LE DIABLE PAR LA QUEUE réalisé par Philippe de Broca, disponible en DVD & Blu-ray le 4 février 2025 chez Coin de Mire Cinéma.
Acteurs : Yves Montand, Madeleine Renaud, Maria Schell, Jean Rochefort, Jean-Pierre Marielle, Clotilde Joano, Claude Piéplu, Marthe Keller, Jacques Balutin, Pierre Tornade, Xavier Gélin, Tanya Lopert …
Scénario : Daniel Boulanger & Philippe de Broca
Photographie : Jean Penzer
Musique : Georges Delerue
Durée : 1h34
Date de sortie initiale : 1969
LE FILM
Dans un château délabré du XVIIe siècle, propriété d’une famille de nobles désargentés, on attire les touristes avec la complicité du garagiste local amoureux de la petite-fille de la châtelaine. Jusqu’au jour où arrivent un séduisant gangster et ses deux complices qui transportent le butin de leur dernier méfait. La famille de châtelains n’a aucunement l’intention de laisser passer une pareille aubaine. Et le gangster est-il vraiment si pressé de partir ?
Après le très grave échec du pourtant merveilleux Roi de coeur (140.000 entrées…), Philippe de Broca participe au film à sketches Le Plus Vieux Métier du monde, aux côtés (entre autres) de Claude Autant-Lara, Jean-Luc Godard et Mauro Bolognini. Puis, alors que les événements de mai 68 déferlent en France et sur le reste de l’Europe, le réalisateur écrit avec son complice Daniel Boulanger, Le Diable par la queue, scénario auquel participe également Claude Sautet. Les inconditionnels du cinéma de Philippe de Broca, et Dieu sait s’il y en a, ont toujours eu une immense affection pour Le Diable par la queue, qui certes n’est pas et ne sera jamais le plus célèbre opus de son auteur, mais qui reste emblématique de son univers. Quand le cinéaste ne collaborait pas avec Jean-Paul Belmondo ou Jean-Pierre Cassel, le collectif primait devant et derrière sa caméra. Pour Le Diable par la queue, si l’affiche d’exploitation demeure uniquement concentrée sur Yves Montand, Philippe de Broca réunit aux côtés de sa star une de ses plus belles distribution avec rien de moins que Xavier Gélin, Jean-Pierre Marielle, Maria Schell, Marthe Keller, Madeleine Renaud, Jean Rochefort, Clotilde Joano, Tanya Lopert, Claude Piéplu…tous se délectant de répliques savoureuses écrites au fiel. Personne n’est épargné dans Le Diable par la queue, les nobles, même si ceux-ci sont désargentés, sont de fabuleux escrocs et font jeu égal avec les criminels qu’ils hébergent malgré-eux, ce qui donne lieu à un face-à-face jubilatoire où les plus salopards l’emporteront. Comme bien souvent chez Philippe de Broca, son film fait l’effet dévastateur d’une tornade qui ravage tout sur son passage, autrement dit le coeur et l’âme des spectateurs.
Une famille d’aristocrates (la marquise, ses deux filles Diane et Jeanne, son gendre Georges et sa petite fille Amélie), dont la fortune est du domaine du passé, a transformé son château en hostellerie. Tout le monde travaille avec bonne volonté, mais la situation du château, à l’écart de l’autoroute, n’est pas faite pour favoriser cette transformation. La très jolie baronne Amélie séduit Charlie, un jeune garagiste, qui accepte de « rabattre » vers le château les clients de sa pompe à essence en mettant leurs voitures en panne. Une nuit d’orage se retrouvent ainsi à ce qui est devenu « L’Hôtel du Grand Siècle » un certain nombre de voyageurs immobilisés avec, parmi eux, un monsieur important, César Maricorne, flanqué de ses deux « secrétaires ». Ce César Maricorne qui se prétend baron n’est autre qu’un dangereux gangster qui vient de réussir un hold-up de cinquante millions. Lorsque la marquise le découvre, elle décide que ces cinquante millions doivent rester au château. Avec l’aide de sa famille, elle essaiera par tous les moyens, poison, chute, noyade, de faire disparaître César.
Si l’on a constamment loué l’humour et l’énergie des films de Philippe de Broca, son cinéma s’est toujours teinté, non pas de nostalgie, mais d’une profonde mélancolie. Si celle-ci sera plus explicite dans certains longs-métrages (Cartouche, Le Roi de coeur, Chère Louise, Tendre poulet), elle coule aussi dans les veines du Diable par la queue et comme bien souvent par l’intermédiaire de la splendide musique de Georges Delerue, qui berce le récit d’une atmosphère trouble, qui annonce la fin d’un monde, qui donne la vie à un autre, diamétralement opposé sans doute et que les protagonistes n’ont sûrement pas envie de connaître. Philippe de Broca filme ce petit monde comme un microcosme, observe ses protagonistes qui se débattent (ou pas d’ailleurs) pour (sur)vivre, avec l’oeil d’un entomologiste, où la loi de la jungle régit les rapports entre les individus et où le fric a le dernier mot.
Dans cette demeure délabrée où le toit percé laisse passer la pluie comme s’il n’avait plus de raison d’être (alors que l’eau courante n’arrive même plus dans les salles de bain), les de Coustines, qui voient doucement passer les jours (pour ne pas dire plus vulgairement qui s’emmerdent royalement), étaient loin de se douter qu’un bandit viendrait tout chambouler, y compris les hormones des belles demoiselles de la famille. De ce point de vue et comme il n’aura de cesse de le faire tout au long de sa prolifique carrière, Philippe de Broca, soutenu par l’immense talent de son chef opérateur (Préparez les mouchoirs, Tenue de soirée, Sans mobile apparent), met ses comédiennes en valeur, l’helvético-autrichienne Maria Schell (la même année que Les Brûlantes – 99 mujeres de Jesús Franco), la magnétique Clotilde Joano, la lunaire Tanya Lopert (que Fellini dirigera aussi en 1968 dans Satyricon) et la sublime Marthe Keller, dont le réalisateur tombera amoureux et qui lui donnera un fils en 1971. Outre l’immense numéro d’Yves Montand, qui prend visiblement beaucoup de plaisir à jouer les petits truands, une récréation avant d’aller tourner Z de Costa-Gavras, Jean Rochefort et Jean-Pierre Marielle se taillent la part du lion, le premier dans le rôle de Georges, le gendre désabusé, et le second dans celui d’un séducteur moumouté qui repartira la queue entre les jambes. Et n’oublions pas évidemment Madeleine Renaud, explosive, qui faisait son grand retour au cinéma.
Le Diable par la queue est un jeu de massacre savamment orchestré par un des plus grands mastri du cinéma français, qui rappelle souvent l’univers de la bande dessinée par ses quiproquos, ses gags visuels, son rythme. Six décennies ont quasiment passé depuis la sortie du film sur les écrans (et qui attirera 1,6 millions de spectateurs), mais la qualité de Broca demeure, un cocktail inoxydable d’humour, de réflexion et d’élégance qui n’ont jamais trouvé ensuite jamais trouvé d’équivalent.
LE BLU-RAY
Ce sont des rendez-vous que nous ne manquons jamais depuis l’apparition de l’éditeur Coin de Mire Cinéma en octobre 2018. La nouvelle vague apparaît dans les bacs le 4 février et propose cette fois en Haute-Définition : Cerf volant du bout du monde (1958) de Roger Pigaut, Le Diable par la queue (1969) de Philippe de Broca, La Loi c’est la loi (1958) de Christian-Jaque, Monsieur (1964) de Jean-Paul Le Chanois et Le Tonnerre de Dieu (1965) de Denys de La Patellière. Comme nous l’avions mentionné, l’éditeur a été obligé de revoir sa copie en raison des coûts de production. Si les splendides Digibooks ont laissé place aux Blu-rays traditionnels, le contenu et la ligne éditoriale restent identiques et la Séance subsiste ! En ce qui concerne Le Diable par la queue, le film de Philippe de Broca avait déjà connu plusieurs vies en DVD (chez TF1 Studio et Studiocanal). Plus de nouvelles depuis 2011…et puis, miracle, le film refait son apparition dans toutes les bonnes crémeries, en DVD et Blu-ray. Le disque repose dans un boîtier Blu-ray classique de couleur noire, lui-même glissé dans un surétui cartonné. Le menu principal est fixe et musical.
Enclenchez donc la fameuse Séance ! On démarre avec les actualités de cette sixième semaine de l’année 1969 (12’). On assiste à une étrange exposition sur l’avenir du monde, les conquêtes et les sciences modernes, qui se tient dans l’observatoire du Pic du Midi. Pendant ce temps, De Gaulle vient faire un petit tour en Bretagne et où le monde traditionnel de la pêche tente de s’adapter à l’évolution du métier.
Les réclames publicitaires mettent à l’honneur les bonbons Chocorêve (« et pour l’achat d’un Chocorêve, la direction de la salle offre un étui de deux nougatines gratuit ! »), les glaces Miko, la Simca 1100 (« 7,5 litres au cent ! »), le shampooing aux œuf Fli-Flap, le rasoir Remington 300, ainsi que la ville de Vendôme avec quelques adresses indispensables !
En plus d’un certain lot de bandes-annonces de films déjà ou bientôt disponibles chez l’éditeur, Coin de Mire Cinéma nous livre deux documents d’archives tournés sur le plateau du Diable par la queue, au château de Fléchères dans l’Ain.
Le premier donne la parole à Yves Montand (qui évoque rapidement le prochain tournage de Z de Costa-Gavras), Madeleine Renaud et Maria Shell, qui s’expriment sur les conditions de prises de vue, le travail avec Philippe de Broca (que l’on aperçoit à l’oeuvre) et les personnages du film.
Quant au second, Philippe de Broca s’y exprime brièvement (le module dure à peine une minute) sur sa collaboration avec Madeleine Renaud.
L’Image et le son
Restauration 2K pour Le Diable par la queue réalisée à partir du négatif original. Ce master HD permet enfin de revoir ce film dans d’excellentes conditions techniques. L’image est très propre, la stabilité est de mise grâce à un codec AVC de bon aloi, la clarté est très agréable, les contrastes ont été revus à la hausse. Il en est de même pour le piqué, inédit et ciselé aux moments opportuns, le grain est relativement bien géré et la texture plutôt agréable. Notons tout de même que les séquences tournées en extérieur sont celles qui profitent le plus de cette élévation HD.
Le mixage DTS-HD Master Audio Mono instaure un réel confort acoustique. Les dialogues sont ici délivrés avec ardeur et clarté, la propreté est de mise, les effets riches et les silences denses, sans aucun souffle. La composition de Georges Delerue perce légèrement les tympans, mais rien de bien méchant, son nouvel écrin phonique est finalement agréable. L’éditeur joint également les sous-titres français destinés au public sourd et malentendant.
Crédits images : © Coin de Mire Cinéma / Studiocanal / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr