Test Blu-ray / Ne dites jamais adieu, réalisé par Jerry Hopper

NE DITES JAMAIS ADIEU (Never Say Goodbye) réalisé par Jerry Hopper, disponible en DVD et Combo Blu-ray + DVD le 8 décembre 2020 chez Elephant Films.

Acteurs : Rock Hudson, Cornell Borchers, George Sanders, Shelley Fabares, Ray Collins, David Janssen, Helen Wallace, John Wengraf…

Scénario : Charles Hoffman, d’après la pièce de Luigi Pirandello et le scénario de Notre cher amour (This Love of Ours) par Bruce Manning, John D. Klorer et Leonard Lee

Photographie : Maury Gertsman

Musique : Frank Skinner

Durée : 1h36

Année de sortie : 1956

LE FILM

Pendant la Seconde Guerre Mondiale, un brillant chirurgien est séparé de sa femme après une dispute, et emmène sa fille. La croyant morte, ils seront en fait séparés par le rideau de fer pendant de longues années. Il la retrouve et entreprend de renouer avec elle une vie commune bien difficile.

Aucun doute, nous sommes en plein mélodrame hollywoodien des années 1950, mais point de Douglas Sirk derrière la caméra (quoique…mais nous y reviendrons), le maître en la matière, mais un réalisateur méconnu, Jerry Hopper (1907-1988) à qui l’on doit notamment Le Triomphe de Buffalo BillPony Express (1953) avec Charlton Heston et Rhonda Fleming. La cinquantaine se profilant à l’horizon, le réalisateur met les bouchées doubles et parvient à livrer quatre films en 1955, Le Fleuve de la dernière chanceSmoke Signal avec Piper Laurie, La Guerre privée du major BensonThe Private War of Major Benson, une fois de plus avec Charlton Heston, La Jungle des hommesThe Square Jungle avec Tony Curtis, et Son seul amour One Desire avec Rock Hudson. Ce dernier, multipliant les tournages, vient tout juste de retrouver Douglas Sirk pour le merveilleux Tout ce que le ciel permet All That Heaven Allows, quand il s’associe à nouveau avec Jerry Hopper pour Ne dites jamais adieu Never Say Goodbye, d’après la pièce Comme avant, mieux qu’avant de Luigi Pirandello et le scénario de Notre cher amourThis Love of Ours (1945) de William Dieterle, dont il s’agit ni plus ni moins du remake. En fait, Douglas Sirk avait démarré le tournage de Ne dites jamais adieu (on lui doit quelques scènes avec George Sanders), avant d’être remplacé par Jerry Hopper. Il n’est donc pas étonnant de retrouver à l’affiche de ce film la comédienne et chanteuse allemande Cornell Borchers, révélée en 1950 dans La Ville écarteléeThe Big Lift de George Seaton et qui venait alors de signer un contrat avec Universal. Ne dites jamais adieu lorgne évidemment sur les récents succès de Douglas Sirk et l’on ne peut d’ailleurs s’empêcher de penser au Secret magnifique Magnificent Obsession, même si l’alchimie entre les comédiens ne peut égaler celle de Rock Hudson et Jane Wyman. Cornell Borchers, quelque peu rigide, manque de charisme et certaines de séquences dramatiques paraissent forcées. Si sa prestation s’avère correcte malgré tout, nous n’avons souvent d’yeux que pour Rock Hudson, impeccable, élégant et à fleur de peau. Si Ne dites jamais adieu n’est pas tombé dans l’oubli le plus total, c’est assurément grâce à cet immense comédien.

Le docteur Michael Parker vit seul avec sa fille. Séparé de sa femme, il la croit décédée. En se rendant à New-York, il tombe par hasard sur elle, en couple avec un artiste.En voulant s’enfuir, elle est renversée par une voiture. Par miracle, Michael parvient à sauver la vie de son ex-femme. Le feu de l’amour brûle à nouveau. Mais la jeune fille du couple a du mal à se réajuster à cette nouvelle vie…

Ne dites jamais adieu évite d’être classé dans le tout-venant du mélodrame destiné à faire pleurer dans les chaumières, grâce à l’investissement toujours impressionnant de sa tête d’affiche. Si les spectateurs se souviendront surtout de Rock Hudson dans GéantGiant de George Stevens et Écrit sur du ventWritten on the Wind de Douglas Sirk, sortis la même année que Never Say Goodbye, ceux-ci réserveront un bon accueil pour cette œuvre beaucoup plus discrète et anecdotique dans laquelle l’acteur brille sans se forcer, en s’imposant comme d’habitude avec sa sensibilité. Visiblement intimidée par son partenaire, Cornell Borchers hésite à en faire trop ou au contraire à contenir ses émotions face à la caméra. La passion tant espérée ne fonctionne qu’en pointillés, même si le film se laisse suivre agréablement, mais sans éclats ou fulgurances, y compris lorsque la mère retrouve sa fille (qui ne la reconnaît pas), ou lors du final, forcément prévisible, où l’ensemble manque d’âme.

Jerry Hopper, qui enchaînera les séries télévisées dans la deuxième partie de sa carrière (L’Homme à la carabine, Les Incorruptibles, Perry Mason, Gunsmoke, La Famille Addams, Le Fugitif, Max la Menace…) s’en tire honorablement avec ce mélo pur et dur, mais où l’omniprésente musique de Frank Skinner peut parfois mettre les nerfs à rude épreuve, surtout qu’elle ne fait qu’alourdir les évènements. Il y a donc pas mal de défauts dans Ne dites jamais adieu, petit film mineur qui vaut essentiellement pour la présence de Rock Hudson et de George Sanders (superbe), ainsi que pour celle plus curieuse et quasiment subliminale d’un jeune comédien de 25 ans qui faisait ici l’une de ses premières apparitions au cinéma, un dénommé Clint Eastwood.

LE BLU-RAY

Ne dites jamais adieu avait été proposé en DVD dans la collection Les Étoiles Universal. Elephant Films ressuscite ce film méconnu dans la carrière de Rock Hudson, et le propose en édition Standard, ainsi qu’en combo Blu-ray + DVD. Par ailleurs d’autres titres mettant en scène le grand Rock Hudson sortent également en même temps, La Légende de l’épée magique de Nathan Juran (cliquez sur le lien pour découvrir notre chronique), Les Yeux bandés de Philip Dunne, Étranges compagnons de lit de Melvin Frank et Le Sport favori de l’homme de Howard Hawks. Les chroniques de ces trois derniers arrivent très prochainement. Le visuel est typique de la conséquente collection Cinéma Master Class de l’éditeur. Le menu principal est fixe et musical, et la jaquette toujours réversible.

Comme Ne dites jamais adieu a été partiellement réalisé par Douglas Sirk, l’éditeur reprend l’excellente intervention de Denis Rossano, auteur du roman Un père sans enfant (Allary Editions), lauréats du prix Révélation 2019 de la Société des Gens de Lettres. L’invité d’Elephant Films propose un brillant exposé de plus d’une heure durant lequel il met en parallèle les œuvres les plus célèbres de Douglas Sirk (dont il retrace également le parcours), avec la tragique disparition de son fils Klaus Detlef Sierck (à 19 ans, sur le front de l’Est), que le réalisateur avait eu avec sa première femme, une actrice ratée devenue une nazie fanatique. Douglas Sirk était alors metteur en scène de théâtre dans les années 20 et réalisateur apprécié de Goebbels dans les années 30. Avant de fuir l’Allemagne et de conquérir Hollywood, Douglas Sirk divorce en 1928. Son ex-femme lui interdit de voir son fils de quatre ans dont elle fera un enfant star du cinéma sous le Troisième Reich. Le père ne reverra jamais son fils, sauf à l’écran. S’il s’est très rarement exprimé sur ce sujet, l’esprit de son fils plane très souvent dans les films de Douglas Sirk. Denis Rossano, alors étudiant en cinéma, avait rencontré Douglas Sirk dans les années 1980 et avait décidé de mener son enquête sur ce qui était arrivé au fils du cinéaste. Cet entretien, illustré par quelques extraits de films, vous donnera non seulement envie de vous replonger dans l’une des œuvres les plus fantastiques du cinéma, mais aussi celle de dévorer ce superbe roman. sont bien illustrés par des extraits d’autres films du réalisateur, des affiches et photos et des citations de Sirk.

Nous retrouvons aussi le portrait de Douglas Sirk réalisé par Jean-Pierre Dionnet (9’), dont il s’agit de l’un des réalisateurs fétiches. Le producteur, scénariste, journaliste, éditeur de bande dessinée et animateur de télévision lui consacre ce petit module, dans lequel il parcourt rapidement les grandes phases de sa carrière, ses thèmes et comédiens récurrents, les drames qui ont marqué sa vie, son regain de popularité dans les années 1970 grâce à la critique française et quelques réalisateurs (Fassbinder, Almodóvar) alors que le cinéaste, devenu aveugle, était à la retraite en Allemagne.

Jean-Pierre Dionnet est à nouveau seul en piste pour dresser cette fois le portrait de Roy Harold Scherer Jr., connu sous le nom de Rock Hudson (16’), « un des plus grands acteurs du monde, aussi important que Marlon Brando » que certains ont pu découvrir récemment à travers la mini-série Hollywood disponible sur Netflix, dans laquelle l’acteur Jake Picking interprète une version fictionnelle de l’acteur. Les grandes étapes de la carrière du comédien sont abordées, ainsi que ses films les plus emblématiques, son amitié avec Liz Taylor, l’ambiguïté sexuelle de Rock Hudson, sans oublier évidemment sa longue, fructueuse et immense collaboration avec Douglas Sirk.

L’interactivité se clôt sur un lot de bandes-annonces.

L’Image et le son

Pour information, cette édition Blu-ray – au format 1080p – de Ne dites jamais adieu est une première mondiale ! Bravo à Elephant Films pour cette exclusivité ! En ce qui concerne ce nouveau master HD, force est de constater que la copie restaurée semble avoir quelques heures de vol, mais s’en tire fort honorablement. Le cadre très large (2.00) est un vrai régal pour les mirettes, la propreté est de mise, ainsi que la luminosité, la stabilité est éloquente dès le générique. On constate tout de même des décrochages à chaque fondu enchaîné, un stock-shot sale (l’avion à 1h09 »47), un aspect parfois un peu bleuté, un grain argentique aléatoire (certaines séquences paraissent étrangement plus lisses), ainsi que diverses poussières subsistantes. Néanmoins, l’ensemble permettra à beaucoup de (re)découvrir Never Say Goodbye dans des conditions agréables et vraisemblablement inédites.

Deux options acoustiques en Mono 2.0. La version française dispose d’un doublage d’époque assez réussi, qui ne manque pas d’entrain, même si un souffle chronique se fait ressentir, ainsi que de légers grincements. La piste anglaise est néanmoins plus dynamique et aérée que son homologue. Les ambiances et la musique possèdent beaucoup plus de relief sur cette piste qu’en français. Les sous-titres français ne sont pas imposés.

Crédits images : © Elephant Films / Universal Pictures / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

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