Test Blu-ray / La Main qui venge, réalisé par William Dieterle

LA MAIN QUI VENGE (Dark City) réalisé par William Dieterle, disponible en DVD et Blu-ray le 17 mars 2020 chez Sidonis Calysta.

Acteurs : Charlton Heston, Lizabeth Scott, Viveca Lindfors, Dean Jagger, Don DeFore, Jack Webb, Ed Begley, Harry Morgan…

Scénario : John Meredyth Lucas, Ketti Frings d’après le roman « No escape » de Lawrence B. Marcus

Photographie : Victor Milner

Musique : Franz Waxman

Durée : 1h33

Date de sortie initiale : 1950

LE FILM

Danny et ses complices organisent une partie de poker dans le seul but de plumer un pigeon, Arthur Winant. Mais leur victime se suicide après avoir perdu plusieurs milliers de dollars qui ne lui appartenaient pas. Peu après, les amis de Danny sont assassinés les uns après les autres. Un ennemi mystérieux a décidé de venger impitoyablement la mort d’Arthur. Danny essaye désespérément de sauver sa peau en démasquant le tueur insaisissable.

Charlton Heston Begins ! En effet, La Main qui vengeDark City, réalisé par William Dieterle (1893-1972) est le film qui fera du comédien une star. Il s’agit de son troisième long métrage après Peter Gynt (1941) où il tenait déjà le rôle principal, et Julius Caesar (1950), dans lequel il interprétait Marc Antoine, deux films indépendants réalisés par David Bradley et adaptés des pièces d’Henrik Ibsen et William Shakespeare. Dans La Main qui venge, Charlton Heston s’impose avant même que le générique démarre. Tout en épaules et en mâchoires, l’acteur promène son mètre 90 et erre dans les rues d’une ville indéterminée. Son charisme éclate au grand jour dans un rôle pourtant peu sympathique et c’est alors soixante ans d’histoire du cinéma américain qui démarre. En dehors de cette curiosité qui ne manquera pas d’interpeller les cinéphiles, Dark City est un savoureux polar formidablement mis en scène, inégal, mais souvent passionnant, dans lequel quelques motifs propres au film noir fonctionnent à plein régime, à l’instar de ce tueur inconnu qui décime un à un les complices d’une petite bande d’arnaqueurs, sans que personne ne puisse mettre la main dessus, comme une présence surnaturelle qui donne une dimension quasi-fantastique à l’histoire.

Dan Haley (Charlton Heston), ex-soldat amer et sombre, patronne aujourd’hui un tripot clandestin. Un soir, une descente de police réduit à néant son activité. Trop démuni pour quitter la ville, il noie son pessimisme en fréquentant le cabaret où chante sa presque petite amie Fanny (Lizabeth Scott). Là, Dan fait la connaissance d’Arthur Winant (Don Defore), un bon père de famille en déplacement professionnel. Dan, aux abois, lui tend un piège, et l’invite dans une partie de poker déguisée. Pour ce premier soir, l’invité sort vainqueur et rafle tous les gains. Mais au soir suivant, à l’insu de Dan, les cartes sont truquées et Arthur se fait ratiboiser, jusqu’à perdre le gros chèque confié par sa société. Le lendemain, on apprend par les journaux que le malheureux s’est suicidé. Dan, affecté, s’accorde le droit de ne pas encaisser le chèque, causant la surprise parmi les autres joueurs. Bientôt, l’un d’eux est assassiné, étranglé par un homme dont on ne voit que la main. On se doute qu’il s’agit de Sydney, un psychopathe brutal venu venger son frère. Confronté à un tueur qu’il ne connaît pas, Dan décide d’agir et gagne Los Angeles où habite la veuve, Victoria Winant (Viveca Lindfors) qui possède certainement une photo. Pendant ce temps, un autre joueur passe à trépas. La police enquête, arrête Dan, lui conseille de se cacher, lui rappelant qu’il est le dernier vivant des racketteurs.

Il y a du bon et du moins bon dans La Main qui venge, dont on conserve heureusement les meilleurs éléments. Il y a déjà la réalisation de William Dieterle, un maître hollywoodien souvent oublié. Ancien acteur populaire dans l’Allemagne des années 1920 vu dans le Faust de Murnau, il crée sa propre société de production et collabore avec les plus grands noms du cinéma de son pays. Il fuit le régime nazi et s’installe à Hollywood où il réalise son premier long métrage pour le compte de la Warner, The Last Flight (1931) avec Richard Barthelmess. Naturalisé américain en 1937, William Dieterle ne cessera jamais de tourner pendant près de trente ans, signant quelques films devenus d’immenses classiques, comme le Quasimodo (1939) avec Charles Laughton dans le rôle-titre, l’étonnant The Devil and Daniel WebsterTous les biens de la terre (1941), sans oublier son chef d’oeuvre, Le Portrait de Jennie en 1948. Très à l’aise avec les codes du film noir alors en vogue, William Dieterle soigne chaque plan de La Main qui venge et instaure une atmosphère troublante, de la première à la dernière séquence. Outre l’interprétation imposante de Charlton Heston, le reste du casting est aux petits oignons avec les tronches bien reconnaissables de Dean Jagger (La Vallée de la peur de Raoul Walsh, L’Attaque de la malle-poste d’Henry Hathaway) et Jack Webb (C’étaient des hommes de Fred Zinnemann, Boulevard du crépuscule de Billy Wilder). Le suspense est suffisamment maintenu, le film est très beau à regarder grâce au talent du chef opérateur Victor Milner, qui travaillait avec les plus grands noms du cinéma, Henry King, Raoul Walsh, Ernst Lubitsch, Cecil B. DeMille et Preston Sturges.

Pour les points négatifs, cela concerne essentiellement les personnages féminins. Celui campé par Lizabeth Scott finit par taper sur les nerfs en raison du jeu de la comédienne, bien moins crédible ici que dans En marge de l’enquêteDead Reckoning de John Cromwell, dont le rôle se réduit souvent à prendre l’air triste et à de trop nombreuses chansons interprétées face à des spectateurs mâles noyés sous quelques volutes de fumée. Si Viveca Lindfors s’en sort bien mieux, la relation qui s’instaure entre son personnage et celui incarné par Charlton Heston coupe le film en deux parties et n’est guère inspirée. Heureusement, le récit reprend dans un dernier acte plus intéressant, qui conduit évidemment à l’affrontement final.

La Main qui vengeDark City comblera les amateurs de polars américains des années 1950, mais vaut surtout aujourd’hui pour y découvrir les débuts fracassants d’une des plus grandes stars de l’histoire du cinéma.

LE BLU-RAY

Jusqu’alors disponible en DVD dans un coffret spécial Film noir édité chez Sidonis Calysta en décembre 2018, La Main qui venge est cette fois proposé à l’unité, mais aussi en Haute-Définition ! Le menu principal est animé et musical.

Trois entretiens au programme, qui dans l’ensemble se complètent bien, même si notre préférence se tourne une fois de plus vers celui de Bertrand Tavernier (18’30), plus critique et plus dense dans ses propos. Ce dernier, ainsi que François Guérif (6’) et Patrick Brion (8’) sont globalement d’accords et positifs sur La Main qui venge, ainsi que pour déclarer que William Dieterle est probablement l’un des réalisateurs les plus sous-estimés du cinéma hollywoodien des années 1940-50. Les trois intervenants réhabilitent donc le cinéaste en évoquant quelques-uns de ses plus grands films, ainsi que les obsessions et les thèmes qui ont parcouru son œuvre. Le fond comme la forme s’entrecroisent au fil de ces présentations, le casting est passé au peigne fin, avec forcément un gros plan sur Charlton Heston. Bertrand Tavernier pointe aussi les quelques points faibles du film, comme la partie mélodramatique avec la veuve, ou bien encore les rôles féminins qui pâtissent d’une écriture plus maladroite et qui ralentissent l’action.

L’interactivité se clôt sur la bande-annonce.

L’Image et le son

Hormis quelques fourmillements, le transfert HD répond à toutes les exigences et la restauration ne déçoit pas. Le N&B affiche une nouvelle jeunesse, les blancs sont lumineux et les noirs rutilants, le piqué n’a jamais été aussi affiné, même si quelques séquences apparaissent beaucoup plus douces et lisses. Le grain tend à s’accentuer sur les scènes sombres, ou paraît au contraire trop lissé sur certains plans. Les gros plans ne manquent pas de détails et la profondeur du plein cadre 1.33 est inédite. Alors, en dehors d’une séquence plus abimée, rayée et poussiéreuse (à la 44è minute), ou plus instable (à 1h), ce lifting numérique sied à merveille à la photo de Victor Milner.

Oubliez la version française qui manque singulièrement de naturel (surtout que les chansons de Lizabeth Scott sont aussi doublées) et qui demeure centrée sur le report des voix (même si étouffées), au détriment des effets annexes et de la musique de Franz Waxman. Si elle s’accompagne constamment d’un léger souffle, la piste anglaise est à privilégier car plus équilibrée et dynamique, sans aucune commune mesure. Les sous-titres français ne sont pas imposés.

Crédits images : © Sidonis Calysta / Paramount Pictures / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

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