Test Blu-ray / Casanova, un adolescent à Venise, réalisé par Luigi Comencini

CASANOVA, UN ADOLESCENT À VENISE (Infanzia, vocazione e prime esperienze di Giacomo Casanova, veneziano) réalisé par Luigi Comencini, disponible en Combo Blu-ray+DVD le 22 octobre 2024 chez Tamasa Diffusion.

Acteurs : Leonard Whiting, Maria Grazia Buccella, Lionel Stander, Raoul Grassilli, Wilfrid Brambell, Tina Aumont, Mario Scaccia, Silvia Dionisio…

Scénario : Luigi Comencini & Suso Cecchi D’Amico, d’après les mémoires de Giacomo Casanova

Photographie : Aiace Parolin

Musique : Fiorenzo Carpi

Durée : 2h03

Date de sortie initiale : 1969

LE FILM

Le jeune Giacomo Casanova passe son enfance à Venise entre sa grand-mère et une mère volage. Envoyé en pension à Padoue, il fait la connaissance du père Don Gozzi, qui sera à l’origine de sa carrière ecclésiastique. Devenu adulte, Casanova revient à Venise où il décide d’abandonner la soutane et de suivre les élégants et mensongers chemins du libertinage…

Les prouesses amoureuses et les innombrables conquêtes du violoniste, écrivain, diplomate et bibliothécaire Giacomo Casanova ont largement influencé les cinéastes, notamment italiens. S’inspirant des cinq premiers chapitres des mémoires du plus célèbre séducteur (éditées en 12 volumes !), Luigi Comencini (1916-2007) en retrace l’enfance et l’adolescence dans Casanova, un adolescent à Venise Infanzia, vocazione e prime esperienze di Giacomo Casanova, veneziano. Auteur et metteur en scène moraliste, Comencini profite de ce portrait pour en fait représenter et révéler les moeurs, les coutumes, le comportement, la structure sociale, les rapports de classes, l’indifférence du pouvoir par rapport à la pauvreté de la société vénitienne du 18ème siècle au moment où la puissance aristocratique commence à décliner. Le réalisateur s’attarde sur les plus petits détails de la vie quotidienne, l’hygiène, la sous-alimentation des plus démunis, tout en suivant son personnage principal partagé entre une vocation religieuse… et les chemins du libertinage. Ironique et passionnant, magnifiquement photographié et mis en scène, truffé de références picturales, Casanova, un adolescent à Venise demeure l’une des plus grandes réussites de Luigi Comencini, que l’on peut d’ailleurs intelligemment compléter par un autre chef-d’oeuvre consacré au libertin transalpin, Le Casanova de Fellini.

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Test Blu-ray / Juliette au printemps, réalisé par Blandine Lenoir

JULIETTE AU PRINTEMPS réalisé par Blandine Lenoir, disponible en DVD et Blu-ray le 15 octobre 2024 chez Diaphana.

Acteurs : Izïa Higelin, Sophie Guillemin, Jean-Pierre Darroussin, Noémie Lvovsky, Salif Cissé, Éric Caravaca, Leny Morand…

Scénario : Blandine Lenoir & Maud Ameline, d’après le roman graphique de Camille Jourdy

Photographie : Brice Pancot

Musique : Bertrand Belin

Durée : 1h35

Date de sortie initiale : 2024

LE FILM

Juliette, 35 ans, illustratrice de livres pour enfants, retourne dans le lieu où elle a grandi pour passer quinze jours en compagnie de ses proches : un père un peu lunaire, une sœur qui a d’autres chats à fouetter entre ses gosses, son boulot, son falot de mari et son amant, une mère aux abonnés absents et une grand-mère qui perd la tête. Souvenirs enfouis, non-dits et secrets de famille remontent à la surface…

Quand on découvre Juliette au printemps, on pense instantanément à un autre film, en l’occurrence Rosalie Blum de Julien Rappeneau, pépite sortie en 2015. Cela n’est pas anodin, puisque le quatrième long-métrage réalisé par Blandine Lenoir est aussi l’adaptation d’un roman graphique de Camille Jourdy (Juliette, les fantômes reviennent au printemps), dont on retrouve la même sensibilité et le même univers. Voici donc Juliette au printemps, merveilleuse comédie-dramatique, excellemment interprétée par une prestigieuse distribution, sur laquelle trône la lumineuse Izïa Higelin. Parallèlement à sa carrière musicale, la fille du grand Jacques n’a eu de cesse d’étonner au cinéma et ce depuis sa première apparition dans le très conseillé Mauvaise Fille de Patrick Mille en 2012. La comédienne a ensuite confirmé tout le bien que l’on pensait d’elle en apparaissant devant la caméra du tandem Nakache/Toledano (Samba), celle de Kervern et de Delépine (Saint Amour), mais aussi de Catherine Corsini (La Belle saison), Jacques Doillon (Rodin) et Louis Leterrier (le carton Netflix de Loin du périph). Juliette au printemps vaut aussi pour l’immense Jean-Pierre Darroussin, bouleversant dans le rôle du père qui n’a jamais su exprimer ses sentiments, mais dont le regard débordant d’amour et les gestes sans cesse esquissés et retenus émeuvent jusqu’aux larmes. La dépression a rarement été aussi poétique au cinéma et Juliette au printemps est ni plus ni moins l’un des meilleurs films français de l’année 2024. Un vrai coup au coeur.

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Test Blu-ray / Rawhead Rex, réalisé par George Pavlou

RAWHEAD REX, LE MONSTRE DE LA LANDE (Rawhead Rex) réalisé par George Pavlou, disponible en Édition Collector Blu-ray + DVD + Livret le 15 novembre 2024 chez Rimini Editions.

Acteurs : David Dukes, Kelly Piper, Cora Lunny, Ronan Wilmot, Niall Toibin, Niall O’Brien, Hugh O’Conor, Heinrich von Schellendorf…

Scénario : Clive Barker, d’après sa nouvelle

Photographie : John Metcalfe

Musique : Colin Towns

Durée : 1h26

Année de sortie : 1986

LE FILM

Howard Hallenbeck, un américain, sillonne l’Irlande avec sa femme et ses enfants, afin d’étudier les monuments de ce pays. Il s’intéresse particulièrement à une église qui aurait été bâtie sur un site sacré, antérieur aux invasions romaines. Pendant ce temps-là, un fermier abat un énorme obélisque trônant au milieu de son champ, ce qui provoque, à son insu, la libération d’un démon très ancien, jusqu’alors gardé prisonnier par la pierre dressée. Ce monstre, le « Rawhead Rex », sème la mort et la terreur dans la campagne environnante…

Couché Rex ! Mais au fait, elle sort d’où encore cette créature qui aurait bien besoin d’aller faire un détartrage chez le dentiste, avant d’aller se trouver des nippes plus fraîches. Quand on regarde la fiche technique de Rawhead Rex, un nom saute aux yeux, celui de Clive Barker. En 1986, celui-ci vit encore chichement de son art, a déjà réalisé deux courts-métrages, sa série Livres de sang a déjà été publiée, tout comme The Hellbound Heart, qu’il adaptera lui-même en 1987 sous le titre Hellraiser : Le Pacte. Mais pour l’heure, c’est comme scénariste qu’on le retrouve au générique de Rawhead Rex aka Le Monstre de la lande dans nos chères contrées, transposé d’une de ses nouvelles (apparues dans Book of Blood, volume 3Confessions d’un linceul), mis en scène par un certain George Pavlou. C’est en fait la seconde collaboration des deux hommes, la première Transmutations Underworld (1985), ayant laissé un goût amer à l’écrivain en raison d’une sévère trahison de son œuvre par le réalisateur, qui pour se faire pardonner décide de transposer à nouveau une histoire de Clive Barker. Comme on dit, Rawhead Rex est un très bon ride, généreux en scènes brutales (la créature n’y va pas de main-morte quand elle s’attaque à ses proies), marqué par un humour british qui confère à l’ensemble une évidente légèreté. Certains évoquent un nanar, mais une chose est sûre, Rawhead Rex n’est pas un mauvais film.

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Test Blu-ray / Trois noisettes pour Cendrillon, réalisé par Václav Vorlíček

TROIS NOISETTES POUR CENDRILLON (Tri orísky pro Popelku) réalisé par Václav Vorlíček, disponible en Combo Blu-ray + DVD le 5 novembre 2024 chez Artus Films.

Acteurs : Libuse Sáfranková, Pavel Trávnícek, Carola Braunbock, Rolf Hoppe, Karin Lesch, Dana Hlavácová, Jan Libícek, Vítezslav Jandák…

Scénario : Frantisek Pavlícek, d’après le conte de Bozena Nemcová

Photographie : Josef Illík

Musique : Karel Svoboda

Durée : 1h24

Date de sortie initiale : 1973

LE FILM

Suite à la mort de son père, Cendrillon est contrainte à devenir une domestique. Elle doit également subir sa belle-mère opiniâtre ainsi que ses demi-soeurs. Un jour, alors qu’elle se promène dans les bois sur son cheval blanc, elle rencontre un beau prince qui se prépare pour le bal du château. Mais celui-ci doit choisir sa future femme parmi les invités…

Tout le monde connaît l’histoire de Cendrillon, conte repris dans le monde entier, réinterprété et dont la version la plus célèbre demeure sans doute celle de Charles Perrault, puis celle des frères Grimm. Outre des opéras, des ballets, des pièces de théâtre, le cinéma s’est aussi très vite emparé de cette histoire, dès les débuts du cinématographe en fait (même Georges Méliès avait livré son interprétation), dont la version la plus connue reste probablement celle des studios Disney sortie en 1950. Si elle est forcément moins connue en France, la production germano-tchécoslovaque réalisée par Václav Vorlíček (1930-2019) et sortie en 1973, Trois noisettes pour Cendrillon Drei Haselnüsse für Aschenbrödel (en allemand) et Tři oříšky pro Popelku (en tchèque) est un véritable film culte, au point d’être systématiquement diffusé à la télévision en Norvège, en Allemagne, en Slovaquie, en Suède, en Espagne, en République tchèque et même en Suisse, lorsque les fêtes de fin d’année arrivent. C’est donc avec une vraie curiosité que l’on découvre Trois noisettes pour Cendrillon, transposition légère comme une bulle de savon, solidement interprétée par le couple formé par Libuše Šafránková (dans sa première apparition au cinéma) et Pavel Trávníček (également au début de sa carrière), qui incarnent parfaitement Cendrillon et son prince charmant. Dépaysant, curieux et un beau spectacle au final.

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Test Blu-ray / Coeur de pierre, réalisé par Paul Verhoeven

COEUR DE PIERRE (Das kalte Herz) réalisé par Paul Verhoeven, disponible en Combo Blu-ray + DVD le 5 novembre 2024 chez Artus Films.

Acteurs : Lutz Moik, Hanna Rucker, Paul Bildt, Paul Esser, Lotte Loebinger, Alexander Engel…

Scénario : Marieluise Steinhauer, Paul Verhoeven, Wolff von Gordon d’après le conte de Wilhelm Hauff

Photographie : Ernst Kunstmann & Bruno Mondi

Musique : Herbert Trantow

Durée : 1h40

Date de sortie initiale : 1950

LE FILM

Le charbonnier Peter Munch travaille dans la Forêt-Noire. Pauvre, sale et négligé, il est la risée des habitants du pays, et la main de la belle Lisbeth lui est refusée. Il va alors demander de l’aide au bon esprit de la forêt. Ce dernier lui accorde la richesse, qui va hélas considérablement changer son comportement.

À la base de Coeur de pierre, sous-titré La Légende de la Forêt Noire pour sa sortie en Blu-ray/DVD dans nos contrées, il y a un conte de l’écrivain et poète Wilhelm Hauff (1802-1827), dont on connaissait la transposition d’un autre récit, L’Histoire du Petit Muck, réalisé en 1953 par Wolfgang Staudte. On retrouve dans Das kalte Herz (littéralement « le coeur froid »), ou Peter le charbonnier (en Belgique), ou bien encore A Lenda da Floresta La Légende de la forêt (au Portugal), les mêmes ingrédients, à savoir un récit initiatique marqué par des éléments fantastiques. Réalisé par Paul Verhoeven, évidemment non pas celui de RoboCop et Total Recall, mais son homologue allemand né au début du vingtième siècle, Coeur de pierre est un spectacle impressionnant (plus de quatre millions de marks ont été alloués à la production du film), qui s’adresse toutefois à un public averti, en raison d’éléments sombres, qui pourraient heurter la sensibilité des plus jeunes. L’esthétique renvoie parfois à un cauchemar éveillé, le personnage principal devient antipathique et glacial, un meurtre est commis, l’ambiance n’est pas à la gaudriole, mais le propos demeure universel et intemporel. Impeccablement mis en scène, très élégant, original, Coeur de pierre apparaît comme un chaînon manquant entre les univers de Charles Dickens et Roald Dahl, preuve de son indéniable qualité et mérite d’être découvert par le plus grand nombre.

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Test Blu-ray / La Vie à l’envers, réalisé par Alain Jessua

LA VIE À L’ENVERS réalisé par Alain Jessua, disponible en DVD & Blu-ray le 6 novembre 2024 chez Inser & Cut/L’Oeil du témoin.

Acteurs :  Charles Denner, Anna Gaylor, Guy Saint-Jean, Nicole Gueden, Yvonne Clech, Jean Yanne, Robert Bousquet, Nane Germon…

Scénario :  Alain Jessua, d’après son roman

Photographie : Jacques Robin

Musique : Jacques Loussier

Durée : 1h35

Date de diffusion initiale : 1964

LE FILM

Jacques Valin, employé dans une agence immobilière de Montmartre, mène une vie sans problème en compagnie de son amie cover-girl. Il décide de l’épouser sur un coup de tête. Incapable de supporter les invités de la noce, dont ses patrons, il quitte le restaurant et déambule dans Paris avec sa femme, ce qui lui vaut de perdre son emploi. Coupé de la routine, il s’enferme dans la solitude et plonge peu à peu dans une folie heureuse.

Premier long métrage d’Alain Jessua (1932-2017), La Vie à l’envers est un film étrange, singulier, unique, percutant et par la suite inoubliable. L’ancien assistant de Max Ophüls, Marcel Carné, Yves Allégret et Jacques Becker signe la première pépite de sa filmographie, sans nul doute l’une des plus étonnantes et originales de l’histoire du cinéma français. Primé à Venise (Grand Prix de la presse italienne et Prix de la première œuvre) et à Cannes, grande inspiration pour Martin Scorsese, La Vie à l’envers, adapté du roman du même nom écrit par le metteur en scène lui-même, impose un univers qui lui est propre, qui a toujours détonné au sein de l’industrie cinématographique hexagonale. Véritable plongée psychologique et psychanalytique, le récit adopte le point de vue de son personnage principal du début à la fin, ne le quitte jamais, ne perd pas le fil de ses pensées, s’attarde sur son visage énigmatique, sans pour autant donner toutes les explications quant à ses agissements. Alors qu’il envisageait tout d’abord Jean-Louis Trintignant dans le rôle de Jacques Valin, Alain Jessua jette finalement son dévolu sur l’immense Charles Denner, qui avait fait précédemment une apparition dans Ascenseur pour l’échafaud de Louis Malle et interprété Landru dans le film éponyme de Claude Chabrol. Comédien exceptionnel et au phrasé inimitable, ce dernier n’a que peu à faire pour apporter à Valin une déstabilisante ambiguïté. Laissant l’imagination du public faire son office, le cinéaste tend à montrer que l’être humain qui ne souhaite pas se conformer aux règles qui lui ont été imposées pour paraître en société, saura trouver le moyen de se préserver en s’extrayant volontairement de la masse, de la faune, quitte à passer pour un fou. Ce qui serait alors vu comme de la démence chez le commun des mortels, ne serait en réalité que le dernier moyen de défense d’une âme qui a pris conscience que le monde allait droit dans le mur et qu’il était encore temps d’en réchapper. Soixante ans après sa sortie, La Vie à l’envers n’a pas fini de subjuguer, de passionner et de questionner.

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Test Blu-ray / Stay Hungry, réalisé par Bob Rafelson

STAY HUNGRY réalisé par Bob Rafelson, disponible en Édition Collector Blu-ray + DVD + Livre le 15 novembre 2024 chez Bubbel Pop’ Édition.

Acteurs : Jeff Bridges, Sally Field, Arnold Schwarzenegger, R.G. Armstrong, Robert Englund, Roger E. Mosley, Woodrow Parfrey, Scatman Crothers, Kathleen Miller, Fannie Flagg, Joanna Cassidy, Richard Gilliland, Mayf Nutter, Ed Begley Jr….

Scénario : Charles Gaines & Bob Rafelson, d’après le roman de Charles Gaines

Photographie : Victor J. Kemper

Musique : Byron Berline & Bruce Langhorne

Durée : 1h43

Date de sortie initiale : 1976

LE FILM

Joe Santo doit concilier son entraînement pour le titre de Mister Univers avec sa vie en société. Parallèlement, Craig Blake, agent immobilier, s’intéresse au rachat de son club d’entraînement et tombe amoureux de l’ancienne amante de Joe.

Il existe un film, sans doute l’un des plus beaux de l’histoire du cinéma. Il s’agit de Cinq Pièces faciles Five Easy Pieces, sorti en 1970, durant la pleine émergence du Nouvel Hollywood, réalisé par Bob Rafelson (1933-2022), par ailleurs producteur d’Easy Rider et de La Dernière séance. Ou comment les bases de ce courant cinématographique et même du mythe Jack Nicholson étaient posées. Cinéaste dont le nom est aujourd’hui quelque peu oublié, au contraire de ses longs-métrages à l’instar de ses autres collaborations avec celui qui sera alors son comédien fétiche (Le Facteur sonne toujours deux fois, Man Trouble, Blood & Wine), signe en 1976 l’un de ses opus les plus méconnus et pourtant l’un de ses plus attachants, Stay Hungry. Quasi-inédit dans nos contrées, malgré une sortie – certes discrète – dans les salles françaises, cette comédie mélancolique ou drame léger et sportif se place à un carrefour planté entre deux époques (on imagine et espère que les années 1980 seront plus légères, voire insouciantes), ainsi qu’entre deux ères du septième art. Mais pour l’heure, alors que Rocky devient le plus grand succès de l’année, suivi de près par Les Hommes du président, que La Malédiction de Richard Donner fait frémir les spectateurs, qu’un certain Travis Bickle conduit son taxi dans les rues de New York et que l’Inspecteur Harry en est déjà à sa troisième enquête, Bob Rafelson clôt ce qui apparaîtra rétrospectivement comme une trilogie avec Stay Hungry. Ainsi, après Cinq pièces faciles (1970) et The King of Marvin Gardens (1972), le réalisateur se penche sur la quête existentielle d’un autre jeune, issu ici d’une classe aisée, dont les parents viennent de disparaître dans un accident d’avion. Livré à lui-même, paumé dans sa grande baraque tenue par son valet au service de sa famille depuis un demi-siècle, Craig se voit entraîner malgré lui dans quelques combines immobilières montées par une bande d’escrocs qui souhaiteraient mettre la main sur un pâté de maisons dans une grande ville de l’Alabama. C’est alors qu’il va se prendre d’amitié pour celles et ceux qu’il devait pour ainsi dire mettre à la porte et se découvrir enfin lui-même. Chronique immersive dans le monde du culturisme, radiographie d’une jeunesse américaine en mal de repères (on pense aux futurs personnages de Bret Easton Ellis), pour ne pas dire de piliers, Stay Hungry est tout cela et encore plus. Pierre précieuse du cinéma hollywoodien dissimulé dans une parure de diamants plus célébrés qui lui ont forcément fait de l’ombre, le film de Bob Rafelson est – pour continuer dans le monde de la joaillerie – un diamant à découvrir, à faire connaître, à conseiller entre cinéphiles, qui impose à l’écran l’impressionnant Arnold Schwarzenegger, récompensé par le Golden Globe de la révélation masculine.

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Test Blu-ray / Topaze, réalisé par Marcel Pagnol

TOPAZE réalisé par Marcel Pagnol, disponible le 1er octobre 2024 en Blu-ray, chez CMF (Compagnie Méditerranéenne de Films).

Acteurs : Fernandel, Jacqueline Pagnol, Helène Perdrière, Pierre Larquey, Milly Mathis, Marcel Vallée, Jacques Castelot, Yvette Etiévant, Jacques Morel…

Scénario : Marcel Pagnol, d’après sa pièce de théâtre

Photographie : Philippe Agostini

Musique : Raymond Legrand

Durée : 2h22

Date de sortie initiale : 1951

LE FILM

Instituteur à la pension Muche, Topaze, minable répétiteur incapable de tricher sur les notes de riches cancres, est licencié. Réduit au chômage, il donne des leçons particulières au neveu de Suzy Courtois, une demi-mondaine… Il va alors prendre conscience de la vanité de sa mission éducative et devenir une fripouille cynique…

Dans l’oeuvre et la carrière de Marcel Pagnol, Topaze tient une place prépondérante. C’est avec cette pièce de théâtre créée en 1927 à Berlin, puis l’année suivante au Théâtre des Variétés à Paris que l’auteur obtiendra la reconnaissance publique et critique, non seulement en France, mais aussi dans le monde entier. Pourtant, ce n’est pas lui qui l’adaptera au cinéma cinq ans plus tard, mais Louis Gasnier, avec Louis Jouvet dans le rôle-titre. Pour cela, Marcel Pagnol attendra 1936, après une mouture américaine avec John Barrymore et même une version égyptienne, en confiant le personnage principal à Alexandre Arnaudy. Le cinéaste y revient étrangement en 1951, en signant son propre remake, avec cette fois son épouse Jacqueline et Fernandel au casting. Rétrospectivement, Topaze demeure plus connu pour son premier acte, celui où on nous présente le quotidien du professeur, dont nous allons suivre l’étrange parcours. Car Topaze bifurque ensuite vers la comédie de mœurs dite financière, où Marcel Pagnol plonge le dénommé Albert Topaze dans une histoire de magouilles fondées sur le trafic d’influence, la corruption de fonctionnaires et la prévarication, ou plus communément le grave manquement d’un fonctionnaire, d’un homme d’État, aux devoirs de sa charge (abus d’autorité, détournement de fonds publics, concussion). C’est donc un Pagnol différent, plus engagé sans doute, qui étonne même dans le phrasé de ses interprètes, Fernandel jouant ici sans son légendaire accent. Topaze apparaît aujourd’hui comme un film trop long et lent, étouffant (aucune scène n’a été tourné en extérieur et cela se ressent) et reste marqué par de longues tirades sur les « affaires » qui ne nous intéressent guère. Cela étant, les comédiens (est-il utile de préciser qu’ils sont tous extraordinaires) y vont à fond, ont l’air de s’amuser beaucoup et resplendissent de charisme et de talent. Antépénultième long-métrage de Marcel Pagnol, si l’on considère que Manon des sources et Ugolin, sortis en 1952, comme un seul film, Topaze se voit encore comme une curiosité, mais ne possède pas l’aura des autres monuments du cinéaste.

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Test Blu-ray / Naïs, réalisé par Raymond Leboursier & Marcel Pagnol

NAÏS réalisé par Raymond Leboursier & Marcel Pagnol, disponible le 1er octobre 2024 en Blu-ray, chez CMF (Compagnie Méditerranéenne de Films).

Acteurs : Fernandel, Jacqueline Pagnol, Raymond Pellegrin, Henri Poupon, Charles Blavette, Henri Arius, Germaine Kerjean, Paule Langlais…

Scénario : Marcel Pagnol, d’après une nouvelle d’Emile Zola

Photographie : Charles Suin & Walter Wottitz

Musique : Vincent Scotto & Henri Tomasi

Durée : 2h03

Date de sortie initiale : 1945

LE FILM

Naïs, jeune paysanne provençale, aime Frédéric, fils débauché des patrons de son père. Elle devient sa « maîtresse des vacances ». Toine le bossu les surprend, mais, par amour pour Naïs, il devient leur complice. Micoulin, le père de la jeune fille, met tout en œuvre pour venger son honneur…

Naïs marque le retour de Marcel Pagnol derrière la caméra, cinq ans après La Fille du puisatier, sans parler de La Prière aux étoiles, entamé en 1941, mais dont le tournage sera interrompu en raison des conditions que l’on imagine difficiles sous le régime de Vichy, qui défendait au réalisateur de se rendre à Paris pour ses prises de vue. Marcel Pagnol, dont Alfred Greven, président de la fameuse Continental, désirait lui confier quelques œuvres de propagande nazie, décide finalement de détruire ce qu’il avait tourné pour La Prière aux étoiles, afin d’éviter toutes récupérations. 1945, Naïs sort sur les écrans, d’après Naïs Micoulin, une nouvelle d’Émile Zola, sur lequel Marcel Pagnol a dû laisser parfois la place à la mise en scène à Raymond Leboursier, qui selon les professionnels n’a quasiment rien tourné en réalité. Néanmoins, Naïs est et restera une œuvre mineure dans la carrière exceptionnelle de son auteur et vaut essentiellement aujourd’hui pour l’excellence et la beauté de ses interprètes, Fernandel en tête bien sûr, bouleversant comme jamais, ainsi que la blonde et diaphane Jacqueline Bouvier, devenue la compagne de Marcel Pagnol. Celle qui inspirera Manon des sources au réalisateur, est resplendissante de naturel et de fraîcheur dans Naïs et ses scènes avec Fernandel sont les plus belles du film, qui montre quelques baisses de rythme. Il n’empêche que même plus « anecdotique », Naïs reste bien supérieur aux drames du même acabit, son propos restant par ailleurs moderne, tout comme certaines répliques qui font encore mouche. Une escapade sous le soleil ardent, au milieu des grillons, avec la divine Jacqueline, cela ne se refuse pas.

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Test Blu-ray / Le Schpountz, réalisé par Marcel Pagnol

LE SCHPOUNTZ réalisé par Marcel Pagnol, disponible le 1er octobre 2024 en Blu-ray, chez CMF (Compagnie Méditerranéenne de Films).

Acteurs : Fernandel, Orane Demazis, Fernand Charpin, Robert Vattier, Pierre Brasseur, Léon Belières, Jean Castan, Enrico Glori…

Scénario : Marcel Pagnol

Photographie : Willy Faktorovitch

Musique : Casimir Oberfeld

Durée : 2h09

Date de sortie initiale : 1938

LE FILM

Jeune commis épicier un peu mythomane, Irénée, à qui le cinéma a tourné la tête, est convaincu qu’il deviendra un acteur célèbre. Il rencontre une équipe de tournage qui lui réserve une plaisanterie cruelle. Il arrive aux studios plein d’espoir…

« Quand on fait rire sur la scène ou sur l’écran, on ne s’abaisse pas, bien au contraire. Faire rire ceux qui rentrent des champs, avec leurs grandes mains tellement dures qu’ils ne peuvent plus les fermer, ceux qui sortent des bureaux avec leurs petites poitrines qui ne savent plus le goût de l’air, ceux qui reviennent de l’usine, la tête basse, les ongles cassés, avec de l’huile noire dans les coupures de leurs doigts…Faire rire tous ceux qui mourront, faire rire tous ceux qui ont perdu leur mère, ou qui la perdront…Le rire n’est pas une espèce de convulsion absurde et vulgaire mais une chose humaine que Dieu a peut-être donnée aux hommes pour les consoler d’êtres intelligents. » Marcel Pagnol

Tourné en parallèle de Regain, Le Schpountz est un des monuments de son auteur, Marcel Pagnol (1895-1974). Après le dernier épisode de sa Trilogie marseillaise, le réalisateur confie à nouveau le rôle principal à Fernandel. Ainsi, après Saturnin, le valet de ferme dans Angèle et Urbain Gédémus, le rémouleur de Regain, le comédien endosse l’habit et la raie au milieu d’Irénée Fabre, commis-épicier, persuadé qu’il est fait pour le cinéma, son « talent caché ». Inspiré par une véritable anecdote survenue au moment du tournage d’Angèle en 1934, Le Schpountz révèle l’entre-soi du monde du septième art, où les artistes et techniciens n’hésitent pas à se moquer ouvertement d’un grand garçon benêt (ou un « fada », un « raté », « un bon à rien », « une loque », « une épave », « un pauvre couillon » comme le dit affectueusement l’oncle d’Irénée), persuadé qu’il est fait pour « briller » et mettre les spectateurs à ses pieds. Succession ininterrompue de dialogues anthologiques durant plus de deux heures, cette comédie tragique ou drame comique (cela fonctionne souvent dans les deux sens avec Marcel Pagnol), Le Schpountz possède la même force de frappe qu’un film de Chaplin, son propos est inaltérable, universel et intemporel. Immense chef d’oeuvre.

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