
RÉVOLTE AU MEXIQUE (Wings of the Hawk) réalisé par Budd Boetticher, disponible en DVD & Combo Blu-ray + DVD le 6 décembre 2024 chez Sidonis Calysta.
Acteurs : Van Heflin, Julie Adams, Abbe Lane, George Dolenz, Noah Beery Jr., Rodolfo Acosta, Antonio Moreno, Pedro Gonzalez Gonzalez…
Scénario : James E. Moser & Kay Lenard, d’après le roman de Gerald Drayson Adams
Photographie : Clifford Stine
Musique : Frank Skinner
Durée : 1h21
Date de sortie initiale : 1953
LE FILM
1911, au Mexique. À la suite de la confiscation de sa mine par l’administration, Irish Gallagher, un « gringo », se retrouve impliqué dans la Révolution mexicaine aux côtés de Pascual Orozco.

Parfois, on ne comprend pas pourquoi un film traîne une mauvaise réputation. C’est encore le cas pour Révolte au Mexique – Wings of the Hawk, qui certes n’est assurément pas le meilleur film de son réalisateur, le célèbre Budd Boetticher, mais qui n’en reste pas moins un bon spectacle, efficacement mis en scène et très bien interprété par l’un des plus grands comédiens de l’époque, Van Heflin. En 1953, le cinéaste enchaîne les tournages à vitesse grand V, au point de sortir cinq longs-métrages cette année-là. Si L’Expédition du Fort King – Seminole et Le Déserteur de Fort Alamo – The Man from the Alamo et même À l’est de Sumatra – East of Sumatra feront plus parler d’eux, Révolte au Mexique rend compte du savoir-faire de Budd Boetticher, qui enchaîne ici – avec un budget limité, mais qui tente de ne rien laisser paraître – les rebondissements pendant 75 minutes, du début à la fin, sans laisser au spectateur le temps de s’ennuyer. Wings of the Hawk est une récréation, un divertissement élégant, rempli d’action, de sentiments et d’humour, qui laisse un joli souvenir.


Irish Gallagher, possède une mine au Mexique. Alors que la révolution mexicaine fait rage, le Colonel Ruiz s’approprie la mine. Expulsé et en fuite, il sauve la vie de Raquel Noriega, leader guerillera, de laquelle il tombe amoureux. Sa tête étant désormais mise à prix, Gallagher s’engage dans la révolution et marche sur la ville de Ciudad Juarez.


Voilà un scénario concis, rapide, qui va droit à l’essentiel, qui contient ce qu’il faut de psychologie et qui expose le contexte politique comme il se doit pour que l’on comprenne les enjeux. Budd Boetticher était tout indiqué pour évoquer le Mexique, pays où il a longtemps vécu, qui lui avait d’ailleurs inspiré l’un de ses premiers grands succès, La Dame et le Toréador – Bullfighter and the Lady (1951), inspiré d’une partie de sa vie et qui lui vaudra sa seule nomination aux Oscars. Il dirige Van Heflin, qui a déjà derrière lui L’Homme des vallées perdues – Shane de George Stevens, Le Rôdeur – The Prowler de Joseph Losey, Tomahawk de George Sherman, Madame Bovary de Vincente Minnelli…de sacrées références et qui l’imposent comme l’un des acteurs caméléons du cinéma américain. C’est peu dire que le western était fait pour Van Heflin, qui avait juste à apparaître à l’écran pour s’imposer, comme il le fera encore quatre ans plus tard dans le chef d’oeuvre de Delmer Daves, 3 h 10 pour Yuma – 3:10 to Yuma.


Il interprète un Américain expatrié, connu sous le nom d’« Irish », Gallagher. Celui-ci rejoint malgré lui les révolutionnaires mexicains lorsque la mine où lui et son partenaire Marco viennent de trouver de l’or est saisie par le colonel Paco Ruiz, un fonctionnaire corrompu qui dirige la province. Marco est tué par Ruiz. Une bande de rebelles sauve Irish d’une mort certaine, dont une femme particulièrement courageuse, Raquel Noriega, blessée par balle. Les rebelles, sceptiques quant à la mort d’Irish, le ramènent à leur chef, Arturo Torres. Alors qu’ils discutent, Raquel s’évanouit et Irish propose de la sauver en l’opérant. De son côté, Raquel est fiancée à Arturo. Sa sœur Elena a été kidnappée. Alors qu’ils partent à sa recherche, Raquel et Irish sont faits prisonniers par Ruiz et enfermés dans une cellule. Elle fait à tort confiance au méchant Ruiz, qui exécute froidement la mère de l’un des rebelles fidèles d’Arturo, Tomas.


Budd Boetticher adapte une nouvelle du prolifique et talentueux Gerald Drayson Adams (Les Tambours de la guerre, Crazy Horse – Le Grand Chef, Taza, fils de Cochise, Duel sans merci, En marge de l’enquête), bénéficie de l’oeil du chef opérateur Clifford Stine (Le Fleuve de la dernière chance, Qui a donc vu ma belle ?, No Room for the Groom), d’une musique dynamique de Frank Skinner, du charme de Julie Adams (Les Affameurs, Le Shérif aux mains rouges, La Police était au rendez-vous, L’Étrange créature du Lac Noir).


De solides ingrédients qui participent à la réussite de cette petite production Universal, tournée en Technicolor et qui avait même bénéficié d’une exploitation en relief dans certaines salles équipées, ainsi que du son Stéréo 3 canaux, le « Western Electric Recording ».


LE BLU-RAY
Après une première édition DVD sortie en 2012, Sidonis Calysta présente Révolte au Mexique, toujours en édition Standard, mais aussi pour la première fois en Blu-ray, à travers un Combo Blu-ray + DVD, qui prend la forme d’un boîtier Amaray classique transparent, glissé dans un surétui cartonné. Un très beau visuel a été concocté pour cette nouvelle mouture. Le menu principal est animé et musical.

Au programme de l’édition HD :
Bertrand Tavernier dresse le portrait de Budd Boetticher, l’homme et le cinéaste (23’30). Une présentation forcément passionnante d’un réalisateur dont le travail a immédiatement intéressé Tavernier « depuis la découverte de Sept hommes à abattre au cinéma du Quartier Latin, qui nous a donné envie d’explorer son œuvre avec les amis du Nickelodéon ». L’invité de Sidonis Calysta indiquait avoir entretenu une correspondance avec Budd Boetticher, qui lui répondait via des cassettes audio, alors qu’il était en prison au Mexique, en raison de dettes contractées suite à la difficulté de monter Arruza. De 1958 à 1967, Boetticher, alors au sommet de sa gloire, s’efforça en effet de consacrer un film à la carrière de son ami, le torero mexicain Carlos Arruza, alors rival de Manolete. Ce sera l’un des tournages les plus longs de l’histoire du cinéma. De nombreux obstacles l’empêchèrent de l’achever : financements ajournés, grèves inopportunes, puis un séjour en prison. Bertrand Tavernier passait en revue une partie de la filmographie de ce réalisateur mythique, avec forcément un focus sur le cycle Ranown.


L’éditeur joint un documentaire intitulé Les années Arruza (56’, 1996). Célèbre pour ses westerns d’anthologie, le cinéaste américain Budd Boetticher voulait primitivement affronter le taureau dans l’arène. De cette passion jamais apaisée est née son amitié pour le torero mexicain Carlos Arruza, alors rival de Manolete. De 1958 à 1967, Boetticher, alors au sommet de sa gloire, s’efforça de consacrer un film à la carrière de son ami. L’un des tournages les plus longs de l’histoire du cinéma. De nombreux obstacles l’empêchèrent de l’achever : financements ajournés, grèves inopportunes, séjour en prison puis en hôpital psychiatrique. Rien ne fut épargné à Boetticher, pas même de voir compromise son amitié pour un homme qui devait mourir tragiquement avant la fin du tournage, ainsi que sa propre carrière, sa vie de couple avec Debra Paget. Au milieu des années 90, retiré de tout, le cinéaste racontait sa passion, son amitié et son calvaire. Un documentaire étonnant et passionnant réalisé par Emilio Maillé et récompensé par le Fipa d’or au Festival de Biarritz.





Nous retrouvons aussi le documentaire intitulé Budd Boetticher, un maître du western. Pendant 50 minutes, ce film réalisé en 2005, constitué d’interventions du producteur Arnold Kunert, du cinéaste Taylor Hackford, du critique, réalisateur et acteur Peter Bogdanovich, mais aussi de Clint Eastwood et de Quentin Tarantino, revient sur ce metteur en scène qu’ils admirent. Les grandes étapes de la vie de Budd Boetticher (qui apparaît aussi via des images d’archives) sont abordées, ainsi que son style, son amour de la corrida, son association avec Randolph Scott et Burt Kennedy, le cycle Ranown (avec surtout un gros plan sur Sept hommes à abattre), les personnages féminins et les méchants « sympathiques » qui ont fait l’originalité de son cinéma et bien d’autres éléments sur ce maître du western.







