ROCK-O-RICO (Rock-A-Doodle) réalisé par Don Bluth, disponible en Combo Blu-ray + DVD le 6 avril 2022 chez Rimini Editions.
Acteurs : Glen Campbell, Ellen Greene, Christopher Plummer, Sorrell Booke, Eddie Deezen, Phil Harris, Sandy Duncan, Dee Wallace, Eddy Mitchell, Lio, Tom Novembre…
Scénario : Don Bluth, John Pomeroy, David J. Steinberg, David N. Weiss, T.J. Kuenster & Gary Goldman, d’après la pièce Chantecler d’Edmond Rostand
Photographie : Robert Paynter
Musique : Robert Folk
Durée : 1h14
Date de sortie initiale : 1991
LE FILM
Pour les animaux de la basse-cour, le soleil ne se lève que lorsque le coq se met à chanter. Or, ce matin-là, Chanteclerc, le coq le plus rock’n roll de la ferme a oublié de chanter et le soleil s’est quand même levé. Ridiculisé, il décide de quitter la ferme. Une bonne nouvelle pour le Grand Duc, le hibou qui va pouvoir faire régner la nuit éternelle. Pour les autres animaux de la ferme, un seul objectif : faire revenir leur coq.
Quelle énergie, quelle fougue, quelle frénésie ! Plus de trente ans après sa sortie, Rock-O-Rico, ou Rock-A-Doodle en version originale demeure à la fois l’un des opus les plus méconnus sans doute de Don Bluth, et paradoxalement l’un de ses plus ambitieux en matière d’animation. On reconnaît bien là le style, la griffe, la patte de l’auteur de Brisby et le secret de NIMH (1982), de Fievel et le Nouveau Monde (1986) et du Petit dinosaure et la vallée des merveilles (1988), qui a très longtemps placé le réalisateur en digne héritier, mais aussi en concurrent direct des productions Disney, où Don Bluth (né en 1937) aura officié pendant près d’une dizaine d’années, en oeuvrant sur Robin des Bois, Les Aventures de Bernard et Bianca, ou bien encore Rox et Rouky. Après trois beaux succès internationaux, Charlie, mon héros connaît un certain revers au box-office. Si les résultats ne sont pas catastrophiques (le film rapporte 27 millions aux Etats-Unis), ils sont loin d’égaler ceux des deux précédents. Don Bluth jette son dévolu sur un projet de longue date, un scénario inspiré librement de Chantecler d’Edmond Rostand, envisagé par Walt Disney et son équipe au cours des années 1960. Rock-O-Rico repose sur une histoire de David N. Weiss (producteur des Razmoket, futur scénariste de Shrek 2), même s’ils sont six à avoir planché sur ces aventures, dont le fidèle Gary Goldman, également coréalisateur. Il en résulte un film quelque peu hybride, d’ailleurs Rock-O-Rico contient des séquences live, tournées avec de véritables comédiens, ce qui renvoie parfois à Peter et Elliott le dragon de Don Chaffey, sur lequel Don Bluth était chargé de l’animation de la créature, ainsi qu’au Magicien d’Oz. Rock-O-Rico est branché sur cent mille volts et ne laisse pas un moment de répit aux spectateurs, qui comme le personnage principal d’Edmond, se retrouvent emportés dans une tornade de rebondissements, d’action, de chansons, de musique, d’émotions et de couleurs qui ne s’arrêtent jamais.
Un matin, Chantecler, un coq dont le chant lève le soleil tous les matins, se bat avec un étranger envoyé par le Grand-Duc des hiboux, dont l’espèce déteste la lumière du soleil. Chantecler bat son agresseur, mais oublie de chanter, ce qui n’empêche pas le soleil de se lever. Ridiculisé et rejeté par les autres animaux, Chantecler quitte la ferme dans la honte, puis le soleil se couche. L’obscurité perpétuelle et les pluies menacent la ferme d’inondations. Cette histoire est en réalité un conte de fées lu à un jeune garçon du « monde réel », Edmond. La ferme familiale risque d’être détruite lors d’une tempête, et lorsque sa mère part pour aider le reste de la famille, Edmond demande le retour de Chantecler. Cependant, il est entendu par le Duc, irrité par la présence d’Edmond et utilise son souffle magique pour le transformer en chaton, avec l’intention de le dévorer. Edmond est sauvé par Patou, un basset de la ferme de Chantecler qui a du mal à lacer ses chaussures, tandis que le Duc est chassé grâce à une lampe de poche. Edmond rencontre alors plusieurs autres animaux de la ferme, qui espèrent tous retrouver Chantecler et lui présenter des excuses. Edmond accompagne en ville Patou, une pie et une souris des champs intellectuelle, tandis que le reste des animaux reste chez Edmond. Hunch, le neveu pygmée du duc, est chargé par lui d’empêcher Edmond et les autres de retrouver Chantecler. Le groupe lui échappe de justesse et entre dans la ville par un tuyau d’aqueduc. Chantecler, maintenant sous le nom de « The King », est devenu un célèbre ersatz d’Elvis sous la direction de son manager Pinky Fox, qui est employé par le Duc pour garder Chantecler dans la ville et empêcher ses amis de le retrouver.
Nous ne dirons pas que Rock-O-Rico s’adresse plus à un public adulte qu’aux enfants, mais tout de même, il y a encore une fois dans ce long-métrage d’animation une maturité et une noirceur qui tranchent radicalement avec ce que le jeune public est habitué à voir ou à ressentir chez Disney. Bien sûr, l’ensemble est ultra-coloré, flashy par moments, certains passages y sont délirants et l’anthropomorphisme on ne peut plus réussi. Mais l’empathie ne vient pas immédiatement, elle se construit au fur et à mesure. Don Bluth et ses co-auteurs élaborent une véritable histoire et prennent le temps de développer leurs personnages, les enjeux, en laissant aussi une large place aux antagonistes représentés par les créatures de la nuit, les hiboux, qui paraissent avoir autant d’importance à l’écran que les héros du film. C’est cet équilibre qui participe à la grande réussite de Rock-O-Rico, au-delà de son animation forcément virtuose, de la recherche extraordinaire des décors, ainsi qu’un casting vocal aussi magistral en version originale (où trône l’impérial Christopher Plummer en Grand Duc) qu’en VF, puisqu’on bénéficie en France rien de moins que de la présence de Monsieur Eddy himself, qui s’éclate dans le rôle de Chantecler, donnant évidemment de sa personne quand le coq le plus rock des fifties – inspiré par Elvis Presley – s’empare du micro pour faire lever le soleil ou pour faire succomber ses innombrables admiratrices, tandis que les hommes l’acclament, tout en le jalousant en secret. On reconnaîtra aussi (ou pas) les voix de Lio (Goldie), Tom Novembre (immense comme d’habitude en Grand Duc), Philippe Lavil (Long-Bec), sans oublier le maître Philippe Dumat (Patou) et même Philippe Peythieu (la légendaire voix d’Homer Simpson), tous absolument parfaits.
Rock-O-Rico n’est pas d’emblée facile d’accès, dans le sens où la folie du montage contraste avec la richesse psychologique des personnages, ainsi qu’une évidente mélancolie et une violence représentée par l’affrontement final de nos héros avec leurs adversaires. Mais c’était le cas dans les œuvres précédentes de Don Bluth, où tout est loin d’être idyllique et où le monde est montré comme il est en réalité, parfois impitoyable, triste. L’union fait la force et les bonnes âmes sont celles capables de surmonter leurs différences, d’opinion, de races et de personnalités, dans un but commun. En dépit de son incontestable maîtrise, Rock-O-Rico connaîtra un désintérêt poli de la part de la critique et des spectateurs, et devra s’incliner devant le mastodonte représenté par La Belle et la Bête de Gary Trousdale et Kirk Wise.
LE COMBO BLU-RAY + DVD
Rock-O-Rico avait déjà bénéficié d’une sortie en DVD, en 2004, chez Swift productions. Après Fievel et le Nouveau Monde et avant Charlie mon héros (prévu le 6 juillet 2022), Rimini Editions exhume Rock-O-Rico et le propose désormais en combo Blu-ray + DVD. La jaquette arbore un superbe visuel et se voit glissée dans un boîtier Amaray classique transparent, lui-même disposé dans un surétui cartonné. Le menu principal est animé et musical.
Les passionnés du travail de Don Bluth seront heureux de retrouver une formidable et complète présentation du film par Xavier Kawa-Topor (25’), spécialiste du cinéma d’animation, auteur de l’ouvrage Le Cinéma d’animation en 100 films (Édictions Capricci). Il remet Rock-O-Rico dans son contexte, dans la carrière de Don Bluth, au moment où celle-ci connaissait un certain fléchissement, après le semi-succès (ou semi-échec c’est selon) de Charlie mon héros dans les salles, ainsi qu’auprès de la critique. Contraint au succès afin d’assurer la survie de son studio, Don Bluth décide de ressortir un projet sur lequel Walt Disney s’était cassé les dents, l’adaptation en long-métrage d’animation de Chantecler, pièce de théâtre d’Edmond Rostand créée en 1910. Les partis-pris et les intentions de Don Bluth, les références au Magicien d’Oz et à Elvis Presley, la musique du film, les thèmes, le casting vocal français, le succès mitigé, la critique circonspecte et d’autres sujets tout aussi passionnants sont abordés au cours de cette intervention.
Les collectionneurs trouveront aussi quatre cartes postales disponibles dans le boîtier.
L’Image et le son
Le Blu-ray est au format 1080p. C’est superbe. Pas irréprochable, mais ce master HD permet de redécouvrir totalement Rock-O-Rico, sans doute dans les meilleures conditions techniques à ce jour. Hormis quelques plans flous ici et là, ainsi que de sensibles fourmillements sur les scènes qui mélangent les scènes d’animation et les personnages live, il n’y a rien à redire sur la beauté de la copie présentée par Rimini Editions. Les couleurs sont flamboyantes (explosion des teintes rouges et jaunes), sensationnelles, l’ensemble stable, propre (quelques poussières et tâches subsistent tout de même), le grain argentique préservé et excellemment géré, le relief impressionnant du début à la fin. N’hésitez pas à faire quelques arrêts sur image, afin de pouvoir apprécier la richesse complètement folle des décors.
Que vous ayez opté pour la version française – pour vous reposer en laissant la marmaille devant la télé – ou la version originale – pour punir les gosses en leur apprenant l’anglais – le confort acoustique est assuré par les deux pistes DTS-HD Master Audio 2.0. Peu importe l’absence des enceintes latérales, les mixages assurent largement le spectacle acoustique. Les dialogues ne manquent pas de peps (même si la VO l’emporte sur la VF parfois étrangement plus en recul), les ambiances musicales sont surprenantes. Les sous-titres français ne sont pas imposés.