LES MARIS, LES FEMMES, LES AMANTS réalisé par Pascal Thomas, disponible en DVD & Blu-ray le 2 juillet 2024 chez Rimini Editions.
Acteurs : Jean-François Stévenin, Susan Moncur, Emilie Thomas, Clément Thomas, Daniel Ceccaldi, Michel Robin, Vanessa Guedj, Anne Guinou, Hélène Vincent, Catherine Jacob, Guy Marchand, Catherine Bidaut, Sabine Haudepin, Ludivine Sagnier, Leslie Azzoulai, Eric Lartigau…
Scénario : Pascal Thomas & François Caviglioli
Photographie : Renan Pollès
Musique : Marine Rosier
Durée : 1h56
Date de sortie initiale : 1989
LE FILM
Durant l’été, un groupe de femmes se séparent de leurs maris et enfants, qu’elles envoient passer le mois d’août sur l’île de Ré, tandis qu’elles restent à Paris. Sur l’île comme à Paris, ce temps des vacances est vécu comme une parenthèse, où chacun tente de faire le point, et d’être heureux, les maris, les femmes, les amants, des plus grands aux plus petits.
À la fin des années 1980, le réalisateur Pascal Thomas peine à renouer avec le succès. Les Zozos (1,2 million d’entrées), Pleure pas la bouche pleine (1,5 millions de spectateurs) et Le Chaud lapin 1,4 million de tickets vendus) ont déjà plus de quinze ans et ses autres films n’ont jamais connu le même engouement. Ses quatre longs-métrages suivants (La Surprise du chef, Un oursin dans la poche, Confidences pour confidences et Celles qu’on n’a pas eues) n’attirent guère les foules (euphémisme). Après une pause de huit années et peu de temps avant de disparaître pendant encore huit ans (pour se consacrer aux voyages et à son amour des livres, tout en oeuvrant pour la publicité), Pascal Thomas s’inspire ouvertement du cinéma italien, prend le postulat inverse de Maris en liberté – Mariti in città (1957) de Luigi Comencini, qui se déroulait à Rome au mois d’août, délaissée par les épouses (et leurs enfants) parties en vacances au bord de la mer, pendant que les maris restaient en ville. Dans Les Maris, les Femmes, les Amants, le cinéaste et son coscénariste François Caviglioli (qui lui sera fidèle sur de nombreux autres opus) mélangent, comme le titre du film l’indique, les hommes, leurs épouses, leurs petit(s)-ami(e)s, mais aussi leurs enfants, dans un fameux bordel aussi maîtrisé que jubilatoire. Durant près de deux heures, sans véritable baisse de régime, les sexes et les âges se confrontent, flirtent, s’engueulent, profitent du présent, redoutent l’avenir, affrontent le passé et se retrouvent quasiment tous à un carrefour de leur existence, comme si le temps d’un été était celui où chacun pouvait faire un point quant à leur position sur la carte de leur histoire sentimentale. Portée par de fabuleux acteurs au top de leur forme, Les Maris, les Femmes, les Amants est une comédie de mœurs à redécouvrir absolument, qui mine de rien continue d’inspirer le cinéma français contemporain (le « diptyque » Barbecue–Plancha d’Éric Lavaine ou celui des Petits mouchoirs–Nous finirons ensemble de Guillaume Canet) et qui demeure par ailleurs bien au-dessus du lot, des ersatz et pâles copies du genre.
Les vacances, c’est le temps où les enfants deviennent des aldultes et où les adultes redeviennent des enfants. Dora, une femme encore jeune, vient mettre sa famille au train, ce qu’elle appelle sa famille, un mari, Martin, toujours en retard et toujours distrait, un fils Clément, qui part en vacances avec son premier chagrin d’adolescent, et deux nièces qui sont encore à l’âge où les petites filles sont encore des petites pestes. Dora envoie tout son petit monde à l’Ile de ré. Elle reste à Paris pour le mois d’août. Avec ses amies, Claire et Marie-Françoise, qui ont elles aussi expédié leurs maris à l’Ile de Ré. Aujourd’hui, ce sont les maris qui partent l’été et les femmes qui restent à Paris, libres comme des hommes.
Il y en a du beau monde dans Les Maris, les Femmes, les Amants ! Jean-François Stévenin, Daniel Ceccaldi (acteur fétiche du réalisateur), Michel Robin, Catherine Jacob (qui venait d’obtenir le César de la meilleure actrice dans un second rôle pour La Vie est un long fleuve tranquille), Guy Marchand, Hélène Vincent, Sabine Haudepin (sublime) pour ne citer que les plus connus, auxquels se joignent entre autres Clément Thomas (fils de Pascal Thomas, disparu en 2019 à même pas 50 ans) et une petite fille de dix ans, Ludivine Sagnier, qui fait sa première apparition au cinéma. Les Maris, les Femmes, les Amants n’est pas un film à sketches, forme qu’affectionnait particulièrement le cinéma italien durant son âge d’or, mais sa structure est plutôt lâche et raconter l’histoire du film serait une gageure à part entière. Ce qui compte ici ce sont les protagonistes, pas forcément sympathiques, mais dévoilés « dans leur jus », en laissant le spectateur se faire son propre avis sur ce panel d’individus, observés avec l’oeil d’un entomologiste durant la période estivale, quand ils perdent leurs repères habituels et paraissent libres de faire ce qu’ils veulent, sans rendre de comptes.
Les femmes s’en donnent à coeur joie, partagent une garçonnière, passent du bon temps, avant d’aller raconter comment ça s’est passé aux copines qui attendent dans leur bistrot parisien préféré. Quant aux mecs, ils font ce qu’ils peuvent pour s’occuper de leurs progénitures (des gamins ou des adolescentes qui commencent à faire le mur et à s’engueuler sur la propriété d’un soutien-gorge), tout en soutenant l’un des leurs qui a voulu faire une connerie après avoir eu le coeur brisé. Les Maris, les Femmes, les Amants pourrait paraître peut-être désuet auprès de la jeune génération, mais pour celles et ceux qui ont connu les années 1980-90, le film de Pascal Thomas rend compte d’une atmosphère, d’une ambiance, de parfums, des sentiments, d’un spleen qu’ils ont sûrement connu durant des vacances, moment propice à un break et au bilan existentiel, avant que ces réflexions soient annihilées par l’omniprésence des téléphones portables et de leurs applications sataniques. Pascal Thomas est aussi à l’aise dans un troquet de la capitale que sur une plage de l’Île de Ré, marquée par les travaux du pont qui allait permettre aux sauvages de l’extérieur d’étaler leur barbaque sur le sable tassé par d’autres ânes, habillés en culotte.
Nous sommes donc bel et bien en plein film dit choral, généreux, bavard (trop sans doute, mais les dialogues sont superbes, comme du Rohmer qui s’encanaille), tendre, animé par une envie de bouffer la vie, de profiter, de jouir au maximum, de danser aussi au son de Via con me de Paolo Conte, tout en buvant un Pineau des Charentes, avant d’aller faire la sieste dans un hamac ou d’aller batifoler avec un amour de vacances. Alors oui, ça part souvent dans tous les sens, on ne sait pas vraiment où ni à qui se raccrocher, mais c’est là où agit le charme des Maris, les Femmes, les Amants, puisque le spectateur est libre de construire ainsi son propre film, de prendre tel ou tel personnage, d’en laisser d’autres de côté, ou d’embrasser tout le groupe.
LE BLU-RAY
Les films de Pascal Thomas en HD sont rares dans nos contrées. On compte Associés contre le crime…, Le Crime est notre affaire, Les Zozos et…c’est tout ! Jusqu’à présent tout du moins, car il faudra désormais compter sur Les Maris, les Femmes, les Amants, qui apparaît non seulement pour la première fois en DVD dans les bacs, mais aussi en Blu-ray chez Rimini Éditions. Très beau visuel qui reprend celui de l’affiche originale d’exploitation, glissée dans un boîtier classique de couleur bleue, lui-même placé dans un surétui cartonné. Le menu principal est animé et musical.
Point de making of à l’horizon, mais un entretien récent avec Pascal Thomas (17’). Le réalisateur partage ses souvenirs liés à la genèse, à la production et au tournage des Maris, les Femmes, les Amants, en évoquant le casting, les conditions de prises de vue (l’improvisation était fréquente, Michel Robin qui n’avait que trois jours de tournage prévus est resté trois semaines tant il s’entendait avec Pascal Thomas), la psychologie des personnages, les décors naturels et ses intentions.
L’Image et le son
Les Maris, les Femmes, les Amants a bénéficié d’une restauration 4K, réalisée à partir du négatif original, travaux effectués par le laboratoire VDM. Que voilà un très beau master HD ! Ce Blu-ray ne déçoit pas dès la première séquence, avec une luminosité et un piqué affûté qui s’avèrent particulièrement convaincants, une colorimétrie chaude très joliment restituée, tout comme les ambiances plus feutrées et ambrées. Les noirs sont denses et les détails tranchants, la texture argentique étant elle préservée et bien équilibrée. Le relief est souvent présent, les contrastes élégants, la copie stable et propre, les arrière-plans sont aussi nets que les plans rapprochés. Les scènes sombres apparaissent aussi précises que les diurnes.
La piste française DTS-HD Master Audio Mono 2.0 de Les Maris, les Femmes, les Amants est plutôt percutante. Aucun souffle n’est à déplorer, ni aucune saturation dans les aigus. Les dialogues sont vifs, toujours bien détachés, la musique est délivrée avec une belle ampleur. L’ensemble est aéré, fluide et dynamique. L’éditeur fournit également les sous-titres français pour le public sourd et malentendant.