EXÉCUTIONS (Un detective) réalisé par Romolo Guerrieri, disponible en Combo Blu-ray + DVD le 1er mars 2022 chez Artus Films.
Acteurs : Franco Nero, Florinda Bolkan, Adolfo Celi, Delia Boccardo, Susanna Martinková, Renzo Palmer, Roberto Bisacco, Maurizio Bonuglia…
Scénario : Franco Verucci, Alberto Silvestri & Massimo D’Avak, d’après le roman de Ludovico Dentice
Photographie : Roberto Gerardi
Musique : Fred Bongusto
Durée : 1h37
Date de sortie initiale : 1969
LE FILM
L’inspecteur Belli est mandaté par le célèbre avocat Fontana de faire expulser une cover-girl dont son fils Mino est tombé amoureux, et d’enquêter sur un certain Romanis, le directeur d’une maison de disques, qui avait promis un poste important à Mino. Il trouve ce dernier assassiné de deux balles de revolver.
Le metteur en scène Romolo Guerrieri (né en 1931), de son vrai nom Romolo Girolami, est connu des cinéphiles amateurs de Bis, pour son western Le Temps des vautours – 10.000 dollari per un massacro (1967), avec Gianni Garko, sans aucun doute un des meilleurs westerns transalpins produit, réalisé et interprété à cette époque bénie du cinéma. Dans sa filmographie, se distingue aussi et surtout L’Adorable Corps de Deborah – Il dolce corpo di Deborah, giallo de l’année 1968 avec Carroll Baker, Jean Sorel et George Hilton. Juste après ce dernier, Romolo Guerrieri adapte un roman de Ludovico Dentice (Macchie di belletto – Des taches de peinture), avec l’aide de Franco Verucci (Big Guns – Les Grands fusils de Duccio Tessari, Le Cogneur de Steno avec Bud Spencer), Alberto Silvestri (Trinita voit rouge de Mario Camus, La Prof d’éducation sexuelle de Mariano Laurenti) et Massimo D’Avak (Le Labyrinthe du sexe d’Alfonso Brescia, Si douces, si perverses d’Umberto Lenzi, Qui l’a vue mourir ? d’Aldo Lado). Il fallait au moins autant de scénaristes pour venir à bout de cette histoire tarabiscotée, qui lorgne bien évidemment sur les récits tortueux, hermétiques (pour ne pas dire chiants) de Raymond Chandler. Car si Franco Nero, ultra-classe, est aussi inattendu que formidable dans ce rôle de flic corrompu, animé par l’argent facile et mauvais comme une teigne, on finit par s’ennuyer rapidement devant Exécutions (Un detective, ou tout simplement Detective Belli aux Etats-Unis), en raison d’une multitude de personnages qui dissimulent en réalité une intrigue finalement peu emballante et trop bavarde.
C’est dommage, car Exécutions possède beaucoup d’éléments qui auraient pu faire pencher la balance du bon côté. En premier lieu bien sûr un casting dominé de façon impériale par Franco Nero, qui sortait alors du spectaculaire La Mafia fait la loi – Il giorno della civetta de Damiano Damiani et s’apprêtait à tourner l’extraordinaire À l’aube du cinquième jour – Dio è con noi de Giuliano Montaldo. Avec son imperméable et son sourire en coin, l’oeil bleu qui transperce ses interlocuteurs comme un laser et toujours prêt à distribuer des baffes et des bourre-pifs, le comédien crée un vrai personnage de polar, comme un descendant transalpin de Philip Marlowe, plus version Humphrey Bogart qu’Elliot Gould. Sorti en 1969, Exécutions est déjà imprégné d’un parfum vintage, impression renforcée par la partition jazzy de Fred Bongusto (Les Ordres sont les ordres de Franco Giraldi, Venez donc prendre le café chez nous d’Alberto Lattuada, L’Homme à la Ferrari de Dino Risi), qui rappelle le film noir américain des années 1940 et le film policier hexagonal du début des années 1950, donc bien loin d’annoncer le poliziottesco à venir. L’acteur s’impose facilement, immédiatement même dans le rôle de l’inspecteur Belli, traînant avec lui l’aura de ses westerns précédents, sauf qu’ici les gifles et les coups de poing remplacent les colts. Il est excellemment accompagné par la belle Florinda Bolkan (La Dernière maison sur la plage de Franco Prosperi, La Longue nuit de l’exorcisme et Le Venin de la peur de Lucio Fulci, Enquête sur un citoyen au-dessus de tout soupçon d’Elio Petri), du génial Adolfo Celi (L’Homme de Rio de Philippe de Broca, Opération Tonnerre de Terence Young, Danger : Diabolik ! de Mario Bava), de la divine Delia Boccardo (l’étonnant Miracle à l’italienne de Nino Manfredi, Les Cannibales de Liliana Cavani, Le Témoin à abattre d’Enzo G. Castellari, dans lequel Franco Nero reprendra le rôle de Belli, Castellari étant d’ailleurs le neveu de Romolo Guerrieri), sans oublier Renzo Palmer (Le Cynique, l’Infâme, le Violent d’Umberto Lenzi) et même Laura Antonelli dans ses débuts au cinéma, trois ans après son apparition dans le fendard L’Espion qui venait du surgelé – Le spie vengono dal semifreddo de Mario Bava.
Dans Exécutions, on passe ainsi d’un personnage à l’autre, puis on y revient quelques fois à mesure que l’enquête personnelle de Belli avance en parallèle de celle de la police. La force du film provient de l’ambiance rétro distillée tout du long, lui donnant un côté anachronique sympathique et attachant. Cependant, le rythme est bien trop en dents de scie pour convaincre, on peut trouver le temps long entre deux rebondissements et surtout l’ensemble pâtit de dialogues trop abondants, qui finissent par lasser. La révélation finale devient peu surprenante, tant on avait finit par relâcher notre attention. Un detective donne souvent l’impression d’avoir le cul entre deux chaises, désireux de faire plaisir aux spectateurs avides d’histoires de meurtres avec ses innombrables suspects potentiels, tout en flattant les sens d’un public plus aiguisé et donc cinéphile sans doute, en multipliant les fausses pistes, les péripéties, les trames secondaires et alambiquées (tout ce qui tourne autour de la photo d’une femme nue sans visage), tout en développant un personnage principal auquel il est difficile d’avoir de la compassion.
Il est complexe d’avoir un point d’ancrage au milieu de toute cette constellation de protagonistes, pas inintéressants sur le papier, mais qui se trouvent tellement noyés dans un blabla quasi-ininterrompu qu’il n’est pas rare de décrocher à plusieurs reprises et donc de perdre le fil.
LE COMBO BLU-RAY + DVD
La collection Polar s’agrandit encore et toujours chez Artus Films, avec l’arrivée du combo d’Exécutions, qui rejoint ainsi le récent Ultime violence de Sergio Grieco. Un Digipack à deux volets, simple et efficace, glissé dans un élégant fourreau cartonné au visuel clinquant. Le menu principal est fixe et musical.
Dans un premier bonus (34’), l’ami Curd Ridel s’occupe de réaliser un focus sur le casting d’Exécutions, en parlant des comédiens principaux et en énumérant toute une liste de leurs films respectifs. Il évoque finalement très peu le film qui nous intéresse, donne quelques indications sur Romolo Guerrieri, ainsi que sur le musicien Fred Bongusto.
On passe ensuite un petit moment avec le réalisateur Romolo Guerrieri (12’), qui partage ses souvenirs liés à Exécutions. Le roman de Ludovico Dentice, le producteur Mario Cecchi Gori (La Secte et Sanctuaire de Michele Soavi, Belfagor le magnifique d’Ettore Scola, Le Gaucho de Dino Risi), le tournage à Rome, le casting, le directeur de la photographie Roberto Gerardi (Avoir vingt ans de Fernando Di Leo), la musique de Fred Bongusto et l’accueil « modéré » du film sont les sujets abordés au cours de ce module.
Franco Nero apparaît brièvement dans un supplément d’à peine deux minutes, au cours duquel (et en anglais) le comédien fait le rapprochement entre Exécutions et les œuvres de Raymond Chandler, tout en parlant de son personnage (« un détective désenchanté et désillusionné, même s’il reste attaché à certaines valeurs ») et de la bonne critique du New York Times à la sortie du film, dans laquelle on le comparait à Humphrey Bogart.
L’interactivité se clôt sur un Diaporama d’affiches et de photos d’exploitation, ainsi que d’une poignée de films-annonces.
L’Image et le son
Un superbe travail éditorial. Jusqu’alors inédit en France, Exécutions, débarque en Blu-ray dans une copie de qualité. L’image, au format respecté 1.85 (16/9 compatible 4/3) affiche une propreté rarement prise en défaut, la clarté est de mise, les couleurs retrouvent une vivacité bienvenue, le grain cinéma est bien géré, les contrastes plutôt riches, le piqué agréable sur les séquences diurnes pimpantes. Certains pointilleux noteront bien un point blanc ici et là, tout comme certains flous inhérents aux conditions techniques d’origine, mais cela reste anecdotique. La définition flatte les mirettes, la compression demeure discrète.
L’éditeur propose les versions italienne et française dans un Mono original. Cette dernière bénéficie d’un doublage old-school très réussi, et le report des voix s’avère suffisamment mordant. La version originale est certes marquée par un très léger souffle et quelques décrochages, mais les effets annexes, tout comme la musique de Fred Bongusto, sont ardents et l’ensemble dynamique et vif. Les sous-titres français ne sont pas imposés sur la version originale.