Test Blu-ray / Chuka le redoutable, réalisé par Gordon Douglas

CHUKA LE REDOUTABLE (Chuka) réalisé par Gordon Douglas, disponible en DVD & Combo Blu-ray + DVD + Livret le 11 avril 2025 chez Sidonis Calysta.

Acteurs : Rod Taylor, Ernest Borgnine, John Mills, Luciana Paluzzi, James Whitmore, Victoria Vetri, Louis Hayward, Michael Cole…

Scénario : Richard Jessup, d’après son roman « Chuka »

Photographie : Harold E. Stine

Musique : Leith Stevens

Durée : 1h45

Date de sortie initiale : 1967

LE FILM

Retranchés dans un fort de l’armée américaine en territoire Arapaho, l’aventurier Chuka et un groupe composé d’une fine gâchette, d’un conducteur de diligence, de deux femmes mexicaines, dont une, Veronika, lui était fiancée, et d’un ramassis de soldats, sont assiégés par des Indiens en révolte et menacés par la famine qui les décime. Contre monnaie sonnante, Chuka accepte d’aller patrouiller dans les environs.

Gordon Douglas (1907-1993) était ce que certains appellent vulgairement un « faiseur », un « yes man », un réalisateur à la solde des studios, qui passait sans complexe d’un genre à l’autre, en respectant un cahier des charges bien établi, ainsi qu’un budget à ne pas dépasser. Peu de ses films restent en tête ceci dit et ce malgré plus de quarante ans de carrière. On peut tout de même citer Des monstres attaquent la ville Them ! (1954), Appelez-moi monsieur Tibbs They Call Me Mister Tibbs! (1970), suite inattendue de Dans la chaleur de la nuitIn the Heat of the Night (1967) de Norman Jewison, Le Fauve en libertéKiss Tomorrow Goodbye (1950), ses collaborations avec Frank Sinatra (Le Détective, La Femme en ciment, Tony Rome est dangereux,Les 7 voleurs de Chicago), F comme Flint In Like Flint (1967), ainsi que toute une tripotée de westerns, genre dans lequel Gordon Douglas s’est épanoui. La Diligence vers l’Ouest, Rio Conchos, Le Shérif de ces dames, Sur la piste des Comanches, L’Homme du Nevada…autant de titres explicites qui font le bonheur des amateurs de séries B. Celui qui nous intéresse aujourd’hui est Chuka le redoutable ou tout simplement Chuka en version originale, l’avant-dernier western du cinéaste, son dernier étant Barquero en 1970 avec Lee Van Cleef et Warren Oates. Il offre le premier rôle à l’australien Rod Taylor, comédien atypique, une gueule carrée, des épaules de camionneur, un regard azur qui pouvait être souvent bouleversant. La star des OiseauxThe Birds d’Alfred Hitchcock et de La Machine à explorer le temps The Time Machine de George Pal tient le rôle-titre de Chuka et s’impose royalement dans ce western qui s’avère un huis clos anxiogène, où plane l’ombre de la bataille de Fort Alamo. Incontestablement, il s’agit d’un des meilleurs films de Gordon Douglas, qui envoie du lourd côté affrontements entre les soldats américains et les Indiens, mais qui laisse aussi une belle place à l’émotion, au fur et à mesure que le personnage principal se révèle. Une très belle découverte.

Une compagnie disciplinaire occupant un avant-poste situé en plein territoire indien semble couler des jours tranquilles. Pour le colonel Stuart Valois, qui tient la place et assure la protection des colons, la situation est sous contrôle. Ce n’est pas l’avis de Chuka, un aventurier expérimenté qui vient de traverser le territoire indien. Selon lui, les Peaux-Rouges, accablés par la famine, ne devraient pas tarder pas à se révolter. Il en informe Valois qui s’obstine à minimiser le témoignage de Chuka. Le militaire refuse de faire évacuer les habitants du fort. Bien malgré lui, Chuka décide de rester pour les protéger. Bientôt, les Indiens lancent l’attaque…

Réveille-moi quand c’est l’heure de mourir.

Rod Taylor, également producteur, crève l’écran avec ce personnage énigmatique, qui semble fuir un passé douloureux, mettre volontairement de la distance avec un trauma. Les premières scènes exposent Chuka, quasi-mutique, mais qui parle la langue des Indiens, qui donne une partie de ses vivres à une poignée d’Arapahos visiblement affamés. Chuka est ainsi, il ne dit pas grand-chose, mais son regard trahit une agitation en permanence. Alors, quand il se retrouve dans ce fort constitué de « rebuts » de l’armée, où il renoue aussi par hasard avec un ancien amour (avouez que le monde est petit), Chuka, qui essaye tout d’abord de se fondre dans le décor, va progressivement s’imposer comme un leader d’hommes quand la menace Indienne va s’accentuer.

Rod Taylor est magnifique, mais ses partenaires ne sont pas moins formidables, à commencer bien sûr par l’immense Ernest Borgnine, alors entre Les Douze Salopards The Dirty Dozen de Robert Aldrich et La Horde sauvage The Wild Bunch de Sam Peckinpah , qui vole la vedette à chaque apparition dans la peau du Sergeant Otto Hansbach. Dans un premier temps, cet homme va « naturellement » s’en prendre à Chuka, qu’il considère comme un simple vagabond. Puis, après une bagarre mémorable entre les deux, qui n’est pas sans annoncer celle d’Invasion Los Angeles de John Carpenter, Chuka et Hansbach vont se lier d’amitié doublée d’un immense respect.

Chuka le redoutable avance ainsi, par à-coups, en développant ses protagonistes, à l’instar de la belle Señora Veronica Kleitz, incarnée par la somptueuse Luciana Paluzzi, actrice italienne, inoubliable Fiona Volpe Opération Tonnerre Thunderball de Terence Young, dont on comprend que son couple avec Chuka a été torpillé par sa famille, en raison de leurs différences sociales. Même chose en ce qui concerne le Col. Stuart Valois, magistralement campé par John Mills (Ceux qui servent en mer, L’Or noir de l’Oklahoma, Le Désert de la peur, The Gentle Gunman), dont la raideur et le commandement glacial du fort trouvent aussi une explication, qui viendra d’ailleurs de la part de Hansbach, qui défend bec et ongles son supérieur, y compris quand Chuka lui-même vient à se moquer de ses directives. Le reste de la distribution est aussi éclatant avec à l’affiche James Whitmore (Les Évadés, Les Collines de la terreur, L’Oeuf du serpent) et Louis Hayward (Le Démon de la chair, House by the River), qui se taillent la part du lion.

Ainsi, Gordon Douglas, assisté à la mise en scène par Richard Jessup (par ailleurs scénariste et auteur du roman original) contente à la fois les spectateurs avides d’action (l’assaut final est particulièrement brutal) et ceux qui recherchent avant tout des personnages recherchés, complexes. Certes, l’action sort très peu du fort, mais cela n’empêche pas de trouver Chuka passionnant, prenant, émouvant et éprouvant quand l’action se met en route. Un grand et beau western.

LE BLU-RAY

Chuka le redoutable vient de débarquer dans les bacs, pour la première fois en DVD et Blu-ray, grâce aux bons soins de Sidonis Calysta. Un titre qui rejoint logiquement la prestigieuse Collection Silver. Le menu principal est animé et musical. Un livret (que nous n’avons pas reçu) est également inclus dans le Combo Blu-ray + DVD.

Jean-François Giré (17’) aborde le fond et la forme de ce « western très intéressant et assez rare », qu’il avait vu au cinéma et dont le traitement de la violence, ainsi que la puissance dramatique l’avaient marqué. L’expert du genre western parle ensuite de Gordon Douglas (« un réalisateur passionnant, malin pour bifurquer au sein des studios, afin d’imposer une patte  […] qui avait des préoccupations particulières et qui a su bousculer les clichés hollywoodiens sur les personnages »), de la violence très réaliste et noire du film, rapproche Chuka de Fort Invincible du même cinéaste (sur lequel nous reviendrons très prochainement) dans ses thématiques, se penche sur la psychologie des personnages, ainsi que sur le casting.

Patrick Brion a lui aussi longuement préparé son intervention (10’30). L’historien du cinéma nous présente Chuka, mais dresse aussi un beau portrait de Gordon Douglas, « dont la carrière a été en grande partie dédiée au western ». Ce « film curieux, qui témoigne de l’évolution du genre » » est bien disséqué et les propos complètent ceux de Jean-François Giré.

L’Image et le son

Sidonis livre un master HD qui permet aux spectateurs de redécouvrir Chuka le redoutable dans de très belles conditions techniques. Les volontés artistiques du chef opérateur Harold E. Stine (L’Aventure du Poséidon, MASH) sont respectées, tout comme la texture argentique originale. Le confort de visionnage est indéniable, avec de très belles couleurs. Le piqué est flagrant, l’apport HD non négligeable sur plans larges, les séquences sombres sont aussi bien définies que le reste, les noirs sont concis, les détails fort appréciables. N’oublions pas le relief des textures, la profondeur de champ inédite, la stabilité et la restauration fort convaincante.

Les pistes anglaise et française DTS-HD Master Audio sont à peu près du même acabit, avec toutefois un avantage pour la première. Les deux versions délivrent leurs dialogues avec suffisamment d’ardeur et les ambiances annexes sont dynamiques. S’il fallait vraiment les différencier, la version originale s’avère plus modérée, les voix des comédiens apparaissent plus fluides et les ambiances plus naturelles et homogènes. Dans les deux cas, aucun souffle intempestif n’est à déplorer, la propreté est de mise et la partition du prolifique compositeur Leith Stevens est restituée avec efficacité.

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