A Strasbourg, Marie se prostitue depuis 20 ans. Elle a son bout de trottoir, ses habitués, sa liberté. Et un fils, Adrien, 17 ans. Pour assurer son avenir, Marie veut lui payer des études. Il lui faut de l’argent, vite. Elle va alors traverser la frontière quotidiennement et se prostituer dans une maison close allemande.
Si la consécration est venue en 2020 avec le merveilleux Antoinette dans les Cévennes de Caroline Vignal, cela fait pourtant plus de dix ans que Laure Calamy illumine le cinéma français, depuis 2011 exactement, quand nous l’avions découvert dans le magnifique Un monde sans femmes de Guillaume Brac, qui révélait en même temps Vincent Macaigne. La comédienne a toujours montré le bout de son superbe nez, au second comme à l’arrière-plan, en crevant l’écran à chaque apparition, dans 9 mois ferme d’Albert Dupontel, Sous les jupes des filles d’Audrey Dana, Fidelio, l’odyssée d’Alice de Lucie Borleteau, À trois on y va de Jérôme Bonnell, Victoriade Justine Triet, Roulez jeunesse de Julien Guetta, Nos batailles de Guillaume Senez ou Mademoiselle de Joncquières d’Emmanuel Mouret. Le César de la meilleure actrice en poche, tout en cartonnant dans la série Dix pour cent, Laure Calamy a passé la vitesse supérieure en tenant enfin le haut de l’affiche. C’est le cas pour Une femme du monde de Cécile Ducrocq, prolongement du court-métrage La Contre-allée (César du meilleur court métrage), réalisé en 2014, dans lequel l’actrice incarnait déjà une prostituée, dont le mode de vie était menacé par la concurrence à bas prix de ses collègues africaines, qui engageait trois militants d’extrême-droite pour régler ses affaires, avant d’être elle-même victime des trois individus menaçants. On retrouve quelques échos à La Contre-allée dans Une femme du monde (la scène inaugurale surtout), même si le personnage principal ne s’appelle pas pareil et qu’elle est ici la mère d’un adolescent de 17 ans, qui ignore tout de ses activités. Quand celui-ci se retrouve dans une mauvaise passe et joue son avenir en étant sur le point d’intégrer une grande école de cuisine, qui demande la somme colossale de près de 10.000 euros, Marie est prête à tout (et c’est là le véritable sujet du film), quitte à mettre ses principes de côté, pour réunir l’argent nécessaire, afin d’offrir à Adrien la chance qu’elle n’a jamais eue. Et Laure Calamy de signer une fois de plus une prestation époustouflante, très largement plébiscitée par la critique et auréolée d’une nouvelle nomination aux César en 2022.
NOS BATAILLES réalisé par Guillaume Senez, disponible en DVD et Blu-ray le 18 février 2019 chez Blaq Out
Acteurs : Romain Duris, Laure Calamy, Laetitia Dosch, Lucie Debay, Basile Grunberger, Lena Girard Voss, Dominique Valadié, Sarah Le Picard, Cédric Vieira…
Scénario : Guillaume Senez, Raphaëlle Desplechin
Photographie : Elin Kirschfink
Durée : 1h38
Date de sortie initiale : 2018
LE FILM
Olivier se démène au sein de son entreprise pour combattre les injustices. Mais du jour au lendemain quand Laura, sa femme, quitte le domicile, il lui faut concilier éducation des enfants, vie de famille et activité professionnelle. Face à ses nouvelles responsabilités, il bataille pour trouver un nouvel équilibre, car Laura ne revient pas.
N’y allons pas par quatre chemins, Nos batailles est l’un des plus beaux films de l’année 2018. Deux ans après son premier long métrage Keeper, présenté dans plus de 70 festivals du monde entier et multi-récompensé, le cinéaste franco-belge Guillaume Senez (né en 1978) foudroie une fois de plus le coeur des spectateurs avec son deuxième film, coécrit cette fois avec Raphaëlle Desplechin. Sélectionné à la Semaine de la Critique au Festival de Cannes en 2018, Nos batailles confirme l’immense talent et la sensibilité de son metteur en scène, qui pour l’occasion offre à Romain Duris l’un si ce n’est le plus grand rôle de toute sa carrière. Un cinéaste est né.
