LA REINE BLANCHE réalisé par Jean-Loup Hubert, disponible en DVD & Blu-ray le 26 novembre 2024 chez Tamasa Distribution.
Acteurs : Catherine Deneuve, Richard Bohringer, Bernard Giraudeau, Jean Carmet, Laure Moutoussamy, Isabelle Carré, Muriel Pultar, Geneviève Fontanel…
Scénario : Jean-Loup Hubert
Photographie : Claude Lecomte
Musique : Georges Delerue
Durée : 1h59
Date de sortie initiale : 1991
LE FILM
1960. Confrontée au retour d’Yvon, Liliane, mariée à Jean, a besoin de comprendre : pourquoi ce départ précipité vingt ans plus tôt ? Jean, de son côté, se sent menacé. Il n’a pas oublié que son ami d’enfance était lui aussi amoureux de Liliane avant de disparaître mystérieusement.
La Reine blanche devait à nouveau réunir au cinéma Catherine Deneuve et Gérard Depardieu. Suite à un empêchement de dernière minute, ce dernier devait finalement laisser sa place à Richard Bohringer, qui tournait ici pour la troisième et dernière fois pour Jean-Loup Hubert, après Le Grand chemin et Après la guerre. « La Reine blanche » c’est dans le film la reine du carnaval de Nantes, le titre de reine de beauté locale que Liliane Soulas remporta dans sa jeunesse. Une élection et donc un prix qui a marqué à vie les esprits en raison de l’ immense beauté de la jeune femme, qui n’a jamais été égalée depuis. Mais le titre de « Reine » est aussi celui de Catherine Deneuve sur le cinéma français et bénéficier de cette royale comédienne en haut de l’affiche de son film est assurément un aboutissement pour Jean-Loup Hubert. Si rétrospectivement La Reine blanche apparaît comme une œuvre plus classique, ce long-métrage n’en reste pas moins une belle réussite, toujours inspiré par de nombreux éléments autobiographiques liés aux souvenirs d’enfance du cinéaste.
Voici bien des années que Jean Ripoche tient son magasin de plomberie et sanitaire au port de Trentemoult, face à Nantes. Il mène une vie bien réglée avec son épouse Liliane, dite Lili, son beau-père Lucien, un peu porté sur la bouteille, et leurs quatre enfants. Mais voici que les deux garçons reviennent de l’école en annonçant l’arrivée de deux « bamboulas » portant le nom de Legualoudec. Annie, l’aînée, arrache à son grand-père la raison du trouble soudain de ses parents. Yvon Legualoudec était l’ami d’enfance de Jean et tous deux se disputaient âprement les faveurs de Lili. Yvon partit sans prévenir et sans donner la moindre explication à personne pour la Guadeloupe voici vingt ans, le jour où Lili fut élue reine du carnaval et surnommée la « Reine blanche ». Jean retrouve son vieux copain, Lili observe, à la sortie de l’école, l’épouse noire d’Yvon et Lucien se saoule avec Yvon tout en lui conseillant de ne pas venir « semer sa merde ». Jean devient furieux lorsqu’Yvon prétend proposer sa fille Mireille – devenue amie avec Annie – à l’élection de la Reine blanche: de rage, il détruit le char triomphal conçu à la mode guadeloupéenne et en recrée un en forme d’iceberg!
Les gars, c’est con comme la Lune quand ils tombent amoureux !
Ce sont sans doute les plus belles années pour Richard Bohringer. Dans La Reine blanche, tourné entre Après la guerre du même Jean-Loup Hubert et Une époque formidable… de Gérard Jugnot, le comédien livre une fois de plus une prestation à fleur de peau. Son charisme d’écorché vif impose d’emblée le sieur Ripoche, dont le couple qu’il forme avec Liliane paraît toujours en mode veille, comme si leur union était basée sur un malentendu, prêt à être dévoilé. C’est justement ce qui arrive lorsque le dénommé Yvon Legualoudec fait son retour et remet en question l’équilibre déjà fragile de ce mariage. Comme souvent chez Jean-Loup Hubert, la violence des sentiments est sur le point d’exploser, malgré le calme apparent. Les années ont certes passé, mais Jean, Liliane et Yvon n’ont pas changé. Ce qui les unissait et donc ce qui a fini par les séparer n’a jamais été aussi présent. Alors quand Yvon revient dans le champ de vision des deux autres, tout ressurgit. Jean, se sentant trahi, jaloux et humilié, sort de ses gonds, Liliane se retrouve à nouveau entre les deux hommes qui se la disputaient il y a plusieurs décennies, tandis que Lucien (immense Jean Carmet, dans l’un de ses derniers rôles) livre enfin quelques secrets jusqu’alors enfouis.
