SEULS SONT LES INDOMPTÉS (Lonely Are the Brave) réalisé par David Miller, disponible en Édition Limitée Blu-ray + DVD le 26 juin 2020 chez Sidonis Calysta.
Acteurs : Kirk Douglas, Gena Rowlands, Walter Matthau, Michael Kane, Carroll O’Connor, George Kennedy, William Schallert, Karl Swenson…
Scénario : Dalton Trumbo d’après le roman d’Edward Abbey
Photographie : Philip H. Lathrop
Musique : Jerry Goldsmith
Durée : 1h47
Date de sortie initiale : 1962
LE FILM
Au Nouveau-Mexique, Jack Burns, authentique cowboy perdu dans notre monde moderne, retourne volontairement en prison pour aider son ami Paul à s’échapper. Mais comme celui-ci a décidé de purger sa peine jusqu’au bout, Jack s’évade tout seul mais est poursuivi par le shérif Johnson…
Kirk Douglas n’a eu de cesse de le répéter tout au long de sa prestigieuse carrière et de sa très longue vie, Seuls sont les indomptés – Lonely Are the Brave est toujours resté son film préféré. Le comédien, également producteur, tourne ce faux western et vrai drame existentiel entre El Perdido de Robert Aldrich et Quinze jours ailleurs de Vincente Minnelli, adapté du roman d’Edward Abbey, The Brave Cowboy. Une transposition signée Dalton Trumbo, dont le vrai nom était réapparu au générique d’un film depuis Exodus d’Otto Preminger, après avoir été inscrit sur la liste noire d’Hollywood. Autant dire que Seuls sont les indomptés bénéficie de sérieux atouts, même si le réalisateur David Miller (1909-1992) demeure méconnu. Certaines rumeurs affirment que Kirk Douglas aurait mis en scène une bonne partie du film, mais cela a été démenti depuis. Le cinéaste, auteur de plusieurs pépites comme La Pêche au trésor (1949) avec les Marx Brothers, Le Masque arraché (1952) avec Joan Crawford et Jack Palance et Complot à Dallas (1973) avec Burt Lancaster (encore écrit par Dalton Trumbo) a certes été remplacé quelques jours pour lui permettre de se rendre aux côtés de son père mourant, mais c’est à lui que l’on doit une grande partie de la réussite de The Lonely Brave, chef d’oeuvre crépusculaire et désenchanté, quasi-inclassable, d’une richesse inouïe et merveilleusement interprété.
L’histoire se déroule durant les années 1960 au Nouveau-Mexique où, après une longue absence, « Jack », John W. Burns, est de retour pour revoir Jerri, l’épouse de son ami Paul Bondi dont il a appris l’incarcération. Jack, qui se déplace toujours à cheval, signe de son insoumission aux diktats du monde moderne, vit de petits boulots comme vacher. Chez les Bondi, tout ne va pas pour le mieux, car son ami Paul est effectivement emprisonné pour avoir aidé des immigrés clandestins mexicains à s’installer aux États-Unis et Jerri est très inquiète. Elle aspire à une vie tranquille et voudrait que son mari cesse de vivre perpétuellement en conflit avec la société, à l’instar de Jack. Jerri et ce dernier se sont aimés autrefois avant qu’elle n’épouse Paul et une grande affection subsiste entre eux, bien que Jerri désapprouve son irréductible marginalité. À l’issue d’une bagarre dans un bar, Jack en profite pour provoquer son arrestation afin de retrouver Paul en prison et s’évader ensemble. Mais Paul souhaite purger sa peine pour pouvoir enfin vivre en toute légalité avec sa famille après sa libération. Jack réussit à s’échapper de la prison en compagnie de deux Mexicains et va se réfugier, seul avec sa jument indomptée comme lui, dans les montagnes chères à son cœur afin de rejoindre le Mexique. Le shérif Johnson reçoit l’ordre de l’arrêter. Bien qu’éprouvant, dans le fond, de la sympathie pour ce fier et sauvage cow-boy, il est bientôt sur ses traces avec toute une équipe de policiers et un hélicoptère.
Kirk Douglas, Gena Rowlands, Walter Matthau, George Kennedy…quelle affiche ! Si la star s’est souvent octroyé le mérite de quelques-uns de ses plus grands films, comme c’est le cas pour Seuls sont les indomptés, The Lonely Brave repose sur un scénario sensationnel. Edward Abbey dira d’ailleurs que le script, qui n’aura nécessité aucune réécriture et qui sera tourné tel quel, était meilleur que son propre livre. Dès la première scène, découvrir des avions dans le ciel a de quoi détonner, surtout si le spectateur ne sait pas ce qui l’attend, hormis le fait de se retrouver devant un western ! Kirk Douglas est sublime en cow-boy romantique, qui vit en marge de son temps, mal à l’aise dans l’Amérique du progrès et qui refuse la technologie moderne. Il a pour seule compagnie sa jument, baptisée Whisky, véritable personnage à part entière. Jadis amoureux de la belle Jerri, incarnée par la magnifique Gena Rowlands au tout début de sa carrière, il n’a cependant jamais voulu lui sacrifier sa liberté. Malgré les voitures et les poids-lourds lancés à cent à l’heure sur les voies rapides, Jack, né avec cent ans de retard, reste un cow-boy authentique, drapé de la nostalgie de l’Amérique des pionniers, qui n’hésite pas à déclencher une bagarre dans un bar, qui devient alors saloon, dans le seul but de rejoindre son ami Paul derrière les barreaux. Les événements feront de Jack un fugitif, s’enfuyant à brides abattues sur sa jument. Cela ne semble pas déplaire au shérif Morey Johnson, interprété par l’imposant Walter Matthau, qui se lance à sa poursuite, tout en essayant de dissimuler son respect pour cet homme semblant venir d’un passé que lui-même regrette.
