
LA NUIT DE L’ÉPOUVANTAIL – LES FLEURS DE SANG (Dark Night of the Scarecrow) réalisé par Frank De Felitta, disponible en DVD, Blu-ray & 4K UHD depuis le 29 mai 2025 chez BQHL Éditions.
Acteurs : Charles Durning, Robert F. Lyons, Claude Earl Jones, Lane Smith, Tonya Crowe, Larry Drake, Jocelyn Brando, Tom Taylor…
Scénario : J.D. Feigelson
Photographie : Vincent A. Martinelli
Musique : Glenn Paxton
Durée : 1h37
Date de diffusion initiale: 1981
LE TÉLÉFILM
Bien qu’affligé d’un retard mental, Bubba Ritter est le plus gentil, le plus adorable des hommes. Lorsque son amie, la toute jeune Marylee, se fait attaquer par un chien de garde, il passe pour être le coupable de l’agression aux yeux d’Otis Hazelrigg, un postier jaloux et revanchard. Accompagné de trois complices, Otis tue Bubba et abandonne son cadavre dans le déguisement d’un épouvantail. Acquittés faute de preuves, les quatre tueurs sont relâchés et se croient sauvés. Erreur, car, avant de partir pour l’au-delà, l’âme de leur victime entend bien leur infliger le châtiment qu’ils méritent…

C’est l’histoire d’un téléfilm devenu culte auprès de millions de téléspectateurs à travers le monde. Il s’agit de La Nuit de l’épouvantail, aka Dark Night of the Scarecrow, aussi connu en France sous le titre Les Fleurs de sang, écrit par J.D. Feigelson. Ce dernier, qui imaginait tout d’abord son projet pour le cinéma, parvient à trouver un accord avec la chaîne CBS, sans retoucher (ou presque) à son scénario, qui restera son ouvrage le plus célèbre de sa carrière. À la mise en scène, on retrouve étonnamment Frank De Felitta, habituellement romancier et scénariste (La Bataille pour Anzio d’Edward Dmytryk), lui-même plusieurs fois adapté sur le grand écran (L’Emprise de Sidney J. Furie, Audrey Rose de Robert Wise), qui s’empare habilement de cette histoire et instaure une tension du début à la fin, aidé aussi en cela par la musique entêtante de Glenn Paxton. Remarquablement interprété, La Nuit de l’épouvantail vieillit très bien, se regarde comme on lit un bon roman de Stephen King (auquel on pense très souvent), qui détonne alors au milieu du slasher omniprésent (1981 voit s’enchaîner Halloween 2, la première suite de Vendredi 13, Meurtres à la St-Valentin, Carnage, Happy Birthday to Me…), en privilégiant la terreur psychologique, plutôt que les effusions d’hémoglobine, ici totalement absentes. Le résultat est là, La Nuit de l’épouvantail est incontestablement un chef d’oeuvre du petit écran.


Dans une petite ville du Sud profond, l’amitié entre Charles Eliot « Bubba » Ritter, un colosse doux et handicapé mental de 36 ans, et la jeune Marylee Williams irrite certains habitants, notamment Otis Hazelrigg, un postier sombre et mesquin. Lorsque Marylee est attaquée par un chien féroce, Hazelrigg, supposant aussitôt que Bubba est responsable, forme un groupe de lynchage avec trois amis : Skeeter Norris, pompiste, et Philby et Harliss Hocker, cousins agriculteurs. Afin de le cacher, la mère de Bubba le déguise en épouvantail et le poste dans un champ voisin, mais les chiens du groupe le repèrent et, impuissant, Bubba est abattu par les quatre justiciers. Lorsqu’ils apprennent par la suite que Marylee est en vie grâce à Bubba, Hazelrigg place une fourche dans les mains inanimées de Bubba pour faire croire qu’il les attaque. Lorsqu’ils sont jugés, les justiciers sont ensuite libérés en raison du manque de preuves contre eux. Marylee se remet de l’agression, s’échappe de sa chambre la nuit venue et se rend chez les Ritter à la recherche de Bubba. Mme Ritter, incapable de dire la vérité à Marylee, lui annonce que Bubba est parti. Marylee court à sa recherche. Mme Ritter la poursuit et la trouve assise sous le bûcher où Bubba a été tué, chantant une chanson qu’elle et Bubba aimaient tant. Marylee explique calmement à Mme Ritter que Bubba n’est pas parti, mais qu’il se cache simplement. Quelque temps plus tard, Harliss trouve dans son champ un épouvantail qui ressemble au déguisement de Bubba quand il a été assassiné. Hazelrigg soupçonne Sam Willock, le procureur, de l’avoir placé là pour les perturber et ordonne aux autres de rester calmes et de ne rien faire. Le soir même, Harliss rentre chez lui et constate que l’épouvantail a disparu. Entendant du bruit dans sa grange, il enquête. Alors qu’il inspecte le grenier, soupçonnant Sam de s’y cacher, le broyeur à bois en contrebas redémarre tout seul…


Pas besoin de sang pour installer la peur et J.D. Feigelson l’a très bien compris. Voulant prendre le contre-pied de ce qui cartonnait alors dans les salles, le scénariste, qui se verra confier un peu plus tard deux épisodes de la série La Cinquième dimension, se focalise avant tout sur l’évolution, pour ne pas dire la dégradation mentale de ses protagonistes, en particulier Otis Hazelrigg, merveilleusement incarné par le grand Charles Durning. O’Brother, Le Grand saut, Tootsie, Sanglantes confessions, Nimitz – Retour vers l’enfer, Terreur sur la ligne, Furie, Un Après-midi de chien, L’Odyssée du Hindenbourg, L’Arnaque, Sisters et bien d’autres, Charles Durning a toujours été là et fait le plaisir du public. Réputé pour être un personnage adorable, il impressionne dans la peau du salopard Hazelrigg, qui s’en prend à Bubba et l’exécute avec ses trois complices, à l’instar de Murphy, toutes proportions gardées bien sûr, dans RoboCop de Paul Verhoeven.


Parmi ceux-ci les fans de la série Lois & Clark reconnaîtront le formidable Lane Smith, qui campait Perry White. Douze ans avant les nouvelles aventures de Superman et mince comme un clou, le comédien (également vu chez Sidney Lumet, Network : Main basse sur la télévision, Le Prince de New York), arbore le même sourire carnassier, mais s’avère bien flippant dans la peau de ce redneck imbibé de bière tiède, qui ne demandait qu’à prendre la pétoire pour envoyer Bubba ad patrss. Ce dernier est interprété par l’imposant Larry Drake (disparu en 2016), connu pour son rôle de Benny dans la série télévisée La Loi de Los Angeles, et du truand Robert G. Durant, méchant du film Darkman de Sam Raimi. Bubba, dont le bouleversant personnage rappelle furieusement Lennie de Des souris et des hommes de John Steinbeck, n’a que peu de présence dans l’histoire, dans les dix premières minutes du téléfilm en fait, mais demeure inoubliable.


Même chose pour la petite Tonya Crowe, enfant star de la petite lucarne, qui devra sa renommée dans le rôle d’Olivia Cunningham Dyer, qu’elle jouera dix ans dans la série Côte Ouest. Notons enfin l’apparition marquante de Jocelyn Brando (sœur du monstre Marlon et qui lui ressemble comme deux gouttes d’eau), poignante dans le rôle de la mère de Bubba.


Les années ont passé doucement sur La Nuit de l’épouvantail, qui reste une valeur sûre, qui s’adresse à un public large, dans le sens où l’histoire peut être une belle entrée en matière pour sensibiliser les jeunes spectateurs au genre. Un très grand classique, qui connaîtra une suite tardive, en 2022 et réalisée par J.D. Feigelson lui-même et engendrera un sous-genre à part entière (voir le Scarecrows de William Wesley), à ranger auprès de Duel de Steven Spielberg, Les Vampires de Salem de Tobe Hooper et Ça de Tommy Lee Wallace.


LE 4K UHD
On peut dire qu’il était attendu celui-là ! La Nuit de l’épouvantail débarque enfin en France, en DVD, Blu-ray et même en 4K UHD chez BQHL Éditions ! C’est à ne pas croire ! Le téléfilm de Frank De Felitta bénéficie donc de trois éditions distinctes et nous nous pencherons ici sur la galette Ultra Haute-définition. Très beau visuel. Boîtier avec fourreau. Menu principal animé et musical.

Le premier supplément est une présentation de La Nuit de l’épouvantail par Jean-François Dickeli (18’). Le chroniqueur sur Culturopoing, donne de nombreuses indications sur la carrière et le parcours du réalisateur Frank De Felitta, sur l’origine de La Nuit de l’épouvantail, les conditions de tournage (moins de trois semaines de prises de vues, un budget revu à la baisse), les références à la créature de Frankenstein, le statut culte du téléfilm après de multiples diffusions, sans oublier la suite tardive en 2022.


S’ensuit un documentaire rétrospectif (2011-32’), composé de multiples interviews (Frank De Felitta, J.D. Feigelson, Larry Drake, Tonya Crowe, Robert F. Lyons…), qui replacent La Nuit de l’épouvantail dans son contexte. Cette fois encore, la genèse du téléfilm est abordée, ainsi que les conditions de tournage, le casting, les lieux de prises de vues, la musique, le grand succès du téléfilm, ainsi que sa pérennité.






Le dernier supplément, est une rencontre filmée avec J.D. Feigelson, Larry Drake et Tonya Crowe, à l’occasion du trentième anniversaire du téléfilm (2011-48’). Les invités répondent aux questions de leur host Chris Rowe, mais aussi à celles des spectateurs. Forcément, les arguments avancés font écho à ceux déjà entendus précédemment, mais on passe tout de même un bon moment.

L’Image et le son
La Nuit de l’épouvantail bénéficie d’un lifting de premier ordre et d’une édition Ultra Haute-Définition (Dolby Vision et HDR10). Le résultat est probant, même si le master 1.33 (4/3) n’est pas parfait, compte tenu des conditions de production originales. Ce qui frappe d’emblée, c’est avant tout la luminosité inédite sur les séquences diurnes. Il en est de même pour la palette chromatique ravivée avec des teintes rutilantes et chatoyantes. Les teintes bleues, rouges et jaunes explosent littéralement aux yeux. Toutefois, la gestion du grain demeure aléatoire, y compris au cours d’une même séquence où la patine argentique est sensiblement différente dans un champ-contrechamp. Dans l’ensemble, les noirs sont profonds. L’image est d’une propreté absolue, le contrastes quasi-chirurgical (voir tous les détails sur les visages en sueur), les contrastes solides et en toute honnêteté, en dépit de quelques fléchissements, nous n’avions jamais vu La Nuit de l’épouvantail dans de telles conditions techniques. Ce grand classique méritait bien pareil traitement !

Les versions française et anglaise bénéficient d’un mixage Dolby TrueHD 5.1. Ces options acoustiques séduisantes permettent à la musique de Glenn Paxton d’environner le spectateur pour mieux le plonger dans l’atmosphère troublante du film. Les effets latéraux ne tombent jamais dans la gratuité ni dans l’artificialité, tandis que le caisson de basses rugit aux moments opportuns. De plus, les dialogues ne sont jamais noyés et demeurent solides, la balance frontale assurant de son côté le spectacle acoustique, riche et dynamique.




Crédits images : © BQHL Editions / CBS / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr