20.000 LIEUES SOUS LES MERS (20,000 Leagues Under the Sea) réalisé par Stuart Paton, disponible en Combo Blu-ray + DVD le 7 juillet 2021 chez Rimini Editions.
Acteurs : Dan Hanlon, Edna Pendleton, Curtis Benton, Allen Holubar, Matt Moore, Jane Gail, Howard Crampton, William Welsh, Lois Alexander, Wallis Clark…
Scénario : Stuart Paton, d’après le roman de Jules Verne
Photographie : Eugene Gaudio
Musique : Brian Benison & Maximilien Mathevon
Durée : 1h23
Année de sortie : 1916
LE FILM
Un monstre sous-marin ayant été repéré par plusieurs navires, le gouvernement des États-Unis met sur pied une expédition chargée de le tuer. Le professeur Aronnax, sa fille, et Ned Land, un célèbre harponneur, font partie du voyage. Le monstre est en réalité un sous-marin créé par le capitaine Nemo pour venger un deuil secret.
Quand on parle de Vingt Mille Lieues sous les mers au cinéma, le cinéphile pense immédiatement à l’adaptation de Richard Fleischer sortie en 1954, avec James Mason dans le rôle du capitaine Nemo et Kirk Douglas dans celui de Ned Land. Ce que le passionné de septième art sait probablement moins, c’est que quasiment quarante ans avant ce film produit par Walt Disney, le chef d’oeuvre de Jules Verne avait déjà donné naissance à un autre « blockbuster ». En 1916, sort sur les écrans 20,000 Leagues Under the Sea, mis en scène par Stuart Paton (1883-1944) et l’une des premières grandes productions de prestige des studios Universal, fondés l’année précédente par Carl Laemmle. C’est ce dernier qui produit cette transposition du roman Vingt Mille Lieues sous les mers, paru entre 1869 et 1870, pour laquelle sont créées les premières prises de vue sous-marines jamais réalisées, grâce à la photosphere. Un carton en introduction indique d’ailleurs que l’on doit cette invention aux frères Williamson, Charles et John Ernest, qui apparaissent en introduction, qui s’accompagne aussi d’un portrait de Jules Verne. Les passionnés d’aventures et les fans de Jules Verne seront à la fête en découvrant cette troisième mouture, la première étant celle réalisée par Wallace McCutcheon remontant à 1905, suivie de celle du génie Georges Méliès en 1907, car 20,000 Leagues Under the Sea propose également un mash-up avec L’Île mystérieuse, autre roman de Jules Verne dans lequel apparaît le capitaine Nemo, qui dévoilait le passé du personnage. Plus d’un siècle après sa réalisation et sa sortie au cinéma, Vingt Mille Lieues sous les mers demeure une superbe curiosité, une adaptation élégante et soignée, un témoignage bouleversant sur le cinéma, sur les effets spéciaux, sur l’imaginaire et surtout sur l’intemporalité des histoires de Jules Verne.
Pendant la guerre civile, une équipe de chercheurs américains signalent un dangereux monstre marin. Il s’agit en fait d’un sous-marin, le Nautilus, commandé par le capitaine Nemo, un homme amer à la recherche d’un aventurier anglais nommé Charles Denver. En effet, quelques années auparavant, en Inde, où Némo était un prince, Denver causa la mort de sa femme et la disparition de sa fille.
Contrairement à Georges Méliès qui avait filmé les grandes profondeurs du monde marin, bien au chaud dans ses studios de Montreuil et à travers un aquarium rempli de poissons derrière lequel s’agitaient ses comédiens, Vingt Mille Lieues sous les mers version Stuart Patton a réellement été tourné dans les eaux bleues turquoises des Bahamas (justement en raison de leur clarté limpide, ce qui facilitait les prises de vue) en ce qui concerne les séquences présentant la faune et la flore des abysses où le capitaine Nemo a trouvé refuge. Un procédé révolutionnaire avait donc été mis sur pied pour filmer ce monde alors totalement inconnu ou méconnu pour la plus grande partie des spectateurs. Quand Nemo dévoile son « royaume » à ses hôtes-prisonniers du Nautilus, 20,000 Leagues Under the Sea prend la forme d’un quasi-documentaire et l’on imagine très bien la réaction d’une audience fascinée par la découverte de cette partie dissimulée du monde ou à la vision de ces hommes en scaphandre déambulant sous l’eau, sans aucun trucage. Stuart Paton s’éloigne de la mise en scène fantaisiste de Georges Méliès, pour narrer une histoire plus « réaliste », tout en l’inscrivant dans un monde fantastique. Si l’on retrouve le célèbre poulpe géant, qui participera notamment au triomphe de la version de Richard Fleischer, l’adaptation de 1916 délaisse les créatures tant chéries par Georges Méliès, pour se focaliser sur les personnages, en particulier le capitaine Nemo, campé par Allen Holubar, ici dans son rôle le plus célèbre et qui deviendra réalisateur la même année.
Stuart Paton adapte lui-même le roman de Jules Verne et en profite pour remonter aux origines du capitaine Nemo, révélées dans L’Île mystérieuse, ce qui démontre la volonté du cinéaste de proposer au public, à la fois un grand spectacle emblématique du Cinématographe, doublé d’une des premières origin-story de l’histoire du cinéma. Plus de cent ans après sa confection, Vingt Mille Lieues sous les mers reste un divertissement bien rythmé, aux cartons limités, composé d’images fabuleuses, aussi bien celles capturées par les frères Williamson que celles signées Stuart Paton, par ailleurs épaulé par un magnifique travail sur les décors. Non seulement cette transposition est digne des écrits de Jules Verne, mais elle se permet également de prolonger quelque peu l’histoire de Nemo en faisant découvrir au public « le secret que Jules Verne n’a jamais révélé » à travers une postface imaginée à cette occasion.
20,000 Leagues Under the Sea combine à la fois l’évasion propre au cinéma et une dimension didactique, sans jamais tomber dans une quelconque naïveté ou une mièvrerie, en prenant au sérieux le spectateur épris de liberté, tout en titillant son intellect. Raison pour laquelle le Vingt Mille Lieues sous les mers de 1916 a su traverser les décennies et même un siècle en préservant sa magie et en conservant son pouvoir récréatif.
LE COMBO BLU-RAY + DVD
Contrairement à ce que l’on pouvait croire, le film de Stuart Paton avait déjà bénéficié de deux sorties en DVD en France. La première en 2007 chez Bach Films, la seconde en 2009 chez Lancaster. Pour la première fois dans nos contrées, ce long-métrage est disponible en Blu-ray et l’on doit cette éminente sortie à Rimini Editions. C’est aussi pour nous l’occasion de fêter la centième chronique consacrée au catalogue de cet éditeur, dont nous avons très souvent vanté les mérites et qui dès le début de Homepopcorn.fr nous a fait confiance. Merci à Jean-Pierre Vasseur pour cette fructueuse collaboration, pour sa disponibilité et sa gentillesse, et bravo pour tout son travail titanesque. Cette édition Combo prend la forme d’un boîtier classique de couleur bleue, au visuel très élégant et attractif. L’ensemble est glissé dans un surétui cartonné. Le menu principal est animé et musical.
Rimini Editions a fait appel à deux de nos intervenants préférés, d’un côté Laurent Aknin, historien du cinéma (19’) et de l’autre Alexandre Jousse, journaliste et réalisateur (22’).
Le premier propose une très large présentation de Vingt Mille Lieues sous les mers, le film de 1916 proposé par Rimini Editions, en le replaçant tout d’abord dans son contexte et en expliquant comment le film de Stuart Paton s’inscrit dans la première période du cinéma, sachant que les premiers longs-métrages étaient apparus seulement quatre ans auparavant. Laurent Aknin évoque pêle-mêle la publication du roman de Jules Verne, l’évolution extrêmement rapide de la technique cinématographique représentée par le film qui nous intéresse aujourd’hui, et surtout comment le producteur Carl Laemmle a voulu mettre l’accent sur les prises de vue sous-marines, des images jamais montrées encore au cinéma, et ce grâce à l’ingéniosité des frères Williamson. Les conditions de tournage, le mix entre les romans Vingt Mille Lieues sous les mers et L’Île mystérieuse, l’esprit feuilletonesque du livre repris dans ce film, sont aussi abordés au cours de cette analyse. Enfin, Laurent Aknin clôt ce module en indiquant que « 20,000 Leagues Under the Sea est un film qui était extrêmement en avance sur son temps, la première grande adaptation de Jules Verne à l’écran, à l’impact esthétique sans doute modéré, mais une œuvre fondamentale ».
A l’instar de ses travaux sur les éditions de Meurtres sous contrôle, Opération peur, Le Continent oublié et Le Sous-marin de l’apocalypse, Alexandre Jousse propose une fois de plus un fabuleux supplément, centré ici sur les innombrables adaptations au cinéma des œuvres de Jules Verne. Merveilleusement illustré par des photos, des dessins, des croquis, des extraits de films et de bandes-annonces, ce module passionnant met tout autant en relief les transpositions les plus célèbres des livres de l’écrivain nantais, que celles plus méconnues voire insoupçonnées ou bien encore inspirées. Alexandre Jousse en profite pour révéler quelques astuces de tournage de Vingt Mille Lieues sous les mers de Stuart Paton.
A noter que le Blu-ray présente 20,000 Leagues Under the Sea dans sa version N&B originale, mais aussi en version teintée, réalisée à partir du master HD par le réalisateur Jean-Manuel Costa, d’après une copie teintée d’origine !
L’Image et le son
Le film a été entièrement restauré en 4K par Universal. Ce master HD de Vingt Mille Lieues sous les mers s’impose comme l’un des trésors de l’année 2021. C’est peu dire que nous assistons à une véritable résurrection. Habituellement, ou très souvent du moins, à l’instar des films retrouvés de Georges Méliès, revenaient à la vie à partir d’éléments de pellicule divers dont des négatifs au nitrate très endommagé. En ce qui concerne le film de Stuart Paton, il s’agirait d’un élément 35mm Nitrate. Le résultat est phénoménal. Les principaux problèmes à régler ici, à savoir les instabilités, les poussières, les moisissures, ont été résolus bien que le but n’était sans doute pas d’atteindre la perfection mais de rendre 20,000 Leagues Under the Sea le plus agréable à regarder tout en conservant sa patine originale. La compression AVC consolide ce miracle de technologie et permet aux spectateurs de (re)découvrir cette adaptation de Jules Verne dans toute sa splendeur. Le choix a été d’atténuer les instabilités sans les enlever complètement afin de respecter le côté vivant si particulier aux films du début du vingtième siècle. Dès 1897, Méliès souhaitait proposer des films coloriés au public. Il faisait retravailler la pellicule et la faisait peindre à la main par des miniaturistes ou des retoucheuses de photos. La pellicule couleurs n’existant pas, le film était tourné en noir et blanc puis colorié sur commande des forains. Un film colorié coûtait deux fois plus cher qu’un film normal. A sa sortie en 1916, Vingt Mille Lieues sous les mers avait été exploité dans quelques salles dans une version teintée (autre procédé, forcément plus rapide et moins cher), recréée pour cette sortie en Haute-Définition. Vous pourrez ainsi découvrir le film en N&B ou à travers des tableaux jaunes, bleus, verts, orangés, le N&B y apparaissant aussi pour illustrer les scènes du passé. Toujours est-il que la copie conserve encore des griffures, des points blancs et des rayures, mais le charme opère au-delà des espérances. Certes, les séquences aquatiques sont les plus malmenées du lot, mais la clarté est présente, les contrastes sont élégants, c’est miraculeux.
Le spectateur bénéficie d’une remarquable piste 2.0. Le confort est largement assuré et suffit amplement pour se plonger dans les aventures du Capitaine Nemo. Les intertitres anglais sont évidemment sous-titrés en français.