BOLÉRO réalisé par Anne Fontaine, disponible en DVD le 10 juillet 2024 chez M6 Vidéo.
Acteurs : Raphaël Personnaz, Doria Tillier, Jeanne Balibar, Emmanuelle Devos, Vincent Perez, Anne Alvaro, Sophie Guillemin, Alexandre Tharaud, Serge Riaboukine…
Scénario : Anne Fontaine & Claire Barré, d’après le livre de Marcel Marnat
Photographie : Christophe Beaucarne
Musique : Bruno Coulais
Durée : 1h56
Date de sortie initiale : 2024
LE FILM
Paris, les années folles. Les oreilles de Maurice Ravel bourdonnent quand Ida, chorégraphe sensuelle et audacieuse, lui commande la musique de son prochain ballet. Tétanisé, Ravel ne sait plus où chercher l’inspiration. C’est en puisant dans ses souvenirs et en s’inspirant des femmes de sa vie que le compositeur créera sa plus grande œuvre : Le Boléro.
« Il ne s’écoule jamais plus d’un quart d’heure sans qu’on entende le Boléro de Ravel quelque part dans le monde » indique un panneau en guise de conclusion du film d’Anne Fontaine. Mais près de deux heures avant cela, le générique d’ouverture montre déjà que l’oeuvre du compositeur n’a eu de cesse d’être empruntée, détournée, mixée, samplée ou tout simplement réinterprétée depuis sa création (et son triomphe) en 1928. Boléro, titre simple, concis, entier, est le dix-neuvième long-métrage réalisé par Anne Fontaine en un peu plus de trente ans, qui trois après sa fantaisie où elle imaginait le retour politique de François Hollande et de Nicolas Sarkozy, unis contre l’imminence au pouvoir de Marine Le Pen dans Présidents, livre un faux biopic, non pas sur la figure même de Maurice Ravel, mais sur celle de la création de son œuvre la plus célèbre au monde, le Boléro. Le film démarre d’ailleurs en 1903, alors que le jeune musicien est âgé de 28 ans, jusqu’à son décès en 1937. Mais le Boléro est et demeure le pivot central du récit, comme il l’a finalement été dans la vie de Maurice Ravel. Anne Fontaine observe son personnage principal avec admiration et aussi beaucoup de questionnements, comme si elle savait elle-même qu’en dépit des moyens présentés par le cinéma, elle ne pourrait pas mettre à jour la face cachée du compositeur, sonder son âme perturbée, décoder ses secrets, dévoiler son processus créatif. La force de Boléro provient de Raphaël Personnaz, indéniablement dans un de ses meilleurs rôles et qui livre sans doute sa plus grande prestation à ce jour. Tout en intériorité, le comédien rend compte du bouillonnement qui s’emparait au quotidien de Maurice Ravel, qui ne vivait que pour la musique, au point qu’il n’arrivait pas à s’exprimer autrement, sans jamais être satisfait de ce qu’il entreprenait, malédiction des artistes. Boléro est un sommet dans la carrière de la cinéaste et de sa tête d’affiche.
En 1928, alors que Paris vit au rythme des Années folles, la danseuse Ida Rubinstein commande à Maurice Ravel la musique de son prochain ballet. Tétanisé et en panne d’inspiration, le compositeur feuillette les pages de sa vie – les échecs de ses débuts, la fracture de la Grande Guerre, l’amour impossible qu’il éprouve pour sa muse Misia Sert… Ravel va alors plonger au plus profond de lui-même pour créer son œuvre universelle, le Boléro.
Il en a fait du chemin le sieur Ravel depuis ses échecs successifs pour obtenir le Prix de Rome ! Mais cela ne l’a jamais empêché d’avancer malgré tout, de faire une tournée aux États-Unis, où il découvre entre autres le jazz. Jusqu’au jour où il est sollicité par Ida Rubinstein (immense Jeanne Balibar), danseuse et mécène russe, icône de la Belle Époque, qui souhaite qu’il lui compose une musique pour son prochain ballet. Ravel accepte mais peine à trouver l’inspiration. Parallèlement, Anne Fontaine use (mais pas trop) de flashbacks, nous dévoilant quelques épisodes de la vie de Ravel durant la première guerre mondiale, ainsi que l’une des plus grandes rencontres de sa vie en la personne de Misia Sert (Doria Tillier, déjà présente dans Présidents et qui n’en finit plus d’étonner), mécène, égérie et pianiste, Reine de Paris qui bien que mariée enchaînait les relations et dont Ravel était lui-même épris. La réalisatrice ne met pas de côté les échecs de son antihéros, qui continue envers et contre tout(s) d’essayer de coucher sur sa partition, cet air musical qui créera selon-lui « un état d’hypnose en crescendo ». En faisant fi des critiques de Pierre Lalo (incarné par le grand pianiste Alexandre Tharaud, parfaitement suintant), qui disait de lui qu’il était « un bon technicien, mais incapable de produire la moindre émotion », Ravel avance, tête baissée, écrit cette musique qu’il n’arrive pas à s’ôter de la tête, qui l’épuise, le poursuit, l’obsède et le possède. Si les ennuis de santé commencent à multiplier, le compositeur verra son Boléro devenir un succès planétaire, même s’il trouvera son travail « vide de musique ».
Anne Fontaine ne fait pas dans le mélo et pourtant Boléro est déchirant à plusieurs reprises, dans la dernière partie notamment, quand Raphaël Personnaz (lui-même pianiste à ses heures et donc parfaitement convaincant quand ses mains sont filmées sur le clavier) paraît rapetisser à vue d’oeil, comme si Ravel fondait dans son costume à mesure que sa notoriété devient international et le dépassait, pendant que la maladie grignote le personnage. Ravel, peu loquace, concentré sur la musique qui tournait chaque seconde dans sa tête, au point de le rendre insomniaque, était peut-être un inadapté, condition merveilleusement rendue par un acteur qui mérite alors tous les éloges.
Formidablement mis en scène, magnifiquement photographié (Christophe Beaucarne à l’oeuvre pour la quatrième fois chez Anne Fontaine), Boléro est incontestablement un des plus beaux films de 2024.
LE DVD
Depuis Coco avant Chanel (2009), tous les films d’Anne Fontaine étaient jusqu’à présent sortis à la fois en DVD et en Blu-ray, chez Warner Bros., Pathé, Gaumont, TF1 Studio, Studiocanal et Universal. Malgré son score honorable dans les salles (un peu plus de 400.000 entrées), Boléro ne dispose pas d’édition HD chez M6 Vidéo…Et c’est vraiment dommage. Le menu principal est fixe et musical.
Une sortie « technique » qui se définit également par l’absence totale de suppléments !
L’Image et le son
Les contrastes sont riches, la luminosité omniprésente et le relief probant. La clarté est de mise, la colorimétrie vive, le piqué joliment aiguisé (surtout sur les scènes en extérieur) et la photo élégante du chef opérateur Christophe Beaucarne (Illusions perdues, Django) aurait vraiment mérité un Blu-ray en guise d’écrin.
Le mixage Dolby Digital 5.1 convient parfaitement à un film ambitieux comme Boléro en spatialisant tout d’abord la musique (forcément très présente) et en plongeant généreusement les spectateurs dans l’ambiance des quelques représentations. Les effets latéraux sont probants, les ambiances naturelles éloquentes sur les séquences en extérieur, les basses sont utilisées à bon escient. Si les dialogues auraient également mérité d’être plus ardents sur la centrale, le confort acoustique est indéniable, la balance frontale saisissante. Pour finir, nous disposons d’une piste Audiodescription, d’une Stéréo, ainsi que des sous-titres français destinés au public sourd et malentendant.