Test 4K UHD / Link, réalisé par Richard Franklin

LINK réalisé par Richard Franklin, disponible en Combo Blu-ray + 4K UHD chez Le Chat qui fume.

Acteurs : Elisabeth Shue, Terence Stamp, Steven Finch, Richard Garnett, David O’Hara, Kevin Lloyd, Joe Belcher…

Scénario : Everett De Roche, d’après une idée originale de Lee David Zlotoff & Tom Ackermann

Photographie : Mike Molloy

Musique : Jerry Goldsmith

Durée : 1h45

Date de sortie initiale : 1986

LE FILM

A Londres. Jeune étudiante en zoologie, Jane Chase fait la connaissance de l’étrange professeur Steven Philip, spécialiste de l’étude des chimpanzés. Il lui propose de devenir son assistante. Elle se rend donc bientôt dans sa grande demeure, sur la côte anglaise, où elle est accueillie par un chimpanzé en smoking, Link. Elle se lie très vite d’amitié avec l’animal, ainsi qu’avec les deux compagnons de celui-ci, Imp et Voodoo. Mais d’étranges événements se produisent bientôt. Un jour, le professeur disparaît sans laisser de trace…

Nous avons déjà très largement parlé de Richard Franklin (1948-2007), à l’occasion de la sortie dans les bacs d’un des films les plus célèbres de sa carrière, Patrick (1978). Vous savez ce qu’il faut faire pour tout savoir sur ce réalisateur atypique et ses œuvres qui ne le sont pas moins. Après ce grand succès, le cinéaste continue sur sa lancée et enchaîne avec le non-moins connu Déviation mortelle Roadgames, avec Stacy Keach et Jamie Lee Curtis, à l’époque le plus gros budget alloué à un film australien, avant de s’envoler pour Hollywood où il met en scène rien de moins que Psychose II, suite directe du chef d’oeuvre d’Alfred Hitchcock, qui allait cartonner dans les salles durant l’été 1983. S’ensuit l’étonnant Jouer c’est tuer Cloak and Dagger, d’après un scénario de Tom Holland, juste avant Vampire, vous avez dit vampire ? et qui avait d’ailleurs écrit Psychose II, Nous arrivons alors à Link, un des opus les plus adulés de Richard Franklin. Insolite, quasi-inclassable, ou tout du moins naviguant entre plusieurs genres, Link déroute encore un quart de siècle après sa sortie, et c’est tant mieux. Thriller, comédie horrifique, drame, tout y passe, tandis que nous ne pouvons qu’admirer la beauté et la fraîcheur d’Elisabeth Shue, l’une des plus merveilleuses créatures du cinéma américain des années 1980-90.

Jane Chase une étudiante américaine en zoologie au collège des sciences de Londres se fait embaucher durant ses vacances d’été comme assistante du professeur Steven Phillip, célèbre anthropologue britannique, pour s’occuper de sa villa sur la côte, mais aussi et surtout pour le seconder dans ses recherches sur les chimpanzés et l’évolution des espèces. Arrivée sur place, elle rencontre les trois singes qui vivent avec Phillip : Imp (un jeune chimpanzé), Vaudou (une femelle non dressée et brutale) et Link, un singe de 45 ans, vêtu comme un maître d’hôtel, qui fut jadis la vedette d’un cirque. Ce dernier fait office de majordome et parait bien impressionnant. Mais peu après, le professeur disparaît mystérieusement. Jane ne s’inquiète guère, car la voiture n’est plus là non plus, mais isolée dans cette maison avec Link qui se fait de plus en plus menaçant et sans aucune possibilité de rejoindre la ville (puisque sans voiture et entourée de chiens errants), l’atmosphère se fait de plus en plus pesante. Une nuit, Jane est réveillée par les gémissements de Imp attachée à une cage. En le libérant, elle découvre le cadavre de Vaudou. Au petit matin, Bailey, à qui Phillip avait vendu Vaudou, vient récupérer cette dernière. Lorsque Jane lui apprend la nouvelle, il décide de supprimer Link (puisque prévu dans le contrat) mais menacé par ce dernier, Bailey prendra la fuite. Peu après, Link tente de tuer Imp dans un puits et Jane le met dehors. À partir de là et sans nouvelle du professeur, elle se retrouve cloîtrée dans la maison.

« Nous avons tous des cousins, mais nous préférons ne pas parler de Link… »

Le cinéma d’Alfred Hitchcock et plus particulièrement Psychose a toujours eu une grande influence chez Richard Franklin. Dans Link, il filme à plusieurs reprises le vaste manoir de style victorien du Dr Phillip comme la maison de Norman Bates. Mais cette fois, la scène de la douche est avortée, puisque notre personnage principal, Jane, n’a même pas le temps d’aller se détendre sous la puissance du jet d’eau, étant donné que Link, comme les spectateurs, reste sur le pas de la porte à l’admirer dans le plus simple appareil. Au passage, dommage pour les coquins que nous sommes, signalons qu’Elisabeth Shue est doublée pour le plan large, où l’on voit Jane et Link se regarder. Une ambiguïté qui n’est pas sans rappeler Max mon amour de Nagisa Ôshima, sorti la même année que Link, dans lequel la sévèrement bustée et splendide Sabine Haudepin, se retrouvait nue devant le chimpanzé. Dans Link, ce n’est pas un sommet d’érotisme comme dans Max mon amour, mais la séquence n’est pas moins déconcertante, sans doute plus. Elisabeth Shue, 22 ans, venait tout juste d’être remarquée dans Karaté Kid de John G. Avildsen. Avant d’exploser littéralement avec Nuit de folie Adventures in Babysitting de Chris Colombus et Cocktail de Roger Donaldson (on se rappelle tous de la scène de la fontaine…), la comédienne tient déjà le haut de l’affiche dans Link. Aussi à l’aise face aux singes que dans les scènes purement dramatiques, Elisabeth Shue crève l’écran et tient la dragée haute à l’immense Terence Stamp, qui tournait ici entre The Hit: le tueur était presque parfait de Stephen Frears et L’Affaire Chelsea Deardon Legal Eagles d’Ivan Reitman. La classe incarnée, l’éternel Freddie Clegg de L’Obsédé The Collector de William Wyler, le « Visiteur » de Théorème Teorema de Pier Paolo Pasolini et le psychotique Général Zod des deux premiers Superman, est une fois de plus impérial dans la peau du troublant Dr Steven Phillip, dont on peine à percevoir les véritables desseins.

Link embarque le spectateur dans un récit dérangeant, où l’on perçoit un danger qui rôde, sans forcément que cela soit explicite. C’est là toute la force de la mise en scène magistrale de Richard Franklin, qui exploite chaque recoin de la vaste demeure qui lui servira de terrain de jeu durant 105 minutes, sans oublier celle du scénario du légendaire Everett De Roche (Razorback de Russell Mulcahy, Harlequin de Simon Wincer, Long Weekend de Colin Eggleston), d’après une histoire de Lee David Zlotoff (Les Enquêtes de Remington Steele, MacGyver) et Tom Ackermann. Tout d’abord languissant, le rythme s’accélère soudainement dans la deuxième partie, après la disparition du docteur Phillip. Les rebondissements se multiplient et la terreur est enfin personnifiée. Si le reste du casting est plus anecdotique, après tout nous n’avons d’yeux que pour Elisabeth Shue (mais vous l’aviez bien compris), l’autre star de Link, autre que l’oran-outang qui incarne le rôle-titre, demeure le maestro Jerry Goldsmith, qui livre une fabuleuse partition, qui rappelle un peu celle de Gremlins et qui donne au film de Richard Franklin son inquiétante identité, avec cette ritournelle que l’on croirait tirée d’un cirque, renvoyant ainsi à l’ancienne vie de Link. L’autre gros point fort provient de la beauté de la photographie du chef opérateur Mike Molloy, ancien opérateur de Stanley Kubrick (Orange mécanique, Barry Lyndon), repéré par Richard Franklin pour son travail sur l’incroyable Cri du sorcier de Jerzy Skolimowski et le remarquable La Guerre des otages The Human Factor d’Otto Preminger.

A sa sortie, Link parvient à attirer 271.000 spectateurs dans les salles françaises. Si le montage original de Richard Franklin a quelque peu été saccagé par la production et les distributeurs (le film est passé d’une société à l’autre, entre EMI et la Cannon), l’ensemble se tenait correctement, même si la version internationale (qui comprenait un prologue alternatif) s’avère la meilleure à ce jour. Récompensé par le Prix spécial du jury au Festival du film fantastique d’Avoriaz, Link reste avec Les Oiseaux (tiens tiens, encore Hitchcock) une valeur sûre, une perle rare du film d’épouvante « animalier », qui sera très vite suivi de l’excellent Incident de parcours de George A. Romero. Quant à Richard Franklin, après quelques errances à la télévision (La Belle et la Bête avec Linda Hamilton), il reviendra au cinéma cinq ans plus tard avec un film-doudou, F/X2, effets très spéciaux.

LE COMBO BLU-RAY/4K UHD

Si vous possédez l’édition Standard sortie chez Studiocanal en 2004, quasi-dépourvue de suppléments et au master fatigué, alors vous pouvez récupérer le disque et en faire un dessous-de-plat. Car Le Chat qui fume sort l’artillerie lourde avec ce combo Blu-ray + 4K UHD du film de Richard Franklin ! Les deux disques reposent dans un Digipack à trois volets, arborant un visuel bien pensé, glissé dans un fourreau cartonné liseré rouge du plus bel effet, reprenant lui aussi l’un des célèbres visuels d’exploitation de Link. Cette édition est limitée à 1000 exemplaires. Notons que Le Chat qui fume propose une édition uniquement Blu-ray de Link, le disque UHD restant uniquement dispo dans l’édition Collector limitée désormais épuisée, en boîtier Scanavo. Le menu principal est animé sur la séquence de la salle de bain, sur le thème musical démentiel de Jerry Goldsmith.

