Test Blu-ray / Il marchait la nuit, réalisé par Alfred L. Werker & Anthony Mann

IL MARCHAIT LA NUIT (He Walked by Night) réalisé par Alfred L. Werker & Anthony Mann, disponible en Combo Blu-ray + DVD le 28 août 2024 chez Rimini Editions.

Acteurs : Richard Basehart, Scott Brady, Roy Roberts, Whit Bissell, James Cardwell, Jack Webb, Dorothy Adams, Jane Adams…

Scénario : Crane Wilbur & John C. Higgins

Photographie : John Alton

Musique : Leonid Raab

Durée : 1h16

Date de sortie initiale : 1948

LE FILM

L’histoire s’inspire d’un fait divers survenu à Pasadena. Roy Morgan est un cambrioleur, moitié mythomane, moitié psychopathe. Ce deuxième aspect de sa personnalité l’amène, une nuit, à assassiner un agent de police. Les sergents Jones et Brennan sont responsables de l’enquête, mais dans une ville particulièrement vaste, le risque d’erreur judiciaire est loin d’être nul…

Selon les credits d’Il marchait la nuitHe Walked by Night, la mise en scène est signée Alfred L. Werker (1896-1975), réalisateur de westerns (3 heures pour tuer, La Dernière chevauchée), genre qui l’a rendu célèbre dès les années 1920, mais aussi de comédies, de films romantiques, d’aventures ou policiers. En réalité, celui-ci s’était retrouvé à partager son siège avec Anthony Mann sur Il marchait dans la nuit, dont le style est immédiatement reconnaissable dans la dernière, fabuleuse et inoubliable dernière séquence, celle de la poursuite dans le réseau d’égouts d’eaux pluviales (bien avant Terminator 2 : Le Jugement dernier, Police Fédérale Los Angeles et Grease). Après, il est sans doute difficile d’attribuer telle scène à un cinéaste en particulier, mais dans l’ensemble He Walked by Night affiche une homogénéité, mais n’arrive toutefois pas à la cheville de La Brigade du suicideT-Men et Marché de brutesRaw Deal qu’Anthony Mann venait de signer. Pourquoi une telle comparaison ? Car Il marchait la nuit reprend les mêmes partis-pris et intentions, autrement dit retracer une véritable enquête criminelle avec une précision quasi-documentaire, qui démarre comme un reportage, le tout présenté par une voix-off qui expose le contexte. Là-dessus, le cinéma reprend ses droits et la photographie ténébreuse, signée une fois de plus par le virtuose John Alton, chef opérateur d’Elmer Gantry, le charlatan, Thé et sympathie, Association criminelle, Quatre étranges cavaliers et bien d’autres (dont T-Men et Raw Deal), met instantanément dans l’ambiance sombre et inquiétante de la Californie nocturne. Néanmoins, le film pèche par une certaine redondance, un manque de charisme de la plupart des comédiens et un aspect didactique qui paraît trop forcé. Pas un indispensable du film noir, loin de là, mais une vraie curiosité pour les cinéphiles qui ne manqueront pas de reconnaître la patte Mann ici et là.

Après sa journée de travail au commissariat de Los Angeles, un sergent de police rentre chez lui. Il interpelle un homme qui semble fuir de devant la vitrine d’un magasin d’électronique. L’homme est pourtant distingué mais quand l’agent lui demande ses papiers, l’homme sort un revolver et tire. Il rejoint sa voiture et prend la fuite. Malgré le coup de filet opéré par la police dans la ville, il est impossible de repérer l’assassin. Au matin, le policier blessé par balle est en effet décédé. Le capitaine Breen confie l’enquête aux sergents Jones et Brennan, ce dernier étant un ami de la femme de son collègue assassiné. Brennan est mis sur la piste de l’assassin par l’entrepreneur Paul Reeves qui achète son matériel électronique sophistiqué à Roy Martin qu’il croit être un génial inventeur. En réalité Roy Martin vole ce matériel pour le revendre. Brennan essaie d’arrêter Martin chez Reeves mais l’assassin réussit à s’enfuir en blessant grièvement le sergent Jones. Malgré ses recherches acharnées et même un portrait robot de l’assassin, Brennan ne parvient pas à identifier l’assassin. Convaincu par Jones que ce ne peut-être qu’un ancien flic ou militaire au courant de leurs méthodes, Brennan consulte méthodiquement les registres des anciens collaborateurs de chacun des commissariats de la ville et finit par identifier un certain Roy Morgan, ancien agent radio avant la guerre, moitié mythomane, moitié psychopathe. La police tente le tout pour le tout.

« Le travail du policier, comme celui de la femme, ne s’arrête jamais ! »

C’est une chasse à l’homme. Sujet ô combien éternel, qui a bien sûr connu son heure de gloire dans les 1940-50 grâce au film-noir. Il marchait la nuit, coécrit par Crane Wilbur (L’Île Mystérieuse, Le Pénitencier du Colorado, Chasse au gang) et John C. Higgins (La Dernière flèche, Marché de brutes, La Brigade du suicide) compile tous les ingrédients du genre, agrémentés des peurs du moment, qui font les choux gras des canards à sensations. Si comme pour les deux précédents opus d’Anthony Mann la voix-off est souvent trop explicative, pour ne pas dire inutile, le tournage en décors naturels est une sacrée plus-value et plonge le spectateur sur le terrain, avec les flics, mais aussi auprès de celui qu’ils recherchent – « un tueur diaboliquement rusé » – et qui leur échappe avec autant de sang-froid que d’ingéniosité. Ce dernier est impeccablement campé par Richard Basehart, gueule de cinéma que l’on retrouvera chez Michael Winner (Les Collines de la terreur), Michael Gordon (Meurtre sans faire-part), John Huston (Moby Dick), Karl Malden (La Chute des héros), Samuel Fuller (Baïonnette au canon) et même chez Federico Fellini (Il Bidone, La Strada). Un comédien aujourd’hui oublié, mais dont la carrière impressionnante mérite qu’on s’y attarde, d’autant plus que sa prestation dans Il marchait la nuit, par ailleurs une de ses premières apparitions à l’écran, demeure foncièrement ambiguë et inquiétante.

On ne pourra pas en dire autant de Scott Brady, quasi-inconnu au bataillon (on l’a vu dans l’excellent Kansas en feu de Ray Enright, Johnny Guitare et même dans Gremlins, son dernier film), lisse, peu aidé par un rôle somme toute standard et forcément moins captivant, surtout que le récit ne cache pas que les tâches du flic sont souvent ingrates, l’agent devant « user ses semelles et sa patience […] réaliser des procédures routinières, des enquêtes fastidieuses, des recherches interminables, avec pour seul allié sa persévérance ».

Récompensé par le Prix spécial du jury au Festival international du film de Locarno en 1949, Il marchait la nuit vaut pour son aspect réaliste, qui inspirera la série Dragnet à Jack Webb (qui fait ici partie de la distribution), qu’il produira, réalisera et interprétera durant les deux décennies suivantes. Enfin, la scène du portrait-robot (« des méthodes hors du commun ! ») semble avoir inspiré celle de Fantômas (1964) d’André Hunebelle, certains dialogues faisant également étrangement écho à ceux du film de Mann/Werker !

LE BLU-RAY

Il marchait la nuit avait tout d’abord été présenté en DVD chez Wild Side Video en 2011, dans une édition dépourvue de suppléments, et même avant cela chez Bach Films. Disparu des radars, le film refait surface en combo Blu-ray + DVD chez Rimini Éditions, sous la forme d’un Digipack à deux volets, très élégamment illustré, visuel qui devrait largement attirer le regard des cinéphiles adeptes de films noirs. Le menu principal est animé et musical.

Florian Tréguer, agrégé d’anglais, est maître de conférences à l’Université Rennes 2 où il enseigne la littérature et le cinéma américains. Jean-Pierre Vasseur est allé à sa rencontre (47’), pour recueillir moult informations sur Il marchait la nuit et surtout pour en savoir plus sur la présence d’Anthony Mann derrière la caméra, alors que le film est attribué à Alfred Werker seulement au générique. Florian Tréguer évoque ainsi l’origine du projet, le fait qu’Anthony Mann ait effectivement pris le relais à la direction d’Il marchait la nuit, après la défection en cours de route de son confrère. L’invité de Rimini passe également en revue les points forts du film (sa photographie notamment), déclare qu’il est aussi moins spectaculaire et complexe que La Brigade du suicide et Marché de brutes, tout en le replaçant dans la carrière d’Anthony Mann. La forme hybride (mélange d’un réalisme documentaire et d’expressionnisme) est analysée, les personnages passés au crible, le fait divers ayant inspiré le scénario évoqué, les scènes marquantes exposées (celle des égouts surtout). Nous l’avons déjà dit, mais nous le disons encore aujourd’hui, les suppléments made in Rimini sont assurément les meilleurs et les pus passionnants que vous trouverez aujourd’hui dans le monde de la vidéo en France.

L’Image et le son

Le master de He Walked by Night présenté par Rimini rend justice aux magnifiques partis-pris de la photographie stylisée de John Alton. Si la restauration a parfois ses limites, aucun fourmillement n’est constaté, les poussières sont rares, la copie affiche une nouvelle fraîcheur. Le N&B est ravivé, éclatant, la stabilité est de mise et les contrastes sont nettement plus fermes. Les scènes sombres sont fluides, la texture argentique préservée dans l’ensemble (quelques séquences apparaissent étonnamment plus lisses), le piqué étonnant et la définition équilibrée.

La version originale, seule piste présentée sur ce disque, bénéficie d’un mixage DTS-HD Master Audio 2.0. L’espace phonique se révèle probant, le confort est indéniable, et les dialogues sont clairs, nets, précis, mais le tout manque un peu de vivacité. Aucun souffle ne vient parasiter votre projection. Les sous-titres français ne sont pas imposés.

Crédits images : © MGM / Rimini Editions / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

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