TRAIN D’ENFER réalisé par Gilles Grangier, disponible en édition Digibook – Blu-ray + DVD + Livret le 10 septembre 2021 chez Coin de Mire Cinéma.
Acteurs : Jean Marais, Marisa Mell, Howard Vernon, Gérard Tichy, Antonio Casas, Rico Lopez, José Manuel Martin, Carlos Casaravilla, Alvaro de Luna, Jean Lara, André Cagnard, Gamil Rabib, Léon Zitrone…
Scénario : Jacques Robert & Gilles Grangier, d’après le roman de René Cambon
Photographie : Antonio Maccasoli
Musique : André Hossein
Durée : 1h28
Date de sortie initiale : 1965
LE FILM
Agent des services secrets français, Antoine Donadieu infiltre un groupe terroriste, basé sur la Côte d’Azur et dirigé par Matras, qui prépare un attentat contre l’Émir Ali Salem. En compagnie de Frieda, il se rend à Barcelone où il doit aller chercher « le professeur », l’homme chargé de la mise au point technique de l’attentat.
Depuis l’avènement de James Bond au cinéma en 1962, les spectateurs se sont pris de passion pour les histoires d’espionnage et les producteurs l’ont bien compris. Suite au triomphe de James Bond 007 contre Dr. No, Bons baisers de Russie et de Goldfinger, la mode de l’Euro Spy est lancée. De l’autre côté des Alpes, moult fleurons du genre vont voir le jour, à l’instar de Suspense au Caire pour A008 – A 008, operazione Sterminio (1965), Super 7 appelle le Sphinx – Superseven chiama Cairo (1965) et Des fleurs pour un espion –Le Spie amano i fiori d’Umberto Lenzi, Opération Goldman – Operazione Goldman (1966) d’Antonio Margueriti et bien d’autres. Mais on oublie souvent que la France a elle aussi été une digne représentante en ersatz de l’agent 007, avec notamment la série des OSS 117, d’après l’oeuvre de Jean Bruce. C’est Jean Marais qui donne l’idée au réalisateur André Hunebelle, avec qui il avait tourné Le Bossu (1959), Le Capitan (1960), Le Miracle des loups (1961) et Les Mystères de Paris, de transposer cette série de livres et de surfer sur le succès des Bond, en espérant bien sûr obtenir le rôle principal. Seulement voilà, cela ne se passe pas comme le comédien l’espérait. Si André Hunebelle obtient les droits pour transposer les aventures de l’agent OSS 117 sur le grand écran, celui-ci engage l’américain Kerwin Mathews (On ne joue pas avec le crime – 5 Against the House de Phil Karlson, rôle-titre du Septième Voyage de Sinbad – The 7th Voyage of Sinbad de Nathan Juran) pour interpréter Hubert Bonisseur de La Bath. Jean Marais n’oubliera jamais cette « trahison », ce qui ne l’empêchera pas de retravailler avec le réalisateur sur la trilogie Fantômas et surtout de trouver d’autres agents secrets ou aventuriers à incarner. Ce sera le cas dans Pleins feux sur Stanislas (1965) de Jean-Charles Dudrumet, Le Gentleman de Cocody (1965) et Le Saint prend l’affût (1966) de Christian-Jaque. Même chose dans le méconnu Train d’enfer (1965), d’après un roman de René Cambon, mis en scène par le prolifique Gilles Grangier (1911-1996), qui avait déjà dirigé l’acteur en 1952 dans L’Amour, Madame. Dans ce film, Jean Marais peut laisser libre-cours à sa fantaisie, en enchaînant les exploits physiques, les bagarres, les poursuites, tout en séduisant les femmes qu’il rencontre dans sa mission. Forcément vintage, Train d’enfer ne révolutionne pas le genre, mais s’avère un divertissement décontracté, amusant, kitsch et rythmé, où Jean Marais se fait visiblement plaisir et où son énergie est sans cesse contagieuse.
À la suite de la découverte d’un noyé suspect retrouvé dans un port de la Côte d’Azur, Antoine Donadieu, agent du service secret français, mène une enquête qui l’entraîne jusqu’à la villa « Hollywood » qui abrite des terroristes. Ceux-ci fomentent un attentat contre l’Émir Ali Salim, chef d’état arabe, qui doit prochainement arriver sur la Côte d’Azur. Antoine réussit, en se faisant passer pour un agent double, à s’infiltrer dans la bande pour déjouer leurs plans complotistes. Le chef de l’organisation, Matras, charge Antoine d’aller chercher à Barcelone « le Professeur », un authentique savant dont le concours est indispensable à l’exécution de l’attentat. Ce dernier, en fait ancien nazi, est l’inventeur d’un rayon atomique capable de provoquer la destruction d’une cible. Antoine part pour Barcelone accompagné d’une merveilleuse créature, Frieda ex-maîtresse de Matras, qui est chargée de le surveiller discrètement. Mais au cours du voyage, Antoine séduit Frieda. À Barcelone, le couple est assailli par un groupe de tueurs. Après un combat homérique, Antoine se débarrasse de ses agresseurs, et réussit sa mission de ramener « le Professeur ». Mais ce n’est pas terminé…
Le ton est donné dès les premières images. Sur une musique glamour signée André Hossein (Point de chute et Le Goût de la violence de Robert Hossein), Jean Marais, athlétique (bien qu’il se vantait de ne jamais faire de sport, ce qui l’ennuyait terriblement), la cinquantaine fringante, fait du ski nautique avec une facilité déconcertante. Puis, parallèlement, un corps est repêché, lesté d’un haltère attaché autour du cou. Notre héros va alors croiser la route, le sillage plutôt, d’un bateau qui a l’air de prendre le large un peu trop rapidement à son goût. Forcément, son instinct lui dit que le pilote peut être lié à ce meurtre. Et le voilà lancé sur une piste qui le mènera jusqu’en Catalogne. Honnêtement, on se fiche un peu de cette histoire de conjurés qui ont préparé un attentat contre un Émir, mais l’on suit sans déplaisir les aventures de cet agent des Services de Renseignements Français, qui saura user de son charme et de ses poings pour aller au bout de sa mission.
On pense à James Bond tout du long avec ces décors paradisiaques, des belles poupées chichement habillées (Marisa Mell, vue dans Danger : Diabolik ! de Mario Bava, Le Tueur à l’orchidée – Sette orchidee macchiate di rosso d’Umberto Lenzi), cet agent ultra-efficace capable de devancer ses ennemis et de découvrir leurs projets avec très peu d’indices. Cela le mènera à une espèce de savant-fou (Howard Vernon dans une de ses compositions habituelles) qui a mis au point un canon atomique, dont le laser serait capable de pulvériser le train emprunté par l’Émir. Mais ce que l’on retient essentiellement de Train d’enfer après coup, c’est bel et bien l’investissement de Jean Marais dans les nombreuses scènes d’action, notamment les bastons toutes réglées par l’immense Claude Carliez. C’est le cas de celle se déroulant dans une cuisine et qui se poursuit dans la cour d’une villa, durant laquelle les deux adversaires prennent tout ce qui leur passe par la main pour l’envoyer sur l’autre. On se souviendra aussi du comédien, qui réalise lui-même ses cascades, immobilisé sur des rails, tandis qu’un train lui passe dessus. Arrêtez avec vos allusions. Train d’enfer est un spectacle fort sympathique, anecdotique certes, mais devant lequel on passe encore un bon moment plus de cinquante ans après.
LE MEDIABOOK
Après Chiens perdus sans collier, Gas-oil et Le Grand Chef, nous abordons aujourd’hui Train d’enfer, le quatrième titre de la vague 8 de Coin de Mire Cinéma, avant de nous pencher prochainement sur Le Rapace et Dernier domicile connu de José Giovanni. D’après nos recherches, le film de Gilles Grangier n’était jamais sorti en DVD. L’éditeur déroule donc le tapis rouge pour ce petit film d’aventures, qui intègre la collection La Séance, dans une Édition Digibook – Blu-ray + DVD + Livret ! Il s’agit du quatrième long-métrage du réalisateur disponible chez Coin de Mire Cinéma après Archimède le clochard (le premier titre de l’éditeur que nous avons chroniqué en octobre 2018), Maigret voit rouge et Gas-oil.
Comme pour tous les titres Coin de Mire Cinéma, L’édition de Train d’enfer prend la forme d’un Digibook (14,5cm x 19,5cm) suprêmement élégant. Le visuel est très recherché et indique à la fois le nom de l’éditeur, le titre du film en lettres d’or, le nom des acteurs principaux, celui du réalisateur, la restauration (HD ou 4K selon les titres), ainsi que l’intitulé de la collection. L’intérieur du Digibook est constitué de deux disques, le DVD et Blu-ray, glissés dans un emplacement inrayable. Une marque est indiquée afin que l’acheteur puisse y coller son numéro d’exemplaire disposé sur le flyer volant du combo, par ailleurs reproduit dans le livret. Deux pochettes solides contiennent des reproductions de dix photos d’exploitation d’époque (sur papier glacé) et de l’affiche du film au format A4. Le livret de 24 pages de cette édition contient également la bio-filmographie de Gilles Grangier avec le film qui nous intéresse mis en surbrillance afin de le distinguer des autres titres, et la reproduction en fac similé des matériels publicitaires et promotionnels, à l’instar de coupures de presse diverses, d’affiches d’exploitations européennes et japonaises, d’articles de presse. Le menu principal est fixe et musical.
Si vous décidez d’enclencher le film directement. L’éditeur propose de reconstituer une séance d’époque. Une fois cette option sélectionnée, les actualités Pathé du moment démarrent, suivies de la bande-annonce du film Le Jardinier d’Argenteuil, puis des publicités d’avant-programme, réunies grâce au travail de titan d’un autre grand collectionneur et organisateur de l’événement La Nuit des Publivores.
En cette 45e semaine de l’année 1965 (10’20), gros plan sur Plei Me, zone d’atterrissage liée à la bataille de Ia Drang, l’un des premiers affrontements majeurs entre l’armée américaine et l’Armée populaire vietnamienne durant la guerre du Viet Nam. Puis, petit détour par l’Angleterre, où à Londres les Beatles sont décorés de l’Ordre de l’Empire britannique par Elisabeth II devant des fans hystériques. Aux Victoires du cinéma français, Jean Marais signe un autographe à une admiratrice qui ne cesse de l’embrasser, tandis que Louis de Funès et Marie-José Nat sont récompensés. La fin de ce journal prend la direction du Sud des Etats-Unis où le combat continue pour l’égalité des droits civiques, ainsi que l’affrontement avec le KKK.
On se retrouve après les réclames ! (9’20). Et il y a de quoi faire avec les esquimaux Gervais (« Pour vous dans cette salle ! »), les Marshmallows (« Légers, doux, fondants ! »), le café Nescafé, le porto Cintra, les crackers Belin. Puis, après une petite interview de Catherine Deneuve (22 ans) qui s’exprime sur son amour pour le parfum, on passe sans transition à une pub pour l’insecticide Fly-Tox (avec de vrais cafards qui meurent à l’écran), une autre pour Perrier, une avant-dernière pour Paic (attention, effets spéciaux !), avant de terminer par les tests réalisés pour prouver la résistance de la dernière télé Philips.
L’interactivité se clôt sur un lot de bandes-annonces, dont celle de Train d’enfer, centrée essentiellement sur les exploits physiques de Jean Marais.
L’Image et le son
Magnifique. Une définition exemplaire, une stabilité jamais prise en défaut, y compris au niveau des fondus enchaînés, une sublime restauration 4K réalisée à partir du négatif image et d’un interpositif. Jamais nous n’avions vu le film dans de telles conditions techniques. Le cadre large offre un lot de détails confondant, le piqué est merveilleux, la clarté éblouissante, le relief omniprésent et les contrastes d’une densité exemplaire. Toutes les scories ont été éradiquées, le grain est superbe, la compression AVC exemplaire et la colorimétrie affiche une richesse et une saturation inédites. On excuse un plan un peu plus abîmé au début du film, ainsi qu’un léger halo bleu constaté à la fin de la première bagarre dans la villa et divers gros plans artificiels réalisés en postproduction qui occasionnent un grain beaucoup plus épais.
La piste DTS-HD Master Audio mono offre de fabuleuses conditions acoustiques malgré de sensibles saturations inhérentes à l’âge du film. La belle musique d’André Hossein dispose de belles envolées, aucun souffle intempestif n’est à signaler, les dialogues demeurent clairs et distincts. L’éditeur joint les sous-titres français destinés au public sourd et malentendant.
Une réflexion sur « Test Blu-ray / Train d’enfer, réalisé par Gilles Grangier »