Je savais bien que t’étais revenu pour foutre la merde…
Comme d’habitude chez le cinéaste, les acteurs sont fabuleux, quand bien même on pourrait reprocher à Bernard Giraudeau d’en faire un peu trop dans le côté sanguin et revanchard, à l’instar de cette scène où Yvon s’en prend à Liliane dans le Passage Pommeraye, où il vend des cacahuètes avec un singe perché sur ses épaules. À tout ce beau monde s’ajoute aussi la présence d’Isabelle Carré, 19 ans, dans sa deuxième apparition au cinéma, un an après Romuald et Juliette de Coline Serreau. Son hyper-sensibilité, sa peau diaphane et sa voix douce s’imposent déjà et ses apparitions comptent parmi les plus beaux moments de La Reine blanche. Le réalisateur reconstitue le début des années 1960, les lieux où il a lui-même grandi et l’on retrouve sa délicatesse habituelle apportée à la mise en scène, le tout soutenu par une photographie élégante signée par le fidèle Claude Lecomte, chef opérateur d’Après la guerre, Le Grand chemin et À cause d’elle. La musique du maestro Georges Delerue est peut-être trop présente et certains affrontements entre les personnages auraient indéniablement mérité d’être uniquement axés sur les échanges, sans être nappés systématiquement de mélodie.
Jean-Loup Hubert prouve encore que le romanesque au cinéma peut aussi naître du portrait dressé de la classe moyenne. On croit à cette famille nantaise, à Jean et Liliane, à leurs quatre enfants, au père de Liliane, qui, devenu veuf et âgé, a transmis le flambeau de l’entreprise familiale à son gendre. Ils jouissent ainsi du bonheur et de la prospérité de leur entreprise, dans la France des Trente Glorieuses. Tout irait donc pour le mieux, si Liliane ne paraissait pas aussi froide et distante, comme si elle ne parvenait pas à s’épanouir, ni dans sa vie de femme ni dans son mariage. Le récit se déroule dans un calme apparent, mais l’on sent constamment le feu qui couve sous la marmite, prête à déborder. Tout ce tsunami d’émotions nous prend à la gorge, cette poésie (les dialogues sont superbes) nous serre le coeur et La Reine blanche finit par nous emporter dans une valse étourdissante d’émotion.
LE BLU-RAY
Pour le troisième jour consécutif, nous explorons l’hommage rendu au cinéaste Jean-Loup Hubert par Tamasa Distribution, qui deux ans après Le Grand chemin, présente L’Année prochaine…si tout va bien, Après la guerre, La Reine blanche et À cause d’elle en Haute-Définition. Le Blu-ray repose dans un boîtier classique de couleur blanche. Le menu principal est fixe et musical. Pour info, le film était jusqu’à présent disponible en DVD chez LCJ Éditions & Productions depuis près de vingt ans.
Aux côtés de la bande-annonce, nous trouvons un entretien avec Jean-Loup Hubert (20’35), enregistré à l’occasion de la sortie de La Reine blanche en Blu-ray chez Tamasa. Le cinéaste revient sur la genèse du film (l’élection inattendue d’une jeune métisse comme reine du carnaval de Nantes en 1960), les éléments autobiographiques qui ont nourri le scénario, les repérages, ses intentions (évoquer sa mère et les gens modestes, le milieu d’où il vient), le casting (Gérard Depardieu qui ne peut plus faire le film peu de temps avant le tournage) et de l’immense plaisir qu’il a eu de réaliser La Reine blanche.
L’Image et le son
Nous avons devant les yeux une superbe version restaurée 4K de La Reine blanche. L’image est souvent resplendissante, fidèle aux partis pris esthétiques originaux. Les contrastes ne manquent pas de concision, surtout sur les scènes sombres où les noirs impressionnent. Le léger grain est flatteur, la colorimétrie est douce, la clarté toujours appréciable. La propreté est également indéniable, tout comme la stabilité, et les détails sont éloquents aux quatre coins du cadre. Blu-ray au format 1080p.
Ce mixage instaure un confort acoustique suffisant, avec une solide restitution des dialogues et de la composition de Georges Delerue, avec une ardeur jamais démentie. En revanche, contrairement aux autres titres de Jean-Loup Hubert, signalons l’absence de sous-titres français destinés aux spectateurs sourds et malentendants.
Crédits images : © Tamasa / Ciby 2000 – Caméra Noire – TF1 Films Productions – TF1 Studio / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr