LES JEUNES AMANTS réalisé par Carine Tardieu, disponible en DVD et Blu-ray le 7 juin 2022 chez Diaphana.
Acteurs : Fanny Ardant, Melvil Poupaud, Cécile de France, Florence Loiret Caille, Sharif Andoura, Sarah Henochsberg, Martin Laurent, Olenka Ilunga…
Scénario : Carine Tardieu, Raphaële Moussafir & Agnès De Sacy, d’après une histoire originale de Sólveig Anspach & Agnès De Sacy
Photographie : Elin Kirschfink
Musique : Eric Slabiak
Durée : 1h53
Date de sortie initiale : 2022
LE FILM
Shauna, 70 ans, libre et indépendante, a mis sa vie amoureuse de côté. Elle est cependant troublée par la présence de Pierre, cet homme de 45 ans qu’elle avait tout juste croisé, des années plus tôt. Et contre toute attente, Pierre ne voit pas en elle “une femme d’un certain âge”, mais une femme, désirable, qu’il n’a pas peur d’aimer. A ceci près que Pierre est marié et père de famille.
A la base des Jeunes amants, il y a la cinéaste américano-islandaise Sólveig Anspach (Haut les cœurs !, Lulu femme nue), disparue en 2015 à l’âge de 54 ans, des suites d’un cancer. La dernière histoire sur laquelle elle aura planché s’inspire en fait de la passion amoureuse et charnelle que sa mère aura vécue avec un homme plus jeune qu’elle. Le scénario est alors coécrit avec la talentueuse Agnès De Sacy (Les Envoûtés, Tout de suite maintenant, Je vous souhaite d’être follement aimé), puis proposé à l’excellente Carine Tardieu (La Tête de maman, Du vent dans mes mollets, Ôtez-moi d’un doute), qui s’est réapproprié ce récit avec sa collaboratrice Raphaële Moussafir. Cette combinaison d’immenses sensibilités ne pouvait déboucher que sur un merveilleux long-métrage, Les Jeunes amants. Portée par des acteurs en état de grâce, sur lesquels trône l’une des reines du cinéma français, Fanny Ardant (Vanessa Redgrave avait premièrement été envisagée), cette romance éclatante, solaire, universelle, foudroie l’âme et les sens du début à la fin et échappe à toutes les boursouflures dans lesquelles se vautrent habituellement, très souvent du moins, le cinéma hexagonal. Un vrai et grand coup de coeur.
En découvrant le synopsis des Jeunes amants, on craignait de se retrouver devant Les Beaux jours 2. En effet, quelques éléments pouvaient vraiment faire penser au film de Marion Vernoux, sorti en 2013, dans lequel le personnage de Fanny Ardant, en mode blond et portant un jean pour la première fois de sa vie, entretenait une liaison avec un homme de trente ans son cadet interprété par Laurent Lafitte. Cette histoire classique d’adultère ne parvenait pas à dépasser son postulat de départ et servait surtout de prétexte pour la réalisatrice de (bien) filmer Fanny Ardant dans tous ses états, en enchaînant les vignettes avec peu d’éclat, Fanny qui marche sur la plage avec le soleil du Nord dans les yeux, Fanny qui se prend une cuite, Fanny qui prend des cours de théâtre et qui fait de la poterie dans un club de retraités, Fanny qui mange des Granolas, Fanny qui fait une gâterie à Laurent Lafitte, tout cela avec un intérêt qui ne faisait que s’émousser. Dans Les Jeunes amants, pas de stéréotypes comme dans Les Beaux jours. Ici, le spectateur tombe instantanément amoureux des deux protagonistes et partagent leurs émois, dès leur rencontre. Melvil Poupaud (Généalogies d’un crime, Trois vies et une seule mort, Victoria, Été 85) est fabuleux, fragile comme du cristal, d’une délicatesse hors du commun quand son personnage fait la connaissance de Shauna, dont l’aura, la voix, le sourire, le regard, le coeur le bouleversent. Quinze ans passent, ces deux êtres se retrouvent à nouveau face à face, alors que Shauna va sur ses 71 ans, tandis que Pierre est marié et a deux enfants.
Dès son premier long-métrage, La Tête de maman, Carine Tardieu faisait preuve d’une pudeur, d’une élégance, d’une tendresse, le tout doublé d’un véritable savoir-faire derrière la caméra. Si l’humour est certes encore présent dans Les Jeunes amants, élément qui était alors quasi-inexistant dans le scénario original plus crépusculaire de Sólveig Anspach (à qui le film est évidemment dédié), qui se savait condamnée, la réalisatrice aborde ici frontalement cette histoire d’amour, sans pathos (y compris quand Parkinson se mêle à la partie), en évitant les clichés liés à la maladie qui parasite l’exaltation des sentiments. A l’instar de Catherine Deneuve, Les Jeunes amants peut se voir comme une radiographie de Fanny Ardant elle-même, la femme et la comédienne. L’objectif l’observe, la caresse, capture ses mains aux veines saillantes en gros plan, sa peau, ses lèvres, sa haute silhouette toujours élancée, sa chevelure abondante, à tel point que le spectateur pourrait même sentir son parfum.
Magnifiquement photographiés par Elin Kirschfink (Nos batailles de Guillaume Senez), les protagonistes semblent flotter dans le cadre, emportés par leurs émotions, leurs troubles, leurs sensations et leur instinct. Autour de cet atome, gravitent trois très beaux personnages, celui interprété par la grande Cécile de France (De son vivant, Illusions perdues, Un monde plus grand, Mademoiselle de Joncquières), déjà présente dans Ôtez-moi d’un doute, par Florence Loiret-Caille (tête d’affiche de L’Effet aquatique et de Queen of Montreuil de Sólveig Anspach) et Sharif Andoura, vu dans la série OVNI(s), chez Wes Anderson dans The French Dispatch et Anne Fontaine dans Marvin ou la belle éducation, ce dernier étant une belle découverte. Incarnant respectivement l’épouse de Pierre, la fille de Shauna et le meilleur ami de Pierre, ces trois individus ne sont pas oubliés dans le tourbillon créé par notre noyau central et qui seront également bouleversés par cette relation inattendue.
On ressort transportés, émus, chamboulés par cette splendide, précieuse et flamboyante histoire d’amour, totalement saisis par l’intensité des comédiens au sommet de leur art, ainsi que par la mise en scène qui rappelle souvent certains opus de Douglas Sirk. Ce qui n’est pas un mince compliment. Et en mot, c’est sublime.
LE BLU-RAY
Avec près de 400.000 entrées, Les Jeunes amants a su tirer son épingle du jeu lors de sa sortie dans les salles en février 2022. Diaphana propose désormais le film de Carine Tardieu en DVD et Blu-ray. L’édition HD est disponible sous la forme d’un boîtier classique de couleur blanche, la jaquette reprenant le très beau visuel de l’affiche d’exploitation. Le menu principal est animé et musical.
L’éditeur propose une interview croisée de la scénariste Agnès De Sacy et de la réalisatrice Carine Tardieu (16’). Des propos forcément émouvants quand elles évoquent les derniers travaux de Sólveig Anspach, qui écrivait alors sur la véritable histoire d’amour vécue par sa mère de 79 ans avec un médecin beaucoup plus jeune qu’elle. Se sachant condamnée par la maladie, Sólveig Anspach désirait que ce projet aboutisse et soit absolument réalisé par une femme. C’est là que Carine Tardieu entre en scène. Cette dernière explique comment elle a su et pu se réapproprier ce récit, en changeant certains personnages, en apportant quelques touches d’humour (« le scénario était plus noir, plus âpre… »), en explorant un autre territoire. Le casting est bien sûr abordé, ainsi que les partis-pris et les intentions de la metteuse en scène.
L’interactivité se clôt sur la bande-annonce.
L’Image et le son
Les Jeunes amants bénéficie d’un beau traitement de faveur avec ce master HD élégant. Les contrastes sont riches, les noirs denses, le piqué acéré. La palette chromatique est chaude, la luminosité des séquences diurnes tire indiscutablement de la HD, les détails sont plus éloquents sur les gros plans.
Le mixage DTS HD Master Audio 5.1 ne déçoit pas, tant au niveau de la délivrance des dialogues que des effets latéraux. S’il n’y a pas grand-chose à redire sur la balance frontale, ce mixage parvient vraiment à immiscer le spectateur dans l’ambiance du film. Les enceintes latérales délivrent sans mal les ambiances naturelles et l’ensemble demeure harmonieux. La piste Stéréo est également de très bonne qualité et contentera ceux qui ne seraient pas équipés sur la scène arrière. Les sous-titres français destinés au public sourd et malentendant sont également disponibles, ainsi qu’une piste Audiodescription.