Olivier est contremaître dans un entrepôt de vente en ligne. Tandis qu’il se démène au travail, sa femme Laura, vendeuse, s’occupe de leurs deux enfants Elliot et Rose. Un jour elle disparaît sans prévenir, et Olivier doit se débrouiller, seul ou avec l’aide de sa famille, pour mener de front ses vies familiale et professionnelle.
Romain Duris est apparu pour la première fois sur les écrans dans Le Péril jeune de Cédric Klapisch, il y a déjà 25 ans. Très vite, le cinéma français s’est emparé de ce jeune homme de 19 ans, repéré dans la rue. Outre ses nombreuses et fructueuses collaborations avec Cédric Klapisch (Chacun cherche son chat, Peut-être, L’Auberge espagnole, Les Poupées russes, Paris, Casse-tête chinois), Romain Duris a toujours su concilier le cinéma d’auteur et le cinéma commercial, en passant sans complexe de Jan Kounen à Tony Gatlif, de Jean-Paul Salomé à Jacques Audiard, de Christophe Honoré à Laurent Tirard, de Patrice Chéreau à Eric Lartigau. Pour son cinquantième film, le comédien trouve comme qui dirait le rôle de la maturité. A bientôt 45 ans, ses traits se sont creusés et son charisme sauvage s’est encore plus développé. Il est en tout point époustouflant dans Nos batailles, merveilleusement dirigé par Guillaume Senez.
Quasiment de tous les plans, magnétique, beau, bouleversant, l’acteur amateur que l’on a vu grandir et mûrir à l’écran est progressivement devenu un bon, un très bon, un excellent, puis un immense comédien. Comme pour Keeper, Guillaume Senez conserve une spontanéité naturaliste, centrée sur un travail d’improvisations avec les acteurs, qui détiennent uniquement une base écrite détaillée comprenant les enjeux. Le réalisateur privilégie les gestes esquissés ou avortés, les voix des protagonistes qui se chevauchent, les imprévus. La vie explose alors à l’écran, l’empathie est réelle, les situations (inspirées de l’expérience personnelle du réalisateur) crédibles, réalistes, spontanées, universelles, authentiques. Caméra à l’épaule, en plans-séquences, le spectateur est placé comme témoin et suit ce personnage qui apprend à vivre seul avec ses deux enfants (Basile Grumberger et Lena Girard Voss, d’un naturel confondant), à communiquer avec eux, en essayant de faire le mieux possible, tout en essayant de gérer l’équipe (et leurs problèmes) dont il est responsable à l’usine. Tout cela sans pathos, sans musique, sans misérabilisme où certains se seraient engouffrés et paumés. Les personnages existent et donnent cette impression de les connaître, cette envie de les consoler, de les encourager, de les aider. N’oublions pas les trois merveilleuses actrices qui donnent la réplique à Romain Duris. Lucie Debay (La Confession de Nicolas Boukhrief), poignante dans le rôle de la compagne et mère de deux enfants dont le départ restera « inexpliqué », Laëtitia Dosch (déjà présente dans Keeper, avant d’être révélée dans Jeune Femme de Léonor Serraille), saisissante dans celui de la sœur d’Olivier (la scène dit « Paradis Blanc » arrache les larmes), ainsi que l’indispensable et lumineuse Laure Calamy dans celui de Betty, collègue et confidente d’Olivier.
A quinze jours de la prochaine cérémonie des César, Nos batailles, production belge, pourrait bien remporter celui du meilleur film étranger, tandis que Romain Duris, également nommé, est l’un des grands prétendants à la compression du meilleur acteur. Si la concurrence n’a jamais été aussi sévère avec également la présence de Denis Ménochet (Jusqu’à la garde) et d’Alex Lutz (Guy), Romain Duris pourrait enfin obtenir la récompense qui lui avait injustement échappé pour De battre mon coeur s’est arrêté en 2006. En attendant, Nos batailles a reçu le Prix de la Critique au Festival du film de Hambourg, la Mention du Jury Cinevox au festival International du Film Francophone de Namur, le Prix du public au festival de Turin, et surtout 5 Magritte, l’équivalent des César en Belgique, dont celui du Meilleur film, du meilleur réalisateur et de la meilleure actrice dans un second rôle pour Lucie Debay. Des prix à foison, largement mérités pour ce chef d’oeuvre instantané.
LE BLU-RAY
Le Blu-ray de Nos batailles, est disponible chez Blaq Out. La jaquette, glissée dans un boîtier classique de couleur bleue, reprend le visuel de l’affiche du film. Même chose pour le menu principal, fixe et bruité, puisqu’en dehors de la chanson de Michel Berger, il n’y a pas de musique dans le film.
On
commence par un entretien avec Guillaume Senez, enregistré au
Festival de Cannes, à l’occasion de la présentation de Nos
batailles dans le cadre de la Semaine de la Critique (6’30). Le
réalisateur est très honoré d’avoir été sélectionné sur la
Croisette, qui lui offre ainsi une belle vitrine pour dévoiler son
film. La genèse de Nos batailles, inspiré par quelques
évènements personnels, le travail avec les comédiens, ses
intentions et les partis pris, les thèmes abordés et le rapport des
spectateurs avec les personnages sont ensuite évoqués.
Si
l’éditeur ne propose pas de commentaire audio sur tout le film,
Guillaume Senez commente néanmoins près de 25 minutes de scènes
sélectionnées. C’est ici l’occasion pour lui d’étayer les
sujets rapidement abordés dans son interview précédente.
Nous
trouvons également 9 minutes de scènes coupées au montage, sur
lesquelles Guillaume Senez intervient également, en expliquant la
raison de leur rejet, à cause notamment de redondances.
L’éditeur joint également le formidable court-métrage U.H.T., réalisé par Guillaume Senez en 2012 (18’). Sophie voit tous les jours son mari Augustin partir travailler pour sa petite exploitation laitière. Il y travaille corps et âme. Pourtant depuis quelques temps, la production de sa ferme ne suffit plus à assurer la pérennité financière de sa famille. Sophie ne se doute de rien, mais pour combien de temps encore…
L’Image et le son
Nos batailles bénéficie d’un beau traitement de faveur avec ce master HD élégant. Si les contrastes sont un peu légers, les noirs sont denses, le piqué agréable et la caméra portée peut compter sur une compression AVC solide. La palette chromatique est atténuée, froide, avec beaucoup de touches de bleus. La luminosité des séquences diurnes tire indiscutablement de la HD, les détails sont plus acérés sur les gros plans.
Le
mixage DTS HD Master Audio 5.1 ne déçoit pas, tant au niveau de la
délivrance des dialogues que des effets latéraux. S’il n’y a
pas grand-chose à redire sur la balance frontale, ce mixage parvient
vraiment à immiscer le spectateur dans l’ambiance du film. Les
enceintes latérales délivrent sans mal les ambiances naturelles et
l’ensemble demeure harmonieux. La piste Stéréo est également de
très bonne qualité et contentera ceux qui ne seraient pas équipés
sur la scène arrière. Les sous-titres français destinés au public
sourd et malentendant sont également disponibles, ainsi qu’une
piste Audiodescription.
MADEMOISELLE DE JONCQUIÈRES réalisé par Emmanuel Mouret,disponible en DVD le 16 janvier 2019 chez France Télévisions Distribution
Acteurs : Cécile de France, Edouard Baer, Alice Isaaz, Natalia Dontcheva, Laure Calamy, Jean-Michel Lahmi, Arnaud Dupont, Alban Casterman…
Scénario : Emmanuel Mouret d’après le roman Jacques le fataliste et son maître de Denis Diderot
Photographie : Laurent Desmet
Musique : Bach, Vivaldi, Boieldieu
Durée : 1h46
Date de sortie initiale: 2018
LE FILM
Madame de La Pommeraye, jeune veuve retirée du monde, cède à la cour du marquis des Arcis, libertin notoire. Après quelques années d’un bonheur sans faille, elle découvre que le marquis s’est lassé de leur union. Follement amoureuse et terriblement blessée, elle décide de se venger de lui avec la complicité de Mademoiselle de Joncquières et de sa mère…
Si toutes les femmes agissaient comme nous, l’honneur d’être une femme en serait grandi.
Mademoiselle de Joncquières est le neuvième long métrage d’Emmanuel Mouret. Neuf films réalisés en 18 ans, pour la plupart de vraies petites pépites comme Changement d’adresse (2006), Un baiser, s’il vous plaît ! (2007) et Caprice (2015), faisant du cinéaste l’un des plus précieux et atypiques du cinéma français aujourd’hui. Librement inspiré de l’histoire de Mme de la Pommeraye extrait de Jacques le fataliste et son maître, de Denis Diderot, Mademoiselle de Joncquières est une nouvelle grande réussite à inscrire au palmarès de son auteur.
L’action se déroule en France au XVIIIe siècle. Madame de La Pommeraye, jolie veuve, qui se pique de n’avoir jamais été amoureuse, finit par céder aux avances du marquis des Arcis, réputé libertin, qui la courtise avec assiduité. Deux ans plus tard, elle se rend compte que le marquis s’éloigne d’elle. Brisée et blessée dans son orgueil, elle entreprend de se venger en humiliant le marquis et l’amène à épouser mademoiselle de Joncquières, dont il s’est épris, mais dont il ignore qu’elle et sa mère sont tombées dans la prostitution suite à un revers de fortune.
En réalité, il y a toujours eu du Diderot dans chaque film d’Emmanuel Mouret. Cette fois, le cinéaste s’attaque frontalement à l’écrivain, philosophe et encyclopédiste français des Lumières, à travers l’épisode le plus célèbre de Jacques le fatalisteet son maître, déjà adapté par Robert Bresson en 1945 avec son second film, Les Dames du Bois de Boulogne. Là où Robert Bresson transposait le récit original au XXe siècle à travers un drame sombre et impitoyable, Emmanuel Mouret mise sur la reconstitution d’époque. Mettre en scène un film en costume aujourd’hui est un pari que le cinéaste relève haut la main. Certes, la réalisation pourrait passer pour académique, mais Mademoiselle de Joncquières n’a rien de poussiéreux. Sa modernité étonne et d’ailleurs détonne avec son rythme vif et soutenu comme un thriller, ses dialogues percutants et pourtant respectueux du texte original, sans oublier les plans-séquences qui instaurent une vraie tension psychologique.
A ce petit jeu, Cécile de France est parfaite dans le rôle de Madame de la Pommeraye et sa maturité convient parfaitement à ce personnage de femme blessée et vengeresse. Face à elle, Edouard Baer n’a rien à lui envier et campe un marquis libertin très attachant dans sa complexité, tout en conservant son flegme habituel et son allure de dandy. Comme si Emmanuel Mouret prenait le comédien et nous révélait la face cachée de son personnage avec une réelle mélancolie. Sous couvert d’un vrai portrait de femme, Mademoiselle de Joncquières est également et surtout le récit initiatique d’un homme qui va découvrir l’amour pour la première fois et qui saura rester droit et digne lorsqu’il apprendra qu’il a été dupé et manipulé par son ancienne conquête. La présence du couple vedette à la prochaine cérémonie des César (le film est nommé six fois) est donc amplement justifiée et méritée, tout comme l’aurait été celle de la formidable Laure Calamy, qui interprète ici Lucienne, l’amie de Madame de La Pommeraye (inventé ici pour le film), et celle de la jolie Alice Isaaz (La Crème de la crème, Rosalie Blum) aka Mademoiselle de Joncquières qui devient malgré-elle l’instrument de la vengeance. Sans oublier la comédienne bulgare Natalia Dontcheva, poignante dans le rôle de la mère de la jeune fille.
On pourrait donc croire qu’Emmanuel Mouret s’efface derrière ses protagonistes, ce qui n’est pas du tout le cas, même s’il n’apparaît pas devant la caméra cette fois. Ses œuvres précédentes ont toujours été marquées par le thème de l’amour, sous toutes ses formes, c’est même la veine principale de chacun de ses films. Mais c’est comme si tout son travail passé devait conduire inévitablement le cinéaste à Mademoiselle de Joncquières, récit qui lui revenait de droit. Il s’en acquitte avec une suprême élégance et une grande délicatesse qu’il souligne à travers les compositions de Bach, Vivaldi et Boieldieu, dans de merveilleux décors et une clarté (de la photo aux costumes de soie clinquants) qui contraste avec les desseins les plus obscurs, ceux du coeur blessé de Madame de la Pommeraye.
Mademoiselle de Joncquières est assurément l’un des plus grands et passionnants films de 2018. A ce jour, il s’agit du plus grand succès dans les salles d’Emmanuel Mouret avec près de 550.000 entrées et c’est largement mérité.
LE DVD
Le test du DVD de Mademoiselle de Joncquières, disponible chez France Télévisions Distribution, a été réalisé à partir d’un check-disc. Le menu principal est animé et musical.
L’éditeur propose deux petites scènes coupées (4’). La première montre Madame de La Pommeraye, qui se confie à son amie Lucienne, quant à la fin de sa relation avec le marquis des Arcis. Emmanuel Mouret a finalement préféré supprimer le dialogue et montrer uniquement les deux femmes aux spectateurs, qui comprennent par eux-mêmes ce qui vient de se passer. La seconde scène est un dialogue entre le marquis des Arcis et un médecin (Laurent Stocker) dépêché pour s’occuper de Mademoiselle de Joncquières, après qu’elle ait été retrouvée inconsciente.
Ne manquez surtout pas le superbe court-métrage d’Emmanuel Mouret intitulé Aucun regret (2015-22’). Aurélie (Katia Méran) et Célia (Fanny Sidney) sont deux amies de l’école des beaux-arts quand Olivier (Mathieu Métral), un bel étudiant en architecture, séduit Aurélie. Célia la met en garde, il a mauvaise réputation avec les filles. Mais Aurélie ment alors à Célia en l’assurant qu’elle n’est pas intéressée par Olivier et cache qu’elle a accepté un rendez-vous. L’ombre de Diderot (et celle de Rohmer aussi) plane une fois de plus sur ce film sensuel et très sensible.
L’Image et le son
On ne change pas une équipe qui gagne et Emmanuel Mouret a de nouveau fait appel au chef opérateur Laurent Desmet, directeur de la photographie du metteur en scène depuis Changement d’adresse en 2006. Si les contrastes sont un peu léger, force est d’admettre que la copie se révèle claire et lumineuse, le relief est appréciable, la colorimétrie chatoyante, la profondeur de champ présente, le piqué ciselé et les détails indéniables aux quatre coins du cadre. Dommage de ne pas disposer d’édition HD pour Mademoiselle de Joncquières, d’autant plus que le film a été excellemment reçu par la critique et même par le public avec un très joli score dans les salles.
Comme à son habitude, Emmanuel Mouret privilégie la musique classique et Mademoiselle de Joncquières mixe les compositions de Bach, Vivaldi et Boieldieu, admirablement délivrées et spatialisées par le mixage Dolby Digital 5.1. Les voix s’imposent sans mal sur la centrale. Quelques ambiances naturelles parviennent à percer sur les latérales lors des séquences en extérieur, la balance gauche-droite est dynamique. L’éditeur joint également les sous-titres français destinés au public sourd et malentendant, ainsi qu’une piste Audiodescription.
ROULEZ JEUNESSE réalisé par Julien Guetta,disponible en DVD et Blu-ray le 28 novembre 2018 chez Le Pacte
Acteurs : Eric Judor, Laure Calamy, Brigitte Roüan, Ilan Debrabant, Louise Labeque, Déborah Lukumuena, Marie Kremer, Satya Dusaugey…
Scénario : Dominique Baumard, Julien Guetta
Photographie : Benjamin Roux
Musique : Thomas Krameyer
Durée : 1h20
Date de sortie initiale: 2018
LE FILM
Alex, 43 ans, est dépanneur automobile dans le garage que dirige sa mère d’une main de fer. Un jour, il dépanne une jeune femme et passe la nuit chez elle ; mais au petit matin, elle a disparu, lui laissant trois jeunes enfants sur les bras…
Mouais…la critique a été plutôt élogieuse et positive pour le premier long métrage de Julien Guetta, diplômé de la Fémis, département « scénario », promotion 2009. Après moult courts métrages et le scénario de Joueurs de Marie Monge, le jeune cinéaste passe au format long avec Roulez jeunesse. Très inspiré par les liens familiaux et l’héritage familial, Julien Guetta développe ces thèmes dans son premier film. Très mal vendu, comme une simple « comédie de l’été », Roulez jeunesse est pourtant une œuvre mi-figue mi-raisin, qui hésite constamment entre un humour léger et des éléments dramatiques sérieux. Le résultat est trop hésitant pour convaincre. Le choix d’Eric Judor dans le rôle principal était on ne peut pus judicieux et si le comédien est aussi excellent qu’attachant, rien ou pas grand-chose ne fonctionne dans Roulez jeunesse.
Pour une fois, l’affiche est raccord avec le film qu’elle vend. C’est bleu, c’est jaune. Roulez jeunesse n’est qu’une comédie française comme les autres qui tente de donner le change en prenant un virage aussi inattendu que maladroit. Julien Guetta enchaîne alors les gags et quiproquos jamais crédibles et s’emmêle les pinceaux en voulant bien faire et montrer ce dont il est capable. Il y a de bonnes choses dans Roulez jeunesse, les comédiens surtout avec donc un Eric Judor au top de sa forme et dont le talent dramatique semble avoir étonné une partie de la presse qui le considérait sûrement comme un simple trublion sans autres cordes à son arc. Il est parfait dans le rôle de ce (faux) Tanguy malgré-lui dont la mère, incarnée par la géniale Brigitte Rouän, est propriétaire d’un garage dans lequel il bosse, ou du moins il voit passer les jours au volant de sa dépanneuse. La quarantaine entamée, Alex n’a sûrement pas vu passer les années. Pour la première fois de sa vie, il va devoir prendre quelques décisions importantes qui pourraient bien déterminer le futur de trois gamins (dont un bébé) dont la mère camée a disparu. Ça fait beaucoup d’éléments pour ce petit film, qui n’a clairement pas les moyens de ses ambitions et surtout la maturité qui lui faudrait.
C’est gentillet, mais disons le mot c’est aussi nul. Les gamins sont amusants deux minutes, mais tout est tellement rabattu, cliché, prévisible. Si le film est court (1h20 montre en main), le rythme est très mal géré, c’est long, redondant. Dommage, car Julien Guetta, grand cinéphile, a de grandes références et évoque même Cinq pièces faciles – Five Easy Pieces de Bob Rafelson avec Jack Nicholson pour Roulez jeunesse, ainsi que les films de Ken Loach, Martin Scorsese et Steven Spielberg. On se demande juste quel est vraiment le rapport avec son premier long métrage.
Récit initiatique certes, mais tout va trop vite en besogne et le personnage principal évolue bien trop rapidement en prenant une décision importante, sans que rien ne le laisse présager. Finalement, le plus beau personnage du film est l’assistante sociale interprété par la géniale et sensuelle – même coiffée comme un dessous-de-bras – Laure Calamy, dont la douceur et la force de caractère apportent l’âme dont Roulez jeunesse a sacrément besoin. C’est donc un téléfilm Modem, il en a d’ailleurs la couleur orangée, en roue libre, sans force de caractère, qui se laisse regarder, mais qui ne fait ni chaud ni froid.
LE BLU-RAY
Le Blu-ray de Roulez jeunesse, disponible chez Le Pacte, repose dans un boîtier économique de couleur bleue, glissé dans un surétui cartonné qui reprend le visuel de l’affiche. Le menu principal est animé et musical.
L’entretien avec Julien Guetta est très sympathique (20’). On serait même tenté de redonner une chance à son premier long métrage tant le réalisateur s’avère attachant et visiblement amoureux du cinéma. L’interviewé revient sur son parcours, ses thèmes de prédilection (la famille, la filiation), les partis pris et ses intentions pour Roulez jeunesse, le casting, le travail avec le chef opérateur Benjamin Roux et cite ouvertement Maurice Pialat, Claude Sautet, Steven Spielberg, Martin Scorsese et bien d’autres comme cinéastes de prédilection.
On enchaîne avec trois scènes coupées plus ou moins amusantes, surtout celle en version intégrale où Alex se retrouve flanqué d’un automobiliste complètement camé (7’).
L’éditeur joint également un court-métrage de Julien Guetta, intitulé Lana Del Roy (26’). Jean-Philippe se reconstruit enfin depuis qu’il sort avec Lana, une fleuriste qui bouscule son quotidien morose. Mais au moment des présentations avec son fils Morgan, ce dernier découvre que Lana est une ancienne star du porno. Réalisé en 2016, ce petit film émeut, mais les comédiens peinent à convaincre réellement.
L’interactivité se clôt sur une galerie de photos et la bande-annonce.
L’Image et le son
Ce transfert HD est soigné, avec une prédominance de couleurs vives et pétillantes (explosion de teintes jaunes et bleues), des contrastes au beau fixe et un piqué agréable. La définition est au top, les détails foisonnants sur le cadre large et ce master demeure un bel objet avec un relief omniprésent, des séquences diurnes aussi magnifiques qu’étincelantes et un grain léger.
Dès le générique, la piste DTS-HD Master Audio 5.1 sollicite l’ensemble des enceintes et offre une solide spatialisation. Ce mixage fait la part belle à la musique, présente pendant tout le film. Les dialogues se détachent sans mal sur la centrale, tandis que les ambiances naturelles en extérieur demeurent constantes comme le bruit assourdissant de la circulation sur l’autoroute. Le spectacle acoustique est assuré. L’éditeur joint également une piste DTS-HD Master Audio 2.0 de fort bon acabit, des sous-titres destinés au public sourd et malentendant, ainsi qu’une piste Audiodescription.