TOPAZE réalisé par Marcel Pagnol, disponible le 1er octobre 2024 en Blu-ray, chez CMF (Compagnie Méditerranéenne de Films).
Acteurs : Fernandel, Jacqueline Pagnol, Helène Perdrière, Pierre Larquey, Milly Mathis, Marcel Vallée, Jacques Castelot, Yvette Etiévant, Jacques Morel…
Scénario : Marcel Pagnol, d’après sa pièce de théâtre
Photographie : Philippe Agostini
Musique : Raymond Legrand
Durée : 2h22
Date de sortie initiale : 1951
LE FILM
Instituteur à la pension Muche, Topaze, minable répétiteur incapable de tricher sur les notes de riches cancres, est licencié. Réduit au chômage, il donne des leçons particulières au neveu de Suzy Courtois, une demi-mondaine… Il va alors prendre conscience de la vanité de sa mission éducative et devenir une fripouille cynique…
Dans l’oeuvre et la carrière de Marcel Pagnol, Topaze tient une place prépondérante. C’est avec cette pièce de théâtre créée en 1927 à Berlin, puis l’année suivante au Théâtre des Variétés à Paris que l’auteur obtiendra la reconnaissance publique et critique, non seulement en France, mais aussi dans le monde entier. Pourtant, ce n’est pas lui qui l’adaptera au cinéma cinq ans plus tard, mais Louis Gasnier, avec Louis Jouvet dans le rôle-titre. Pour cela, Marcel Pagnol attendra 1936, après une mouture américaine avec John Barrymore et même une version égyptienne, en confiant le personnage principal à Alexandre Arnaudy. Le cinéaste y revient étrangement en 1951, en signant son propre remake, avec cette fois son épouse Jacqueline et Fernandel au casting. Rétrospectivement, Topaze demeure plus connu pour son premier acte, celui où on nous présente le quotidien du professeur, dont nous allons suivre l’étrange parcours. Car Topaze bifurque ensuite vers la comédie de mœurs dite financière, où Marcel Pagnol plonge le dénommé Albert Topaze dans une histoire de magouilles fondées sur le trafic d’influence, la corruption de fonctionnaires et la prévarication, ou plus communément le grave manquement d’un fonctionnaire, d’un homme d’État, aux devoirs de sa charge (abus d’autorité, détournement de fonds publics, concussion). C’est donc un Pagnol différent, plus engagé sans doute, qui étonne même dans le phrasé de ses interprètes, Fernandel jouant ici sans son légendaire accent. Topaze apparaît aujourd’hui comme un film trop long et lent, étouffant (aucune scène n’a été tourné en extérieur et cela se ressent) et reste marqué par de longues tirades sur les « affaires » qui ne nous intéressent guère. Cela étant, les comédiens (est-il utile de préciser qu’ils sont tous extraordinaires) y vont à fond, ont l’air de s’amuser beaucoup et resplendissent de charisme et de talent. Antépénultième long-métrage de Marcel Pagnol, si l’on considère que Manon des sources et Ugolin, sortis en 1952, comme un seul film, Topaze se voit encore comme une curiosité, mais ne possède pas l’aura des autres monuments du cinéaste.
Professeur de morale à la pension Muche, Topaze est aussi sincère et sérieux que naïf. Il est secrètement amoureux d’Ernestine, la fille du directeur de l’institution. Mais lorsque Topaze refuse de remonter les notes d’un élève de bonne famille qui ne le mérite pas, ce dernier le licencie sur-le-champ. Topaze est alors engagé par Régis de Castel-Vernac, un politicien véreux arrondissant ses fins de mois par le détournement de marchés publics. Entraîné malgré lui dans des affaires louches, Topaze se rend peu à peu compte que la vie est bien différente dans les affaires de celle qu’enseignaient ses cours de morale, et se fait l’élève de Castel-Vernac.
Fernandel tourne pour la sixième et dernière fois devant la caméra de Marcel Pagnol, après Angèle (1934), Regain (1937), Le Schpountz (1938), La Fille du puisatier (1940) et Naïs (1945). Leur relation s’envenime, au point que les deux hommes finissent par se brouiller après le tournage de Topaze, même si le comédien émettra le vœu vers la fin de sa vie de collaborer à nouveau avec le réalisateur. Dans Topaze, Fernandel, la même année que l’immense L’Auberge rouge de Claude Autant-Lara, que La Table-aux-crevés d’Henri Verneuil et qu’Adhémar ou le Jouet de la fatalité sur lequel il remplacera d’ailleurs Sacha Guitry à la mise en scène, trouve un autre personnage qui restera emblématique dans sa carrière. Calfeutrant son accent « chanetant », droit comme la justice (et la morale donc) derrière son bureau, notre Topaze tente de faire entrer dans la tête dure de ses jeunes élèves, que bien mal acquis ne profite jamais et que l’argent ne fait pas le bonheur. Pourtant, il suffit d’un rien pour que le même Topaze en question se retrouve à servir de prête-nom pour un conseilleur municipal pourri, qui profite de son mandat politique pour voter l’achat de n’importe quoi.
Seulement voilà, celui-ci était loin de se douter que Topaze, en tant que professeur, apprend vite… Régis de Castel-Vernac est incarné par le génial Jacques Morel (Au P’tit Zouave, Maigret et l’Affaire Saint-Fiacre, la voix d’Obélix dans les premiers longs-métrages d’animation), impérial en salopard de première, qui va se retrouver pris à son propre piège, en engageant Topaze, qu’il pensait contrôler du début à la fin, en misant sur la naïveté de ce bon bougre. Si Jacqueline Pagnol n’a pas grand-chose à défendre, elle marque cependant les esprits dans le premier acte, mais c’est surtout Hélène Perdrière (Si tous les gars du monde…, Le Mystère de la chambre jaune, Le Fantôme de la liberté) qui s’impose dans le rôle de Suzy Courtois, demi-mondaine liée aux affaires de Castel-Vernac et qui va lui mettre Topaze dans les pattes, pensant qu’il sera la parfaite marionnette. Marcel Vallée et Pierre Larquey, déjà présents dans la version de 1932, reprennent leurs rôles respectifs et s’avèrent tout aussi sublimes.
Si le propos reste évidemment d’actualité et le sera même éternellement (raison pour laquelle le film connaîtra pas mal de démêlés avec la censure), Topaze pâtit d’une surabondance de dialogues qui auraient mérité d’être élagués, ainsi que d’une durée trop excessive (plus de 2h20 tout de même) et d’une mise en scène beaucoup trop statique, pour réellement marquer les esprits des cinéphiles, qui lui accorderont tout de même un visionnage patient et attentif.
LE BLU-RAY
On termine ce cycle Marcel Pagnol en HD, avec la chronique consacrée à Topaze, qui sort donc en Blu-ray en même temps que Naïs et Le Schpountz chez CMF (Compagnie Méditerranéenne de Films). Comme les deux titres que nous avons abordés précédemment, le disque de Topaze est ancré dans un Slim Digipack élégamment illustré. Le menu principal est animé et musical.
Les bonus se résument à un comparatif avant/après la restauration et une galerie de photos d’exploitation et de tournage.
L’Image et le son
La promotion HD est plus explicite pour Topaze que pour Naïs et Le Schpountz, le film étant plus « tardif » et sorti en 1951. Le N&B est plus contrasté, la copie stable, le piqué plus acéré aussi sans doute. La propreté est éloquente, les raccords de montage (constatés sur les extraits de la copie non restaurée) ont été éradiqués, les effets de montage sont fluides, sans décrochages chromatiques. Pour information, la précédente édition en DVD de Topaze remontait à 2007. Un petit lifting n’était donc pas de trop et celui présenté par la CMF (Compagnie Méditerranéenne de Films) est tout à fait convaincant.
Également restaurée, la piste DTS-HD Master Audio Mono instaure un très bon confort acoustique avec des dialogues plutôt fluides et nets. Le souffle est limité et les ambiances annexes sont palpables. Signalons tout de même quelques légères résonances et sensibles saturations. L’éditeur joint également les sous-titres anglais et français destinés au public sourd et malentendant, pas de trace de la piste Audiodescription mentionnée sur le Digipack.
Crédits images : © CMF-MPC / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr