait rage, avec un net avantage pour les russes), l‘adaptation du livre de Stanislas Lem (avec quelques comparatifs entre l‘écrit et le résultat à l‘écran), ses thèmes (ou comment les valeurs communistes imprègnent le film) et partis pris, tout en donnant de nombreuses indications sur le studio de la DEFA. Christian Lucas indique que L‘Etoile du silence est le premier film de science-fiction de la DEFA, qui produira également Silence (1970) de Gottfried Kolditz, disponible également à la même date chez Artus Films. “Mais ça, c‘est une autre histoire“ comme le dit Christian Lucas, qui reviendra pour nous présenter le film en question.
L‘interactivité se clôt sur un large Diaporama, ainsi que les bandes-annonces de quelques titres Artus Films.
L‘Image et le son
Superbe master 2K restauré ! La copie est très propre, débarrassée des scories et poussières diverses, stable, étincelante, respectueuse des partis pris esthétiques originaux et du grain argentique. Un petit trésor de plus déterré par Artus Films, présenté dans les meilleures conditions possibles. On en vient même à regretter de ne pas pouvoir bénéficier de L‘Etoile du silence en Haute-Définition.
Privilégiez évidemment la version originale allemande, qui instaure non seulement un bon confort acoustique pour profiter cette épopée spatiale, mais qui est surtout beaucoup plus naturelle que le doublage français, qui mise pour ainsi dire uniquement sur le report des voix. Les sous-titres ne sont pas imposés sur la piste originale.