Test Blu-ray / Trois heures, l’heure du crime, réalisé par Phil Joanou

TROIS HEURES, L’HEURE DU CRIME (Three O’Clock High) réalisé par Phil Joanou, disponible en Combo Blu-ray + DVD le 9 juin 2021 chez Rimini Editions.

Acteurs : Casey Siemaszko, Annie Ryan, Richard Tyson, Stacey Glick, Jonathan Wise, Jeffrey Tambor, Philip Baker Hall, John P. Ryan, Mitch Pileggi…

Scénario : Richard Christian Matheson & Tom Szollosi

Photographie : Barry Sonnenfeld

Musique : Tangerine Dream

Durée : 1h26

Année de sortie : 1987

LE FILM

Un lycéen nerd, Jerry Mitchell, est contraint d’écrire une nouvelle pour le journal officiel de l’établissement à propos d’un nouveau venu, Buddy Revell, qui est réputé pour être un vrai barjo. Quand Jerry heurte accidentellement Buddy, ce dernier le met au défi de le retrouver à 3 heures du matin dans le parking du lycée pour régler leurs comptes. Jerry va devoir tout faire pour éviter la confrontation avec ce psychopathe.

Bien que méconnu, Phil Joanou (né en 1961) a pourtant à son actif l’exceptionnel Les Anges de la nuit – State of Grace, son second long-métrage. Dans les années 1990, il réalise deux petits classiques fortement recommandables, Sang chaud pour meurtre de sang-froid – Final Analysis, thriller porté par le trio Richard Gere, Kim Basinger et Uma Thurman, ainsi que Vengeance froide – Heaven’s Prisoners, d’après le roman de l’immense James Lee Burke, dans lequel Alec Baldwin incarne le mythique Dave Robicheaux. Mais avant cela, Phil Joanou, remarqué par Steven Spielberg, se voit confier les rênes de deux épisodes de la série Histoires fantastiques (chapeautée par le réalisateur des Dents de la mer), mais aussi et surtout de Trois heures, l’heure du crime – Three O’Clock High, dont le scénario écrit par Richard Christian Matheson et Tom Szollosi (L’Incroyable Hulk, Rick Hunter, K 2000, L’Agence tous risques), intitulé encore After School, circulait chez Universal. Alors que le teen-movie remplissait les salles de cinéma américaines avec les films de John Hughes, Seize bougies pour Sam – Sixteen Candles, The Breakfast Club, Une créature de rêve – Weird Science et La Folle Journée de Ferris Bueller – Ferris Bueller’s Day Off, Phil Joanou, qui avait tout d’abord décliné cette proposition, revient très rapidement sur sa décision, mais décide de reprendre l’histoire, qu’il juge justement trop proche de celles de l’auteur des premiers National Lampoon’s, afin de mieux se l’approprier et pour ainsi éviter d’y être trop comparé. Même si cela est comme qui dirait inévitable, Trois heures, l’heure du crime parvient à échapper à son « modèle » et trouve un ton singulier (qui rappellera à certains la série Parker Lewis ne perd jamais) puisque le récit flirte souvent avec la peur et le malaise. Après tout, pendant près d’une heure, un lycéen a la frousse de se faire massacrer par la tête brûlée du bahut, un autre élève certes, mais qui n’a cessé d’être renvoyé en raison de sa violence. On suit donc cette « folle journée de Jerry Mitchell », formidablement mise en scène et interprétée, avec un immense plaisir, d’autant plus que ce film complètement inconnu dans nos contrées, a très bien vieilli et permet de découvrir une partition inspirée de Tangerine Dream.

Jerry Mitchell, un adolescent, se réveille en retard à 7 h 30 alors qu’il est censé ouvrir à 7 h la « boutique étudiante » dont il est responsable à l’école. Sentant que ce n’est que le début d’une journée laborieuse, il fonce à l’école en voiture avec sa sœur Brei, prenant en chemin sa petite amie Franny. Une fois à l’école, tout le monde parle d’un nouvel élève nommé Buddy, réputé particulièrement difficile. Jerry l’aperçoit à la boutique, ainsi qu’une étudiante, Karen, qui ne le laisse pas indifférent. La recette de la semaine, 470 dollars, étant excellente, Jerry est félicité par son professeur, M. Rice. Il participe au journal de l’école avec son meilleur ami Vincent Costello qui en est le rédacteur en chef, qui décide de publier un article sur Buddy et charge Jerry de le rédiger. Peu après, Jerry croise Buddy dans les toilettes et l’agace involontairement en lui parlant de l’article qu’il doit écrire sur lui. Jerry commet l’irréparable : il ose toucher l’épaule de Buddy ! Ce dernier, en rogne, donne rendez-vous à Jerry à 15h, à la fin des cours, sur le parking de l’école, pour réparer cet affront. Alors qu’il ne lui reste que six heures pour éviter le combat, Jerry cherche toutes sortes de moyens d’échapper à sa destinée. Son ami Vincent tente d’abord de mettre Buddy hors d’état de nuire en cachant un couteau dans son casier avant de prévenir le proviseur. Jerry tente de quitter l’école mais il retrouve le couteau planté dans le volant de sa voiture puis est repéré par le vigile de l’école qui trouve le couteau et mène Jerry au bureau de discipline. Vincent propose ensuite à Jerry de demander l’aide de Craig Mattey, un solide sportif. Craig accepte, à condition d’être payé 350 dollars. Pressé d’en finir, Jerry vide le tiroir-caisse de la boutique…

Il semble que ça va être une sacrée journée…

Nanti d’un budget raisonnable de cinq millions de dollars, mais conscient qu’aucun de ses acteurs n’est connu, Phil Joanou est bien décidé à montrer ce qu’il a sous le coude en matière de mise en scène. Et de ce point de vue, le réalisateur de 26 ans se fait plaisir avec de très beaux et parfois complexes mouvements de caméra, parfois très largement inspirés par After Hours de Martin Scorsese, référence avouée aussi bien sur le fond que sur la forme, ce qui donne à Trois heures, l’heure du crime son originalité et qui lui a permis de ne pas prendre trop de rides presque 35 ans après sa sortie. Le film bénéficie surtout d’un casting très réussi avec en premier lieu Casey Siemaszko dans le rôle de Jerry Mitchell. Les cinéphiles/phages les plus acharnés auront déjà remarqué ce comédien dans Retour vers le futur -Back to the Future de Robert Zemeckis (ainsi que le second) dans lequel il tenait le rôle de 3-D, l’un des potes de Biff Tannen, dans Stand by me – Compte sur moi de Rob Reiner (il y jouait le frère de Jerry O’Connell), ou bien encore dans le superbe Jardins de pierre – Gardens of Stone de Francis Ford Coppola. S’il est indéniablement trop âgé pour le rôle (il a 25 ans au moment des prises de vue), Casey Siemaszko est impeccable et porte admirablement le film sur ses épaules, créant d’emblée une véritable empathie. A travers Jerry Mitchell, chaque spectateur peut se souvenir de s’être retrouvé à un moment ou un autre dans une situation embarrassante, face à un élève perturbateur qui lui faisait perdre ses moyens. Phil Joanou joue du charisme, non pas effacé, mais passe-partout de son jeune comédien, ne le quitte quasiment pas une seconde pendant 1h25 et fait ressentir alors son désarroi, sa détresse et son angoisse qui croissent tandis que l’heure fatidique approche.

A ce titre, la réalisation de Phil Joanou couplée à la photographie de Barry Sonnenfeld (la même année qu’Arizona Junior) instaure un vrai climat oppressant, mais heureusement toujours marqué par un humour noir, ironique et cynique, ce qui a pu décontenancer les spectateurs qui s’attendaient à un film léger voire insouciant, et ce qui pourrait expliquer l’échec total de Three O’Clock High. Autre acteur marquant du film, Richard Tyson, chaînon manquant entre Val Kilmer et Channing Tatum, dont la tête fait penser à celle de la marionnette de Christophe Lambert aux Guignols de l’info. Le futur Crisp d’Un flic à la maternelle et Robert the Fox (rires) de Battlefield Earth – Terre champ de bataille (re-rires), qui faisait ici sa première apparition au cinéma, est impeccable et bien flippant dans la peau du très redouté Buddy Revell.

Venu du clip vidéo, proche du groupe U2, pour lesquels il réalisera les clips de Bad (album The Unforgettable Fire) et One Tree Hill (album The Joshua Tree), ainsi que le film documentaire Rattle and Hum, qui suit la tournée triomphale de U2 durant le Joshua Tree Tour aux Etats-Unis, Phil Joanou n’a eu de cesse tout au long de sa carrière cinématographique de jouer avec la caméra, pensée autant comme un prolongement de l’écriture du scénario, que comme un reflet de la psyché de ses personnages. Dans trois heures, l’heure du crime, l’image est souvent virevoltante et la mise en scène se branche sur les sentiments du personnage principal. Si le film ne rencontrera pas son public, Three O’Clock High tape finalement dans l’oeil des pontes d’Orion Pictures, qui souhaitent alors confier à Phil Joanou les manettes des Anges de la nuit, vaguement inspiré par l’histoire d’un gang mafieux irlandais à New York. Ce sera son chef d’oeuvre.

LE COMBO BLU-RAY + DVD

Rien à voir avec L’Heure du crime (1947) de Robert Rossein ou bien encore L’Heure du crime (2009) de Giuseppe Capotondi, Trois heures, l’heure du crime n’avait JAMAIS connu d’édition en DVD en France. Il aura fallu patienter jusqu’en 2021 pour voir débarquer le film de Phil Joanou chez nous et ce grâce, une fois de plus, à Rimini Editions. Nous voici devant un superbe combo Blu-ray + DVD, qui reprend le plus célèbre visuel d’exploitation de Three O’Clock High. Les deux disques sont solidement harnachés dans un Digipack à deux volets, glissé dans un fourreau cartonné. Le menu principal est animé et musical.

Nous nous en étions déjà rendu compte sur l’édition Blu-ray des Anges de la nuit (également disponible chez Rimini Editions), Phil Joanou est toujours très heureux de parler de ses films et surtout de voir que ceux-ci connaissent un véritable regain d’intérêt et de popularité. Durant un peu plus d’une demi-heure (contrairement aux 13 minutes indiquées sur le Digipack), le réalisateur explique tout d’abord que le film Les Dents de la mer de Steven Spielberg lui a donné envie de faire du cinéma. Quand son travail en tant qu’étudiant est remarqué par le metteur en scène des Aventuriers de l’arche perdue et que celui-ci souhaite lui proposer de réaliser deux épisodes de la série Histoires fantastiques, Phil Joanou avoue qu’il pensait alors à un canular de ses camarades. Jusqu’à son rendez-vous chez Amblin, qui a changé sa vie. Une bien belle histoire que le réalisateur nous raconte avec son énergie habituelle, avant d’aborder la mise en route, le casting, le tournage et la sortie de Trois heures, l’heure du crime. Phil Joanou aborde l’influence d’After Hours sur son film, la rencontre avec le groupe Tangerine Dream (dont le premier travail rendu lui paraissait trop sombre, grave et même effrayant), la première projection réalisée devant Brian De Palma, Robert Zemeckis et Steven Spielberg, la sortie confidentielle dans les salles, peu aidée par une publicité quasi-inexistante (le film étant jugé peu commercial par Universal) et très largement ignorée par la critique. Enfin, Phil Joanou explique que Trois heures, l’heure du crime a commencé à (re)vivre dix ans après sa sortie, au point que le film est devenu depuis un petit classique aux Etats-Unis.

Place ensuite à la costumière Jane Ruhm (13’), qui raconte à son tour son expérience sur Trois heures, l’heure du crime, en évoquant tour à tour ses débuts dans le monde du cinéma (sur le cultissime La course à la mort de l’an 2000 de Paul Bartel), sa rencontre avec Phil Joanou sur la série Histoires fantastiques, sa contribution à la création des personnages de Three O’Clock High, le tout agrémenté d’anecdotes de tournage diverses et variées.

Le dernier module de cette interactivité est une interview des scénaristes Richard Christian Matheson et Tom Szollosi (17’). Les deux amis et collaborateurs de longue date se souviennent de leurs premières histoires concoctées pour la télévision pour les séries L’Incroyable Hulk et L’Agence tous risques, avant d’en venir plus précisément à l’origine de Trois heures, l’heure du crime, sur la venue de Phil Joanou sur le projet, sur les références à After Hours (beaucoup plus qu’au cinéma de John Hughes) et sur le travail de Barry Sonnenfeld à la photographie.

La bande-annonce originale (non sous-titrées) est également disponible.

L’Image et le son

En France, Trois heures, l’heure du crime ne possède pas le même statut qu’aux Etats-Unis, où le film est disponible en Blu-ray chez Shout Factory depuis 217. C’est donc la même copie qui arrive dans nos contrées, autrement dit un master très propre, même s’il reste quelques pétouilles (surtout durant la première partie) qui renvoient à une restauration visiblement datée. La HD est flagrante, surtout sur la luminosité et l’éclat des couleurs, bien que la définition puisse étonnamment varier sur un champ-contrechamp. Le grain est plutôt bien géré, le piqué agréable, les détails appréciables et la profondeur de champ indéniable.

Les versions originale et française bénéficient d’une piste DTS-HD Master Audio Stéréo 2.0 exemplaire et limpide, restituant les dialogues avec minutie, ainsi que la belle partition de Tangerine Dream qui jouit d’un coffre inédit. Les effets sont solides, le confort acoustique largement assuré. Le mixage français est certes moins riche mais le doublage est brillant avec notamment la voix reconnaissable de Bernard Gabay (la voix française régulière de Robert Downey Jr., Andy García, Antonio Banderas, Viggo Mortensen et Ralph Fiennes) pour Richard Tyson.

Crédits images : © Rimini Editions / Universal Pictures / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

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