Test Blu-ray / Boulevard, réalisé par Julien Duvivier

BOULEVARD réalisé par Julien Duvivier, disponible en Combo Blu-ray + DVD Edition limitée le 26 juin 2024 chez Pathé.

Acteurs : Jean-Pierre Léaud, Monique Brienne, Magali Noël, Pierre Mondy, Jacques Duby, Robert Pizani, Julien Verdier, Georges Adet…

Scénario : Julien Duvivier & René Barjavel, d’après le roman de Robert Sabatier

Photographie : Roger Dormoy

Musique : Jean Yatove

Durée : 1h37

Date de sortie initiale : 1960

LE FILM

Jojo a été abandonné par son père qui a refait sa vie avec une mégère abusive. II habite tout seul dans une chambre du 6e étage et s’efforce, vis-à-vis des voisins, de ne pas avoir l’air abandonné. Pour cela, il joue au dur, méprise la gentille Marietta dont les parents le reçoivent souvent pour compléter sa maigre pitance, et préfère son autre voisin, l’artiste, ou bien la danseuse de strip-tease Jenny, qu’il épie par le trou de la serrure et voudrait bien approcher de plus près. Plusieurs tentatives pour gagner sa vie lui confirmeront que le monde des adultes n’est pas tendre. Il parvient à se faire un peu d’argent en vendant des illustrés et prépare une petite fête en rapportant quelques bouteilles chez Jenny. Celle-ci le traitera plutôt maternellement, réservant ses faveurs au boxeur Dicky qu’elle entretient aveuglément.

À l’occasion de la sortie en Blu-ray de Marie-Octobre, du Diable et les 10 commandements et de La Femme et le Pantin, nous sommes déjà revenus longuement sur la longue, prolifique et éclatante carrière de Julien Duvivier (1896-1967). Pour y situer Boulevard, disons qu’il s’agit d’un de ses derniers films, puisque le réalisateur ne signera plus que quatre longs-métrages après celui-ci. Boulevard, c’est comme qui dirait la rencontre entre le cinéma classique et le septième art moderne représenté par l’arrivée mouvementée de la Nouvelle vague. Ou quand un cinéaste estimé (dont les œuvres ont attiré pas loin de 60 millions de spectateurs dans les salles) dirige la star des Quatre Cents Coups de François Truffaut, Jean-Pierre Léaud, alors âgé de 16 ans. Le jeune comédien apporte avec lui une vérité (24 images par seconde) et Boulevard n’est d’ailleurs pas dépourvu d’une réalité documentaire, notamment quand Julien Duvivier rend compte du Paris de l’époque, en posant sa caméra entre Pigalle et la place de Clichy, pas loin de Montmartre. S’il reconstitue admirablement un immeuble en studio grâce au savoir-faire du décorateur Robert Bouladoux (Le Monocle rit jaune, 125 rue Montmartre, Le Sang à la tête), pour des facilités de tournage, nombreuses sont les images capturées dans la rue qui restent en mémoire après le visionnage, où l’on aperçoit des cinémas disparus depuis belle lurette (avec à l’affiche Recours en grâce de László Benedek ou L’Amérique insolite de François Reichenbach, ce qui date les prises de vue autour de mai-juin 1960), des night-clubs devenus des sex-shops ou des peep-shows, des primeurs ayant laissé place à des Monoprix, ou des pharmacies…qui le sont encore aujourd’hui. Au-delà de ce témoignage d’un présent qui s’est volatilisé et dont plus rien ou presque ne subsiste, Boulevard est le portrait dressé d’un adolescent pour ainsi dire comme les autres, car si les époques changent, les êtres humains demeurent les mêmes et le film de Julien Duvivier rend compte de ce premier carrefour d’une existence, quand un adolescent se retrouve bloqué entre l’enfance et le monde adulte. Un sujet ô combien éternel et universel.

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Test Blu-ray / Les Grandes Manoeuvres, réalisé par René Clair

LES GRANDES MANOEUVRES réalisé par René Clair, disponible en édition Digibook – Blu-ray + DVD + Livret le 9 avril 2021 chez Coin de Mire Cinéma.

Acteurs : Gérard Philipe, Michèle Morgan, Jean Desailly, Pierre Dux, Jacques François, Yves Robert, Brigitte Bardot, Lise Delamare, Magali Noël, Simone Valère, Jacques Fabbri, Olivier Hussenot, Raymond Cordy, Dany Carrel, Claude Rich…

Scénario : René Clair, Jérôme Géronimi & Jean Marsan

Photographie : Robert Lefebvre

Musique : Georges Van Parys

Durée : 1h48

Date de sortie initiale : 1955

LE FILM

Armand de La Verne, jeune et beau lieutenant au 33ème Dragons et Don Juan invétéré, a fait le pari devant tout son régiment de séduire à coup sûr la première femme venue…Il tombe sur Marie-Louise à qui il fait une cour empressée. Mais sa proie a appris le pacte grossier dont elle fait l’objet. Elle ferme sa porte, n’ouvre pas ses lettres, refuse ses fleurs. Pour la première fois de sa carrière, Armand est déconcerté par la résistance d’une femme qui semble voir clair dans son jeu. Il tombe amoureux pour la première fois…

En 1945, le réalisateur René Lucien Chomette alias René Clair (1898-1981) découvre la pièce Caligula d’Albert Camus au théâtre Hébertot. Le jeu et le charisme du comédien Gérard Philipe le laissent pantois. Il faudra cependant attendre cinq ans pour que les deux artistes s’associent. Ce sera pour La Beauté du diable (2,5 millions d’entrées), revisite du mythe de Faust, emblématique du réalisme poétique. Deux ans plus tard, le cinéaste réunit Gérard Philipe et Gina Lollobrigida dans le méconnu et pourtant somptueux Les Belles de nuit (3,5 millions d’entrées), comédie fantastique dans laquelle René Clair annonce rien de moins que Le Monde sur le fil – Welt am Draht (1973) de Rainer Werner Fassbinder, Matrix des Wachowski (1999) et Inception (2010) de Christopher Nolan. 1955 est l’année de leur dernière collaboration au cinéma avec Les Grandes Manoeuvres, premier long-métrage en couleur pour le metteur en scène et surtout un triomphe puisque le film attirera 5,3 millions de français dans les salles, qui s’inscrit sur la cinquième marche du podium en 1955, tout juste derrière le Napoléon de Jean Delannoy, tandis que Disney emporte tout sur son passage avec Vingt mille lieues sous les mers et La Belle et le Clochard. Si Le Comte de Monte Cristo avec Jean Marais lui dame le pion au box-office, Les Grandes Manoeuvres se voit récompenser par le Prix Louis-Delluc. Si ce dernier commence comme une comédie presque vaudevillesque, le récit mute à mesure que le personnage principal, merveilleusement incarné par Gérard Philipe, change, grandit et mûrit, pour bifurquer vers le drame sentimental inattendu. A ses côtés, Michèle Morgan, qui avait déjà donné la réplique à son partenaire dans Les Orgueilleux d’Yves Allégret, est alors au top de sa carrière, la comédienne française la plus populaire et sa prestation est souvent bouleversante. S’il s’inspire du mythe de Don Juan, René Clair emprunte aussi beaucoup à la littérature française du XIXe siècle, on ne peut d’ailleurs s’empêcher se penser à Maupassant ou à Stendhal, mélange les genres, pour au final livrer un superbe objet de cinéma, qui a sans doute un peu vieilli, mais dont le charme demeure inaltérable.

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