BUNKER PALACE HOTEL réalisé par Enki Bilal, disponible en combo Blu-ray + DVD + DVD de bonus le 17 octobre 2023 chez Rimini.
Acteurs : Jean-Louis Trintignant, Carole Bouquet, Jean-Pierre Léaud, Benoît Régent, Yann Collette, Maria Schneider, Roger Dumas…
Scénario : Enki Bilal & Pierre Christin
Photographie : Philippe Welt
Musique : Arnaud Devos et Philippe Eidel
Durée : 1h31
Date de sortie initiale : 1989
LE FILM
C’est la guerre. On ne sait qui se bat, ni où, ni quand. Des personnalités importantes, hauts dignitaires du régime en train de tomber, se terrent dans un bunker transformé en hôtel, et attendent le Président. Les heures passent et ce dernier n’arrive pas. Une révolutionnaire aux cheveux rouges et aux pantalons trop grands, a elle, réussi à s’infiltrer.
En 1989, Enki Bilal, 38 ans, est un nom réputé de la bande dessinée. Lauréat du grand prix du festival d’Angoulême en 1987, il a entre autres, déjà publié deux albums de sa trilogie Nikopol, La Foire aux immortels et La Femme piège. Ses dystopies érigeant en art la décrépitude et le chaos, il les façonne à la peinture grise, dont la légende raconte qu’il la mélange à la cendre de ses cigares. Grand passionné de cinéma depuis l’enfance, Enki Bilal va sans surprise, mettre en mouvement ce style si reconnaissable à la fin des années 1980 dans un premier film co-écrit avec son complice de longue date, Pierre Christin. Bunker Palace Hôtel, pourtant, n’était pas destiné à devenir un long-métrage. Le projet d’Enki Bilal était de le faire figurer dans un film à sketches mêlant les univers de divers illustrateurs de BD. Ces derniers ne suivant pas, Bilal se retrouve seul avec sur les bras, un traitement de plusieurs pages qui contre toute attente, tape dans l’oeil d’un producteur indépendant, Maurice Bernart. Il décide de financer le film d’Enki Bilal, mais uniquement sous forme de long-métrage. Cet acte de naissance, argueront les détracteurs de Bunker Palace Hôtel, expliquerait la langueur et l’aridité du film. Soit les arguments récurrents avancés par celles et ceux qui n’ont pas su voir dans ces caractéristiques ce qui précisément, en fait la valeur.
HAINE réalisé par Dominique Goult, disponible en combo Blu-ray/DVD chez Le Chat qui fume
Acteurs : Klaus Kinski, Maria Schneider, Patrice Melennec, Evelyne Bouix, Katia Tchenko, Paulette Frantz, Gérard Boucaron…
Scénario : Dominique Goult
Photographie : Roland Dantigny
Musique : Alain Jomy
Durée : 1h27
Année de sortie : 1980
LE FILM
On ne sait qui il est, ni d’où il vient. Vêtu d’une combinaison blanche, il sillonne les routes de campagne sur sa moto. Le destin le conduit dans un village de la France profonde fraîchement marqué par la mort d’une enfant, fauchée par un deux-roues. Très vite, l’étranger ressent l’indifférence, puis le mépris et bientôt la haine de ces villageois confinés dans leurs préjugés. Seule Madeleine, mère célibataire, accepte de lui venir en aide. Mais tous les hommes du village, jusqu’au maire, ont trouvé en l’étranger leur bouc émissaire.
Imaginez un peu. Klaus Kinski dans le rôle de Jésus-Christ, lancé sur son chemin de croix et bénéficiant de Maria Schneider dans la peau – ou presque – de Marie-Madeleine comme seul soutien. C’est ce que nous propose Haine, également connu sous le titre Le Crédo de la violence, sorti au cinéma le 9 janvier 1980 avec une interdiction aux moins de 18 ans ! Parabole christique, mais avant tout cinéma d’exploitation à la française dopé aux références fantastiques, Haine est une proposition singulière, unique et très attachante de cinéma de genre, au casting euphorisant et fourmillant d’idées.
Une très grosse moto noire roule sous une pluie torrentielle. La silhouette de l’homme qui la conduit est encore jeune mais ses yeux sont ceux d’un vieil homme. Traversant un village, il arrête sa moto devant un café. Celui-ci est sinistre et sale, le téléphone ne fonctionne plus et seule une vieille femme accepte de lui adresser la parole. En fait elle veut lui tirer les cartes : la Mort sort. La tempête calmée, le motocycliste reprend la route. Il n’ira pas loin : il heurte un camion en voulant éviter une automobile. Revenu au village pour y faire réparer sa machine, il doit affronter le patron du café-hôtel qui ne veut pas l’héberger et se fait à moitié assommer pour avoir pris la défense d’une jeune femme. Celle-ci, Madeleine, l’emmène chez elle et le soigne. Le lendemain, il retrouve sa moto sabotée, échappe de peu à un camion, voit sa route coupée par des tracteurs. Devant le refus des autorités d’enregistrer sa plainte, il s’enfuit dans la forêt où des paysans armés le poursuivent.
Klaus Kinski chez les bouseux ! Entre Woyzeck et Fitzcarraldo de Werner Herzog, le comédien allemand se téléporte dans un trou paumé bien de chez nous, sous la direction de Dominique Goult. Venu du film pornographique, ce dernier réalise son seul et unique long métrage traditionnel. Comme j’essaye d’être exhaustif dans mes articles, nous pouvons citer Les Monteuses, Les Queutardes, Partouzes perverses et Lèvres gloutonnes, mis en scène sous le pseudo de Richard Stephen. Quatre films réalisés en deux ans, c’est dire si Dominique Goult en a sous le capot(e). Pour Haine, dont il a écrit le scénario, le réalisateur nappe son récit d’une aura fantastique, tout en ancrant ses personnages dans un environnement réaliste et donc troublant.
Minéral, Klaus Kinski, déambulant dans sa combi sportive qu’il porte comme un suaire du début à la fin, fait peu de choses, mais le décalage qui se crée entre sa personne et son environnement font principalement le sel de ce Crédo de la violence. Autour de lui, tout et tous s’agitent, en particulier un camionneur bourru et vulgaire, auquel Patrice Melennec prête sa trogne mal rasée et sa carrure de bulldozer. Bon d’accord, Haine pâtit d’un rythme lent et de l’absence de rebondissements durant sa première heure. On se demande même où Dominique Goult veut en venir et surtout nous mener.
La citation tirée du Rouge et le noir de Stendhal, « J’ai assez vécu pour voir que différence engendre haine. » ouvre le film. Les éléments se mettent en place, tandis que le cinéaste instaure un malaise palpable et une atmosphère suintante. Le personnage incarné par Klaus Kinski, étranger, se retrouve malgré-lui prisonnier d’un monde placé sous cloche, comme si les habitants étaient livrés à eux-mêmes. Suite au drame ayant entraîné la mort d’une fillette, « quelqu’un » doit payer pour ce crime dont le coupable demeure inconnu. Ce motard tombe à point nommé et deviendra alors rapidement un punching-ball sur lequel tous vont vouloir frapper, tout en évacuant leurs frustrations.
Cette véritable Passion se déroulera en plusieurs étapes, jusqu’à l’ultime et évidente crucifixion. La dernière image du film aurait même pu laisser supposer une suite, une résurrection, dans laquelle Klaus Kinski aurait repris son rôle de motard en devenant ainsi un vengeur de la route, un Ghost Rider. Si cette séquelle reste de l’ordre du fantasme, cela fait apparaître les qualités de cette Haine farouche, violente et sèche, qui en dépit de ses scories diverses et variées, n’en demeure pas moins un sacré bon moment de cinéma Bis, en particulier durant son dernier tiers où les poursuites et règlements de comptes s’enchaînent. Pour résumer, Haine est une œuvre intrigante, ambitieuse, dont l’amour pour le cinoche parcourt chaque nervure.
LE COMBO BLU-RAY/DVD
Edition limitée à 1000 exemplaires pour ce très beau combo de Haine, tout droit sorti des usines du Chat qui fume ! Les deux disques sont bien calés dans un luxueux et élégant Digipack 3 volets avec étui cartonné. Nous trouvons également un petit encart de quatre pages signé Christophe Lemaire, qui partage ses souvenirs liés à la sortie de Haine au cinéma. Le menu principal est animé et musical.
Patrice Melennec c’est une gueule, une vraie. Celle que l’on a vu ou aperçue dans moult films au cinéma, chez Robert Enrico, Pierre Granier-Deferre, Claude Zidi, Gérard Oury, Jean Becker, Francis Veber, Roman Polanski, Claude Berri et dernièrement chez Hugo Gélin. Cela tombe bien, car Stéphane Bouyer, le grand manitou du Chat qui fume, est allé à sa rencontre (32’). Le comédien, une nature débordante, passe d’un souvenir à l’autre pour notre plus grand plaisir. De ses débuts au cinéma, ses rencontres diverses jusqu’au tournage de Haine, on pourrait écouter Patrice Mellenec pendant des heures. Sans langue de bois, il évoque tour à tour Philippe Noiret, Coluche, Prince pour lequel il a tourné Under the Cherry Moon, ainsi que Roman Polanski qui l’a dirigé dans Frantic aux côtés de Harrison Ford. Ne manquez pas ce rendez-vous !
Petite surprise, nous trouvons un minuscule reportage réalisé sur le plateau de Haine, avec quelques propos de Klaus Kinski et de Dominique Goult sur le film et les personnages (4’).
L’interactivité se clôt
sur la bande-annonce, mais n’oublions pas la piste musicale
isolée !
L’Image et le son
C’est une première mondiale en DVD et Blu-ray ! Haine a été restauré en 2K à partir du négatif original. Un lifting de premier ordre qui sied à merveille aux couleurs fanées et à l’atmosphère trouble du film de Dominique Goult. La propreté est exemplaire, la copie stable et ferme, la gestion des contrastes est solide et les détails ne manquent pas. A cela, ajoutez le grain original qui ne cesse de flatter les mirettes, tout comme le piqué étonnant sur quelques séquences en extérieur.
Quant à la piste DTS-HD Master Audio 2.0, elle plonge élégamment la spectateur dans l’ambiance poisseuse de Haine, en délivrant la musique Alain Jomy (La meilleure façon de marcher, L’Effrontée, La Petite voleuse) et ses choeurs angoissants avec dynamisme. Les dialogues sont clairs, distincts, jamais parasités par quelques craquements ou scories diverses. La langue allemande est également disponible, ainsi que les sous-titres anglais, allemands et français.