Test Blu-ray / Les Meutes, réalisé par Kamal Lazraq

LES MEUTES réalisé par Kamal Lazraq, disponible en DVD et Blu-ray le 21 novembre 2023 chez Ad Vitam.

Acteurs : Ayoub Elaid, Abdellatif Masstouri, Mohamed Hmimsa, Abdellatif Lebkiri, Lahcen Zaimouzen, Salah Bensalah, Mohamed Kharbouchi, Amine Arakhisis…

Scénario : Kamal Lazraq

Photographie : Amine Berrada

Musique : Pauline Rambeau de Baralon

Durée : 1h30

Date de sortie initiale : 2023

LE FILM

Dans les faubourgs populaires de Casablanca, Hassan et Issam, père et fils, vivent au jour le jour, enchaînant les petits trafics pour la pègre locale. Un soir, ils sont chargés de kidnapper un homme. Commence alors une longue nuit à travers les bas-fonds de la ville…

Un pitch court, mais alors quelle expérience de cinéma ! Les Meutes est pourtant un premier long-métrage, celui de Kamal Lazraq, né en 1984 et ayant grandi au Maroc, ancien étudiant en droit et en sciences politiques à Paris, tombé amoureux du cinéma après avoir découvert le néoréalisme italien, Ingmar Bergman, le nouvel Hollywood et les œuvres de Ken Loach. Toutes ces influences se ressentent et sont condensées dans Les Meutes, thriller dramatique, parfois à la frontière du fantastique, un road movie hypnotique lauréat du Prix du Jury dans la section Un Certain Regard au Festival de Cannes 2023. Après avoir fréquenté la FEMIS, où il prend goût à travailler avec des acteurs non professionnels, Kamal Lazraq signe deux courts-métrages, son film de fin d’études Drari (2011), chronique d’une amitié entre deux jeunes hommes issus de milieux sociaux diamétralement opposés et surtout Moul lkelb – L’Homme au chien en 2014, les deux films se déroulant à Casablanca et le second posant déjà les bases des Meutes ou tout du moins sa percutante introduction. D’entrée de jeu, le réalisateur crée une immersion et une tension qui prend le spectateur la gorge, pour ne plus le lâcher jusqu’à la fin, tout en resserrant constamment une étreinte suffocante, lui laissant à peine le temps de reprendre son souffle grâce à un humour noir salvateur. L’une des grandes révélations de l’année et sans aucun doute l’un des indispensables de 2023.

Comme il l’a toujours fait, Kamal Lazraq privilégie avec Les Meutes le travail avec des acteurs non professionnels. C’est donc la première fois qu’Ayoud Elaid (Issam, le fils) et Abdellatif Masstouri (Hassan, le père) se retrouvent devant un objectif, ce dont ils s’acquittent admirablement, avec un naturel confondant et surtout un charisme hallucinant. Ce partis-pris permet au cinéaste et scénariste d’obtenir une authenticité, un cadre réaliste, une liberté qui implique aussi émotionnellement le spectateur, qui malgré les actes répréhensibles des personnages (dont les traits creusés et fatigués trimballent un vécu) deviennent finalement attachants. On est littéralement embarqué et placé comme témoin de cette folle aventure nocturne, où tout semble permis et où les ténèbres mettent à nu la nature humaine.

La caméra scrute au plus près les visages des deux protagonistes principaux, la photographie à la fois crue et stylisée d’Amine Berrada (Banel & Adama, Le Miracle du Saint Inconnu, Nos défaites) trouve cet équilibre entre le cauchemar romanesque et une réalité quasi-documentaire, tout en flirtant avec l’onirisme à de multiples reprises. Sombre, Les Meutes l’est assurément. Néanmoins, l’absurdité de la situation, autrement dit un cadavre qui devient trop encombrant entraîne une succession de quiproquos qui peuvent prêter à sourire, si ce n’est qu’une gravité imprègne chaque instant, toutes les répliques et les regards du père et de son fils. Cette ironie inattendue traverse chaque pore du récit, surtout quand celui-ci vire au suspense parfois digne d’un film d’horreur, à l’instar de la scène de la station service désaffectée tenue par un individu que l’on pourrait penser sur le point de muter en créature maléfique et imprévisible.

Pas un seul moment de répit est donné à Hassan et Issam dans leur folle odyssée, tandis que le père et le fils apprennent (enfin et réellement) à se connaître, que les croyances et superstitions commencent à s’en mêler – autrement dit, la peur d’être damnés s’ils ne respectent pas le rituel prescrit au défunt, comportant un lavage en bonne et due forme, ainsi que le corps enveloppé d’un linceul – au fur et à mesure que la nuit avance, que la poisse pèse sur leurs agissements et que l’animalité des hommes prenne le dessus. On pense parfois à l’incroyable Kinatay de Brillante Mendoza, avec cette même intensité qui accompagne chaque plan comme un cinéma vérité et pourtant maîtrisé de bout en bout, jusqu’à l’affrontement final qu’on est pas prêt d’oublier, tout comme le nom de Kamal Lazraq dont on attend le projet suivant avec une grande impatience. Remarquable, un choc, puissant, âpre, on pourrait continuer encore longtemps comme ça.

LE BLU-RAY

C’est chez Ad Vitam que Les Meutes débarque en DVD, mais aussi en Haute-Définition, après avoir attiré un peu plus de 30.000 spectateurs dans les salles en juillet 2023. La jaquette reprend le visuel de l’affiche d’exploitation. Le menu principal est animé et musical.

Nous trouvons tout d’abord un formidable court-métrage réalisé par Kamal Lazraq en 2014, Moul lkelb – L’Homme au chien (26’30). L’histoire de Youssef, qui mène une vie recluse et marginale. Son seul ami est son chien Chagadai. Un soir, à la plage, le chien disparaît. Pour le retrouver, Youssef est contraint de s’embarquer dans une quête dangereuse à travers les bas-fonds de Casablanca. Moul lkelb – L’Homme au chien est le film qui a donné envie au réalisateur de prolonger la thématique et l’approche stylistique, avec son premier long-métrage Les Meutes. Attention aux âmes sensibles…

La section des bonus contient aussi un excellent entretien avec le réalisateur (24’). Celui-ci revient sur ses intentions (« faire un film haletant, embarquer le spectateur avec les personnages, dresser une galerie de protagonistes, dans une unité de temps, la nuit, parvenir à sortir du réalisme social, avec des acteurs non professionnels), sur l’évolution du scénario, le travail avec sa distribution, l’évolution du père et du fils au fil de la nuit, la dimension métaphorique du récit, les conditions de tournage à Casablanca, le rapport au spectateur, la présentation du film à Cannes et sur la récompense qui a couronné le tout.

L’interactivité se clôt sur la bande-annonce et le dossier de presse disponible en PDF.

L’Image et le son

Kamal Lazraq arpente les ruelles sombres et étroites des quartiers pauvres de Casablanca avec une approche parfois documentaire. Le master s’avère tout d’abord lumineux, mettant en valeur une palette colorimétrique très riche et bigarrée, tandis que les contrastes sont savamment tranchés et le piqué acéré. La fluidité du transfert flatte constamment la rétine jusqu’aux séquences nocturnes à la texture volontairement appuyée. Le film est très souvent éclairé par des lampadaires et des phares des voitures, entraînant quelques pertes de la définition. Les noirs sont tantôt concis, tantôt grumeleux mais cette édition, renforcée par une solide compression, respecte en tous points les volontés artistiques du réalisateur.

Deux versions originales stéréo et 5.1. La version originale 5.1 s’avère tout d’abord dynamique, spatialisée avec une ardeur inattendue. Les latérales sont actives dès la première image, les frontales sont également percutantes et le spectateur est immédiatement plongé dans l’ambiance glauque voulue par le cinéaste. Après certains effets remuants, le mixage suit l’évolution du film, qui devient plus « intimiste » et le principal de l’action reste la plupart du temps axé sur les enceintes avant. En revanche, les dialogues restent souvent fluides sur l’enceinte centrale. La musique participe grandement au malaise et se voit superbement restituée via des basses vibrantes.

Crédits images : © Ad Vitam / Captures : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

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