LES MALÉFICES DE LA MOMIE (The Curse of the Mummy’s Tomb) réalisé par Michael Carreras, disponible en Édition Blu-ray + DVD + Livret le 14 janvier 2020 chez ESC Editions
Acteurs : Terence Morgan, Ronald Howard, Fred Clark, Jeanne Roland, George Pastell, Jack Gwillim, John Paul, Dickie Owen, Jill Mai Meredith, Michael Ripper…
Scénario : Michael Carreras
Photographie : Otto Heller
Musique : Carlo Martelli
Durée : 1h16
Date de sortie initiale : 1964
LE FILM
Lors d’une expédition en Egypte, des savants découvrent un sarcophage renfermant la momie d’un pharaon présentant certaines particularités. Afin de les étudier, les savants décident de la ramener en Grande Bretagne. Mais ils ignorent qu’en déplaçant le pharaon, ils ont réveillé une très ancienne et sanglante malédiction.
Bernard Quatermass, Frankenstein, les vampires (avec évidemment Dracula), les satanistes, le Docteur Jekyll et bien d’autres, la Hammer a ressuscité moult monstres et créatures du cinéma d’épouvante durant son âge d’or, en renvoyant ainsi aux grandes heures des Universal Monsters. Peut-être moins célèbre, le cycle dit de la Momie se sera quand même étalé sur quatre longs métrages. En 1959, La Malédiction des pharaons – The Mummy, réalisé par Terence Fisher (encore lui) est un énorme succès dans le monde entier. Toutefois, il faudra attendre cinq ans pour que la Hammer se décide à revenir à l’Egypte et à ses sarcophages renfermant de sombres prophéties. Cette suite, on la doit à Michael Carreras (1927-1994), fils d’Enrique Carreras, l’un des deux fondateurs de la mythique Hammer Films avec William Hinds, société de production née en 1934. Ce que l’on sait moins, c’est que la Hammer a fait faillite à la fin des années 1930, avant d’être reprise par Anthony Hinds et Michael Carreras, les fils des créateurs du studio. Devenu un immense producteur touche à tout avec près de 70 titres produits en près de trente ans de carrière, Michael Carreras aura également signé quelques scénarios, Meurtres sans empreintes (1954) de Terence Fisher, le mythique Un million d’années avant J.C. (1966) de Don Chaffey, avec la sculpturale Raquel Welsh, mais il passera également lui-même derrière la caméra dès la fin des années 1950, pour une douzaine de longs-métrages. Ce sera par exemple le cas du formidable The Maniac, son quatrième film, écrit par le légendaire Jimmy Sangster (1927-2011), l’un des grands noms de la Hammer, capable de passer d’un genre à l’autre en suivant la mode et surtout le goût des spectateurs. Passionné d’égyptologie, Michael Carreras souhaite donner une suite à La Malédiction des pharaons et de réaliser lui-même ce second opus.
Les Maléfices de la Momie – The Curse of the Mummy’s Tomb s’inspire entre autres des différentes superstitions nées après la découverte du tombeau de Toutankhamon en 1930 par Howard Carter, suite au décès mystérieux de différents acteurs ayant participé à cette expédition. S’il n’atteint pas l’immense réussite du film de Terence Fisher, Michael Carreras n’a souvent pas à rougir de la comparaison et livre un opus souvent admirable, à la fois très prenant, formidablement photographié et marqué par un humour très appréciable. Les Maléfices de la Momie demeure un très grand spectacle, qui surpasse, et de loin, les dernières versions hollywoodiennes, notamment l’infâme La Momie d’Alex Kurtzman, l’un des rares navets avec Tom Cruise, sorti en 2017 et qui tentait de retrouver une fois de plus l’aura des Universal Monsters.
Les égyptologues européens Dubois, Giles et Bray découvrent la tombe du prince égyptien Ra, à l’intérieur de laquelle ils trouvent le corps momifié du prince lui-même. Un homme d’affaires, Alexander King, s’intéresse à la découverte et achète la momie au trio avec l’intention de l’exposer dans un musée britannique. Une fois exposée, la momie ressuscite et commence à faire la chasse aux trois égyptologues. Pendant que nos trois amis essaient d’échapper à la momie, ils découvrent que c’est un personnage sinistre aux instincts meurtriers qui lui a rendu la vie et qu’il est peut-être le seul qui soit capable de l’arrêter.
Situé après La Malédiction des pharaons (1959), mais avant Dans les griffes de la momie – The Mummy’s Shroud (1967) de John Gilling et La Momie sanglante – Blood from the Mummy’s Tomb (1971) de Seth Holt, Les Maléfices de la momie, distribué à sa sortie en double programme avec La Gorgone – The Gorgon (1964) de Terence Fisher, s’inspire à la fois de La Momie version 1932 mise en scène par Karl Freund (avec Boris Karloff) et du King Kong de 1933 de Merian Caldwell Cooper et Ernest Beaumont Schoedsack. Michael Carreras reprend la créature maudite en la modernisant, y compris au niveau des maquillages, par ailleurs très réussis et que l’on doit au légendaire Roy Ashton, le scénariste (sous le nom d’Henry Younger) et réalisateur reprend également le postulat de l’homme d’affaires voulant monter un grand spectacle d’exhibition, destiné à montrer aux yeux du monde un « monstre » exotique, quasi-surnaturel et hors du commun, dans un but lucratif.
S’il ne brille pas son casting, ni Peter Cushing, ni Christopher Lee sont au programme, les comédiens assurent le show. Sous les bandelettes, se cache Dickie Owen, que l’on retrouvera dans Les Griffes de la Momie, silhouette massive et par ailleurs cascadeur de son état, qui s’impose sans mal et dont la présence reste marquante. Jim Clark, acteur vu chez Raoul Walsh, Billy Wilder et Jean Negulesco, tire son épingle du jeu dans le rôle d’Alexander King, cigare au bec, arriviste et cupide, qui parvient à rendre son personnage attachant, en dépit de ses gros travers et de son projet quelque peu repoussant. Indiscutablement, il vole la vedette à ses partenaires Terence Morgan (Adam Beauchamp), Ronald Howard (John Bray) et la belle plante Jeanne Roland, « Sois belle et tais-toi » (d’ailleurs sa voix sera doublée), que l’on retrouvera un peu plus tard dans le James Bond On ne vit que deux fois (1967) dans lequel elle masse Sean Connery, son moment de gloire en quelque sorte.
La grande réussite des Maléfices de la Momie, on la doit donc surtout à la superbe photographie d’Otto Heller (La Blonde et le shérif de Raoul Walsh, Visa pour Hong Kong de Lewis Gilbert, West 11 de Michael Winner, Le Voyeur de Michael Powell), prolifique chef opérateur qui signe les splendides images du film de Michael Carreras. Des premières scènes supposées se dérouler en Egypte, en passant par les quelques ambiances londoniennes, jusqu’au final où les couleurs baroques renvoient à la confrontation du réel avec l’extraordinaire, Les Maléfices de la Momie n’a de cesse de ravir les yeux, tout en contentant les spectateurs avides d’aventures dépaysantes et effrayantes.
LE COMBO BLU-RAY/DVD
Les Maléfices de la Momie rejoint la collection « British Terrors » chez ESC Editions/Distribution, bien au chaud aux côtés de The Maniac, Le Caveau de la terreur, Le Train des épouvantes, Asylum, Les Contes aux limites de la folie, Histoires d’outre-tombe, Les Deux visages du Dr Jekyll, La Maison qui tue, La Revanche de Frankenstein, Hurler de peur, Fanatic… Cette édition Mediabook se compose du DVD et du Blu-ray du film, ainsi que d’un livret de 16 pages rédigé par Marc Toullec. Le menu principal est animé et musical.
ESC a confié la présentation de la Hammer à l’éminent Nicolas Stanzick, auteur du livre Dans les griffes de la Hammer : la France livrée au cinéma d’épouvante. Dans un module de 13 minutes, le journaliste nous raconte l’histoire du mythique studio Hammer Film Productions. Comment le studio a-t-il fait sa place dans l’Histoire du cinéma, comment le studio a-t-il réussi l’exploit de susciter un véritable culte sur son seul nom et surtout en produisant de vrais auteurs ? Comment les créateurs du studio ont-ils pu ranimer l’intérêt des spectateurs pour des mythes alors tombés en désuétude ou parfois même devenus objets de comédies ? Nicolas Stanzick, érudit, passionnant, passe en revue les grands noms (Terence Fisher bien évidemment, Christopher Lee, Peter Cushing) qui ont fait le triomphe de la Hammer dans le monde entier, mais aussi les grandes étapes qui ont conduit le studio vers les films d’épouvante qui ont fait sa renommée. Voilà une formidable introduction !
Retrouvons ensuite Nicolas Stanzick pour la présentation des Maléfices de la Momie (17’). Evidemment, ce module est à visionner après avoir vu ou revu le film puisque les scènes clés sont abordées. Comme lors de sa présentation de la Hammer, Nicolas Stanzick, toujours débordant d’énergie et à la passion contagieuse, indique tout ce que le cinéphile souhaiterait savoir sur la production des Maléfices de la Momie. Le journaliste replace donc ce film dans l’histoire de la Hammer Films et dans son cycle consacré aux Momies, le casting, l’investissement personnel de Michael Carreras, le tout abordé avec intelligence et spontanéité.
L’Image et le son
Oubliez le DVD sorti chez Sony en 2006 et précipitez-vous sur ce master Haute-Définition royalement offert par ESC Editions ! Car en dehors de quelques points blancs, de décrochages chromatiques sur les fondus enchaînés et de divers stock-shots dans la première partie (avec un grain beaucoup plus appuyé), la copie présentée tient toutes ses promesses. Les teintes rouges, jaunes et bleues sont éclatantes, les contrastes sont à l’avenant, les détails élégants sur le cadre large et le piqué pointu. Quel plaisir de (re)découvrir les films de la Hammer dans ces conditions !
Le film est disponible en version originale ainsi qu’en version française DTS HD Master Audio mono d’origine. Sans surprise, la piste anglaise l’emporte haut la main sur son homologue, surtout du point de vue homogénéité entre les voix des comédiens, la musique et les effets sonores. Le doublage de la piste française est soigné, mais l’ensemble est quelque peu criard et s’accompagne d’un léger souffle.