IRON CLAW (The Iron Claw) réalisé par Sean Durkin, disponible en DVD & Blu-ray le 7 juin 2024 chez Metropolitan Vidéo.
Acteurs : Zac Efron, Harris Dickinson, Jeremy Allen White, Holt McCallany, Maura Tierney, Grady Wilson, Valentine Newcomer, Stanley Simons…
Scénario : Sean Durkin
Photographie : Mátyás Erdély
Musique : Richard Reed Parry
Durée : 2h11
Date de sortie initiale : 2023
LE FILM
Les inséparables frères Von Erich ont marqué l’histoire du catch professionnel du début des années 80. Entraînés de main de fer par un père tyrannique, ils vont devoir se battre sur le ring et dans leur vie.
En 2011, le canadien Sean Durkin crée l’évènement avec son premier long-métrage, l’exceptionnel Martha Marcy May Marlene, Prix de la mise en scène au Festival du film de Sundance et révélait par la même occasion la sublime Elizabeth Olsen. Depuis, le réalisateur n’a eu de cesse de créer son chemin avec la série Southcliffe et son second film The Nest (2019), thriller dramatique interprété par Jude Law et Carrie Coon. Iron Claw aura demandé plusieurs années de gestation et on peut même dire qu’il s’agit d’un projet mûri depuis toujours, étant donné que Sean Durkin est non seulement un passionné de catch, mais aussi et surtout de la famille Von Erich depuis son enfance. Autant dire que la tentation d’écrire et de mettre en scène un film sur ce sujet le titillait, ce qui est désormais chose faite. Iron Claw, ou The Iron Claw en version originale, est un drame sportif magnifique, soutenu par des acteurs virtuoses et en état de grâce, magistralement dirigés et qui livrent une interprétation aussi viscérale sur le plan physique que dramatique. Sur cette distribution quatre étoiles, l’excellent Zac Efron livre sans doute sa plus grande prestation. Métamorphosé, pour ne pas dire méconnaissable, le comédien se donne corps et âme dans le rôle de Kevin Von Erich, alias Kevin Ross Adkisson, fils du catcheur Fritz Von Erich et frère de David, Kerry, Mike et Chris, tous pratiquant le même sport et soudés aussi bien en dehors que sur le ring. Iron Claw s’inscrit dans la droite lignée de The Wrestler (2008) de Darren Aronofsky et Foxcatcher (2014) de Bennett Miller, mais également du premier Rocky (1976) et de Raging Bull (1980), en démontant le mythe du rêve américain, en montrant le coeur qui bat sous les grosses carcasses, les larmes qui coulent (même si un homme digne de ce nom ne saurait chialer) de ces bestiaux vêtus d’un simple slip et qui montrent que malgré l’adversité, the show must go on. Assurément l’un des grands films de 2024.
Dès les années 1960, Fritz Von Erich tente de faire vivre les siens en pratiquant le catch lors de petits évènements au Texas. Sa femme Doris le suit partout mais n’aime pas trop voir les combats. Quelques années plus tard, la famille Von Erich s’est agrandie et installée à Denton. Kevin, devient champion poids lourds de la NWA en 1979. Son père, propriétaire de la World Class Championship Wrestling, veut aussi mettre en avant l’un de ses autres fils, David. Le plus jeune, Mike, préfère quant à lui faire de la musique. De son côté, Kevin rencontre la jolie Pam et commence à sortir avec elle. Il lui fait comprendre que sa famille est très soudée et que c’est très important pour lui. La jeune femme, qui plaît beaucoup à Fritz, commence à s’intégrer. En raison du boycott des Jeux olympiques d’été de 1980, Kerry, prometteur lanceur de disque, voit son rêve olympique brisé. Il retourne dans la propriété familiale et se lance lui aussi dans le catch. En 1983, Kevin, David et Kerry montent sur les rings en trio. Ils battent notamment The Fabulous Freebirds pour le titre de champion par équipe. Fritz propose alors à David d’affronter l’actuel champion du monde Ric Flair, alors que Kevin pensait que ce combat était pour lui. Lors de son mariage avec Pam, Kevin révèle à David qu’il va bientôt devenir père. L’aîné remarque cependant que son petit frère est mal en point même si lui assure que tout va bien. David part ensuite en tournée au Japon où il meurt d’une entérite aiguë. C’est un nouveau drame pour la famille Von Erich, qui avait déjà été touchée par la mort avec le décès accidentel du premier garçon, Jack Jr., à l’âge de 6 ans. Kevin et Kerry se portent ensuite volontaires pour combattre Ric Flair à sa place de David. Alors que Kerry est choisi par tirage au sort, Kevin est à nouveau très déçu. Son frère remporte le combat et le titre. Mais il est toujours déprimé et part faire une balade à moto…
Iron Claw est une œuvre sur le deuil impossible, puisque de la fratrie Von Erich, seul Kevin (né en 1957) demeure encore en vie aujourd’hui. Alors que la mort prématurée de Jack Jr. pèse chaque jour sur la famille, le destin va s’acharner en enlevant un à un, quatre des frères alors qu’ils sont au sommet de leur gloire. On s’attache très rapidement à cette famille forcément pas comme les autres, qui mange un bœuf entier aux hormones au petit-déjeuner avec des dizaines d’oeufs brouillés et du maïs transgénique, où tous les membres obéissent au doigt (potelé) et à l’oeil (tuméfié) du père, incarné par le puissant Holt McCallany (Jack Reacher : Never Go Back, Alien³, Fight Club, Mindhunter), qui trône sans se forcer sur le casting. Outre l’importance des deux rôles féminins campés par Lily James et Maura Tierney, Jeremy Allen White (qui sera bientôt Bruce Springsteen dans un biopic consacré au Boss) et Harris Dickinson (The King’s Man : Première Mission, Là où chantent les écrevisses, la série Trust) tirent leur épingle du jeu.
On saluera également la beauté de la photographie, très stylisée (et en 35mm), que l’on doit au chef opérateur Mátyás Erdély (Le Fils de Saul, Miss Bala), celle de la reconstitution, des décors, de la partition de Richard Reed Parry (du groupe Arcade Fire). Et l’on se laisse porter par cette tragédie familiale (en réalité, cinq frères sur six trouveront la mort, dont trois par suicide, le réalisateur ayant étrangement éliminé un membre familial dans cette adaptation), qui demeure malgré tout solaire et optimiste, qui évite tout pathos et s’avère un fantastique récit sur la résilience, imprégné d’une sensibilité à fleur de peau qui contraste constamment avec la violence qui règne alors sur le ring.
Comme qui dirait une main de velours dans un gant de fer, ou plutôt une griffe d’acier comme l’indique le titre, renvoyant à la prise spéciale emblématique des Von Erich, mais aussi celle avec laquelle le père toxique tenait sa famille sous son emprise. Un classique instantané.
LE BLU-RAY
Après un beau succès dans les salles américaines et un rapide passage dans les cinémas français, Iron Claw débarque sur le ring, ou dans les bacs plutôt, en DVD et Blu-ray chez Metropolitan Film & Video. Très beau visuel. Le menu principal est animé et musical.
Le premier module est un excellent making of, sans doute l’un des meilleurs vus dernièrement (29’). Toute l’équipe est réunie afin de nous parler de l’histoire incroyable, mais vraie, de cette famille hors du commun. Le réalisateur Sean Durkin se taille la part du lion, en évoquant qu’il était très fan de catch quand il était enfant, période durant laquelle il avait découvert et suivi les exploits des Von Erich. Il évoque également la préparation des comédiens (avec Chavo Guerrero, lutteur professionnel et coordinateur du film, avec lequel les acteurs ont pu apprendre, chorégraphier et répéter les scènes de combats), la longue gestation du scénario (sept ans d’écriture), la participation des enfants de Kevin Von Erich (et de ce dernier), ainsi que les tests des costumes. La distribution aborde leur entraînement intense et spécifique, les recherches sur leurs personnages respectifs, la reconstitution et les conditions de tournage.
S’ensuit une intéressante rencontre avec l’équipe de Iron Claw, menée par Jenelle Riley de Variety (21’). Le metteur en scène et l’essentiel du casting, sans oublier le vrai Kevin Von Erich, répondent gentiment aux questions (peu inspirées il est vrai), mais ils le font avec sincérité et de nombreuses interventions s’avèrent touchantes.
L’interactivité se clôt sur un lot de bandes-annonces.
L’Image et le son
Avec sa photographie marquée par un très beau grain (tournage en 35mm!), Iron Claw pouvait d’abord laisser dubitatif en Haute Définition, mais c’était sans compter le professionnalisme de l’éditeur au cheval ailé. Hormis l’introduction en N&B, l’image affiche une colorimétrie automnale et des contrastes denses, respectant chacun des partis-pris esthétiques du directeur de la photographie Mátyás Erdély. Évidemment, ceux qui attendent un piqué incisif rechigneront, mais il serait dommage de négliger ce magnifique Blu-ray, clair, fourmillant de détails (la sueur qui perle sur les visages notamment) sur les quatre coins du cadre. Les ambiances tamisées sont superbes, les sources de lumières diffuses régalent les pupilles. Un transfert fort élégant. Le nec plus ultra de la HD.
Si la piste française DTS-HD Master Audio 5.1 se révèle plus rentre-dedans que son homologue anglaise, les deux versions font quasiment match nul en ce qui concerne la délivrance des ambiances sur les enceintes latérales, la restitution des dialogues et la balance frontale. Le spectateur est littéralement projeté sur le ring, la spatialisation reste solide tout du long et le caisson de basses est utilisé à bon escient. Sans surprise, la version originale l’emporte de peu sur l’homogénéité et la fluidité acoustique. L’éditeur joint également une piste audiodescription, ainsi que les sous-titres destinés aux spectateurs sourds et malentendants.