La mise en scène de David Miller est très élégante, sans aucune fausse note, qui plus est accentuée par une superbe photographie du grand Philip H. Lathrop (Diamants sur canapé, Allô, brigade spéciale, Driver). Des grandes plaines ensoleillées du Nouveau-Mexique (et entourées de fils de fer barbelés) aux montagnes rocailleuses, jusqu’aux routes détrempées qui disparaissent dans une nuit noire comme le charbon, Jack est contraint d’affronter la dure réalité et surtout le monde qui l’a vu naître. Dans Seuls sont les indomptés, il se dégage une impression de surréalisme et même de fantastique en voyant ce personnage en complet décalage avec son temps. La musique de Jerry Goldsmith appuie brillamment cette ambiance de western parasité, ainsi que la quête utopique de liberté de Jack, tout en marquant également les vrais débuts au cinéma du compositeur.
Mine de rien, Seuls sont les indomptés anticipe quelque part le Nouvel Hollywood. Avec ses thématiques, le film de David Miller peut se placer entre The Swimmer (1968) de Frank Perry et Point limite zéro – Vanishing Point (1971) de Richard C. Sarafian, avec même une pointe de Rambo – First Blood (1982) de Ted Kotcheff, auxquels il n’a rien à envier. Ce qui prouve son étonnante modernité presque soixante ans après sa sortie.
LE BLU-RAY
Depuis 2007, Seuls sont les indomptés a connu plusieurs éditions en DVD chez Sidonis Calysta. C’est la première fois que le film de David Miller est proposé en Édition Limitée Blu-ray + DVD chez l’éditeur. Le menu principal est animé et musical.
Sidonis Calysta reprend les deux bonus déjà disponibles sur l’édition Standard, à savoir :
Une présentation de Bertrand Tavernier (20’), qui revient sur ce « film tout à fait remarquable et mystérieux ». Une analyse pointue et dense, durant laquelle le cinéaste et historien du cinéma s’en prend à Kirk Douglas, en dénonçant son côté mégalo, qui s’appropriait souvent la réussite de ses films en disant qu’il avait pris la place de tel ou tel metteur en scène. Kirk Douglas s’octroyait aussi le fait d’avoir remis le vrai nom de Dalton Trumbo au générique d’un film avec Spartacus, un fait démenti par Bertrand Tavernier, qui indique qu’il s’agit d’Otto Preminger à l’occasion d’Exodus. L’invité de l’éditeur en vient plus précisément au travail du réalisateur David Miller, qui s’entendait d’ailleurs à merveille avec le scénariste, ainsi qu’aux thèmes explorés du film qui nous intéresse aujourd’hui. La psychologie du personnage principal, l’investissement physique de Kirk Douglas, le reste du casting et bien d’autres éléments sont aussi abordés.
Une parabole moderne (26’) croise les propos du réalisateur Jean-Claude Missiaen, du journaliste Eddy Moine et des critiques-historiens du cinéma Jean Louis Leutrat et Suzanne Liandrat-Guigues. Si vous avez écouté l’intervention de Bertrand Tavernier juste avant, alors certains propos vous paraîtront redondants. Néanmoins, les conditions de tournage y sont peut-être plus développées.
Le nouveau supplément semble être le module où Kirk Douglas parle de Seuls sont les indomptés (14’30) au cours d’une interview réalisée en 2002, durant laquelle, muni du scénario original, il revient sur son film préféré. Un témoignage très émouvant, durant lequel le monstre hollywoodien parle du livre original d’Edward Abbey (dont il aurait voulu conserver le titre pour son adaptation au cinéma), du scénario de Dalton Trumbo, de ses partenaires, des thèmes et bien sûr de sa grande affection pour le personnage principal.
L’interactivité se clôt sur la bande-annonce.
L’Image et le son
Sidonis Calysta présente un nouveau master 2K de Seuls sont les indomptés, là où les Etats-Unis propose depuis peu un master restauré 4K. Pour l’heure, la copie HD que nous avons devant les yeux n’a absolument rien de déshonorant, bien au contraire. Le grain argentique est présent, même s’il se fait parfois trop discret sur les scènes diurnes très lumineuses, avec un aspect lisse quelque peu irritant. Ce sont surtout les contrastes, très affirmés, qui flattent les rétines avec des noirs bien denses et nuancés, surtout durant le dernier acte qui se déroule sous une pluie battante. Le cadre large est superbe et regorge de détails aux quatre coins. Divers points blancs demeurent.
Les versions originale et française bénéficient d’un mixage DTS-HD Master Audio Mono 2.0. Dans les deux cas, l’espace phonique se révèle probant et dynamique, le confort est indéniable, et les dialogues sont clairs, nets, précis, tout comme la partition de Jerry Goldsmith. Sans surprise, au jeu des comparaisons, la piste anglaise s’avère plus naturelle et harmonieuse. Que vous ayez opté pour la langue de Shakespeare (conseillée) ou celle de Molière (au doublage vieillot), aucun souffle ne vient parasiter votre projection et l’ensemble reste propre. Les sous-titres français ne sont pas imposés sur la version originale.