Test Blu-ray / Paradise Highway, réalisé par Anna Gutto

PARADISE HIGHWAY réalisé par Anna Gutto, disponible en DVD et Blu-ray le 19 août 2023 chez Metropolitan Vidéo.

Acteurs : Juliette Binoche, Frank Grillo, Hala Finley, Cameron Monaghan, Veronica Ferres, Christiane Seidel, Morgan Freeman, Desiree Wood…

Scénario : Anna Gutto

Photographie : John Christian Rosenlund

Musique : Anné Kulonen

Durée : 1h54

Date de sortie initiale : 2022

LE FILM

Pour sauver son frère, Dennis, d’un gang de prisonniers dangereux, Sally, une conductrice de camion, a été obligée de faire passer des cargaisons illicites. Bientôt l’agent du FBI Gerick est à ses trousses. Parallèlement, la dernière livraison de Sally l’interroge moralement car il s’agit d’une adolescente.

Entre un film de Claire Denis (Avec amour et acharnement) et un autre de Christophe Honoré (Le Lycéen), Juliette Binoche s’est exilée un temps outre-Atlantique pour y tourner un thriller dramatique, Paradise Highway, exploité quelques fois en France sous le titre La Route de l’enfer. Ce premier long-métrage écrit et réalisé par Anna Gutto, remarquée pour la série Home for Christmas diffusée sur Netflix, se penche sur le trafic sexuel d’enfants aux Etats-Unis, thème ô combien difficile à traiter sans tomber dans les clichés ou les effets stylistiques du genre. Si Paradise Highway s’en tire honorablement sur ce sujet, c’est aussi un road-movie étrange où il n’y a quasiment pas d’action, mais où la tension est constante du début à la fin et surtout qui offre à ses acteurs l’occasion de réaliser quelques numéros sympathiques et donc divertissants. Une assez bonne surprise au final que ce Paradise Highway, qui a eu les honneurs d’une présentation au Festival de Locarno.

Sally, canadienne, est une conductrice de camion qui parcourt les routes américaines au volant de son énorme camion de marchandises. Son frère Dennis, avec lequel elle est très proche et qui a subi comme elle une enfance violente, purge une peine de prison pour activités illicites et un gang de prisonniers l’oblige à faire certaines choses. Pour l’aider, Sally a été plusieurs fois contrainte de transporter pour le gang des marchandises non déclarées et illégales. Les agents Gerick et Sterling du FBI enquêtent sur les agissements de cette organisation. Sally doit se remettre en question lorsqu’elle découvre que sa nouvelle « livraison » est une fille nommée Leila, kidnappée par un réseau de prostitution. Avec cette dernière à bord de son camion, elle est poursuivie par les autorités ainsi que des tueurs.

Tout cela n’est pas nouveau, mais il faut bien avouer qu’Anna Gutto fait preuve de maîtrise derrière la caméra et qu’elle compose de très beaux plans, joliment photographiés par John Christian Rosenlund, talentueux chef opérateur norvégien (la réalisatrice étant elle aussi du pays d’Henrik Ibsen), dont le travail avait pu être admiré sur les superbes Factotum et 1001 grammes de Bent Hamer, ainsi que sur le méconnu mais tout aussi impressionnant The Bird Catcher de Ross Clarke. Après le film, c’est surtout la forme que l’on retient étonnamment le plus, même si Anna Gutto multiplie parfois trop les plans sur les paysages, certes magnifiques du Mississippi où Paradise Highway a été tourné. Ce voyage périlleux à travers les frontières de l’État se suit sans aucun déplaisir. Juliette Binoche est plus que convaincante au volant de son semi-remorque et l’actrice a su prendre le volant à plusieurs reprises pour les besoins du film. Elle apporte à Sally une certaine ambiguïté, notamment dans le rapport qu’elle entretient avec son frère Dennis, quant à lui incarné par l’éclectique et prolifique Frank Grillo (The Yacht, Boss Level, Cosmic Sin, Jiu Jitsu, la série Kingdom). Ce dernier que l’on aperçoit au début de film et que l’on entend au téléphone le reste du temps, avant de le retrouver dans le dernier acte, paraît plus concerné qu’à son habitude, sans doute inspiré par son illustre partenaire avec laquelle le courant passe bien. Toutefois, le twist le concernant se devine avant l’heure et le pseudo-retournement de situation ne fonctionne pas du tout.

Également en tête d’affiche, Morgan Freeman n’en finit pas d’enchaîner les Direct to Video, par ailleurs mauvais la plupart du temps (The Poison Rose, Vanquish et autres billevesées), semble aussi se réveiller d’une longue sieste de quinze piges (depuis Invictus de Clint Eastwood peut-être) et l’ombre de l’inspecteur William Somerset, rôle qui lui colle à la peau depuis Seven de David Fincher, plane sur celui de Gerick qu’il interprète ici avec un charisme qu’on ne lui connaissait plus depuis un bail. À ses côtés, les fans de la série Gotham reconnaîtront Cameron Monaghan, qui interprétait les frères Valeska, impeccable ici dans la peau de la jeune recrue du FBI débarquant tout droit de Yale et plongé pour la première fois sur le terrain aux côtés du vieux briscard qui a quant à lui un demi-siècle de carrière. Enfin, belle révélation que Hala Finley, alias Leila dans le film, surprenante, un vrai tempérament de comédienne, dont l’alchimie avec Juliette Binoche est évidente.

Les dialogues ne sont pas toujours subtils, mais Juliette Binoche donne une vraie patine à son personnage de femme résignée par la solitude, marquée par la vie, dont le corps porte encore des traces de brûlures de cigarettes et qui a passé son existence à brûler justement l’asphalte pour tenter de garder un maximum de distance avec son passé violent. Anna Gutto détaille d’ailleurs très bien le milieu des routières, qui partagent le même quotidien et se soutiennent par radio interposée. Si l’ensemble manque parfois de cohésion et se disperse trop en passant d’un point de vue à l’autre, Paradise Highway possède beaucoup de charme, y compris dans ses maladresses qui accompagnent souvent une première œuvre, et mérite d’être découvert.

LE BLU-RAY

Pas de passage dans les salles françaises pour Paradise Highway, qui débarque immédiatement en DVD et Blu-ray chez Metropolitan Vidéo. Visuel efficace de la jaquette. Menu principal animé et musical.

Nous trouvons un bon making of de 23 minutes, composé bien sûr de nombreuses images de tournage, mais aussi de propos éclairants sur la genèse du film, les thèmes explorés et la psychologie des personnages, par la réalisatrice Anna Gutto, les comédiens, les producteurs, le directeur de la photographie et la costumière de Paradise Highway. On n’échappe pas au passage de pommade habituel comme c’est généralement le cas pour les documentaires du même genre, surtout quand l’équipe évoque Juliette Binoche (Morgan Freeman déclare même avoir vu tous ses films), mais ce module donne de nombreuses indications sur les motivations d’Anna Gutto, également scénariste et productrice.

Une poignée de scènes coupées (5’ au total) prolonge la rencontre entre Gerick et Sterling, ainsi qu’un très léger flirt entre Sally et un type rencontré dans le bar. Le reste demeure insignifiant.

L’éditeur propose également un commentaire audio sur ces scènes coupées et un autre sur le film, mais uniquement disponibles en version originale non sous-titrée et donc réservés aux plus anglophones.

L’Image et le son

Le label « Qualité Metropolitan » est évidemment au rendez-vous avec ce master HD de Paradise Highway. L’image bénéficie d’un codec AVC de haut niveau, renforçant les contrastes, ainsi que les détails aux quatre coins du cadre large. Certains panoramas nocturnes sont magnifiques et tirent entièrement parti de cette élévation en Haute-Définition. Les traits fatigués de Juliette Binoche peuvent être analysés sous toutes ses coutures, les ombres et les lumières s’accordent parfaitement avec des scènes ambrées en extérieur et plus froids dans les extérieurs, le tout ayant été entièrement repris au niveau de l’étalonnage, en ajoutant un léger grain artificiel. En dépit de quelques fléchissements, ce Blu-ray est évidemment une franche réussite technique.

Cette fois encore et bien que le film soit avare en scènes d’action, les mixages anglais et français DTS-HD Master Audio 5.1 assurent un maximum. La musique composée par Anné Kulonen est très présente et jouit surtout d’une spatialisation constante grâce au soutien énergique des latérales. Les dialogues sont toujours nets, la balance frontale est puissante, le caisson de basses mis intelligemment à contribution. Au jeu des différences, la piste française se révèle moins riche, dense et naturelle que son homologue mais contentera largement les allergiques à la version originale, même si on pourra regretter que Juliette Binoche ait été doublée par une autre comédienne. Les sous-titres français ne sont pas imposés.

Crédits images : © Metropolitan Video / Metropolitan FilmExport / LionsGate / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

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