Test DVD / 5 est le numéro parfait, réalisé par Igort

5 EST LE NUMÉRO PARFAIT (5 è il numero perfetto) réalisé par Igort, disponible en DVD et Blu-ray le 17 juin 2020 chez M6 Vidéo.

Acteurs : Toni Servillo, Valeria Golino, Carlo Buccirosso, Iaia Forte, Giovanni Ludeno, Lorenzo Lancellotti, Vincenzo Nemolato, Manuela Lamanna…

Scénario : Igort d’après son roman graphique

Photographie : Nicolai Brüel

Durée : 1h43

Date de sortie initiale : 2019

LE FILM

Peppino Lo Cicero, ex-tueur à gages de la Camorra est fier de son fils qui gravit les échelons du crime organisé. Mais quand celui-ci est froidement tué dans un guet-apens, il reprend du service accompagné de son ami Toto le boucher. Leur quête de vérité va déclencher une spirale de vengeances et de trahisons dans les clans mafieux du Naples des années 70.

Le projet d’adaptation cinématographique du roman graphique 5 est le numéro parfait – 5 è il numero perfetto, de l’auteur de bande dessinée italien Igort, de son vrai nom Igor Tuveri, remonte à plus de quinze ans. Sortie en 2002 chez Casterman, cette œuvre publiée dans 20 pays, traduite dans 15 langues et récompensée par de nombreux prix internationaux, a immédiatement conquis le public et la critique. Plusieurs producteurs venus du monde entier ont alors tenté d’en acquérir les droits, tandis que les cinéastes se bousculaient pour transposer cet univers sur le grand écran. Finalement, Igort décide de franchir le pas pour adapter lui-même son propre univers au cinéma. 5 est le numéro parfait sort des sentiers battus dans le cinéma italien, plus habitué aux comédies ou aux drames ou thrillers historiques. Si l’on pense forcément à Sin City (2005) de Frank Miller et Robert Rodriguez et à Dick Tracy (1990) de Warren Beatty, le film trouve son ton, reste évidemment modeste, mais Igort fait preuve d’un sens du cadre, bien plus que du rythme c’est vrai, et peut surtout compter sur l’intense interprétation du plus grand comédien de sa génération, l’immense Toni Servillo, qui porte le film sur ses épaules.

Dans 5 est le numéro parfait, tous les codes du film noir américain sont repris : Des costumes avec le galurin vissé sur la tête des personnages, la voix-off cynique et omniprésente qui commente chaque séquence, les cadres penchés, les ruelles détrempées plongées dans la pénombre, sans oublier les multiples trahisons et les règlements de comptes, dont certains gunfights renvoient au cinéma HK (Johnnie To avait un temps été envisagé à la coréalisation), procédé déjà utilisé par Alain Corneau dans son remake du Deuxième souffle. 5 est le numéro parfait est sur le papier un thriller dramatique italo-franco-belge, mais Igort signe un vrai film italien dans l’âme en se penchant sur la fin de carrière d’un ancien nettoyeur de la mafia au début des années 1970. Le monde change, Peppino Lo Cicero ne possède plus les codes pour y vivre et préfère laisser son fiston tiré à quatre épingles prendre le relais. Jusqu’au jour où ce dernier se fait flinguer. La guerre est alors ouverte et Peppino reprend la pétoire pour exterminer les responsables, même si ces derniers semblent être ses ex-employeurs.

Igort s’en sort pas trop mal derrière la caméra, même s’il se contente la plupart du temps de reproduire ses planches de BD avec des acteurs live. L’auteur de bande dessinée, illustrateur, essayiste et musicien, mais aussi journaliste publié dans Il Corriere della Sera et Repubblica, dont les œuvres sont publiées dans plus d’une vingtaine de pays, y compris en France et aux Etats-Unis, ajoute une nouvelle corde à son arc. Ce qui vaut largement le déplacement ici, en plus du soin apporté aux couleurs stylisées signées Nicolai Brüel, chef opérateur du Dogman de Matteo Garrone, c’est le casting choisi pour incarner les personnages créés par Igort. Paumé dans une ville de Naples expressionniste, arborant une impressionnante prothèse nasale, Toni Servillo livre une fois de plus une prestation spectaculaire. Le comédien qui a été Giulio Andreotti (Il Divo, 2008) et Silvio Berlusconi (Silvio et les autres, 2018) chez Paolo Sorrentino, fait à nouveau preuve de son talent pour disparaître derrière son personnage. Son Peppino Lo Cicero rappelle parfois le Gorbaciof qu’il incarnait dans Un tigre parmi les singes (2010) de Stefano Incerti. Entre le film de genre et la commedia dell’arte, 5 est le numéro parfait est un écrin offert à un acteur virtuose, quasiment de tous les plans, que l’on admire durant 1h40 et que l’on suivrait partout. Cruel, violent, sombre et pourtant indéniablement attachant, Peppino Lo Cicero est un homme brisé, qui ne reconnaît plus la ville dans laquelle il est né et qu’il n’a d’ailleurs jamais quitté. Il n’a plus rien à perdre et fonce dans le tas, aidé pour cela de son pote de toujours Toto le boucher (Carlo Buccirosso, impeccable) et de la belle Rita (Valeria Golino, magnétique comme souvent) qui l’a toujours aimé.

Ce dernier tour de piste d’un ancien de la Camorra est une réussite, qui en dépit d’un rythme en dents de scie et d’un ventre mou à mi-parcours, détonne au sein d’une industrie cinématographique transalpine quasiment au point mort depuis plus de vingt ans et qui mérite vraiment un coup d’oeil.

LE DVD

5 est le numéro parfait bénéficie d’une sortie en DVD chez M6 Vidéo, mais aussi en Haute-Définition. Ce qui est plutôt inattendu malgré son petit score (moins de 10,000 entrées) dans les salles françaises. Nous n’avons pu recevoir que l’édition Standard. Le disque est disposé dans un boîtier Amaray classique transparent, dans lequel la jaquette, reprenant le visuel de l’affiche d’exploitation, est glissée. L’ensemble repose dans un fourreau cartonné. Le menu principal est animé et musical.

En ce qui concerne les suppléments, on remercie M6 Vidéo d’être allé à la rencontre d’Igort (26’) à l’occasion de la sortie de son film au cinéma. En français dans le texte, l’auteur du roman graphique et désormais réalisateur, revient sur ses références et la genèse de l’oeuvre originale (il évoque entre autres Georges Simenon, Sergio Leone, Michelangelo Antonioni, Federico Fellini), les personnages, l’interprétation de Toni Servillo (qui avait déjà conseillé à Igort de transposer lui-même son roman graphique à l’écran), l’environnement des protagonistes, les thèmes, l’adaptation à l’écran (ainsi que les nombreux projets avortés), les différences entre l’histoire originale et le film, le tournage des scènes d’action et à Naples, les partis pris esthétiques et le travail avec le directeur de la photographie Nicolai Brüel, ainsi que les scènes coupées. Une interview très complète et passionnante.

Le module suivant donne rapidement la parole à Igort, avant de laisser la place aux superviseurs et animateurs des effets spéciaux du film (6’). Déjà évoquées dans le segment précédent, les scènes coupées ou annulées devaient représenter les rêves de Peppino, ce qui nécessitait le recours à l’animation. Finalement, Igort pensait que ces séquences auraient détourné l’attention du spectateur et a préféré laisser tomber, même si l’équipe de Mad Entertainment avait déjà travaillé sur divers concepts. Heureusement, leur boulot demeure entre autres sur l’illustration des divers chapitres de 5 est le numéro parfait, directement repris du roman graphique.

Le making of proposé (9’) est en réalité un montage de séquences tirées du film, montrant les étapes successives entre le tournage et le résultat final, après l’intervention de l’équipe des effets visuels.

Une séquence coupée (2’35), montrant une discussion entre Peppino et Toto, clôt cette interactivité.

L’Image et le son

Force est de constater que cette édition Standard en met plein la vue. Certes, le résultat final ne rivalise pas avec un Blu-ray proprement dit, mais la définition est solide comme un roc, le piqué est affûté et permet d’apprécier les détails sur la trogne incroyable de Toni Servillo et de son nez postiche. Les contrastes sont élégants, la profondeur de champ éloquente, tandis que la palette chromatique, entièrement retravaillée en postproduction, est aussi riche que variée. Qui a dit que le DVD était mort ?

Les séquences d’action avec quelques gunfights réjouissants, profitent d’une spatialisation digne de ce nom en Dolby Digital 5.1, en italien comme en français. Evidemment, vous perdrez énormément du charme du film si votre choix s’est porté sur la langue de Molière, mais du point de vue « home cinema » vous en aurez pour votre argent. La piste italienne est un poil plus riche que son homologue, avec notamment une voix-off plus imposante. L’éditeur livre également deux Stéréo de fort bon acabit, même si la spatialisation manque indubitablement aux moments opportuns. Les sous-titres français ne sont pas imposés.

Crédits images : © M6 Vidéo / Propaganda Italia SRL et Jean Vigo Italia SRL 2019 – Rome / SND / Captures DVD : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

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