LE SOUFFLE DE LA TEMPÊTE (Comes a Horseman) réalisé par Alan J. Pakula, disponible en Combo Blu-ray + DVD – Édition limitée le 5 juillet 2023 chez Rimini Editions.
Acteurs : James Caan, Jane Fonda, Jason Robards, George Grizzard, Richard Farnsworth, Jim Davis, Mark Harmon ,Macon McCalman…
Scénario : Dennis Lynton Clark
Photographie : Gordon Willis
Musique : Michael Small
Durée : 1h53
Année de sortie : 1978
LE FILM
A la fin de la Seconde Guerre mondiale, dans le Montana. Propriétaire d’un ranch dans l’Ouest, Ella Connors est harcelée par le riche J. W. Ewing, qui a des vues sur ses terres. Endettée, la jeune femme a dû vendre une parcelle à deux soldats démobilisés, dont l’un trouve bientôt la mort lors d’une échauffourée avec les hommes d’Ewing. L’autre, Frank Athearn, s’en tire avec une blessure et se réfugie chez Ella.
Klute, À cause d’un assassinat – The Parallax View, Les Hommes du président – All the President’s Men, Le Choix de Sophie – Sophie’s Choice, Présumé Innocent – Presumed Innocent, L’Affaire Pélican – The Pelican Brief et Ennemis rapprochés – Devil’s Own…ou les films les plus célèbres du réalisateur d’Alan J. Pakula (1928-1998). En regardant ses œuvres d’un peu plus près, on se rend compte que la moitié de ses opus demeurent étonnamment obscurs ou tout du moins peu renommés. Suite au triomphe international rencontré par Les Hommes du président, récompensé par quatre Oscars en 1977 (sur huit nominations), Alan J. Pakula a les mains libres pour choisir le sujet qui l’intéresse. Contre toute attente, il jette son dévolu sur un scénario de Dennis Lynton Clark, ancien directeur artistique d’Un homme nommé Cheval – A Man Called Horse (1970) d’Elliot Silberstein, du Convoi sauvage – Man in the Wilderness (1971) de Richard C. Sarafian et d’American Graffiti (1973) de George Lucas, un western, alors que le genre était quasiment mort à la fin des années 1970 après avoir viré au pastiche au milieu de la décennie. La postérité n’a pas retenu grand-chose du sixième long-métrage d’Alan J. Pakula, en dehors de son casting de luxe composé de James Caan, Jane Fonda et Jason Robards. Le Souffle de la tempête se place dans la continuité de Missouri Breaks d’Arthur Penn, même s’il n’en possède pas l’étrangeté et s’avère plus épuré, proche des romans de feu Cormac McCarthy. Lent, parfois contemplatif, volontairement anti-spectaculaire, Comes a Horseman vaut il est vrai et avant tout pour ses comédiens, que l’on admire, qui subjuguent, plutôt que pour son histoire il faut bien le dire qui manque d’enjeux et qui pourra en lasser certains par l’absence de rebondissements et surtout d’action. Mais Le Souffle de la tempête est une merveille visuelle incontestable et l’émotion emporte finalement et facilement l’adhésion.
En 1945, Ella Connors est une rancher qui a un troupeau de vaches et quelques chevaux, avec son homme de main le vieux Dodger. Elle est endettée et vient de vendre une parcelle de ses terres à deux cowboys voisins, dont Frank, un soldat démobilisé. Jacob Ewing, un autre de ses voisins, qui vient d’enterrer son fils mort sur le front, convoite ses terres pour s’agrandir. Ewing était en conflit jadis avec le père d’Ella. Celle-ci refuse de lui vendre ses terres et repousse aussi ses avances. Un soir, alors qu’ils dorment à la belle étoile, un des cowboys est abattu par un tireur éloigné, qui blesse Frank. Celui-ci parvient à tuer leur agresseur qui le croyait mort. Frank se rend au ranch d’Ella, qui le soigne mais lui demande de partir dès qu’il sera sur pied. Il apprend que leur agresseur était un des hommes d’Ewing. Jacob Ewing vient voir Frank et lui suggère de partir en lui donnant un gros chèque. En guise de réponse, Frank le déchire. Remis sur pied, Frank aide Ella, qui n’insiste plus pour qu’il parte. Un jour, Jacob fait transhumer ses bêtes sur les terres d’Ella, comme il en a l’habitude. Ella tire au milieu du troupeau et fait paniquer les bêtes. Franck conseille à Jacob de ne jamais revenir sur les terres d’Ella.
Si Le Souffle de la tempête ne sera jamais considéré comme un film majeur d’Alan J. Pakula, il n’en demeure pas moins une curiosité. Alors que le cinéaste était probablement au sommet de sa carrière critique et commerciale, ce qui le plaçait dans la position tant convoitée par ses confrères et dont il aurait pu profiter pour cibler des sujets qui auraient pu le conforter à cette place, Alan J. Pakula prend tout le monde par surprise avec un film intimiste, pour ne pas dire confidentiel. Car Comes a Horseman n’est déjà pas un western traditionnel, puisque l’intrigue se déroule durant les dernières heures de la Seconde Guerre Mondiale et ne repose certainement pas sur quelques gunfights ou autres poursuites à cheval. Les affrontements sont uniquement psychologiques entre les personnages, qui s’opposent sur la propriété, sur les terres à exploiter, thème par excellence du genre. La violence provient seulement des regards, qui en disent long sur un passé commun tumultueux, surtout entre Ella (Jane Fonda, qui retrouvait Alan J. Pakula, sept ans après le légendaire Klute et qui croulait sous les récompenses pour Julia de Fred Zinnemann) et Jacob Ewing (Jason Robards, Oscar du meilleur acteur dans un second rôle en 1976 pour Les Hommes du président et 1977 pour Julia), au milieu desquels s’immisce Frank ‘Buck’ Athearn. Ce dernier, incarné par James Caan, alors entre Un autre homme, une autre chance de Claude Lelouch et Le Solitaire – Thief de Michael Mann, est l’antihéros dans toute sa splendeur, qui a su et pu revenir vivant du front et qui n’aspire qu’à trouver un lopin de terre pour y mener tranquillement sa vie. Celle-ci lui fait croiser la route de la belle Ella, avec laquelle le contact est tout d’abord rude depuis qu’elle a dû lui céder une part de son exploitation. Ces deux solitaires sauront unir leurs forces avec également le vieux Dodger, interprété par le magnifique Richard Farnsworth, nommé à l’Oscar, sublime tronche de cinéma croisée chez Howard Hawks, Anthony Mann, Stanley Kubrick, Robert Aldrich, John Huston, Clint Eastwood, qui allait tirer sa révérence avec le rôle de sa vie dans Une histoire vraie – The Straight story de David Lynch.
Outre sa distribution exceptionnelle, Le Souffle de la tempête bénéficie d’une splendide photographie signée Gordon Willis, mythique chef opérateur du Parrain de Francis Ford Coppola (et des deux volets suivants), Annie Hall, Manhattan et Intérieurs et bien d’autres monuments de Woody Allen, qui isole ses protagonistes dans un cadre large somptueux et les perd dans les immensités du Montana. On peut aussi et enfin rapprocher Le Souffle de la tempête de L’Or noir de l’Oklahoma (1973) de Stanley Kramer, avec lequel il partage beaucoup de points communs, que cela soit avec le rôle de femme forte et déterminée joué d’un côté par Jane Fonda et de l’autre par Faye Dunaway, les deux étant soutenu par un homme qu’elles repoussent dans un premier temps (James Cann Vs George C. Scott) et d’un autre plus âgé (Richard Farnsworth Vs John Mills), avant de s’épauler pour affronter une société d’exploitation voulant mettre la main sur un terrain pétrolifère.
Mais le film d’Alan J. Pakula tire vers l’assèchement, reflétant les derniers soubresauts, les ultimes battements de coeur d’une époque (et donc du western proprement dit), comme si l’arrêt de la guerre laissait place à un monde post-apocalyptique. Tout est à reconstruire, sur des cendres encore fumantes. L’image de fin est explicite et malgré tout optimiste. Nous laissons là Ella et Frank, au loin et ils l’ont bien mérité.
LE BLU-RAY
Le Souffle de la tempête revient de loin, puisque à part une simple édition DVD sortie chez MGM/United Artists en 2005, le film d’Alan J. Pakula était pour ainsi dire oublié et relégué en fond de catalogue. Rimini Editions ressuscite Comes a Horseman et présente ce western contemporain en Combo limité Blu-ray + DVD. Les disques, qui proposent la même sérigraphie, sont solidement harnachés dans un Digipack à deux volets, glissé dans un fourreau cartonné au visuel très élégant. Le menu principal est animé et musical.
Près d’une heure de suppléments à déguster après la vision du Souffle de la tempête !
On démarre avec l’intervention de Simon Gosselin (24’), doctorant en études cinématographiques à l’Université de Rennes 2, qui étudie surtout ici l’usage du cadre large par Alan J. Pakula et la place des personnages dans l’espace. L’hybridation des formes, la psychologie des protagonistes, la mise en scène sont aussi les sujets abordés au cours de ce module comme d’habitude pointu et passionnant, représentatif de la ligne éditoriale de Rimini.
Le second bonus donne cette fois la parole à Eric Thouvenel (32’), enseignant en cinéma à l’Université Paris Nanterre. Déjà croisé sur l’édition HD des Chasseurs de scalps de Sydney Pollack, l’invité de Rimini replace Le Souffle de la tempête dans la carrière d’Alan J. Pakula et revient en détails sur ce film qui a été un échec à sa sortie, après une série de succès très largement récompensés pour le réalisateur. Eric Thouvenel met en relief la mutation du western (ainsi que l’opposition constante entre le classicisme du genre et sa modernité), l’étrangeté, le décalage et même l’anachronisme du film, qu’il rapproche de Seuls sont les indomptés de David Miller, autre western dit contemporain. Le casting, la maturité des personnages, l’influence des films de Sam Peckinpah, ainsi que le drame ayant bouleversé la fin du tournage (la mort accidentelle du cascadeur Jim Sheppard, qui a heurté de plein fouet un poteau, une scène par ailleurs conservée au montage) sont également évoqués.
L’interactivité se clôt sur la bande-annonce.
L’Image et le son
Une restauration évidente, qui contient encore quelques petites failles, à l’instar de rayures verticales encore visibles, ainsi que diverses scories. Néanmoins, ce Blu-ray ne manque pas de charme et encore moins d’attraits. La gestion des contrastes est solide, le relief et le piqué certains, les textures palpables, le grain argentique présent (pas de DNR à l’horizon) et les détails sont on ne peut plus plaisants. Très belle colorimétrie également, même si certaines séquences apparaissent étonnamment plus fanées. Le disque est au format 1080p.
Les mixages anglais et français DTS-HD Master Audio Mono s’avèrent tous les deux dynamiques et sans souffle parasite. Au jeu des différences, la version française est sans doute moins équilibrée et évidemment moins naturelle, mais reste de très bonne qualité, avec un bon dosage des dialogues, des ambiances et des effets annexes. La piste originale est exemplaire et limpide. Les sous-titres français ne sont pas imposés.
Crédits images : © Rimini Editions / MGM / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr