Test DVD / L’Été dernier, réalisé par Catherine Breillat

L’ÉTÉ DERNIER réalisé par Catherine Breillat, disponible en DVD & Blu-ray le 6 février 2024 chez Pyramide Vidéo.

Acteurs : Léa Drucker, Samuel Kircher, Olivier Rabourdin, Clotilde Courau, Serena Hu, Angela Chen, Romain Maricau, Nelia Da Costa…

Scénario : Catherine Breillat & Pascal Bonitzer, d’après le film Queen of Hearts de May el-Toukhy

Photographie : Jeanne Lapoirie

Musique : Kim Gordon

Durée : 1h39

Date de sortie initiale : 2023

LE FILM

Anne, brillante avocate, défend les mineurs victimes d’abus et les adolescents en difficulté. Son mari Pierre, leurs deux filles et elle vivent en parfaite harmonie dans une belle villa sur les hauteurs de Paris. Lorsque Théo, fils de Pierre né d’un précédent mariage, emménage avec eux, l’équilibre de la famille se retrouve chamboulé par l’irruption de cet adolescent rebelle et contestataire.

Dix ans après Abus de faiblesse, la cinéaste Catherine Breillat fait son retour derrière la caméra avec L’Été dernier, un comeback fracassant, remake du film danois Queen of hearts (2019), qui rappelle aussi l’excellent Pingpong (2006) de Matthias Luthardt, mâtiné du Blé en herbe de Colette, adapté en 1954 par Claude Autant-Lara. C’est une résurrection pour la réalisatrice, affaiblit ces dernières années par une hémorragie cérébrale (qui l’a rendue hémiplégique) et la tristement célèbre affaire Rocancourt, qui signe ni plus ni moins avec L’Été dernier un de ses meilleurs films, son quinzième. Ce drame sulfureux, mais jamais vulgaire ni gratuit, est porté par l’intensité de ses comédiens, Léa Drucker, à qui la maturité sied décidément divinement bien, le jeune Samuel Kircher et, celui que la critique a souvent tendance à oublier, l’immense Olivier Rabourdin, présent depuis une trentaine d’années dans le cinéma français, une fois nommé aux César (comme second rôle pour Des hommes et des dieux) et qu’il serait temps de porter aux nues. L’Été dernier est en l’état l’un des grands films de 2023.

Anne, avocate renommée spécialisée dans les violences sexuelles faites aux mineurs, vit confortablement avec son mari Pierre, souvent en déplacement en raison de son métier, et leurs filles de 6 et 7 ans, qu’ils ont adopté, Anne ne pouvant avoir d’enfants. Un jour, Théo, 17 ans, fils de Pierre, s’installe chez eux durant l’été. Peu de temps après, il annonce à son père qu’il a une liaison avec Anne. Elle nie.

L’Été dernier est l’histoire d’une relation destructrice, du mensonge qui en découle quant celle-ci est dévoilée et des conséquences chez les individus. Non, il ne s’agit pas d’inceste comme il a été souvent dit ou écrit lors de la sortie du film, mais bel et bien d’un amour inattendu et donc d’un adultère. En gros pour donner un exemple à ceux qui ne seraient pas convaincus, cela fait penser à Carla Bruni qui a entamé une liaison avec Raphaël Enthoven alors qu’elle était encore avec son père Jean-Paul. La transgression provient ici évidemment de l’âge de Théo (à un an de sa majorité) et bien sûr de son lien parental avec le compagnon d’Anne. Catherine Breillat nous montre tout d’abord une femme âgée d’une cinquantaine d’années, brillante et réputée dans son métier, vraisemblablement portée sur la boisson (on ne compte plus les verres qu’elle et ses amis s’enfilent durant 1h40), qui s’est investie dans sa profession, a épousé un mari brillant et aimant, avant d’adopter deux petites filles adorables à qui elle consacre beaucoup de temps.

Ce train-train quotidien est soudainement perturbée par l’arrivée de Théo, qui sous certains aspects rappelle le « visiteur » campé par Terence Stamp dans Théorème de Pasolini, mais tout en demeurant un jeune bien de son époque, qui n’a aucune autre arrière-pensée que de vivre l’instant présent. Mais de son côté, Anne, risquant de mettre sa carrière en péril et de perdre sa famille, nie ouvertement face à son époux quand celui-ci apprend la situation de la bouche de son fils. Théo, vivant probablement sa première histoire d’amour, ne connaît pas les rudiments, les arguments et la lâcheté du monde adulte. Il va donc essayer de se défendre malgré tout, tandis qu’Anne devient alors actrice d’une affaire du style auquel elle a souvent été confrontée dans l’exercice de ses fonctions.

Si Valeria Bruni Tedeschi devait à l’origine interpréter le rôle principal, c’est finalement Léa Drucker, en odeur de sainteté depuis l’exceptionnel Jusqu’à la garde de Xavier Legrand, qui lui avait valu le César de la meilleure actrice en 2019, qui se donne corps et âme à l’objectif de Catherine Breillat. Certains spécialistes jugeront de sa ressemblance avec Nina Hartley (on vous laisse le temps d’aller vérifier sur la toile), mais l’actrice livre une immense prestation, glaciale, ambiguë, campe un monstre humain et dévoile les failles de son personnage au fil de sa relation avec Théo. La scène sur l’herbe, utilisée pour illustrer l’affiche d’exploitation, est d’ailleurs centrale sur le passé et la première relation d’Anne.

On n’est pas sérieux quand on a 17 ans écrivait Rimbaud, et pourtant Théo, que la situation semblait amuser dans un premier temps, prend une autre tournure quand les sentiments paraissent s’en mêler. La complexité et le tumulte de cet ado sont magistralement rendues par Samuel Kircher, frère de Paul Kircher (lui aussi révélé par Le Lycéen de Christophe Honoré puis Le Règne animal de Thomas Cailley), fils de la magnifique Irène Jacob (La Double vie de Véronique) et Jérôme Kircher (Les Envoûtés). D’un naturel confondant, spontané, ultra-charismatique, d’une sensibilité à fleur de peau, il crève ici l’écran et les paris sont d’ores et déjà ouverts pour savoir lequel des deux frères pourrait obtenir le César de la Meilleure révélation masculine, étant tous les deux en compétition, même si cela sera sans doute plus difficile qu’on le pense puisque l’éblouissant Raphaël Quenard est également de la partie pour Chien de la casse de Jean-Baptiste Durand, qui a de grandes chances de remporter la précieuse compression.

Dans L’Été dernier, les interprètes sont sublimés par une photographie forcément solaire signée Jeanne Lapoirie (Benedetta, Les Roseaux sauvages, Dans la forêt) et les nombreux gros plans de Catherine Breillat, qui n’hésite pas à étirer le temps, y compris sur une extase après l’orgasme, qui renvoie à celle du Caravage pour Marie-Madeleine. Un temps suspendu. La cinéaste capte les regards, qui reflètent les véritables pensées des personnages, celui d’Anne étant alors en contradiction permanente avec les propos qu’elle peut tenir quand elle se retrouve face à son mari qui demande des explications quant aux révélations de Théo. Si le film se clôt sur un fondu au noir, le dernier rayon de lumière visible reste celui dirigé sur l’alliance, qui en dépit de toute cette histoire, symbolise l’union d’Anne et Pierre, qui continueront sans doute de s’aimer, pour le meilleur, leurs filles, et pour le pire, alors qu’il n’y a plus aucun doute possible et que la souffrance sera inévitable pour tous.

LE DVD

Pyramide Vidéo se charge de la sortie dans les bacs de L’Été dernier, le film de Catherine Breillat étant désormais disponible en DVD et en Blu-ray. La jaquette reprend le visuel de l’affiche d’exploitation. Le menu principal est animé et musical.

Point de commentaire audio de la réalisatrice, en revanche, Léa Drucker a pris le micro pour parler de six séquences tirées du film. Un peu plus de vingt minutes au total, un cinquième du long-métrage pour résumer, mais nous n’allons pas bouder notre plaisir, surtout que les propos tenus ici sont forcément très intéressants et ce bonus mérite qu’on s’y attarde. La comédienne y parle posément du travail avec Catherine Breillat et son partenaire, de sa préparation, indique avoir mis beaucoup de choses personnelles dans son personnage, évoque la psychologie d’Anne, le travail au montage, ainsi que les partis-pris de la cinéaste de sa chef opératrice Jeanne Lapoirie.

Nous trouvons ensuite les essais filmés de Samuel Kircher (3’10) et de Romane Violeau (11’30). Catherine Breillat elle-même dirige les jeunes acteurs et leur donne des indications. Si le premier est d’un naturel confondant, la seconde, visiblement plus réservée et très à fleur de peau, est encouragée par la réalisatrice, qui sait qu’elle vient de découvrir une perle (« ce sera probablement toi qui va me plaire le plus »), puis la guide pas à pas vers ce qu’elle souhaite, l’aide à se concentrer et à se laisser aller à pleurer sans « jouer ».

Aux côtés d’un lot de bandes-annonces, l’éditeur joint « La leçon de cinéma de Catherine Breillat » (16’), enregistrée en 2001 à l’occasion du Festival international des films de femmes, basé à Créteil. L’occasion pour la réalisatrice de revenir sur son amour pour le cinéma et la littérature (elle voulait être écrivain et cinéaste), se souvient de sa découverte des livres, de son accès illimité au langage, des ouvrages de Sade, puis de ses premiers grands chocs cinématographiques (Les Forains d’Ingmar Bergman et Viridiana de Luis Buñuel.

L’Image et le son

Pyramide Vidéo prend soin du film de Catherine breillat et livre un service après-vente tout ce qu’il y a de plus solide. Les partis-pris esthétiques de la chef opératrice Jeanne Lapoirie (L’île rouge, 120 Battements par minute, Un amour impossible) sont respectés et la colorimétrie habilement restituée. La clarté est de mise, tout comme des contrastes fermes, un joli piqué et des détails appréciables. Notons de sensibles pertes de la définition, qui n’altèrent cependant en rien le visionnage. Un master SD élégant.

L’éditeur joint une piste Dolby Digital 5.1 qui instaure une spatialisation délicate, mais anecdotique. Les ambiances naturelles et les effets annexes sont plutôt rares et la scène acoustique reste essentiellement frontale. De ce point de vue il n’y a rien à redire, les enceintes avant assurent tout du long, les dialogues étant quant à eux exsudés avec force par la centrale. La Stéréo n’a souvent rien à envier à la DD 5.1. Les sous-titres français destinés au public sourd et malentendant sont également de la partie, ainsi qu’une piste en Audiodescription.

Crédits images : © Pyramide Distribution / Alamode Film / Captures DVD : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

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