Sidonis reprend l’intervention de Patrick Brion, enregistrée en 2012 (7’). L’historien du cinéma essaye tant bien que mal de donner quelques informations sur Révolte au Mexique, qu’il résume essentiellement à « un film très intéressant ». Le casting, la situation de Budd Boetticher à la Universal, l’exploitation en 3D dans certaines salles sont les sujets abordés.

Pour cette nouvelle édition, Jean-François Giré a bien entendu été appelé pour nous présenter Révolte au Mexique (13’). Plus prolixe que son confrère, l’expert du western revient sur « ce film qui n’a pas bonne presse auprès du public et de la critique », qu’il défend tout de même en parlant notamment de son aspect un peu BD. Il déclare également que selon lui, Budd Boetticher n’était pas intéressé par l’aspect politique et militant de l’histoire, préférant se focaliser sur le spectacle mené sur un rythme trépidant. Jean-François Giré passe aussi en revue quelques Westerns Zapata, évoque les liens du réalisateur avec le Mexique et le casting.

L’autre dernier bonus repris de précédentes éditions liées à Budd Boetticher chez Sidonis Calysta est une conversation entre Bertrand Tavernier (en anglais dans le texte) et le réalisateur, enregistrée en 1987, à l’occasion d’un hommage rendu au cinéaste lors du 7e Festival International du film d’Amiens. Après avoir longuement correspondu, les deux hommes sont visiblement très heureux de pouvoir enfin converser face à face. Bertrand Tavernier engage ce dialogue en parlant de La Dame et le Toréador – Bullfighter and the Lady, son montage massacré par John Ford (« ou comment toute la sensibilité du film au sujet des taureaux a disparu »), avant d’être réhabilité plus de trente ans après, dans la version voulue par le réalisateur. Ce dernier n’épargne pas John Wayne (« qui n’était pas une lumière […] qui pouvait être odieux, avec lequel j’avais des différends sur tout, mais que j’appréciais énormément, quand bien même cela n’était pas réciproque »), parle de Gail Russell, de ses relations avec la presse, de deux acteurs avec lesquels il ne s’est pas du tout entendu (Gilbert Roland et Ray Danton), du « merveilleux » producteur Harry Cohn, ainsi que de la condition du western, qu’il résume en déclarant que « ceux qui en réalisent n’y connaissent rien », faisant entre autres références au récent Silverado de Lawrence Kasdan, qui n’avait guère marché dans les salles.


L’interactivité se clôt sur la bande-annonce.
L’Image et le son
À la benne la copie exécrable sortie en 2012 chez le même éditeur ! Sidonis rectifie le tir et fait oublier la copie « exécrable » (sans doute l’une des pires proposées par la maison) évoquée par Jean-François Giré au cours de sa présentation. Cette copie HD, même si elle comporte encore pas mal de défauts, surpasse l’ancien master, ne serait-ce qu’au niveau des contrastes, plus fermes et naturels. Les couleurs retrouvent un certain peps, mais cela demeure aléatoire. Certaines séquences peuvent ainsi paraître fraîches, puis laisser place à d’autres plus ternes et lisses, surtout sur les scènes tournées en nuit américaine, qui rappelons-le étaient quasi-illisibles il y a plus de dix ans. Il ne s’agit pas d’un Technicolor flamboyant, mais tout de même, Révolte au Mexique possède enfin une édition digne de ce nom, quand bien même la propreté laisse parfois à désirer avec pas mal de poussières et autres scories diverses encore visibles. Blu-ray au format 1080p, 1.85 compatible 16/9. Dommage de ne pas bénéficier de la version 3D, disponible pourtant sur le Blu-ray Kino Lorber.
En VF (absente du disque de 2012) comme en VO, les mixages DTS-HD Master Audio 2.0 (point de piste 3.0, ni de 5.1 proposées sur le disque US) l’écoute demeure fort appréciable, avec une excellente restitution de la musique, des effets annexes et des voix très fluides et aérées. Léger souffle constaté dans la langue de Molière, mais rien de gênant.

Crédits images : © Sidonis Calysta / Universal Pictures / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr