ANTHROPOPHAGOUS : L’ANTROPOPHAGE (Antropophagus) réalisé par Joe D’Amato, disponible en Blu-ray chez Vidéo Popcorn.
Avec : Tisa Farrow, Saverio Vallone, Serena Grandi, Margaret Mazzantini, Mark Bodin, Bob Larson, Rubina Rey, Simone Baker, Mark Logan, George Eastman, Zora Kerova…
Scénario : Joe D’Amato & George Eastman
Photographie : Enrico Biribicchi
Musique : Marcello Giombini
Durée : 1h32
Date de sortie initiale : 1980
LE FILM
Des touristes arrivent sur une petite île grecque, qu’ils trouvent complètement abandonnée. En explorant les lieux ils découvrent une chambre secrète. Ils sont par la suite poursuivis par un psychopathe cannibale bien décidé à les tuer un par un.
Emmanuelle et Françoise, Emanuelle et les derniers cannibales, La Mort a souri à l’assassin, La Nuit érotique des morts-vivants…si vous nous lisez, vous savez à quel point nous adorons Joe d’Amato (1936-1999), sa passion contagieuse pour le cinéma, son jusqu’au-boutisme, son besoin effréné d’enchaîner les tournages. Si nous n’aurons jamais assez d’une vie pour venir à bout d’une filmographie comptant 200 films tournés entre 1972 et 1999, certains demeurent incontournables. C’est le cas d’Anthropophagous : L’Anthropophage, aka Antropophagus, mais aussi The Grim Reaper, L’homme qui se mange lui-même (en Belgique), The Savage Island, Anthropophalus (oui oui), The Beast, The Zombie’s Rage, Man-Eater, vous avez l’embarras du choix. Sorti en 1980, année très productive pour ce bon vieil Aristide qui livre alors pas loin de dix opus cette même année, y compris le mythique Sesso nero, le « suce »-mentionné La Nuit érotique des morts-vivants, ainsi que Les Plaisirs d’Hélène avec la sublime Nieves Navarro. Le sieur Massaccesi se rend en Grèce pour les besoins d’Anthropophagous, du moins pour y tourner les scènes inaugurales à Athènes, mais revient avec son équipe dans le Lazio pour y capturer les scènes supposées se dérouler sur l’île. C’est là que le cauchemar va commencer pour notre brochette de personnages, justement destinés à devenir de la barbaque dont l’ami George Eastman (ou Luigi Montefiori pour les intimes), également coscénariste et coproducteur, entend bien se délecter. Après une introduction réussie et qui plagie ouvertement celle des Dents de la mer, Anthropophagous se la joue pépère pendant près d’une heure, avant de revenir à la tripaille pure et dure. Heureusement et comme bien souvent, Joe d’Amato n’est certainement pas un manchot et parvient à instaurer une ambiance aussi pesante qu’étouffante, qui maintient l’intérêt des spectateurs jusqu’aux réjouissances sanglantes. Un bon cru. Mais est-ce aussi bon cru que cuit d’ailleurs, si oui qui l’eût cru ?
Deux allemands visitant une île grecque isolée se rendent à la plage et sont massacrés par un individu qui émerge de l’océan. Cinq voyageurs se préparent à visiter les îles et sont rejoints par Julie, qui demande à les conduire vers une île sur laquelle vivent certains de ses amis. La seule qui s’oppose à ce détour est Carol, dont les cartes de tarot la convainquent que quelque chose de grave va arriver. Le groupe navigue quand même vers l’île. En débarquant, Maggie, enceinte, se blesse à la cheville et reste donc sur le bateau avec son propriétaire. Un homme attaque le navire, arrachant la tête du marin et enlevant Maggie. Les autres explorent la ville de l’île, la découvrant abandonnée, à l’exception d’une insaisissable femme en noir, qui écrit « Go Away » sur une fenêtre poussiéreuse. Un cadavre en décomposition qui semble avoir été mangé est découvert dans une maison, ce qui incite tout le monde à regagner le bateau à la dérive. Sans autre choix, le groupe se rend dans la maison des amis de Julie, où ils retrouvent leur fille aveugle, Henriette. Après avoir blessé Daniel car prise de panique, Henriette se calme et indique la présence d’un fou qui renifle le sang et rôde sur l’île. Pour empêcher la blessure de Daniel de s’infecter, Andy et Arnold se rendent en ville à la recherche d’antibiotiques. Carol surprend Daniel en train de flirter avec Julie et devient hystérique et s’enfuit dans la nuit. Le tueur défiguré fait soudainement irruption dans la maison.
Joe d’Amato est à un sommet de son illustre carrière, Anthropophagous se plaçant alors entre Blue Holocaust et Porno Holocaust. Le film d’épouvante qui nous intéresse aujourd’hui est low-cost et repose tout d’abord sur un casting on ne peut plus attractif. Ainsi, nous suivons Tisa Farrow, sœur de la légendaire Mia, vue de l’autre côté des Alpes dans Les Héros de l’apocalypse – L’Ultimo cacciatore d’Antonio Margheriti, L’Enfer des zombies – Zombi 2 de Lucio Fulci et Spécial Magnum – Una Magnum Special per Tony Saitta d’Alberto de Martino, qui donne ici la réplique à la bomba Serena Grandi, connue essentiellement pour avoir tenu le rôle-titre de Miranda de ce coquin de Tinto Brass, qui campe ici Maggie, enceinte, qui va avoir la malchance de croiser un cannibale. De cette rencontre va découler l’une des scènes les plus chocs d’Anthropophagous, celle où Klaus Wortmann, cramé, déphasé, monstrueux, va entreprendre un avortement express pour se repaître du fœtus fraîchement arraché à sa mère et encore relié par le cordon ombilical…on a un peu de mal à croire à ce qu’on vient d’écrire et d’ailleurs on se demande encore si on a bien vu ce qui est passé devant nos yeux.
L’autre séquence célèbre reste celle sur laquelle de nombreuses affiches ont misé pour la promotion du film, celle où le cannibale, blessé, ses propres boyaux dans les mains, décide d’en faire qu’une bouchée. Entre les deux, pas grand-chose à se mettre sous la dent, y compris pour notre créature de deux mètres de haut, mais l’on suit tout de même notre groupe au comportement et aux agissements improbables. Le reste de la distribution se compose également de Saverio Vallone, tête à baffes de La Cage aux folles III de Georges Lautner (et fils de Raf Vallone), la belle Zora Kerova (Cannibal Ferox, Novices libertines), Margaret Mazzantini (épouse de Sergio Castellitto, qui a adapté les livres de sa femme à plusieurs reprises) et d’autres comédiens sortis d’on ne sait où et repartis d’où ils étaient venus, comme cette actrice à qui le bikini sied à ravir dans l’exposition.
Produit par la Produzioni Cinematografiche Massaccesi, tout juste fondée par Joe d’Amato (pour distribuer Sesso nero) et Filmirage (également fondée Joe d’Amato, mais en partenariat avec Donatella Donati), ainsi que par Eureka International, Anthropophagous (qui connaîtra une fausse suite un an plus tard intitulée Horrible, toujours sous la direction de Joe d’Amato et avec le même personnage cannibale), perce aussi bien les yeux que les tympans (la musique au synthétiseur ARP 2600 de Marcello Giombini est souvent un supplice), fait rire (on ne se remet pas de la tête de mannequin dans le seau) et même si l’on ne peut se remettre dans les mêmes conditions qu’à l’époque où le film était sorti avec une interdiction aux moins de 18 ans, on se laisse volontiers porter par l’attraction de fête foraine concoctée par Joe d’Amato et ses complices.
LE BLU-RAY
Nouveau venu dans le domaine de l’édition physique, Vidéo Popcorn (nous sommes presque cousins avec ce nom de baptême) est un nouveau résistant dans ce domaine et entre par la très grande porte avec Anthropophagous, orthographié Antropophagus à cette occasion. La galette HD repose dans un Slim Digipack élégant, glissé dans un fourreau cartonné magnifiquement illustré par des visuels d’exploitations d’époque. Édition limitée à 1000 exemplaires et disponible à la vente sur le site de l’éditeur https://videopopcorn.myshopify.com/. Le menu principal est animé et musical.
Le premier bonus à part entière est un livret de 20 pages, intitulé Joe d’Amato, cinéma bis per sempre, écrit par l’expert en la matière, David Didelot, fondateur du fanzine « Vidéotopsie ». Celui-ci, en quelques lignes toujours très inspirées, revient sur le mythe Joe d’Amato, présente un bref aperçu de sa carrière, dissèque son style, décode sa patte, avant d’en venir plus précisément à Anthropophagous. Ce livret intègre également la liste des contributeurs ayant participé à la campagne de financement de ce Blu-ray sur la plateforme KissKissBankBank.
Le second supplément est un entretien dense et forcément passionnant avec Arnaud Bordas, auteur du livre De chair et de sang les plus grandes figures du cinéma d’horreur (43’). Le journaliste propose un beau tour d’horizon sur Joe d’Amato, l’homme dans sa vie privé et dans son métier, « personnage symbolique du cinéma bis et populaire ». Le parcours et les grandes étapes de sa carrière sont ainsi abordés, tout comme son « rapport quasi-charnel à la confection d’un film », un réalisateur (entre autres) obsédé par le cinéma, un homme-orchestre, « à la fois très attachant et très paradoxal », qui se considérait avant tout comme un homme d’affaires et non pas comme un artiste. Puis, Arnaud Bordas aborde évidemment plus en détails Anthropophagous, en évoquant le casting, les conditions de tournage, les secrets des scènes les plus célèbres, la musique, les problèmes avec la censure, les points faibles aussi (le manque de rythme, les incohérences). Néanmoins, l’intervenant met en avant les qualités de la mise en scène d’un film « immersif », qui « ressemble à la personne qui l’a fait, un homme de cinéma, qui a vécu par et pour le cinéma ».
L’interactivité se clôt sur la bande-annonce.
L’Image et le son
Anthropophagous a été réalisé en 16mm, support fragile et délicat, puis gonflé en 35mm avec les inconvénients que cela comporte. Le grain est accentué, les flous présents, les pertes de la définition aussi et la gestion des contrastes peut paraître aléatoire. Ajoutez à cela des conditions de prises de vue parfois chaotiques, tout est réuni pour donner du fil à retordre à Vidéo Popcorn pour assurer un service après-vente convenable. Et pour une première, l’éditeur s’en tire haut la main. Les partis-pris sont conformes aux volontés artistiques originales, avec des couleurs qui se révèlent pimpantes dans la première partie, et qui ternissent volontairement au fil du récit et des meurtres qui se multiplient. Copie très propre, hormis quelques légers dépôts résiduels et poils en bord de cadre. Exit le DVD Bach Films sorti il y a dix, la relève est assurée avec ce Blu-ray.
Anthropophagous a été tourné en italien. Toutefois, si par nostalgie vous décidez de le visionner en français, sachez qu’il s’agit ici de la version intégrale du film et certaines scènes, jamais doublées, passeront donc automatiquement en VOSFT. Cette version est assez plate, mais le doublage vaut son pesant de cacahuètes. Privilégiez donc la langue de Dante, sachant que celle de Shakespeare est également au programme, même si elle ne bénéficie pas du même charme rétro ou rigolo (au choix) que les deux autres.
Merci au staff homepopcorn pour ce test et cet avis on ne peut plus vrais , c’est une très belle copie restauré en HD qui rend vraiment honneur au film comme cela n’a jamais été le cas jusqu’à présent chez nous .
L’éditeur a vraiment fait un beau travail c’est un quasi sans fautes pour une toute première sortie .