Eric Peretti fait incontestablement partie du lot des intervenants que nous aimons retrouver de supplément en supplément. Déjà présent sur les éditions HD du Cirque de la peur, Fair Game, Montclare : Rendez-vous de l’horreur – Next of Kin, Halloween II, Halloween III : Le Sang du Sorcier et Long Weekend, le programmateur au Lausanne Underground Film et Music Festival, ainsi qu’aux Hallucinations collectives de Lyon présente ici Link (40’). Réalisée durant le confinement dans des conditions qu’on imagine plus limitées, cette présentation n’en reste pas moins passionnante du début à la fin. Il faut d’ailleurs voir la quantité de notes prises au cours de ce module, pour se rendre compte qu’Eric Peretti a beaucoup de choses à dire sur Richard Franklin, sur sa vie, sur son œuvre et bien évidemment sur le film qui nous intéresse aujourd’hui, Link. Les grandes étapes de l’existence et de la carrière cinématographique du réalisateur sont passées en revue, sans aucun temps mort. Vous en saurez donc plus sur l’amour inconditionnel de Richard Franklin pour Alfred Hitchcock (qu’il avait pu rencontrer), sur sa courte carrière dans la musique, sur ses débuts au cinéma, sur ses films les plus célèbres, sur l’évolution du cinéma australien, ainsi que sur la genèse de Link, sur les conditions de tournage, le montage charcuté par les distributeurs qui se sont succédé avant la sortie du film au cinéma, puis sur l’après-Link pour Richard Franklin.

On trouve ensuite un rapide entretien audio avec Richard Franklin (5’), qui s’exprime brièvement sur la genèse de Link, les conditions de tournage (« pas une très bonne expérience »), le travail avec les chimpanzés (« un défi en matière de mise en scène ») et les difficultés rencontrées au montage, afin d’obtenir une « performance » de la part de ses interprètes originaux. Le cinéaste parle aussi du fait que Link se soit retrouvé dans un « maelström de problèmes juridiques », qui ont conduit le film à être charcuté par les distributeurs peu scrupuleux.

Nous découvrons 24 minutes de scènes coupées. Nous prenons connaissance au fil des suppléments, que Link a subi de nombreuses coupes, aussi bien de la part d’Universal que de la Cannon. De ce fait, le premier montage présenté par Richard Franklin durait 115 minutes. Nous avons ici un panel des scènes laissées sur le banc de montage, qui prolongeaient entre autres l’intervention de Steven Philip face à ses étudiants, la rencontre de ce dernier avec Jane, l’arrivée de la jeune femme chez Steven Philip, Jane qui se prête au jeu d’une démonstration de Steven Philip, et bien d’autres.

Nous retrouvons ces séquences dans une version longue composite de 2h05 (1080p), sous-titrées en français. Celles-ci ont été tout simplement replacées là où elles devaient apparaître à l’origine dans le montage de Richard Franklin, entraînant évidemment quelques décrochages chromatiques. Une autre version est par ailleurs proposée par Le Chat qui fume, il s’agit du montage français d’origine (1h46 – SD), auquel il manque entre autres tout le prologue de la version internationale, autrement dit la scène avec le chat. C’est ce montage qui était sorti en DVD chez Studiocanal il y a plus de quinze ans.

L’interactivité se clôt sur la bande-annonce française.

L’Image et le son

Ce qui frappe d’emblée, c’est la luminosité de ce très beau master UHD, ainsi que la clarté des couleurs (une fois n’est pas coutume, l’éditeur a recours au HDR), évidente dès le générique d’ouverture. Le grain argentique est très bien géré, aucun fourmillement à déclarer, la définition demeure exemplaire du début à la fin. L’édition 4K en met plein les yeux, le piqué est acéré, la propreté éloquente, les détails ciselés sur les gros plans notamment. Un lifting édifiant (réalisé en 4K par Studiocanal à partir du négatif original), sans doute l’un des plus beaux masters édités par Le Chat qui fume, un modèle d’équilibre entre le respect des volontés artistiques originales et l’apport moderne de l’Ultra Haute Définition qui ressuscite intégralement le bijou de Richard Franklin.

En anglais Mono (ainsi qu’en Stéréo) comme en français Mono, au doublage forcément culte avec à la barre Agathe Mélinand, Jean-Pierre Leroux, Pierre Hatet, Patrick Poivey et d’autres cadors, les mixages DTS-HD Master Audio contenteront les puristes. Ces options acoustiques s’avèrent dynamiques et limpides, avec une belle restitution des dialogues (peut-être trop en français d’ailleurs) et de la sublime musique du film. Les effets sont solides et le confort assuré. Pas de souffle constaté. Les sous-titres français ne sont pas imposés sur la version originale et le changement de langue non verrouillé à la volée.

Crédits images : © Le Chat qui fume / Studiocanal / Captures du Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

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