LES PREMIERS HOMMES DANS LA LUNE (First Men in the Moon) réalisé par Nathan Juran, disponible en Édition Digibook Collector, Combo Blu-ray + DVD + Livret le 15 octobre 2020 chez Sidonis Calysta.
Acteurs : Edward Judd, Martha Hyer, Lionel Jeffries, Miles Malleson, Norman Bird, Gladys Henson, Hugh McDermott, Betty McDowall…
Scénario : Nigel Kneale & Jan Read d’après la nouvelle éponyme de H. G. Wells
Photographie : Wilkie Cooper
Musique : Laurie Johnson
Durée : 1h43
Date de sortie initiale : 1964
LE FILM
Un équipage américano-soviétique se pose sur la Lune. Alors que ses membres pensent être les premiers humains à fouler du pied le sol du satellite, ils y découvrent un drapeau britannique et un document qui prétend que, soixante-cinq ans plus tôt, des sujets de sa Gracieuse Majesté les ont précédés. Désormais très âgé, l’un d’eux raconte son exploit…
Avant de passer à la mise en scène, le réalisateur Nathan Juran (1907-2002) a d’abord fait ses classes en tant que chef décorateur sur Qu’elle était verte ma vallée de John Ford (qui lui vaut un Oscar), L’Orchidée blanche d’André de Toth, Tempête sur la colline de Douglas Sirk ou bien encore Winchester 73 d’Anthony Mann. En 1952, il signe son premier long métrage, Le Mystère du château noir – The Black Castle avec Boris Karloff. Il se spécialise dans le western de série B, Le Tueur du Montana, Quand la poudre parle, Qui est le traître ?, tous les trois réalisés en 1953. Puis en 1958, il met en scène un de ses films les plus célèbres, L’Attaque de la femme de 50 pieds – Attack of the 50 Foot Woman. En 1959, il livre un de ses meilleurs films, Terre de violence – Good Day for a Hanging, avec Fred MacMurray dans le rôle principal. L’une de ses plus grandes associations demeure celle établie sur trois longs-métrages avec le légendaire Ray Harryhausen, à savoir À des millions de kilomètres de la Terre – 20 Million Miles to Earth (1957), Le Septième Voyage de Sinbad – The 7th Voyage of Sinbad (1958) et enfin Les Premiers Hommes dans la Lune – First Men in the Moon (1964). Ce dernier, beaucoup moins célèbre, est pourtant une merveilleuse invitation au voyage dans l’imaginaire. D’une beauté à couper le souffle, formidablement mis en scène et imprégné de la magie intemporelle du génie incommensurable du maître de l’animation en volume, Les Premiers Hommes dans la Lune, réalisé cinq ans avant l’alunissage d’Apollo 11, mais dix ans après l’album On a marché sur la Lune d’Hergé (auquel un hommage est glissé dans le film), est un chef d’oeuvre absolu.
En 1964, une mission astronautique internationale (Russes et Américains ensemble) prend pied sur la Lune et y découvre un drapeau britannique et un document écrit en 1899 qui est une prise de possession de la Lune au nom de la reine Victoria. Grosse surprise des astronautes qui se croyaient les premiers hommes sur la Lune. On retrouve Bedford, le dépositaire de ce document, un vieil homme résidant dans une maison de retraite de l’Angleterre, où il raconte son histoire. À la fin du XIXe siècle, pour échapper à ses créanciers, il décide de s’associer avec un savant un peu fou mais génial, Cavor, qui a inventé une matière, la cavorite (dérivé de l’hélium), qui, une fois déposée sur un objet, permet à celui-ci de s’affranchir de la pesanteur. Ensemble, et avec Kate, la fiancée de Bedford, ils partent pour la Lune, et découvrent que celle-ci est habitée par les Sélénites, des humanoïdes insectiformes qui ont conçu une civilisation très évoluée, même si très différente de celle de la Terre. Les premiers contacts sont un peu rudes. Bedford et Cavor ne sont pas d’accord sur la façon d’entrer en relation avec eux. Bedford penche nettement pour une façon musclée, tandis que Cavor, en bon savant qu’il est, cherche à entrer en contact avec eux, et y parvient. Mais ils apportent avec eux les tares de l’Humanité dans cette civilisation qui vivait en harmonie avant leur arrivée.
« Filmed in Dynamation, the miracle of the screen and Panavision »
Quand il entreprend les effets visuels des Premiers Hommes dans la Lune, Ray Harryhausen vient d’enchaîner ceux des Voyages de Gulliver – The 3 Worlds of Gulliver (1960) de Jack Sher, de L’Île Mystérieuse – Mysterious Island (1961) de Cy Endfield et surtout de Jason et les Argonautes – Jason and the Argonauts (1963) de Don Chaffey. Il produit également une fois de plus le film avec son fidèle collaborateur Charles H. Schneer. Coécrit par l’excellent Niger Kneale (The Quatermass Experiment, Le Monstre et La Marque de Val Guest, Les Mutinés du Téméraire de Lewis Gilbert) et Jan Read (Jason et les Argonautes), inspirés par la nouvelle éponyme de H.G. Wells, First Men in the Moon repousse les frontières de l’imagination et du fantasme, tout en s’appuyant sur quelques vérités scientifiques, comme le faisait Jules Verne dans ses écrits, même si l’ensemble reste avant tout une fantaisie. A l’instar du diptyque du romancier français, De la Terre à la Lune et Autour de la Lune, parus en 1865 et 1869, le britannique Herbert George Wells s’intéressait à la conquête de l’espace en 1901, en imaginant que l’on pouvait très bien voyager en direction du fameux satellite, vêtus d’une veste en tweed ou d’un chemisier à froufrou, en prenant place dans une sphère bricolée dans un simple atelier, qui pouvait s’élever dans les airs à l’aide d’une mixture préparée dans le four de sa grange transformée en laboratoire de fortune.
Les Premiers Hommes dans la Lune parvient à faire passer la pilule à l’aide de son casting très impliqué, notamment Lionel Jeffries (La Revanche de Frankenstein de Terence Fisher, Au risque de se perdre de Fred Zinnemann), explosif dans le rôle du savant fou excentrique Joseph Cavor. Sa prestation est si bondissante et volubile, qu’il emporte tout sur son passage (au sens propre comme au figuré d’ailleurs), toujours sur le fil entre l’humour burlesque et le flegme britannique, puisque le film allie autant le rire que la réflexion, surtout dans sa dernière partie, quand Cavor et l’entité dirigeante des Sélénites s’entretiennent sur la race humaine, et plus particulièrement sur les guerres qui n’ont eu de cesse de se succéder sur la planète Terre, un fléau que les terriens pourraient bien répandre sur leur satellite. A moins qu’un simple rhume…Ceux qui auront lu La Guerre des Mondes de H.G. Wells ou vu l’une de ses adaptations cinématographiques comprendront. Arnold Bedford, le jeune aventurier cherchant fortune est quant à lui interprété par Edward Judd, vu dans L’Ile de la terreur de Terence Fisher (encore lui !), qui s’efface malgré-lui devant son partenaire, et se voit même éclipsé par la beauté de Martha Hyer, ravissante comédienne texane qui aura eu une belle carrière en passant devant la caméra de Robert Wise, Richard Fleischer, Billy Wilder, Blake Edwards, Douglas Sirk, Vincente Minnelli, Edward Dmytryk, Henry Hathaway, Arthur Penn, bref, un C.V. qui ferait des envieux.
Entre la suprême élégance de la reconstitution de la période victorienne (photo signée Wilkie Cooper, aux partis-pris baroques qui rappellent parfois ceux de la Hammer Films), les décors extraordinaires qui représentent la surface et les entrailles de la Lune, qui renvoient bien sûr au Voyage dans la Lune de George Méliès, sans oublier bien sûr les magnifiques effets spéciaux, Les Premiers Hommes dans la Lune demeure un spectacle grandiose pour les petits et les plus âgés. Un divertissement haut de gamme, furieusement poétique, sans aucun temps mort et constamment éblouissant.
LE DIGIBOOK
Jusqu’ici inédit dans les bacs français, Les Premiers Hommes dans la Lune fait son apparition chez Sidonis Calysta en Édition Digibook Collector, Combo Blu-ray + DVD + Livret de 24 pages écrit par Marc Toullec. Le menu principal est animé et musical.
Déjà disponible sur l’édition de L’Ile Mystérieuse, l’éditeur ne s’est pas foulé sur ce coup-là et reprend le documentaire intitulé Les Chroniques de Harryhausen réalisé par Richard Schickel en 1998, Ray Harryhausen – Le Titan des effets spéciaux. 56 minutes forcément passionnantes et narrées par Leonard Nimoy, durant lesquelles Ray Harryhausen revient sur sa carrière, sur ses créatures les plus célèbres (qu’il manipule pour notre plus grand plaisir), le tout souligné par des interventions de son ami Ray Bradbury, du célèbre superviseur des effets spéciaux Dennis Muren, du producteur Charles H. Schneer, des cinéastes George Lucas et Henry Selick. C’est aussi l’occasion d’admirer des dessins et des animations de Ray Harryhausen.
Nous trouvons aussi une petite featurette consacrée au procédé Dynamation, que nous avions aussi déjà vu sur le Blu-ray du Septième voyage de Sinbad (3’30).
L’interactivité se clôt sur la bande-annonce.
L’Image et le son
Voilà qui fait plaisir ! En effet, ce nouveau master restauré 4K à partir du négatif original des Premiers Hommes dans la Lune comblera tous les espoirs du fan de base. Le grain est là et la texture argentique se ressent. La propreté est irréprochable, c’est superbe sur les séquences diurnes (voir les scènes du cottage) avec une clarté insoupçonnée et un relief des textures et des matières jusqu’alors inédit. La définition décroche sur les fondus enchaînés, ainsi que sur les plans à effets spéciaux, évidemment plus chaotiques. Mais c’est un choix, afin de préserver la nature originale de l’image composite, en respectant les partis pris et donc les défauts que cela comporte avec des fourmillements, une palette chromatique délavée, un piqué émoussé, une perte des détails et des contours parfois approximatifs. Retoucher à ces séquences aurait entraîné la furie des puristes. Le Blu-ray des Premiers Hommes dans la Lune ne déçoit pas, jamais, puisque nous n’avons jamais vu le film ainsi. D’autant que le reste du temps, les contrastes affichent une densité remarquable avec des noirs impeccables et des couleurs – comme le rose, très présent tout au long du film – souvent resplendissantes, merci au « Luminacolor by Pathé ». Le cadre large est sublime et le Blu-ray au format 1080p.
On commence par la piste anglaise proposée en DTS-HD Master Audio 5.1. Cette option permet de mettre en valeur les scènes agitées se déroulant sur la Lune, tout comme les décollages ou les alunissages, ainsi que les affrontements avec les Sélénites, le tout en appuyant les basses et en créant une spatialisation élégante. Les ambiances naturelles se font ressentir sur les latérales, tout en laissant une large place à la partition de Laurie Johnson. Toutefois, la version originale mono 2.0. conviendra largement et offre un confort acoustique solide et dynamique. Aucun souffle à déplorer. Les sous-titres français ne sont pas imposés et le changement de langue non verrouillé à la volée. La piste française 4.0 (!) vaut plus pour son doublage réalisé par quelques géants du genre (Jean-Claude Michel, Martine Sarcey, Roger Carel) que pour ses qualités techniques, puisque les voix sont souvent sourdes et l’ensemble manque de relief.