LES CONTREBANDIERS DE SANTA LUCIA (I contrabbandieri di Santa Lucia) réalisé par Alfonso Brescia, disponible en Combo Blu-ray + DVD le 7 septembre 2021 chez Artus Films.
Acteurs : Mario Merola, Antonio Sabàto, Gianni Garko, Jeff Blynn, Edmund Purdom, Sabrina Siani, Lorraine De Selle, Marco Girondino…
Scénario : Ciro Ippolito & Piero Regnoli
Photographie : Silvio Fraschetti
Musique : Eduardo Alfieri
Durée : 1h30
Date de sortie initiale : 1979
LE FILM
Le capitaine Ivano Radevic enquête sur un trafic international d’héroïne. Pour cela, il n’hésite pas à infiltrer le milieu des contrebandiers napolitains, et se lie avec Don Autiero, un trafiquant de cigarettes. Celui-ci le mènera à Don Vizzini, un parrain de la mafia.
Au cours de nos chroniques, nous avons déjà parlé d’Alfonso Brescia (1930-2001), parfois connu sous son pseudonyme Al Bradley, ancien assistant de Roberto Bianchi Montero, Giuseppe Vari, Mario Amendola, Silvio Amadio, Mario Caiano, grâce auxquels il apprend son boulot de metteur en scène sur leurs comédies, péplums et films d’aventures. En 1964, il passe lui-même derrière la caméra avec La Révolte des prétoriens – La rivolta dei pretoriani, très vite suivi du Gladiateur magnifique – Il magnifico gladiatore (1964), avec Mark Forest. Le réalisateur signera une cinquantaine de longs-métrages, en passant par tous les genres possibles et imaginables, dont les titres demeurent emblématiques du cinéma Bis et reflètent l’évolution des goûts du public, Goldocrack à la conquête de l’Atlantide – Il conquistatore di Atlantide (1965), Furie au Missouri – Il Giorni della violenza (1967). Tête de pont pour huit implacables – Testa di sbarco per otto implacabili (1968), Le Labyrinthe du sexe – Nel labirinto del sesso (1969), Un joli corps qu’il faut tuer – Il tuo dolce corpo da uccidere (1970), Le Manoir aux filles – Ragazza tutta nuda assassinata nel parco (1972), Supermen contre les Amazones – Superuomini, superdonne, superbotte (1975), La Bataille des étoiles – Cosmo 2000 – Battaglie negli spazi stellari (1978) et bien d’autres. A la fin des années 1970, Alfonso Brescia délaisse la science-fiction, il venait d’emballer quatre « space opera » et revient au polar mafieux avec Napoli serenata calibro 9, L’Ultimo guappo, Il mammasantissima et Les Contrebandiers de Santa Lucia – I contrabbandieri di Santa Lucia, les quatre films ayant pour particularité d’avoir été tournés à Naples. S’il retrouvera le polizziotescho et cette ville encore après, le film qui nous intéresse est donc Les Contrebandiers de Santa Lucia, formidable thriller qui propose à la fois une intrigue policière solide doublée d’une dimension documentaire puisqu’Alfonso Brescia y plonge sa caméra dans les rues, dans les us et coutumes de Naples, au milieu de ses habitants, de leur quotidien et de leurs magouilles.
Suite à un coup d’état en Iran, une grande quantité de drogue est achetée par les chefs des cinq familles mafieuses de New York qui, pour l’occasion, ont conclu une alliance. Le chef du FBI envoie ensuite le capitaine Ivano Radevic (Gianni Garko) à Naples pour enquêter. Radevic, persuadé que les contrebandiers napolitains issus du commerce des cigarettes obtiennent à peine ce dont ils ont besoin pour survivre, obtient l’alliance de Don Francesco Autiero (Mario Merola), qui dirige un quartier. Ce dernier, avec beaucoup d’ingéniosité, présente le policier à Michele Vizzini (Antonio Sabàto), qui sert d’intermédiaire dans le trafic de drogue entre l’est et l’ouest à l’insu d’Autiero. Un jour pourtant, un incident se produit, touchant personnellement Don Autiero, qui comprend ainsi la trahison et le trafic de Vizzini. Certains comptes doivent se régler « en famille ».
En Iran, en Turquie, à New York, à Paris et à Naples, Alfonso Brescia trimballe les spectateurs durant 90 minutes, après avoir tout d’abord exposé les différentes étapes du marché de la drogue, de sa récolte à son parcours jusqu’en Europe, où elle sera transformée puis envoyée aux Etats-Unis. S’ensuit la présentation des différents Parrains réunis dans une même pièce, « car la guerre entre les clans doit cesser », surtout que « l’Amérique est un grand pays et qu’il y a de place pour tout le monde ». Alors quoi de mieux que de s’unir à nouveau et même de célébrer une union, tout en accueillant cinq quintaux d’héroïne pure qui seront ensuite revendus avec un gros bénéifice ? Une explosion arrive sur un port et le générique démarre. Le cinéaste a posé ses différents décors, quelques personnages, son sujet central, avant de se focaliser sur ses protagonistes principaux. L’originalité des Contrebandiers de Santa Lucia est de montrer un capitaine de police s’unir avec le milieu des contrebandiers napolitains, puisque ceux-ci sont doublés par un des leurs, acoquiné à la mafia new-yorkaise.
La contrebande à Naples, c’est comme les usines Fiat. Sauf que nous ne pouvons pas faire grève.
Le flic du film est interprété par l’illustre Gianni Garko, qui sortait du tournage de L’Emmurée vivante – Sette note in nero de Lucio Fulci, impeccable, bad-ass et classe, qui prend même le temps de faire un petit clin d’oeil aux spectateurs en commentant une affiche de cinéma de Lo Scugnizzo, réalisé par Alfonso Brescia (« Qui c’est ce con d’Alfonso Brescia » dit d’ailleurs un passant), en disant « Il y a Gianni Garko au générique, c’est que ça doit être un bon film ! ». Mais même s’il n’y a rien à redire sur sa prestation, il se fait voler la vedette par Mario Merola, chanteur immensément populaire en Italie, qui a tourné dans une vingtaine de longs-métrages, très souvent mis en scène par Alfonso Brescia à l’instar de L’Ultimo guappo, Napoli… serenata calibro 9, Il mammasantissima, Napoli… la camorra sfida e la città risponde, Napoli, Palermo, New York, il triangolo della camorra et bien d’autres. Né à Naples, il demeure l’une des icônes de la ville, même encore quinze ans après sa disparition. Il incarne ici l’un des boss de la ville, qui dirige la contrebande de cigarettes de Naples. Difficile de ne pas trouver le bonhomme attachant, chaleureux, altruiste et attentionné, ce que Radevic comprend d’emblée, ce qui l’aidera dans son enquête. Entre les deux naîtra un respect mutuel. Ils vont devoir mettre leurs différends de côté et s’unir face à Don Michele Vizzini, incarné par Antonio Sabàto, vu dans Grand Prix (1966) de John Frankenheimer, Barbarella (1968) de Roger Vadim, Pas de pitié pour les salopards – Al di là della legge (1968) de Giorgio Stegani, ainsi que dans Le Tueur à l’orchidée – Sette orchidee macchiate di rosso (1972) et La Guerre des gangs – Milano rovente (1973) d’Umberto Lenzi.
Sur un scénario écrit par ses complices Ciro Ippolito et Piero Regnoli, Alfonso Brescia livre un film toujours aussi plaisant à suivre avec ses amitiés viriles, ses quelques plans boobs totalement gratos, ses poursuites en bagnoles un peu nawak (dont l’une est constituée de stock-shots provenant d’une publicité pour la Fiat 127), ses mafieux qui se prennent pour Marlon Brando et les gamins des rues aussi débrouillards que vieillis avant l’heure, qui représentent l’espoir de demain.
LE COMBO BLU-RAY + DVD
Il y a quelques jours, nous vous parlions de Flics en jeans, qui ouvrait la salve du mois de septembre chez Artus Films. La collection Polar de l’éditeur s’agrandit avec Les Contrebandiers de Santa Lucia, réalisé par Alfonso Brescia. Un combo qui prend la forme d’un Digipack à deux volets, magnifiquement illustré, glissé dans un fourreau cartonné du plus bel effet. Le menu principal est fixe et musical.
Et comme on ne change pas une équipe qui gagne, Artus s’est bien sûr tourné vers Curd Ridel, pour nous présenter I contrabbandieri di Santa Lucia (30’30). Cette fois, cette intervention tournera essentiellement autour du casting du film d’Alfonso Brescia, puisque le complice de l’éditeur évoquera chacun des acteurs principaux, ainsi que de leurs carrières respectives. Même chose concernant le réalisateur, dont il énumère certains de ses opus les plus célèbres, en mettant en relief les figures récurrentes et ses thèmes de prédilection. Curd Ridel parle aussi des divers stock-shots visibles dans Les Contrebandiers de Santa Lucia, provenant de la publicité pour la Fiat 127, mais aussi de La Filière ou Afyon – Oppio, poliziottesco réalisé par Ferdinando Baldi, sorti en 1972. S’il critique la musique (« pas terrible et qui ne fait pas des étincelles ») d’Eduardo Alfieri, Curd Ridel sait mettre en avant les qualités de ce « polar constitué de sales gueules patibulaires comme on les aime ».
L’interactivité se clôt sur un Diaporama de photos et d’affiches du film, ainsi que sur un lot de bandes-annonces.
L’Image et le son
Artus Films présente un master restauré 2K des Contrebandiers de Santa Lucia. Débarrassons-nous tout de suite des points négatifs, autrement dit la présence de poils en bord de cadre, de rayures verticales, de collures et de stock-shots très visibles avec une texture complètement différente et des couleurs délavées. Le reste du temps, la copie est élégante avec des teintes bigarrées, un grain argentique équilibré, une luminosité plaisante et une stabilité irréprochable sur les séquences filmées par Alfon Brescia et son équipe. La poursuite en bagnoles apparaît comme un patchwork constitué de plans impeccables et ceux à la définition très médiocre tirés de la pub pour la Fiat 127. Ne parlons même pas des premières images du film plaçant l’action à Téhéran, qui sont affreuses et qui donnent quelques frayeurs, heureusement dissipées après cette exposition.
Les pistes LPCM 2.0 italienne et français (incomplète car il s’agit de la version intégrale du film avec des scènes jamais doublées dans la langue de Molière) ne sont pas du même acabit, la première étant indubitablement plus naturelle et fluide que la seconde aux dialogues tantôt sourds, tantôts à la limite de la saturation. Privilégiez évidemment la version originale, qui même s’il s’avère parfois grinçante, n’en reste pas moins supérieure en tout point à son homologue. Les sous-titres français ne sont pas imposés.