CASINO ROYALE réalisé par John Huston, Kenneth Hughes, Val Guest, Robert Parrish & Joe McGrath, disponible en Édition Blu-ray + DVD + DVD bonus + livre – Boîtier Mediabook le 18 octobre 2023 chez Rimini Editions.
Acteurs : Peter Sellers, Ursula Andress, David Niven, Orson Welles, Joanna Pettet, Daliah Lavi, Woody Allen, Deborah Kerr, William Holden, Charles Boyer, John Huston, Kurt Kasznar, George Raft, Jean-Paul Belmondo, Terence Cooper, Barbara Bouchet, Jacqueline Bisset…
Scénario : Wolf Mankowitz, John Law & Michael Sayers
Photographie : Jack Hildyard
Musique : Burt Bacharach
Durée : 2h11
Date de sortie initiale : 1967
LE FILM
Sir James Bond se repose dans son château d’Ecosse. C’est alors que les quatre chefs secrets des grandes puissances le supplient d’accomplir une dernière mission. Pour le convaincre, ils font sauter sa demeure. Le grand Bond se décide alors à agir et à démasquer celui qui fait peser une terrible menace sur le monde.
Passer en revue le pourquoi du comment le producteur Charles K. Feldman a pu obtenir les droits d’adaptation de la première aventure de James Bond écrite par Ian Fleming sera non seulement long, voire interminable, pas obligatoirement passionnant. Mais il est important de noter que Casino Royale, édité au Royaume-Uni en 1953 – il faudra attendre 1960 pour la première traduction française, infidèle et incomplète, qui sortira sous le titre Espions, faites vos jeux – avec un succès foudroyant avait connu une première transposition, non pas au cinéma, mais pour le petit écran, dès l’année suivante sur la chaîne CBS. Dans cet épisode de la série intitulée Climax !, filmé et diffusé en direct, l’américain Barry Nelson est donc le premier à incarner James Bond, « américanisé » pour l’occasion, puisqu’il devient ici un agent de la CIA, tandis que Clarence Leiter (et non pas Felix) est lui un agent britannique au service de sa Majesté. Un téléfilm de 50 minutes, divisé en trois actes, permettant ainsi un changement de décor durant les publicités. 1962, hit inattendu de James Bond 007 contre Dr No, 1963, grand succès de Bons baisers de Russie, 1964, triomphe de Goldfinger, 1965, phénomène mondial d’Opération Tonnerre. EON Productions ne disposant pas des droits pour le cinéma de Casino Royale et refusant de s’associer avec Charles K. Feldman, ce dernier décide de faire cavalier seul et lance son projet personnel avec l’aide de Columbia Pictures. Ce sera l’un des tournages de films les plus catastrophiques avec pas moins de cinq metteurs en scène à la barre Val Guest, Kenneth Hughes, John Huston, Joseph McGrath et Robert Parrish, des comédiens qui vont et viennent, quand ils ne se volatilisent pas complètement dans la nature comme Peter Sellers, sans compter le budget qui explose en raison de cette valse de réalisateurs et d’acteurs, les retards accumulés…Cette parodie, pensée finalement ainsi afin de ne pas s’opposer au « vrai » 007 qui disposait alors de moyens pharaoniques et des meilleurs techniciens du cinéma anglais, connaîtra malgré tout un beau succès dans le monde entier durant les fêtes de Noël. Aujourd’hui, Casino Royale se regarde comme un témoignage d’une époque bien révolue, marquée sur le fond et sur la forme par un psychédélisme difficile à supporter, pas déplaisant, mais bourratif, parfois écoeurant à force de faire ingurgiter aux spectateurs tout et n’importe quoi. Casino Royale est et restera une curiosité couchée sur pellicule, dans laquelle de grands noms du cinéma s’entrecroisent avec un air crispé, trouvant visiblement le temps long, à l’exception de Woody Allen, qui comme dans Quoi de neuf, Pussycat ?, imputable au même producteur, vole la vedette à tous ses partenaires. Il est probablement le seul véritable intérêt de ce pastiche, étant pleinement dans son élément. Quant au scénario, découpé, rapiécé, trahi, agrémenté par des improvisations, réécrit, il ne faut pas en attendre beaucoup et renvoie aux innombrables problèmes rencontrés durant la confection de ce vilain petit canard.
Sir James Bond 007 (David Niven), est un espion britannique légendaire qui a pris sa retraite il y a 20 ans, il reçoit la visite de M (John Huston), le chef du MI6 britannique, du représentant de la CIA Ransome (William Holden), du représentant du KGB Smernov (Kurt Kasznar) et du représentant du Deuxième Bureau Le Grand (Charles Boyer). Tous implorent Bond de sortir de sa retraite pour s’occuper du SMERSH, qui a éliminé des agents. Bond rejette leurs appels. Il tient bon, et son manoir est détruit par un mortier sur ordre de M, qui meurt dans l’explosion. Bond rend la dépouille de M (un toupet) à sa veuve, Lady Fiona McTarry (Deborah Kerr), dans le domaine écossais de M. Cependant, la vraie Lady Fiona a été remplacée par l’agent Mimi du SMERSH. La maison a été remplie par de belles femmes. Le SMERSH vise à détruire « l’image célibataire » de Bond. La multitude de beautés ne parvient pas à séduire Bond, et Mimi/Lady Fiona est tellement impressionnée qu’elle aide Bond à déjouer le complot contre lui et rejoint un couvent. Sur le chemin du retour à Londres, Bond survit à une autre tentative d’assassinat. Bond est nommé chef du MI6. Il apprend que de nombreux agents britanniques à travers le monde ont été éliminés par des espions ennemis en raison de leur incapacité à résister au sexe. Bond apprend également que le « maniaque du sexe » qui s’appelait « James Bond » lorsqu’il a pris sa retraite est allé travailler à la télévision. Bond ordonne que tous les agents restants du MI6 soient nommés « James Bond 007 », pour confondre le SMERSH. Il crée un programme rigoureux pour former les agents masculins à ignorer les charmes des femmes. Moneypenny (Barbara Bouchet) recrute Coop (Terence Cooper), un expert en karaté. Il rencontre également un agent exotique connu sous le nom de Detainer (Daliah Lavi). Bond engage Vesper Lynd (Ursula Andress), un agent à la retraite devenu millionnaire, pour recruter l’experte en baccara Evelyn Tremble (Peter Sellers), qu’il a l’intention d’utiliser pour battre l’agent du SMERSH « Le Chiffre » (Orson Welles). Celui-ci a détourné l’argent du SMERSH et cherche désespérément à dissimuler son vol avant d’être exécuté.
Et ainsi de suite, les faux événements et rebondissements s’enchaînent sur un rythme en dents de scie édentée. Casino Royale annonce les blockbusters contemporains qui reposent sur ses vedettes et guests stars de luxe (ou de chez Wish, comme l’Astérix de Guillaume Canet), au détriment d’une histoire tenue du début à la fin et surtout qui maintient éveiller le public. Car après ce long résumé, dont on ne retient que les participants venus filer un coup de main à Feldman avant que son entreprise colossale ne prenne l’eau, le récit continue à partir dans tous les sens en convoquant une « ex-fille » de James Bond, Mata (Joanna Pettet) et un neveu prénommé Jimmy (Woody Allen), une soucoupe volante géante, la menace d’une guerre biologique pour rendre toutes les femmes belles et tuer tous les hommes mesurant plus de 4 pieds 6 pouces (soit près d’1,40m), des pilules atomiques…mais tout cela ne serait rien sans le chaos final, indescriptible, une baston homérique où l’on croise même notre Bébel national en légionnaire français moustachu qui donne du poing, avant que tout ce beau monde débarque au paradis. Val Guest (Le Jour où la Terre prit feu – The Day the Earth Caught Fire, Le Monstre – The Quatermass Xperiment, Le Redoutable Homme des singes) a bien tenté comme il le pouvait de recoudre toutes les parties éparpillées de ce patchwork invraisemblable (on dit que même Ben Hecht et Billy Wilder auraient participé au scénario, même en tant que simple consultant, avant d’abandonner très vite), pour lui donner un semblant de cohésion, mais les coutures sont bien trop apparentes et l’ensemble ne convainc jamais ou presque. David Niven, que Ian Fleming avait envisagé depuis toujours pour camper l’agent 007, traverse toutes péripéties en conservant la même expression, son flegme habituel fonctionnant malgré tout. Si les spectateurs pourront admirer de superbes créatures comme Ursula Andress, Joanna Pettet, Daliah Lavi, Barbara Bouchet, Jacqueline Bisset et même Caroline Munro à ses débuts (et dix ans avant L’Espion qui m’aimait), Peter Sellers, qui semble fatigué, se fait éclipser par l’ogre Orson Welles, impeccable dans le rôle du Chiffre (et qui en profite pour s’adonner à la prestidigitation, son hobby), tandis que Woody Allen, survolté, se donne à fond et entraîne de bons fous-rires. L’autre bon point de Casino Royale est sa magnifique photographie signée Jack Hildyard (Les Oies sauvages, L’Étau, Pancho Villa, Le Plus Grand Cirque du Monde, Les 55 jours de Pékin), secondé aussi par Nicolas Roeg (avant qu’il devienne lui-même réalisateur) et le talentueux John Wilcox (Les Daleks envahissent la terre, Dr Who et les Daleks) qui met en valeur les décors créés sous acide, et mention spéciale également pour la partition de Burt Bacharach, qui surfe sur son précédent succès de What’s New, Pussycat ?, immortalisé par Tom Jones. Toujours est-il que ce film hybride est devenu culte (Mike Myers n’a rien inventé dans Austin Powers), bien que l’ensemble s’avère au final peu enthousiasmant et surtout trop long.
L’Édition Blu-ray + DVD + DVD bonus + livre – Boîtier Mediabook
Casino Royale is back…dans les bacs. Tout d’abord proposé en DVD en 2001 chez MGM / United Artists, puis pour la première fois en Haute-Définition chez le même éditeur dix ans plus tard, le film qui nous intéresse aujourd’hui se voit dérouler le tapis rouge par Rimini Éditions. Inscrivez d’emblée cet objet dans votre liste de cadeaux pour le Père-Noël ou pour celui d’un proche cinéphile. Les trois disques, intelligemment sérigraphiés et arborant des couleurs psychédéliques (rouge pour le DVD du film, jaune-orangé pour celui des bonus, mauve pour le Blu-ray) sont solidement harnachés dans ce Mediabook, que l’on peut d’ores et déjà considéré comme l’un des plus beaux et des plus réussis sortis chez Rimini. Le livre intitulé Des James Bond pas comme les autres (112 pages), magnifiquement illustré, est sans doute l’un des meilleurs travaux rendus par Marc Toullec. Les fans de l’agent 007 ou tout simplement les les plus curieux se délecteront à la lecture de cet ouvrage, qui présente une formidable remise dans son contexte de Casino Royale, raconte toute l’épopée de sa gestation et de son tournage chaotique, mais aussi la naissance de James Bond dans le monde de la littérature, son succès mondial, ses premières adaptations (dont celle de Casino Royale de 1954), la tentative (tuée dans l’oeuf) de Quentin Tarantino de mettre en scène une vraie transposition du roman, puis celle de Martin Campbell, devant également imposer Daniel Craig dans le rôle de 007. Le plus insolite est sans doute d’apprendre qu’un couac au niveau des droits aura permis une version japonaise de Casino Royale, sous forme de comédie musicale, avec une femme, l’actrice Suzuho Makaze, dans le rôle de…James Bond. Le menu principal du Blu-ray est animé et musical.
Contrairement à l’édition MGM, celle de Rimini Editions ne reprend pas le commentaire audio de Steven Jay Rubin et John Cork, historiens de James Bond (qui était disponible en version originale non sous-titrée), qui tentaient de donner tout du long une certaine crédibilité à cette version parodique de Casino Royale. Ils replaçaient le film dans son contexte et dans la véritable mythologique bondienne, tout en mettant en valeur ce qui était réellement tiré du roman de Ian Fleming.
En revanche, nous retrouvons le documentaire rétrospectif (43’). Ce bonus réalisé en 2007, revient sur la production aussi houleuse que titanesque de Casino Royale grâce aux témoignages des comédiennes Joanna Pettet, Daliah Lavi et Jacqueline Bisset, de l’expert ès-James Bond Steven Jay Rubin, de l’ancien agent de Woody Allen, d’un des co-réalisateurs Joseph McGrath et enfin de l’intermédiaire entre les divers metteurs en scène Val Guest. Les aléas de production seraient trop longs à énumérer ici alors nous résumerons en disant que beaucoup de scénaristes n’ont finalement pas été crédités, que Peter Sellers (qui a disparu des plateaux en plein tournage) et Orson Welles se détestaient au point que les scènes où ils se donnent la réplique n’ont pas été tournées ensemble, que Casino Royale est quasiment devenue le Cléopâtre de la comédie en raison de son tournage à rallonge. La question qui se pose également est pourquoi les droits de la première aventure de James Bond écrite par Ian Fleming a pu échapper au producteur Albert Broccoli et est ainsi devenue une parodie de film d’espionnage avant d’être enfin adaptée sérieusement en 2006. Il faudra visionner ce documentaire, exhaustif, dense et très instructif sur la production de Casino Royale pour en connaître toutes les raisons.
Les nouveaux éléments fournis par Rimini Éditions renvoient aux oubliettes le précédent Blu-ray MGM avec tout d’abord la présence du Casino Royale de 1954 (48’), réalisé par William H. Brown Jr ! Longtemps invisible, du moins dans son intégralité, cet épisode de la série Climax ! permet enfin de (re)découvrir Barry Nelson, le premier acteur à avoir joué le rôle de James Bond dans une adaptation du premier roman de Ian Fleming. Aux côtés de Peter Lorre dans le rôle du Chiffre, le comédien s’en tire pas trop mal, même si son physique bien américain peut décontenancer. Une partie de l’intrigue reste fidèle au roman original, mais faute de moyens et compte tenu des conditions techniques, l’ensemble prend l’allure d’un huis clos. En dehors d’une fin abrupte, Casino Royale version CBS est une belle curiosité (la qualité de la copie est forcément aléatoire et le mixage marqué par des craquements) et un joli coup d’essai.
Nous trouvons ensuite une interview de Val Guest datant de 2002 (20’). Si vous avez visionné les suppléments précédents et lu le livre de Marc Toullec, alors beaucoup de propos vous paraîtront redondants, surtout que Val Guest raconte les mêmes anecdotes que dans le module rétrospectif, parfois au mot près. Le casting, les conditions de prises de vues, les cascades et la musique sont aussi les sujets abordés.
Last but not least, l’excellent Laurent Aknin, historien du cinéma, a été convié par Rimini Éditions pour nous présenter Casino Royale (25’). Une intervention riche et même complète, qui évoque le triomphe planétaire des épisodes de James Bond avec Sean Connery, mais aussi la création du personnage par Ian Fleming, la publication de Casino Royale, sa première adaptation pour le petit écran en 1964, puis celle de 1967. L’explosion du genre EuroSpy (avec le fameux Opération frère cadet – O.K. Connery d’Alberto De Martino, avec Neil Connery, le propre frère cadet du grand Sean), les conditions de tournage de Casino Royale, le succès du film au cinéma (Aknin se souvient avoir été décontenancé en découvrant un film comique et déclare que beaucoup de spectateurs sortaient furieux du cinéma) et l’évolution du personnage de James Bond dans la saga sont les éléments finement analysés.
L’interactivité se clôt sur la bande-annonce.
L’Image et le son
En dehors de son côté bâtard, Casino Royale demeure un grand spectacle visuel au cadre large et au Technicolor pimpant. Ce master HD propose une agréable restauration – même si réalisée à partir d’une copie vraisemblablement datée, sans doute celle sortie chez MGM il y a plus de dix ans – de cette parodie de film d’espionnage bien que les contrastes auraient gagné à être encore révisés et rééquilibrés. Si l’image est un peu douce, les séquences extérieures gagnent indéniablement en luminosité et la colorimétrie retrouve une certaine richesse. Ce festival de couleurs pop et acidulées brille souvent de mille feux malgré un grain quelquefois appuyé et une perte de la définition sur les scènes sombres. Si le relief est appréciable sur les décors grandioses et les gros plans étonnants de précision, le piqué manque de fermeté, des fourmillements sont constatables sur les arrière-plans et les plans à effets spéciaux repris en postproduction sont les plus altérés. Blu-ray au format 1080p.
La version originale bénéficie d’un encodage DTS HD Master Audio 5.1 qui en dehors de la spatialisation de la bande-son n’apporte rien au film. En effet, les effets latéraux demeurent anecdotiques et bien trop dispersés pour retenir suffisamment l’attention. Les basses ont certes quelques occasions de briller grâce à la musique (The Look Of Love de Burt Bacharach) et aux explosions, mais il faut bien admettre que l’action reste canalisée sur les frontales. Autrement ce mixage est très propre, fluide et sans souffle intempestif. Seuls les dialogues manquent parfois de coffre. Contrairement au Blu-ray MGM, nous disposons aussi de la piste mono d’origine. La version française est d’ailleurs proposée en mono qui fait également la part belle à la bande-son du film. Les dialogues y apparaissent plus étouffés et les effets sonores relativement atténués par rapport à la version anglaise.
Crédits images : © MGM / Danjaq / Rimini Editions / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr