CES MESSIEURS DE LA SANTÉ réalisé par Pierre Colombier, disponible en Combo Blu-ray + DVD Edition limitée le 24 avril 2024 chez Pathé.
Acteurs : Raimu, Lucien Baroux, Edwige Feuillère, Pauline Carton, Paul Amiot, Guy Derlan, Georges Mauloy, Pierre Stéphen…
Scénario : Paul Armont & Léopold Marchand, d’après leur pièce de théâtre
Photographie : Curt Courant
Musique : Jacques Dallin
Durée : 1h50
Date de sortie initiale : 1934
LE FILM
Le banquier Jules Taffard, en vrai financier, est un manieur d’argent astucieux. Emprisonné pour une prétendue escroquerie, il s’évade de la prison de la Santé. Sous un faux nom, il devient un modeste homme à tout faire dans un magasin de corsets. Faisant bien fructifier les affaires de sa patronne, il recommence une nouvelle carrière de financier et se retrouve rapidement à la tête d’un véritable empire économique.
Dans dix ans, Ces messieurs de la santé aura un siècle. Et vu son sujet toujours aussi brûlant d’actualité c’est à ne pas croire ! Adapté de la pièce de théâtre éponyme créée le 25 juillet 1931 au Théâtre de Paris, déjà avec Raimu et coécrite par Paul Armont et Léopold Marchand, ce film mis en scène par Pierre Colombier (ancien caricaturiste) tient encore la dragée haute aux comédies contemporaines. Après Marius d’Alexander Korda, Fanny de Marc Allégret et la même année que Tartarin de Tarascon de Raymond Bernard, Raimu trône sur Ces messieurs de la santé et collabore à nouveau avec le réalisateur qui l’avait déjà dirigé dans Charlemagne (1933), Théodore et Cie (1933), les deux hommes s’associant encore à trois reprises par la suite. C’est donc une affaire qui roule entre la star du cinéma français et le cinéaste, le second restant essentiellement connu pour Ignace (1937) avec Fernandel. Inspiré par la célèbre affaire Stavisky, qui battait alors son plein durant son tournage, Ces messieurs de la santé offre à Raimu un rôle en or, dont il se délecte à chaque instant et qui en dépit de son ébouriffante énergie, n’écrase jamais ses partenaires tout aussi sublimes et qui s’agitent autour de lui. Une belle et indispensable redécouverte.
Récemment évadé de la prison de la Santé, le banquier véreux Taffard, se fait engager comme gardien de nuit et homme à tout faire chez Madame Génissier, dont le magasin est spécialisé dans la vente de corsets. « Gédéon » gagne la confiance de son employeuse et se propose de faire fructifier son capital. Encouragée par des premiers résultats spectaculaires, Madame Génissier laisse à Gédéon le soin de prendre en main les destinées de son entreprise. Avec l’aide d’un petit escroc, Zwerch. l’ancien banquier se retrouve à la tête d’un nouvel empire économique qui, sous couvert de vendre des corsets, pratique toutes sortes d’opérations plus ou moins légales. Mais tout le monde semble satisfait, à commencer par Hector et Fernande, le fils et la belle-fille de Madame Génissier, qui vivent désormais sur un grand pied. Gédéon crée une nouvelle banque dont les Génissier seront les principaux actionnaires. Cependant, une série d’actions risquent soudain d’acculer la nouvelle banque à la faillite…
« Je suis fils de Chouan ! »
« Vous n’avez pas l’accent ! »
« C’est à dire que mon père était Chouan et ma mère marseillaise. Alors pour la politique, j’ai opté du côté de mon père et pour l’accent du côté de ma mère… »
Pas un seul moment de répit durant ces 110 minutes menées tambour battant, Raimu étant l’oeil de ce cyclone qui emporte tout sur son passage. Se transformant à plusieurs reprises au fil du récit, de Jules Taffard à Gédéon, passant du simple quidam faussement naïf au sévère responsable d’une importante banque parisienne, en passant par le poste « facilement » acquis de directeur commercial d’une boutique de corsets après avoir démarré comme gardien de nuit, Raimu n’a qu’à être présent devant la caméra pour crever l’écran. Mais il est somptueusement accompagné par Lucien Baroux (9 garçons…un coeur !), la divine Edwige Feuillère (Le Blé en herbe, Adorables créatures, Souvenirs perdus), Pauline Carton (La Poison, Miquette et sa mère, Le Comédien), Paul Amiot (Le Train, Le Cercle rouge, Martin Roumagnac) et d’autres personnages satellites qui gravitent autour de ce cher Taffard, pardon, Gédéon.
« Le juge d’instruction veut me faire croire que je suis coupable, moi je veux le convaincre que je suis innocent ! »
Ce dernier, à peine évadé de prison, revient aux « affaires » et tel un ancêtre de Bernard Madoff (mais également de Gordon Gekko, Jordan Belfort…) et sa pyramide de Ponzi, va s’immiscer dans les affaires d’une petite boutique quasi-anonyme, pour exercer un montage financer frauduleux, en commençant à rémunérer les investissements des clients par les fonds procurés par les nouveaux entrants. Emporté par son succès, le système de Taffard ne risque t-il pas de s’écrouler quand les sommes procurées par les nouveaux entrants ne suffisent plus à couvrir les rémunérations de ses clients ? Comme il est mentionné plus haut, Ces messieurs de la santé est une relecture de l’affaire Serge Alexandre Stavisky, qui avait fondé le Crédit municipal de Bayonne, dont « l’exécutant » venait d’être arrêté pour fraude et mise en circulation de faux bons au porteur.
Ces messieurs de la santé est un typhon cinématographique, qui étonne par la fraîcheur et la modernité de ses dialogues, la beauté de sa photographie (signée du talentueux Curt Courant, Amok) et bien sûr par le souffle de la mise en scène de Roger Colombier, qui parvient à se sortir rapidement du carcan du théâtre filmé.
LE BLU-RAY
Ces messieurs de la santé débarque en Combo Blu-ray + DVD chez Pathé dans la collection Pathé Présente. Beau visuel repris de celui créé à l’occasion de la présentation du film au Festival de Cannes en 2023. Le menu principal est animé et musical.
Trois interviews croisées sont réunies dans un même module de plus de cinquante minutes, celles d’Isabelle Nohain Raimu, petite fille de Raimu et directrice du musée Raimu de Marignane, Didier Griselain, spécialiste du cinéma français des années 50/60, et Jean Garrigues, historien et universitaire français spécialiste d’histoire politique. À chacun sa spécialité ! Les intervenants s’expriment à la fois sur le film qui nous intéresse aujourd’hui, sur sa place dans la carrière de Raimu, sur le réalisateur Pierre Colombier, sur l’affaire Stavisky qui a grandement inspiré Ces messieurs de la santé, la pièce de théâtre originale, le casting…
L’Image et le son
Restauration 4K pour Ces messieurs de la santé, réalisée à partir des négatifs originaux nitrate, un négatif image et un négatif son optique. Un carton indique que ces éléments présentaient des parties endommagées, qui ont été comblées par des marrons standard de première génération et une copie d’exploitation nitrate. Certains défauts visuels et sonores persistent nous indique-t-on. Mais franchement, ce master au format respecté éblouit à de nombreuses reprises. Voilà un lifting inattendu et bienvenu pour le film de Pierre Colombier. Le Blu-ray en met souvent plein les yeux et la définition laisse pantois. La restauration numérique se révèle étincelante, les contrastes sont d’une densité impressionnante, les noirs profonds, les blancs lumineux et le grain original heureusement préservé. Une ou deux séquences sont peut-être moins définies (mais également lors des effets de montage qui entraînent de légers décrochages), mais cela demeure anecdotique car les séquences sombres sont tout aussi soignées que les scènes plus claires ou les séquences diurnes, le piqué est tranchant, la stabilité de mise et les détails étonnent par leur précision.
La piste mono bénéficie d’un encodage en DTS HD-Master Audio. L’écoute se révèle fluide, équilibrée, limpide. Aucun craquement intempestif ne vient perturber l’oreille des spectateurs, les ambiances sont précises, les dialogues clairs, dynamiques, même s’ils s’accompagnent d’un très léger souffle. Les sous-titres anglais français destinés au public sourd et malentendant sont également disponibles, ainsi qu’une piste Audiovision.
Crédits images : © Pathé / Captures du Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr