DÉSIRS DE BONHEUR (Time Out of Mind) réalisé par Robert Siodmak, disponible en DVD et Combo Blu-ray+DVD le 26 mars 2024 chez Elephant Films.
Acteurs : Phyllis Calvert, Robert Hutton, Ella Raines, Eddie Albert, Leo G. Carroll, Helena Carter, John Abbott, Henry Stephenson…
Scénario : Abem Finkel & Arnold Phillips, d’après le roman de Rachel Field
Photographie : Maury Gertsman
Musique : Miklós Rózsa, Mario Castelnuovo-Tedesco & Daniele Amfitheatrof
Durée : 1h28
Année de sortie : 1947
LE FILM
Le fils d’une riche famille du Maine choque ses proches en annonçant qu’il veut poursuivre une carrière dans la musique.
Time Out of Mind. Non, ce n’est pas le titre de l’album de Bob Dylan paru en 1997, mais celui du film de Robert Siodmak (1900-1973) sorti un demi-siècle auparavant et qui est connu dans nos contrées sous le titre Désirs de bonheur. S’il n’est assurément pas l’opus le plus célèbre du metteur en scène de Custer, l’homme de l’ouest, Katia, Pour toi j’ai tué, La Proie et Les Tueurs, celui-ci, adapté d’un best-seller publié en 1935 de Rachel Field (L’Étrangère) par les scénaristes convoités Abem Finkel (Sergent York, L’Insoumise) et Arnold Phillips (Barbe-Bleue), s’avère de bon acabit et intéressant. Certes, le casting n’a rien d’exceptionnel, mais Robert Siodmak, immense directeur d’acteurs, parvient à tirer profit de sa « petite » distribution et à donner une plus-value à un mélodrame (qu’il avait tout d’abord refusé en critiquant ouvertement la bêtise du scénario et celle des personnages) qui aurait pu disparaître bel et bien dans le tout-venant. Le charme demeure, l’intrigue est concise, les images superbes, que demander de plus ?
Kate Fernald, servante de la riche famille Fortune, s’éprend du fils de Christopher, l’enfant prodige promis à une carrière toute tracée dans la marine. Alors qu’il revient blessé de son premier voyage en mer, il décide de consacrer sa vie à la musique, et de fuir à Paris avec l’aide de Kate pour y apprendre le piano.
Cette dernière est interprétée par Phyllis Calvert, que les cinéphiles ont pu croiser chez Stanley Donen (Indiscret). Avec Désirs de bonheur, la comédienne britannique, très célèbre dans son pays, tentait sa chance à Hollywood. Mais étrangement sa beauté et son talent ne prendront pas aux États-Unis et sa carrière restera plutôt sage. Elle est pourtant impeccable dans Time Out of Mind et porte le film sur ses jolies épaules, aux côtés de Robert Hutton, qui quant à lui campe l’objet de son affection, Chris, avec lequel elle a quasiment grandi. Mais les deux ont toujours été séparés par leur condition sociale. L’acteur n’a pas non plus réellement percé, mais a pu apparaître devant la caméra de Delmer Daves (Destination Tokyo), Michael Curtiz (Janie), Samuel Fuller (J’ai vécu l’enfer de Corée), sans jamais être transcendant. Toutefois, il n’est pas trop mal dans Désirs de bonheur, artiste maudit, dans le sens né chez les aristocrates qui le verraient comme un troubadour indigne de la famille s’il devait ne serait-ce qu’envisager de devenir pianiste, alors que son père le force encore et toujours à prendre la mer, comme lui et ses ancêtres l’ont fait.
Solide prestation d’ailleurs que celle de Leo G. Carroll, impérial dans le rôle du patriarche, acteur protéiforme vu une demi-douzaine de fois chez Alfred Hitchcock (Rebecca, Soupçons, La Mort aux trousses), William Wyler (Les Hauts de Hurlevent), Jack Arnold (Tarantula!), Vincente Minnelli (Les Ensorcelés) et qui reste connu pour sa participation à la série Des agents très spéciaux – The Man from U.N.C.L.E.. Très belle présence également de la magnifique Ella Raines, qui aura peu mais bien tourné pour le cinéma, et qui aura marqué les esprits dans Les Mains qui tuent (déjà mis en scène par Robert Siodmak), L’Amazone aux yeux verts – Tall in the Saddle d’Edwin L. Marin, Les Aventuriers du désert – Walking Hills de John Sturges et Les Démons de la liberté – Brute Force de Jules Dassin.
De son côté, Robert Siodmak, même s’il n’est indubitablement pas aussi inspiré que pour ses plus grands films, distille sa virtuosité à quelques reprises, emballe tout cela avec élégance, soutenu dans cette entreprise par le talentueux directeur de la photographie Maury Gertsman (Ne dites jamais adieu, Seul contre tous, La Légende de l’épée magique). Le final dans la salle de concert n’est pas sans rappeler celui de L’Homme qui en savait trop, sorti plus de dix ans auparavant et qui a apparemment laissé quelques traces chez Robert Siodmak. Désirs de bonheur a beau être foncièrement anecdotique dans la carrière du réalisateur, qui s’apprêtait à revenir au film noir, il n’en reste pas moins passionnant à analyser sur la forme et souvent plaisant à suivre grâce à l’excellence de ses interprètes.
LE BLU-RAY
Elephant Films n’en finit plus d’étonner et ce depuis de nombreuses années. L’éditeur a une fois de plus déterré le film d’un immense réalisateur, qui jusqu’à présent n’avait jamais connu les honneurs d’une sortie en DVD. C’est désormais chose faite, Désirs de bonheur est maintenant proposé en édition Standard, ainsi qu’en Combo Blu-ray + DVD. Sublime collection que cette anthologie Cinéma Master Class ! Le menu principal est fixe et musical.
Outre un lot de bandes-annonces, Eddy Moine nous présente Désirs de bonheur (10’). Une intervention comme toujours très travaillée, dynamique, blindée d’informations, brillamment écrite comme une vraie petite histoire. C’est là tout le style d’Eddy Moine, que l’on a plaisir à retrouver sur les titres Elephant Films et qui n’hésite pas à donner son avis personnel, comme ici concernant la prestation de Robert Hutton, qu’il considère comme « une erreur de casting ».
L’Image et le son
Un Blu-ray au format 1080p (AVC). Ce master restauré au format respecté 1.37 de Désirs de bonheur, se révèle parfois pointilleux en matière de piqué, même si l’ensemble demeure aléatoire, tout comme la gestion de contrastes, malgré des noirs denses et des blancs lumineux. De beaux détails ciselés sur les scènes en intérieur, la copie est stable, l’ensemble clair et le relief appréciable. Le grain d’origine a heureusement été conservé. Notons des baisses de la définition avec des plans légèrement flous. La propreté de la copie est appréciable, même si des tâches et des griffures sont encore visibles.
Seule la version originale, avec les sous-titres anglais et français (de couleur blanche ou jaune) non imposés, est disponible. Point de remixage superflu à l’horizon, l’écoute demeure fort appréciable avec une excellente restitution de la musique, des effets annexes et des voix très fluides et aérées.
Crédits images : © Elephant Films / Universal Pictures / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr