LE CAS DU DOCTEUR LAURENT réalisé par Jean-Paul Le Chanois, disponible en Édition Digibook Blu-ray + DVD + Livret le 22 mai 2019 chez Coin de mire Cinéma
Acteurs : Jean Gabin, Nicole Courcel, Silvia Montfort, Henri Arius, Antoine Balpètre, Michel Barbey, Orane Demazis, Marcel Daxely, Josselin…
Scénario : Jean-Paul Le Chanois, René Barjavel
Photographie : Henri Alekan
Musique : Joseph Kosma
Durée : 1h54
Date de sortie initiale : 1957
LE FILM
Le Docteur Laurent quitte Paris pour s’installer dans un village des Alpes provençales. Il y rencontre une femme qui est en train d’enfanter dans des douleurs terribles. Le médecin décide de passer à l’action avec une nouvelle méthode d’accouchement sans douleur. Mais la femme, méfiante, le fait mettre à la porte et le village, pourtant intrigué, se ligue contre lui…
« La nature elle a bon dos ! Parfois, il faut lui donner un coup de main… »
Le réalisateur Jean-Paul Dreyfus, plus connu sous le nom de Jean-Paul Le Chanois (1909-1985) aura offert à Jean Gabin son plus grand succès au cinéma avec Les Misérables (1958). Le comédien et le cinéaste s’associeront sur quatre longs métrages. L’adaptation de l’oeuvre de Victor Hugo donc, suivi en 1964 de Monsieur, puis du Jardinier d’Argenteuil en 1966. Mais leur première collaboration, moins diffusée à la télévision que les trois films cités précédemment, remonte à 1957. Le Cas du docteur Laurent a pourtant été un grand succès populaire à sa sortie, en attirant 2,7 millions de français dans les salles. Le sujet est et demeure singulier.
Comme l’indique le panneau final, «Ce film est dédié respectueusement aux pionniers de la méthode psychoprophylactique d’accouchement sans douleur. Il a été réalisé avec l’aide de la maternité des métallurgistes à Paris où cette méthode a été pratiquée la première fois en France en 1952». Oeuvre engagée, Jean-Paul Le Chanois était d’ailleurs connu pour son engagement politique au sein du Parti communiste français, son syndicalisme dans le milieu de cinéma et ses activités dans la Résistance sous l’Occupation allemande, Le Cas du docteur Laurent se situe à mi-chemin de la chronique provinciale et du documentaire. Si l’ensemble dégage un charme suranné, le film est surtout resté célèbre pour sa toute dernière séquence, qui montre un accouchement sans douleur, mais aussi et surtout sans aucun trucage. Quant à Jean Gabin, il y est une fois de plus exceptionnel.
Le docteur Laurent est contraint, pour des raisons de santé, de quitter Paris. Il arrive dans un petit bourg de l’arrière-pays des Alpes-Maritimes, à Saint-Martin-Vésubie, où il doit remplacer le docteur Bastide devenu trop âgé pour continuer à exercer. Après avoir fait le tour du village sous la conduite du docteur Bastide, le docteur Laurent commence ses consultations. Très vite, il est sollicité par de nombreux villageois, notamment par Francine, une jeune paysanne célibataire qui lui révèle qu’elle est enceinte. Catherine Loubet, qui a beaucoup souffert durant sa grossesse et lors de son accouchement, le reçoit chez elle, mais en désaccord avec ses conseils, abrège leur entretien. Le docteur Laurent souhaite donner des cours sur l’accouchement sans douleur. Immanquablement, sa décision fait jaser le village sur son compte. Homme de bien, méthodique, le médecin est-il obligé de se rendre chez ses patientes pour leur enseigner les nouvelles pratiques. Bientôt, des habitants des alentours viennent le consulter. Les médecins de la région redoutent sa concurrence et, avec l’aide de la municipalité, adressent une pétition au conseil de l’ordre.
Il y a tout d’abord comme un petit air des films de Marcel Pagnol dans Le Cas du docteur Laurent, « avé l’accent », tourné dans les magnifiques paysages naturels des Alpes-Maritimes. La participation de l’actrice Orane Demazis, l’éternelle Fanny de la Trilogie marseillaise, fait d’ailleurs le lien. Une toile de fond qui ravit les yeux, tandis que les acteurs du cru, dont Marcel Daxely, qui rappelle furieusement Yves Montand, aussi bien dans le charisme que par la voix, entourent Jean Gabin, comme un vrai film choral. C’est d’ailleurs la première réussite du Cas du docteur Laurent, parvenir à rendre attachant chacun des habitants, à les faire exister, à leur donner un rôle important, jusqu’au final où ils participent tous à l’accouchement. Le charme agit petit à petit. Le spectateur est invité à suivre l’arrivée et l’accueil du docteur Laurent, nouveau venu dans ce petit village. Sa visite des lieux s’accompagne de sa rencontre avec les habitants. Avec douceur et délicatesse, Jean Gabin interprète ce docteur progressiste, soucieux de ses patients, en particulier des femmes qui souffraient alors encore lors de la mise au monde de leur enfant au début des années 1950. L’une d’elles est interprétée par la délicieuse Nicole Courcel (Les Amoureux sont seuls au monde, Papa, maman, la Bonne et moi), qui prend également l’accent chantant et qui s’empare avec talent de ce rôle à la fois fort et fragile.
La séquence où toutes les femmes du village s’unissent pour emmener Francine à l’hôpital est jubilatoire, féministe avant l’heure, rare dans le cinéma français de l’époque. Même chose pour cette fameuse dernière scène déjà mentionnée, où un enfant vient au monde, filmé en gros plan. Il faut alors faire fi de certaines longueurs, surtout durant la première partie très naturaliste, même si le jeu décalé, pour ne pas dire théâtral de Silvia Monti détonne comme d’habitude. Jean-Paul Le Chanois et l’écrivain René Barjavel (co-scénariste et co-dialoguiste) prennent le temps de bien ancrer leur récit dans un réalisme attrayant, afin de montrer, sans appuyer, que la fameuse méthode dévoilée et analysée dans le film n’est aucunement fantasmée ou falsifiée pour tromper l’audience. « Vous serez pour ou contre…mais jamais indifférent » scandait l’affiche.
Au final, Le Cas du docteur Laurent est une curiosité, le témoignage d’une époque qui disparaît pour laisser place à une autre, celle du progrès, de l’évolution des mœurs et pour les femmes, celles de disposer de leur corps.
LE DIGIBOOK
Deuxième titre de la seconde salve « La Séance » éditée par Coin de Mire Cinéma, Le Cas du docteur Laurent est sans aucun doute le plus méconnu, même si le film de Jean-Paul Le Chanois avait déjà bénéficié d’une édition en DVD chez LCJ en 2005 puis chez TF1 Studio en 2017. Revoici donc Le Cas du docteur Laurent, disponible à présent dans une superbe édition Digibook Blu-ray + DVD + Livret, sans oublier la reproduction de l’affiche originale et de dix photos d’exploitation. Le menu principal est fixe et musical. Les autres titres disponibles dans cette nouvelle vague sont Non coupable de Henri Decoin (1947), Rue des prairies de Denys de La Patellière (1959), Le Train de John Frankenheimer (1964), La Grosse caisse de Alex Joffé (1965) et L’Affaire Dominici de Claude Bernard Aubert (1973). Quant à la présentation de la collection, vous pouvez la retrouver en suivant ce lien https://homepopcorn.fr/category/coin-de-mire-cinema/ . Édition collector limitée à 3 000 exemplaires et numérotée.
Le livret comporte moult photographies du film, ainsi que les reproductions en fac-similé des matériels publicitaires et promotionnels, d’un extrait de la revue La Cinématographie Française, de publicités américaines pour le film, ainsi que la filmographie de Jean-Paul Le Chanois avec Le Cas du docteur Laurent mis en évidence.
Allez, on enclenche la « Séance » ! Place aux actualités de la 14e semaine de l’année 1957 (10’). Des informations chargées avec les hommages rendus au président Edouard Herriot, les conséquences de divers séismes qui ont ravagé la ville de San Francisco, des émeutes sur les Champs-Elysées et le tour des Flandres.
Bonbons Minto ! Esquimaux Gervais ! Pippermint Get ! Vous les trouverez tous dans les réclames (8’30) de l’année 1957 ! Et après tout cela, n’oubliez pas de vous laver les dents avec le dentifrice moussant Gibbs, avant d’aller faire un petit tour en Renault 4 CV (« même maltraitée, elle pardonne tout, pour vous mesdames ! »).
L’interactivité se clôt sur un lot de bandes-annonces. Celle du Cas du docteur Laurent s’accompagne d’un carton d’avertissement quant à la nature de la dernière scène du film.
L’Image et le son
Fort d’un master au format respecté 1.37 et d’un solide encodage (AVC), ce Blu-ray au format 1080p en met souvent plein les yeux. Passé un générique légèrement tremblant et des scènes de nuit moins précises, les séquences diurnes s’avèrent resplendissantes, luminescentes même, et profitent clairement de l’apport HD. La restauration HD réalisée à partir du négatif original est étincelante, les contrastes d’une densité souvent impressionnante, la stabilité de mise, les gris riches, les blancs éblouissants et les détails étonnent par leur précision. Les noirs sont profonds, la gestion du grain très équilibrée, le piqué pointu et on s’extasie souvent devant l’indéniable beauté de ce master HD !
Le mixage DTS-HD Master Audio 2.0 manque de naturel, surtout durant le premier acte où les dialogues semblent avoir été repris en post-production. Le volume est souvent trop élevé, un léger bruit de fond se fait entendre, les effets sont exagérés et les voix sont chuintantes. Heureusement, cela s’arrange après. Les répliques sont plus fines et les bruitages plus doux à l’oreille. L’éditeur joint également les sous-titres français destinés au public sourd et malentendant.