
QUI TIRE LE PREMIER ? (A Time for Dying) réalisé par Budd Boetticher, disponible en DVD & Combo Blu-ray + DVD le 6 décembre 2024 chez Sidonis Calysta.
Acteurs : Audie Murphy, Richard Lapp, Anne Randall, Robert Random, Beatrice Kay, Victor Jory, Peter Brocco, Burt Mustin…
Scénario : Budd Boetticher
Photographie : Lucien Ballard
Musique : Harry Betts
Durée : 1h10
Date de sortie initiale : 1982 (tourné en 1969, mais bloqué en raison de problèmes de droits)
LE FILM
Cass Bunning quitte pour la première fois la ferme familiale pour Silver City, un refuge de hors-la-loi, où il sauve une jeune fille destinée au bordel de la ville. Les deux jeunes gens apprennent à se connaître et décident de tenter leur chance ensemble.

C’est sur ce film que se clôt la carrière cinématographique d’Audie Murphy (1925-1971), qui fut l’un des soldats américains les plus décorés de la Seconde Guerre mondiale, devenu par la suite acteur de cinéma, spécialisé dans le western. Tournant avec quelques-uns des plus grands noms du cinéma, de John Huston à Don Siegel, en passant par Jack Arnold, Audie Murphy s’est mine de rien imposé sur le grand écran pendant vingt ans. Qui tire le premier ? – A Time for Dying date de 1969 et s’avère son dernier film, deux ans avant son brutal décès dans un accident d’avion. Il n’y fait qu’une apparition d’à peine cinq minutes (trois pour être exact) dans le rôle de Jesse James, bien que le film ait été monté sur son nom. En réalité, également producteur, Audie Murphy aurait contracté de fortes dettes de jeu à Las Vegas et devait beaucoup d’argent à la mafia, raison pour laquelle Qui tire le premier ? a été mis en chantier. À la barre, Budd Boetticher (1916-2001) accepte par amitié de réaliser ce qui sera aussi son dernier long-métrage et western, alors que son précédent remontait à 1960 (Comanche Station). S’il n’est absolument pas un grand film, Qui tire le premier ? est ce qu’on peut appeler une anomalie en 1969, quand bien même celui-ci ne pourra pas sortir sur les écrans avant 1982 en raison de problèmes juridiques. Alors que le Nouvel Hollywood est sur le point d’éclore, on en retrouve quelques bribes dans A Time for Dying, œuvre à la fois solaire et crépusculaire, où la naïveté et la violence s’opposent constamment dans un Ouest Américain toujours placé sous le signe de l’hostilité et qui brise les rêves des jeunes individus, alors bercés par les légendes et mythes. On est certes loin du cycle Ranown et même d’opus moins célèbres, mais très efficaces comme À feu et à sang – The Cimarron Kid (1951), première collaboration Murphy/Boetticher, mais Qui tire le premier ? demeure une sacrée curiosité.


Cass Bunning est un jeune fermier à qui son père a appris à être le tireur le plus rapide de l’Ouest. Il voyage dans une contrée sauvage, tel un Candide toujours optimiste. Il rencontre une jeune femme de la côte Est, Nellie, qui a répondu à une annonce pour un travail de serveuse et est arrivée dans la petite ville de Silver City pour découvrir que l’endroit est en fait un bordel. Plus tard Cass et Nellie se retrouvent à Vinegaroon, au Texas, une ville tenue par le légendaire Juge Roy Bean. Ce dernier prend en sympathie les jeunes gens mais les oblige à se marier pour éviter d’être punis du crime de « cohabitation indécente ». Échappant à la protection du juge, Cass et Nellie s’en vont avec l’intention de gagner la ferme du père de Cass.


C’est l’histoire d’un jeune homme âgé d’à peine vingt ans, qui voudrait devenir chasseur de primes et qui pour cela quitte la ferme familiale. Son chemin va croiser celui de Nelly Winters, à peine plus âgée que lui, qui échappe de peu à la prostitution grâce à l’intervention de Cass, avec lequel elle taille ensuite la route, sans trop savoir où aller. Cavale sans issue, Qui tire le premier ? est une promenade dans ce qui reste de l’Ouest, tandis que les derniers grands noms commencent doucement à s’effacer. Tout ce qui environne Cass et Nelly est la résultante de la violence avec laquelle s’est forgée cette partie des États-Unis.


Leurs pérégrinations vont les amener à rencontrer le juge Roy Bean, personnalité unique de la conquête de l’Ouest, barman et juge arbitraire qui se surnommait lui-même « la Loi à l’ouest du Pecos » et même Jesse James, auquel Audie Murphy prête donc ses traits pour la seconde fois de sa carrière, presque vingt ans après le solide Kansas en feu – Kansas Raiders de Ray Enright. Celui-ci s’en tire d’ailleurs très bien et semble même n’avoir jamais été aussi bon. Un comble pour seulement quelques minutes. Excellent point aussi pour Victor Jory, formidable comédien et une vraie « tronche » de cinéma croisée dans Papillon, Miracle en Alabama, L’Homme à la peau de serpent, La Piste des Caribous, Le Déserteur de Fort Alamo, qui se délecte à incarner le célèbre juge imbibé d’alcool. Évidemment à la limite du cabotinage, il donne à ce personnage hors-norme un côté bande-dessinée, comme s’il s’agissait d’une caricature à la Lucky Luke.


Et cela fonctionne, car Qui tire le premier ? n’est pas exempt d’humour. Certains diront que le couple principal formé par Richard Lapp, aperçu dans divers westerns (dont La Bataille de la vallée du diable, réalisé par Ralph Nelson) et Anne Randall (Mondwest), n’est guère enthousiasmant et peine à convaincre. Cependant, leur maladresse convient finalement à ces jeunes adultes, à peine sortis de l’adolescence, qui vivent encore dans l’innocence, avant d’entrer définitivement dans un univers où tous les coups (de feu) sont permis, sans espoir de retour.


Ne comptez pas retrouver la virtuosité (l’aspect est même ici très télévisuel avec l’utilisation de zooms) et la sécheresse habituelle de Budd Boetticher dans Qui tire le premier ?, mais ses aficionados sauront lui donner une chance et percevoir ses intentions (l’Ouest n’a rien de reluisant) derrière quelques séquences très (trop) bavardes et son manque étonnant d’action. Alors, indispensable ? Certainement pas. Déroutant et original ? Assurément.


LE BLU-RAY
Sidonis Calysta poursuit son exploration de l’oeuvre de Budd Boetticher, en nous proposant désormais son dernier long-métrage, Qui tire le premier ?, jusqu’à présent inédit en DVD et Blu-ray dans nos contrées. C’est donc chose faite et ce titre rejoint logiquement la collection Silver. La jaquette, glissée dans un boîtier Amaray classique transparent, reprend l’un des visuels originaux d’exploitation. Le tout est glissé dans un surétui cartonné. Le menu principal est quant à lui animé et musical.

Critique au Monde, Mathieu Macheret présente Qui tire le premier ? dans un premier supplément (29’). Le journaliste évoque tout d’abord longuement Budd Boetticher, l’homme et l’oeuvre, son style, le cycle Ranown, son originalité au sein du western américain. Puis, il en vient plus précisément à Qui tire le premier ?, son dernier film et par ailleurs ultime western. « Une vraie curiosité dans la filmographie de Budd Boetticher et à ce moment charnière du cinéma » déclare Mathieu Macheret, alors que le western classique est plus qu’à bout de souffle et que le courant cinématographique baptisé Le Nouvel Hollywood est sur le point de naître. Les partis-pris et les intentions du cinéaste sont analysés, les thèmes décortiqués, certaines scènes passées au peigne fin. Une excellente intervention.

Jean-François Giré parle à son tour de Qui tire le premier ? (23’30). Ce bonus complète parfaitement le précédent et éclaire à nouveau sur cette « vraie curiosité » réalisée par Budd Boetticher, sortie en 1982 en raison de problèmes de droits. Le spécialiste du western revient avec énergie sur « film complètement oublié et qui avait été accompagné de critiques incendiaires ». Jean-François Giré défend ce qui apparaît pour lui comme étant « une très grosse surprise, vraiment unique, un OVNI dont le cinéaste était très satisfait », un film libre dans son scénario et dans sa mise en scène. L’apparition d’Audie Murphy est commentée, l’histoire du film longuement racontée, les intentions (montrer la réalité de l’Ouest Américain, dans sa violence) disséquées, les personnages historiques représentés dans le film passés au peigne fin, ainsi que le dénouement inattendu, la qualité de la photographie de Lucien Ballard…Si avec tout cela vous n’êtes pas rassasiés, on ne peut plus rien pour vous.



Kim Newman n’est sans doute pas le critique et auteur que nous affectionnons le plus, mais pour une fois sa présentation de Qui tire le premier ? vaut le coup d’oeil (19’). L’historien du cinéma nous a préparé un best-of des apparitions au cinéma du personnage de Jesse James, des débuts du septième art, jusqu’à L’Assassinat de Jesse James par le lâche Robert Ford, de Andrew Dominik, avec Brad Pitt et Casey Affleck. Après avoir mentionné la figure historique du célèbre bandit, qui n’avait rien du Robin des Bois du Far West comme cela a été souvent mentionné, Kim Newman oppose la réalité et la légende, perpétuée à travers les films comme Le Brigand bien-aimé de Henry King, avec Tyrone Power et Henry Fonda, sorti en 1939, qui allait devenir la référence sur le sujet. Qui tire le premier ? est aussi mis dans le tas, avec un petit focus sur Audie Murphy.




On termine par l’intervention de Christopher Petit, écrivain et réalisateur britannique (13’30). Si ce module s’avère un peu plus anecdotique, celui-ci nous permet d’en savoir un peu plus sur la genèse de Qui tire le premier ?, que Petit considère comme étant un très mauvais film. Néanmoins, il contraste son avis en allant au-delà du côté fauché de cette entreprise, en mettant en relief son aspect poétique, ainsi que ses dialogues qui lui rappellent certaines chansons de Bob Dylan. « Il s’agit d’un film très peu vu », mais qui le passionne déclare Christopher Petit, qu’il aime faire connaître à son entourage.



L’Image et le son
En dehors de quelques poussières, ce Blu-ray de Qui tire le premier ? tient ses promesses. Le cadre large resplendit souvent, les détails sont nombreux, aussi bien sur les gros plans, que sur la texture des vêtements, les couleurs sont superbes, le piqué est aiguisé et le relief omniprésent. Le grain argentique est heureusement préservé. Format 1.37 compatible 16/9, Blu-ray au format 1080p.

Le film est disponible en version originale ainsi qu’en version française DTS HD Master Audio mono d’origine. Sans surprise, la piste anglaise l’emporte haut la main sur son homologue, surtout du point de vue homogénéité et précision des effets sonores, sans aucun souffle. Le doublage de la piste française est quelque peu dépassé, les dialogues et les ambiances étant par ailleurs très sourds.

Crédits images : © Sidonis Calysta / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr