Test Blu-ray / Bertha Boxcar, réalisé par Martin Scorsese

BERTHA BOXCAR (Boxcar Bertha) réalisé par Martin Scorsese, disponible en Combo Blu-ray + DVD le 17 février 2021 chez Rimini Editions.

Acteurs : Barbara Hershey, David Carradine, Barry Primus, Bernie Casey, John Carradine, Victor Argo, David Osterhout, Grahame Pratt…

Scénario : Joyce Hooper Corrington & John William Corrington, d’après le livre de Ben L. Reitman

Photographie : John M. Stephens

Musique : Gib Guilbeau & Thad Maxwell

Durée : 1h25

Année de sortie : 1972

LE FILM

En Arkansas, pendant la Grande Dépression, Bertha Thompson assiste à la mort de son père. Seule, sans travail ni domicile, elle se déplace d’un coin à l’autre en utilisant les wagons de trains de marchandises. Elle fait la connaissance d’un syndicaliste révolté avec lequel elle va former un couple de pilleurs de trains.

Sorti en 1972, Bertha Boxcar (ou Boxcar Bertha en version originale), est considéré comme étant le premier « vrai » long-métrage de Martin Scorsese. Même s’il n’a pas du tout participé au scénario de ce film de commande produit par l’immense Roger Corman, le « Pape de la série B », qui avait repéré le talent de ce jeune italo-américain âgé d’à peine trente ans, grâce à son premier film Who’s That Knocking at My Door, le réalisateur y aborde beaucoup de thèmes qui lui seront chers par la suite. Nanti d’un budget assez modeste, Martin Scorsese parvient néanmoins à recréer les rivalités sociales, les conditions économiques, les couleurs et même les odeurs des années 1930. Bertha Boxcar est avant tout une histoire d’amour faisant évidemment penser à celle de Bonnie & Clyde, y compris dans son traitement qui rappelle furieusement l’énergie du film d’Arthur Penn qui avait déboulé sur les écrans cinq ans auparavant. Le metteur en scène s’attarde sur les conflits des petites gens face aux grands patrons exploitants, sur le racisme et l’antisémitisme ambiants et omniprésents, sur le rejet des laissés-pour-compte, dans un mélange étonnant et explosif de violence, de sexe et de sang. David Carradine et Barbara Hershey campent deux personnages rebelles, rêveurs, dont la naïveté a laissé place à une révolte intérieure qui se traduira par des actes punis par la loi. Oeuvre sans cesse inventive marquée par un montage rapide, très découpé et toujours fluide, à la musique country entraînante, Bertha Boxcar à défaut d’être un chef-d’oeuvre (mais cela viendra très vite après), témoigne déjà du sens indéniable du cadre, de la direction d’acteurs et du réalisme des situations qui en une seconde peut partir en éclats dans une déferlante d’hémoglobine. Non seulement Bertha Boxcar demeure une très agréable et passionnante curiosité pour les fans de Martin Scorsese, mais le film n’a pour ainsi dire pas vieilli, aussi bien sur le fond que sur la forme.

Aux Etats-Unis pendant la Grande Dépression des années 1930. Après avoir vengé la mort de son père, victime de la négligence de son patron qui pressait son employeur de terminer son travail, Bertha Thompson, qui a assisté au drame, voyage dans des wagons à bestiaux (des « Boxcars », d’où le surnom du personnage principal), sillonne l’Amérique et prend la route en compagnie de Von Morton, un Afro-Américain, de Rake Brown et de Big Bill Shelly, un jeune syndicaliste socialiste marginal. Ce dernier va leur inculquer le sens de la révolte et tente d’entraîner les cheminots à la grève. Comme tant de pauvres bougres réduits à la misère, ils errent de ville en ville, au hasard des trains de marchandises qu’ils empruntent clandestinement, et sous la menace constante des agents du rail ou des cerbères de la police. Le quatuor finit par s’en prendre aux intérêts de la compagnie des chemins de fer…

Quand il entreprend Boxcar Bertha, Martin Scorsese n’est pas le cinéaste que l’on connaît aujourd’hui, mais ne mettra pas longtemps pour prendre son envol et imposer aussi bien son univers que ses personnages qui deviendront immédiatement identifiables par les spectateurs et cinéphiles du monde entier, puisque Mean Streets sortira un peu plus d’un an après et Taxi Driver, qui sera récompensé par la Palme d’or au Festival de Cannes, seulement quatre ans plus tard. Si l’action de Boxcar Bertha se déroule en Arkansas, soit à 2000 kilomètres de New York où il a grandi, Martin Scorsese y développe ses protagonistes, leurs évolutions respectives et les confrontations avec leurs adversaires, de la même façon qu’il dépeindra ses propres personnages issus de son univers personnel, dans les quartiers de Little Italy. Donc même s’il n’a pas pris part au script, que l’on doit à Joyce Hooper Corrington et John William Corrington, auteurs du Baron rouge de Roger Corman et La Bataille de la planète des singes de J. Lee Thompson, d’après l’œuvre Sisters of the Road de Ben L. Reitman, Martin Scorsese y puise malgré tout la matière pour évoquer les notions de bien et de mal, la grandeur et la décadence, la culpabilité, la survie en milieu hostile, la rédemption, et comme nous l’avons déjà dit la violence. Après avoir été monteur et assistant réalisateur sur le Woodstock (1970) de Michael Wadleigh, Martin Scorsese obtient carte blanche de la part de Roger Corman, à condition d’y incorporer pas mal de sang et de sexe pour contenter les spectateurs qui prendront place dans les drive-in, comme ils l’avaient fait précédemment pour son Bloody Mama (1970), dans lequel Shelley Winters tenait le rôle de la célèbre Ma Barker. Qu’à cela ne tienne, le réalisateur prépare son film bien en amont, à tel point qu’il dessinera lui-même 500 planches de storyboards, soucieux de respecter à la fois le budget qui lui a été confié, ainsi que les jours de tournage qui lui ont été alloués.

Le couple à l’écran, comme à la ville au moment du tournage, est interprété par Barbara Hershey et David Carradine, qui s’étaient rencontrés sur le tournage d’Au paradis à coups de revolverHeaven with a Gun (1969) de Lee H. Katzin. Si la première restera célèbre pour son extraordinaire interprétation dans L’EmpriseThe Entity, réalisé en 1982 par Sidney J. Furie, le second allait exploser la même année que Bertha Boxcar, mais sur la petite lucarne dans la série Kung Fu, qui fera de lui une star internationale. Ces deux symboles de la contre-culture, qui attendaient d’ailleurs un heureux évènement au moment du tournage, sont parfaits dans de complicité, d’alchimie, de fougue et même de sensualité dans Bertha Boxcar. Chose amusante, surtout lorsque l’on connaît l’incroyable et inoubliable dénouement du film, c’est sur ce tournage que Martin Scorsese découvre le livre de Níkos Kazantzákis, La Dernière Tentation du Christ, que lisait Barbara Hershey entre deux prises. Seize ans plus tard, le réalisateur parviendra à l’adapter à l’écran et en profitera pour retourner avec la comédienne en lui confiant le rôle de Marie Madeleine.

Outre son montage frénétique et efficace signé Buzz Feitshans (futur producteur des trois premiers Rambo et de Conan le Barbare de John Milius), Bertha Boxcar est aussi un ravissement pour les yeux avec cette photographie inspirée de John M. Stephens (Le 3eme oeil The Yin and the Yang of Mr. Go de Burgess Meredith), technicien chevronné qui participera plus tard à Fog de John Carpenter, Sorcerer de William Friedkin et même à Titanic de James Cameron. Quoi qu’il en soit, ce second long-métrage de Martin Scorsese a tout autant contenté ses producteurs que les spectateurs, qui lui réserveront un bel accueil. Le réalisateur voyait sa carrière lancée et, sur les conseils de son ami John Cassavetes, allait pouvoir plancher sur un sujet personnel. Ce sera Mean Streets.

LE COMBO BLU-RAY + DVD

En France, Bertha Boxcar avait déjà connu une exploitation, la seule, en DVD chez MGM / United Artists. Mais depuis août 2004, plus aucune nouvelle du second long-métrage de Martin Scorsese, aussi bien dans une nouvelle (et espérée) édition Standard qu’en Haute-Définition. L’attente a été longue mais ô combien récompensée, puisque Bertha Boxcar refait son apparition dans un magnifique combo Blu-ray + DVD chez Rimini Editions. Les deux disques reposent dans un Digipack à deux volets aux visuels élégants, glissé dans un fourreau cartonné au visuel sublime. Le menu principal est animé et musical.

Co-auteur avec Nicolas Shaller du livre Martin Scorsese (paru en 2003 aux éditions Dark Star), Alexis Trosset a été invité par Rimini Editions pour nous présenter Bertha Boxcar (26’). Vous saurez donc TOUT sur ce film, remis aussi bien dans son contexte que replacé dans la carrière de Martin Scorsese. Ainsi, la rencontre du réalisateur avec le producteur Roger Corman, la mise en route de Bertha Boxcar, les éléments imposés au metteur en scène (« de la violence et du sexe toutes les quinze minutes ! »), l’écriture du scénario, le montage (la première mouture durait 2h30), le casting, les conditions de tournage (sur 24 jours), la sortie et le succès commercial du film sont des sujets très largement abordés et analysés par Alexis Trosset. Ce dernier se penche aussi un peu plus sur la dernière séquence du film, celle qui s’inscrit de façon indélébile dans la mémoire des spectateurs, la crucifixion du personnage interprété par David Carradine suivie de l’explosion de violence. « Une séquence absolument parfaite, celle où naît vraiment Martin Scorsese » déclare Alexis Trosset.

Nous trouvons également un entretien avec Julie Corman (7’), épouse de Roger Corman (qui fêtera ses 95 ans en 2021) et productrice de Bertha Boxcar, qui revient surtout ici sur la genèse du film, né à la suite du succès de Bloody Mama (la bande-annonce illustre d’ailleurs ses propos), qui avait donné envie à son époux d’exploiter le filon du thriller d’action mettant en scène un personnage de gangster au féminin. Des recherches difficiles, mais au bout desquelles Julie Corman découvre finalement le livre autobiographique, Sisters of the Road, de Ben L. Reitman. Un récit qui convenait parfaitement au désir de Roger Corman et que Martin Scorsese allait ensuite s’approprier.

L’interactivité se clôt sur la bande-annonce.

L’Image et le son

Bertha Boxcar revient dans les bacs et la Haute-Définition lui sied à ravir. Rimini Editions livre un Blu-ray qui en met souvent plein les yeux. La restauration est étincelante, les contrastes denses, la copie est propre, lumineuse. Les gros plans sont détaillés à souhait, les couleurs marron, dominantes dans la photographie de John M. Stephens sont divines, le relief des séquences diurnes est inédit et le piqué demeure acéré sur ces mêmes scènes. Le grain argentique est omniprésent, excellemment géré, élégant, appuyé sur les scènes se déroulant en intérieur, mais jamais envahissant. En dehors de quelques cadres heurtés, ce lifting rend caduc le master SD édité il y a plus de quinze ans.

Première chose, les sous-titres français sont imposés sur la version originale. Deuxième chose, le changement de langue est verrouillé à la volée. Ensuite, la piste anglaise s’impose sans mal face à son homologue française, avec notamment des dialogues plus percutants et un rendu de la musique plus fracassant. Nous vous conseillons bien sûr de (re)découvrir Bertha Boxcar en version originale, même si la VF bénéficie d’un doublage de qualité avec notamment les voix de Dominique Collignon-Maurin pour David Carradine et Patrick Poivey pour Barry Primus.

Crédits images : © Rimini Editions / Orion Pictures Corporation / MGM / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

2 réflexions sur « Test Blu-ray / Bertha Boxcar, réalisé par Martin Scorsese »

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.