LA LÉGENDE DE L’ÉPÉE MAGIQUE (The Golden Blade) réalisé par Nathan Juran, disponible en DVD et Combo Blu-ray + DVD le 8 décembre 2020 chez Elephant Films.
Acteurs : Rock Hudson, Piper Laurie, Gene Evans, George Macready, Kathleen Hughes, Steven Geray, Edgar Barrier, Alice Kelley…
Scénario : John Rich
Photographie : Maury Gertsman
Musique : Irving Gertz & Herman Stein
Durée : 1h21
Année de sortie : 1953
LE FILM
Le grand et beau Harun, prince de Bassora, arrive à Bagdad pour venger la mort de son père. Il fait la découverte d’une mystérieuse épée magique qui lui est rapidement dérobée par le grand Vizir et son fils. Alors que le Calife est assassiné par les deux hommes, un tournoi est organisé pour obtenir les faveurs de la princesse…
C’est un film que l’on pourrait situer à la croisée d’Ali Baba et les Quarante Voleurs (1954) de Jacques Becker, Aladdin (1992) des studios Disney et la bande dessinée Iznogoud de René Goscinny et Jean Tabary. La Légende de l’épée magique – The Golden Blade est un digne représentant du divertissement hollywoodien des années 1950, qui proposait aux spectateurs du monde entier de s’évader pendant 80 ou 90 minutes, à travers de superbes décors en carton-pâte, des costumes scintillants, des comédiens sublimes, le tout avec si possible une petite touche exotique. Nous ne sommes pas déçus sur tous les points, y compris ce dernier puisque l’action se déroule au Moyen-Orient, d’où le fond de teint appuyé des acteurs et cette musique arabisante de Irving Gertz et Herman Stein, qui semble avoir grandement inspiré le légendaire Nuits d’Arabie du Aladdin de John Musker et Ron Clements. Comme son titre français l’indique, La Légende de l’épée magique est un conte qui aurait pu sortir des 1001 Nuits, mais que l’on doit finalement à l’imagination de John Rich, également réalisateur et qui connaîtra un triomphe avec son film Boeing Boeing (1965) d’après la pièce éponyme de Marc Camoletti. Un an après le merveilleux Qui donc a vu ma belle ? – Has Anybody Seen My Gal ? de Douglas Sirk, la divine Piper Laurie et le magnifique Rock Hudson se retrouvent à l’écran. Leur complicité, leur sensualité et leur alchimie, ainsi que la fraîcheur de leur jeu font le sel de The Golden Blade, par ailleurs très bien mis en scène par l’excellent Nathan Juran (À des millions de kilomètres de la Terre, Les Premiers hommes dans la Lune), grand artisan et expert de la série B. La Légende de l’épée magique conserve un charme rétro inaltérable.
A la recherche des assassins de son père, Harun, prince de Bassora, sur lequel Allah a posé sur son front le Pouce du destin, arrive à Bagdad. Il y fait la connaissance de la ravissante princesse Khairuzan, et de Barcus, un marchand, qui lui offre une épée magique. Khairuzan tombe amoureuse de Harun, mais elle est destinée à Hadi, un jeune prince pédant et belliqueux. Sachant Harun invincible, elle propose à son père d’organiser un duel entre les deux jeunes hommes afin de les départager et d’épouser le vainqueur. Mais Hadi, qui a appris l’existence de cette épée magique, charge une de ses servantes de la dérober avant le combat…
Durant l’âge d’or de Bagdad et de Bassora…c’est ainsi que démarre La Légende de l’épée magique, qui aurait tout aussi bien pu commencer par « Il était une fois… ». On y retrouve en effet une prophétie en plusieurs étapes, un héros téméraire et au charme dévastateur, une princesse qui n’a pas froid aux yeux, un Vizir machiavélique qui souhaite devenir Calife à la place du Calife (et qui se prénomme d’ailleurs Jafar), sans parler des hommes de main prêts à tout – et surtout à éplucher au sabre – notre personnage principal, qui a déjà tant à faire entre embrasser (ou subir le fort caractère de sa bien-aimée) l’élue de son coeur, venger son père et manipuler son épée capable de percer l’acier comme dans du beurre !
Sous contrat avec Universal, Rock Hudson, 28 ans, enchaîne les tournages. Pour preuve, il en est déjà son vingtième film depuis 1950. Après être passé devant la caméra d’Hugo Fregonese (L’Impasse maudite – One Way Street), d’Anthony Mann (Winchester ‘73, Les Affameurs), de Joseph Pevney (Shakedown), de George Sherman (Tomahawk), de William Castle (The Fat Man), de Douglas Sirk (Qui donc a vu ma belle ?), de Budd Boetticher (Le Traître du Texas, L’Expédition du Fort King) et de Raoul Walsh (Victime du destin, La Belle espionne), le comédien qui en était alors qu’au début de son incroyable carrière, tient le film sur ses très larges épaules et son mètre 93. Malgré ses 164 centimètres, la pétillante Piper Laurie lui en fait voir des vertes et des pas mûres dans The Golden Blade, et cette fois encore, son personnage, la Princesse Khairuzan, rappelle celui de Jasmine dans l’Aladdin de 1992, cette dernière voyant le Vizir d’un mauvais œil, n’hésitant pas à s’échapper du palais en s’habillant comme une personne du peuple et tombant bien sûr amoureuse de grand échalas au coeur vaillant qui pourrait bien réconcilier les deux forces en puissance. Sortant tout juste du Fils d’Ali-Baba – Son of Ali Baba de Kurt Neumann, l’actrice de 21 ans tient la dragée haute à son partenaire et campe à nouveau une princesse pour laquelle on affronterait tous les dangers.
Rien à redire sur la mise en scène de Nathan Juran, toujours inspirée, et même si les combats au sabre paraissent mous, la beauté de la photographie de Maury Gertsman (She-Wolf of London de Jean Yarbrough) est colorée à souhait, le montage reste dynamique, le dépaysement est garanti, l’humour est léger et l’on suit ces aventures avec un plaisir non dissimulé.
LE BLU-RAY
Jusqu’alors disponible en DVD chez Universal, La Légende de l’épée magique refait surface en édition Standard, mais aussi et surtout en combo Blu-ray + DVD chez Elephant Films ! Par ailleurs d’autres titres mettant en scène le grand Rock Hudson sortent également en même temps, Les Yeux bandés de Philip Dunne, Étranges compagnons de lit de Melvin Frank, Le Sport favori de l’homme de Howard Hawks et Ne dites jamais adieu de Jerry Hopper, sur lesquels nous reviendrons dans la foulée. Le visuel est typique de la conséquente collection Cinéma Master Class de l’éditeur. Le menu principal est fixe et musical, et la jaquette toujours réversible.
L’indéboulonnable Jean-Pierre Dionnet présente La Légende de l’épée magique (7’). Fidèle à Elephant Films, le cofondateur du magazine Métal hurlant et animateur de l’émission Cinéma de quartier pendant près de vingt ans sur Canal+ revient tout d’abord sur la représentation du monde oriental au cinéma, et plus particulièrement à Hollywood et ce depuis les années 1920 avec notamment les films interprétés par Rudolph Valentino. Puis, Jean-Pierre Dionnet en vient à The Golden Blade en passant en revue le casting et l’équipe technique.
Jean-Pierre Dionnet est à nouveau seul en piste pour dresser cette fois le portrait de Roy Harold Scherer Jr., connu sous le nom de Rock Hudson (16’), « un des plus grands acteurs du monde, aussi important que Marlon Brando » que certains ont pu découvrir récemment à travers la mini-série Hollywood disponible sur Netflix, dans laquelle l’acteur Jake Picking interprète une version fictionnelle de l’acteur. Les grandes étapes de la carrière du comédien sont abordées, ainsi que ses films les plus emblématiques, son amitié avec Liz Taylor, l’ambiguïté sexuelle de Rock Hudson, sans oublier évidemment sa longue, fructueuse et immense collaboration avec Douglas Sirk.
L’interactivité se clôt sur un lot de bandes-annonces.
L’Image et le son
Elephant Films livre un master HD quasiment exemplaire avec des fondus enchaînés qui n’entraînent pas de décrochages, des couleurs chaudes et étincelantes présentes dès le générique, une stabilité à toutes épreuves, une clarté omniprésente, une propreté indéniable et un grain argentique respecté. Ce Blu-ray au format 1080p est peut-être un peu trop contrasté parfois, du moins à notre goût, quelques changements chromatiques sont constatés de temps en temps au cours d’une même séquence et deux scènes (celle après le délire d’Harun à la 46è minute et lors de la dernière bobine) sont marquées par des éclats bleutés et un aspect sensiblement clignotant. Mais en dehors de cela, La Légende de l’épée magique resplendit en Haute-Définition.
L’éditeur met à disposition deux pistes sonores en mono 2.0. Si le doublage français d’époque est réussi, c’est au niveau de la musique et des ambiances de fond que ça coince. En effet le tout manque d’ampleur et de clarté. Tout le mérite revient à la piste originale, dynamique et vivante tout du long, sans souffle.