Test Blu-ray / Charmants garçons, réalisé par Henri Decoin

CHARMANTS GARÇONS réalisé par Henri Decoin, disponible en édition Digibook – Blu-ray + DVD + Livret le 18 mars 2022 chez Coin de Mire Cinéma.

Acteurs : Zizi Jeanmaire, Daniel Gelin, Henri Vidal, François Perier, Gert Fröbe, Yves Barsacq, Marie Daems, Renaud Mary, Jacques Berthier, Gil Vidal, Jacques Dacqmine, Jean-Pierre Marielle, Madeleine Lambert…

Scénario : Dominique Fabre, Étienne Périer & Charles Spaak

Photographie : Pierre Montazel

Musique : Georges Van Parys

Durée : 1h47

Date de sortie initiale : 1957

LE FILM

Lulu, chanteuse et danseuse dans un grand cabaret parisien, a de nombreux admirateurs… mais ses aventures amoureuses la déçoivent. Ainsi, Robert, le jeune industriel et homme marié, Edmond, le financier d’âge mûr persuadé que son argent lui donne un sex-appeal infaillible, Jo, le boxeur qui préfère le sport à la tendresse, Alain, le gentleman cambrioleur qui reste malhonnête même en amour, et Charles, l’impresario à tendance misogyne. Tous de charmants garçons avec de vilains défauts ! Lulu se demande si l’homme idéal existe… Quand un soir, un inconnu sort du lot…

Pour les jeunes spectateurs, le nom de Zizi Jeanmaire (1924-2020) ne leur dira probablement rien, et même sans doute à certains trentenaires ou quadra. Pourtant, elle fut l’une de nos plus grandes et de nos plus belles danseuses de ballet. Également chanteuse et meneuse de revue, ancien petit rat de l’École de danse de l’Opéra de Paris, l’artiste, de son vrai nom Renée Marcelle Jeanmaire, a bien sûr été appelée par le cinéma et ce dès 1952, année où elle tourne son premier long-métrage, Hans Christian Andersen et la Danseuse, sous la direction de Charles Vidor, interprété par Danny Kaye et surtout produit par Howard Hugues, à l’affût pour repérer les donzelles qui affolent le public. Son complice (qui sera son compagnon de toujours) Roland Petit se charge des chorégraphies. Elle donne ensuite la réplique à Bing Crosby et Donald O’Connor dans Quadrille d’amour Anything Goes (1956) de Robert Lewis. De retour en France, Zizi Jeanmaire et Roland Petit se marient, ont une fille, puis s’inspirent de leur expérience américaine pour leurs nouveaux shows parisiens. Elle revient devant la caméra pour Folies-Bergère, mis en scène par Henri Decoin, dans lequel elle a pour partenaire le très populaire Eddie Constantine. Résultat des courses, le film est un immense succès dans les salles avec 3,5 millions d’entrées, se classant à la dixième place du box-office en 1957. Lé star du music-hall, future interprète de Mon truc en plumes remet le couvert dès l’année suivante avec le même réalisateur, pour Charmants garçons, qui est plus ou moins envisagé comme un pendant féminin de la comédie Adorables créatures de Christian-Jaque, sortie cinq ans auparavant. S’il ne s’agit pas d’une suite, d’ailleurs Daniel Gélin, présent dans les deux films, joue deux personnages différents, Charmants garçon, écrit par le même Charles Spaak, fait un petit clin d’oeil à Adorables créatures dans la dernière scène, en convoquant un personnage du nom d’André Noblet, héros du film de Christian-Jaque. S’il aura moins d’engouement que Folies-Bergère en attirant deux fois moins de français au cinéma, Charmants garçons n’en demeure pas moins une belle réussite, dans laquelle le visage mutin mis en valeur par sa légendaire coupe à la garçonne et la gouaille de Zizi Jeanmaire fonctionnent parfaitement, rappelant souvent le jeu et le charisme d’Annie Girardot ou d’Arletty, tandis que ses partenaires masculins, Daniel Gélin, Henri Vidal, François Périer et Gert Froebe, ainsi qu’un jeune débutant du nom de Jean-Pierre Marielle, se disputent ses faveurs, dans une comédie menée à cent à l’heure et dont le charme perdure encore.

Chanteuse et danseuse de talent, Lulu Natier ne se fait plus d’illusions sur les hommes. Ne vient-elle pas de découvrir que Robert, son dernier amant, est marié et qu’il n’a jamais eu l’intention de se séparer de son épouse, Germaine ? Quant au gros Edmond Petersen, il est convaincu que son compte en banque suffira à la séduire. En vérité, Lulu n’est en confiance qu’avec Charles, son imprésario, mais sans doute est-ce parce qu’il ne s’intéresse pas aux femmes. Pourtant, elle a apprécié le charme et la franchise d’Alain Cartier, un cambrioleur de passage : « Quand je vole, je vole « , s’est-il excusé en lui subtilisant l’argent que Charles venait de lui prêter ! Sous contrat avec le casino de Cannes, Lulu prend la route au volant de sa 2 CV, poursuivie par la Mercedes d’Edmond, qui n’a rien trouvé de mieux qu’emboutir la voiture de sa proie pour l’empêcher d’aller plus loin. Pour lui échapper, à la première auberge, Lulu se jette au cou d’un boxeur, Kid Chavanne, qui va disputer le soir même un combat après lequel, promis, juré, il s’engage à honorer la beauté de la jeune femme. Mais celle-ci, apercevant sur un écran de la télévision le visage boursouflé de son futur amant, prend peur et part à Cannes. Le numéro de Lulu remporte un grand succès. Dans la salle du casino, quelques-uns de ses soupirants l’applaudissent : Edmond, bien sûr, mais aussi Max, jeune gigolo rencontré à l’auberge, et Alain, prompt à rafler tout ce qui brille à sa portée, comme le collier de la  » vieille  » amie de Max. De plus en plus attirée par ce beau monte-en-l’air, Lulu l’innocente auprès de la police. Charles, quant à lui, obtient d’Edmond qu’il finance le spectacle que Lulu veut monter à Paris. Les répétitions de ce spectacle vont bon train. Mais un jour, l’argent vient à manquer.

Charmants garçons a beau avoir près de 65 ans, la modernité, le naturel et l’érotisme de Zizi Jeanmaire étonnent encore aujourd’hui. Parfait technicien, Henri Decoin (1890-1969), ancien grand sportif (il a notamment été champion de France de natation, officier de cavalerie et d’aviation pendant la Première Guerre mondiale, chef d’escadrille), avait assimilé les méthodes américaines à la fin des années 1930, après avoir suivi son épouse Danielle Darrieux à Hollywood. L’ancien écrivain et journaliste a déjà près de 25 ans de cinéma derrière-lui quand il tourne Charmants garçons et aura touché pour ainsi dire à tous les genres, en prenant toujours soin de ses comédiens. C’est le cas une fois de plus dans Charmants garçons, où il s’évertue à appliquer ses acquis « américains » dans son propre travail, en filmant son actrice principale comme une star hollywoodienne et comme s’il tournait lui-même comme Vincente Minnelli ou Stanley Donen. Car Charmants garçons est autant une comédie-romantique que musicale, comprenant diverses performances de Zizi Jeanmaire, qui se produit sur scène à plusieurs reprises.

Ces numéros (musique de Georges Van Parys, chorégraphies de Roland Petit, Guy Béart et Michel Legrand signant les chansons originales) ne sont pas « intégrés » à l’action, mais s’avèrent de jolies et petites récréations entre deux scènes reposant sur le bagou (très bons dialogues, « Mon sex-appeal à moi, il est à la banque ! » « On est sûrement un jour où la banque est fermée… ») et le magnétisme de son casting (mention spéciale à François Périer, déchaîné), tout comme sur la mise en scène toujours élégante et raffinée d’Henri Decoin.

LE DIGIPACK

Nous arrivons déjà au quatrième titre de la neuvième vague Coin de Mire Cinéma, Charmants garçons, qui rejoint ainsi sur nos étagères les derniers Combos chroniqués, La Roue, Rue des cascades (Un gosse de la butte) et Les Liaisons dangereuses 1960, avant de nous concentrer bientôt sur ceux de Le Ciel sur la tête d’Yves Ciampi et Chère Louise de Philippe de Broca. Inédits en Blu-ray, ces titres seront édités à 3000 exemplaires. Henri Decoin qui avait déjà eu les honneurs d’une sublime édition chez Coin de Mire pour Non coupable. Charmants garçons avait déjà été édité en DVD chez LCJ Editions & Productions en 2014.

L’édition prend la forme d’un Digibook (14,5cm x 19,5cm) suprêmement élégant. Le visuel est très recherché et indique à la fois le nom de l’éditeur, le titre du film en lettres d’or, le nom des acteurs principaux, celui du réalisateur, la restauration (HD ou 4K selon les titres), ainsi que l’intitulé de la collection. L’intérieur du Digibook est constitué de deux disques, le DVD et Blu-ray, glissés dans un emplacement inrayable. Une marque est indiquée afin que l’acheteur puisse y coller son numéro d’exemplaire disposé sur le flyer volant du combo, par ailleurs reproduit dans le livret. Deux pochettes solides contiennent des reproductions de dix photos d’exploitation d’époque (sur papier glacé) et de l’affiche du film au format A4. Le livret de 24 pages de cette édition contient également la filmographie d’Henri Decoin, avec le film qui nous intéresse mis en surbrillance afin de le distinguer des autres titres, de la reproduction en fac-similé des matériels publicitaires et promotionnels, des photos promotionnelles, de la reproduction de divers pavés de presses, « Paris Presse L’Intransigeant » du 13 décembre 1957, « Ciné Revue » du 20 décembre 1957 et « Combat » du 24 décembre 1957. Le menu principal est fixe et musical.

Si vous décidez d’enclencher le film directement. L’éditeur propose de reconstituer une séance d’époque. Une fois cette option sélectionnée, les actualités Pathé du moment démarrent alors, suivies de la bande-annonce d’un film (ici celle du Cas du docteur Laurent de Jean-Paul Le Chanois), puis des publicités d’avant-programme, réunies grâce au travail de titan d’un autre grand collectionneur et organisateur de l’événement La Nuit des Publivores. Le film démarre une fois que le salut du petit Jean Mineur (Balzac 00.01).

Et si l’on regardait ce qui se passe en cette 50è semaine de l’année 1957 ? (10’). Bourvil, Brigitte Bardot et Danielle Darrieux sont récompensés aux Victoires du Cinéma, on inaugure l’École supérieure des métiers de la viande (« un succès bœuf ! »), le maréchal Tchang Kaï-chek fait construire à Formose une autoroute à travers les gorges et les torrents, un pipeline de 168 kilomètres traverse le Sahara, au Japon on célèbre le Festival des feux de joie, tandis que la fusée Vanguard qui devait mettre sur orbite le premier satellite américain explose lors de son lancement. Enfin, vous y verrez quelques inventions complètement folles remontant au XIXè siècle (un piano à chats, où les marteaux frappaient la queue des pauvres félins) et celles proposées « de nos jours » comme le fume-cigarette des amoureux.

Un petit creux ? Cela tombe bien, les réclames sont là pour vous rappeler que vous pouvez demander une glace Pivolo à une ouvreuse ! Les réclames publicitaires (8’) compilent aussi des spots promotionnels pour André (« Le chausseur sachant chausser »), la moutarde Bocquet, les camions Unic (« de 5 à 35 tonnes ! »), Ricils-Doux (« le cosmétique qui ne pique pas ») et le parfum Soir de Paris (« le plus célèbre du monde ! ») !

En plus de l’incontournable lot de bandes-annonces, y compris celle de Charmants garçons, Coin de Mire Cinéma joint un module intitulé French Touch à l’américaine (38’30), croisant les interventions de l’excellent Didier Griselain (spécialiste du cinéma français des années 1930-60) et d’Yves Desrichard (biographe d’Henri Decoin, Henri Decoin, un artisan du cinéma populaire, 2003), réalisées par Roland-Jean Charna. Le premier évoque l’âge d’or de la comédie musicale au cinéma, en expliquant que le genre peut se diviser en quatre catégories en France, les opérettes filmées, le film à chanteur, le film à orchestre, puis enfin le film à cabaret et music-hall, Charmants garçons faisant partie de cette dernière caste. Puis, Didier Griselain se focalisera sur la figure de Zizi Jeanmaire, son parcours, sa carrière, son histoire avec Roland Petit, sa période américaine, son triomphe parisien, sa courte carrière cinématographique aussi bien sûr, avec entre autres les deux longs-métrages dirigés par Henri Decoin. Le second replace Charmants garçons dans la filmographie du réalisateur, en revenant sur l’éclectisme et le caractère prolifique d’Henri Decoin, le long-métrage qui nous intéresse étant d’ailleurs sorti cinq jours après Tous peuvent me tuer, polar qu’il a aussi mis en scène, avec le même François Périer au générique. Ils établissent les liens tendus entre Charmants garçons et Adorables créatures de Christian-Jaque (qui ont le même scénariste Charles Spaak), ainsi qu’avec le précédent grand succès d’Henri Decoin, déjà incarné par Zizi Jeanmaire, Folies-Bergère. Enfin, les deux intervenants louent la qualité technique de Charmants garçons, évoquent les thèmes du film, l’influence du cinéma américain dans l’oeuvre du réalisateur, ainsi que la sortie de Charmants garçons, qui connaîtra deux fois moins d’engouement auprès du public que Folies-Bergère.

L’Image et le son

Charmants garçons a bénéficié d’une restauration 2K par Mikros image, redonnant un beau coup de fouet à la très belle photographie de Pierre Montazel, chef opérateur de Chiens perdus sans collier, Gas-oil, Obsession de Jean Dalannoy, Cécile est morte ! de Maurice Tourneur et La Nuit fantastique de Marcel L’Herbier, qui avait déjà travaillé à plusieurs reprises avec Henri Decoin, y compris sur Razzia sur la chnouf (1955) et Folies-Bergère (1956). Ce lifting numérique a su préserver la patine argentique, tout en débarrassant la copie de l’ensemble des poussières, des griffures et des tâches anciennement visibles sur le master SD LCJ Editions. Les couleurs retrouvent une vivacité, le piqué est plus aiguisé, la gestion des contrastes est rééquilibrée, l’ensemble est stable, les gros plans détaillés. Une appréciable promotion HD.

La piste DTS-HD Master Audio Mono 2.0 remplit parfaitement son office et délivre ses dialogues, les ambiances, les chansons et la musique avec une redoutable efficacité. Les conditions acoustiques sont idéales, aucun souffle n’est à déplorer. L’éditeur joint les sous-titres français destinés au public sourd et malentendant.

Crédits images : © Coin de Mire Cinéma / 1957 Les productions Jacques Roitfeld / Photos Raymond Heil / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

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