Test Blu-ray / Jackals, réalisé par Kevin Greutert

JACKALS réalisé par Kevin Greutert, disponible en DVD et Blu-ray le 2 janvier 2019 chez Metropolitan Vidéo

Acteurs : Stephen Dorff, Deborah Kara Unger, Johnathon Schaech, Chelsea Ricketts, Alyssa Julya Smith, Nick Roux, Jason Scott Jenkins, Cassie Hernandez…

Scénario : Jared Rivet

Photographie : Andrew Russo

Musique : Anton Sanko

Durée : 1h28

Date de sortie initiale : 2017

LE FILM

Dans les années 1980, Jimmy Levine est un psychologue spécialisé dans l’aide aux victimes de sectes. Il est engagé par une famille dont le fils est sous l’emprise d’un culte satanique pour sauver leur enfant. Levine parvient à le récupérer mais les membres du culte sont bien décidés à le reprendre. Pour cela, ils sont prêts à tout.

Jackals (« Quoi ? On dit des chacaux ? ») est le cinquième long métrage de Kevin Greutert. Ce nom ne vous dit sans doute rien, pourtant, ce dernier est un habitué du thriller d’épouvante puisqu’il s’agit du monteur des cinq premiers opus de la franchise Saw, de The Strangers, mais aussi le réalisateur des épisodes Saw VI et Saw VII (à prononcer en français, c’est plus amusant) aka Saw 3D le supposé « Chapitre final », pas franchement les meilleurs épisodes de la franchise Jigsaw (euphémisme). Egalement responsable de Jessabelle, tentative ratée de film de genre se déroulant les bayous de la Louisiane, avec Sarah Snook (révélation de l’incroyable Predestination des frères Spierig), Kevin Greutert aura également mis en scène un Visions, inédit dans les salles et sorti directement dans les bacs chez nous en 2015. Son nouveau bébé Jackals arrive une fois de plus dans nos contrées en DVD et Blu-ray. En dépit d’un casting peu enthousiasmant et mollement dirigé, ce thriller « réaliste » est probablement le meilleur film du réalisateur.

Mars 1983. Jimmy Levine est un spécialiste dans l’extraction de sectes, n’hésitant pas à recourir à la violence si nécessaire pour désendoctriner les « nouveaux adeptes ». La famille Powell fait appel à ses services pour enlever et déprogrammer leur fils Justin, sous l’emprise d’un culte satanique indéterminé et extrêmement violent. Levine tend un piège à Justin, le kidnappe et la ramène au bercail où le jeune homme est solidement attaché à une chaise. Justin a subi un lavage de cerveau et ne reconnaît pas les siens. Un affrontement psychologique démarre dans cette famille dysfonctionnelle. A la nuit tombée, les membres du culte encerclent le chalet des Powell, perdu au fond des bois. Leur but ? Délivrer Justin, devenu « Thanatos », par n’importe quel moyen et si possible sanglant. La nuit va être longue.

Après un début très prometteur filmé en caméra subjective et en plan-séquence, durant lequel un autre jeune membre de la secte des Jackals décime sa propre famille en pleine nuit, le film de Kevin Greutert prend son temps, sans doute trop et peine à instaurer un malaise quelconque ou même un semblant d’intérêt. La séquence de l’enlèvement étonne et perd les spectateurs, qui ne sont alors pas encore au fait des évènements. Puis, Jackals repose sur le face à face entre Justin (vénéneux Ben Sullivan) et le spécialiste des sectes Jimmy Levine (impeccable Stephen Dorff), ancien membre des Marines, qui utilise la manière forte pour chambouler les anciens membres de cultes obscurs afin de les ramener à la raison. Le premier acte est donc assez prenant. Le problème, c’est que le scénario de Jared Rivet, inspiré par une histoire vraie survenue en Californie, se perd ensuite dans les problèmes de la famille Powell avec un père volage et absent (Johnathon Schaech, grand habitué des nanars et des « numéro 2 de films à succès destinés au marché de la vidéo »), une mère devenue alcoolique (Deborah Kara Unger, défigurée par la chirurgie plastique), un fils aîné (Nick Roux) en manque d’amour (mais qui a été violent envers son cadet, sans doute par jalousie), ainsi que l’ex-compagne de Kevin (Chelsea Ricketts, une nana de 30 ans qui joue une ado de 17 ans) qui a donné naissance à leur petite fille après que ce dernier ait été embringué dans son groupe de déglingués.

Il faut donc se farcir des reproches, des non-dits, des larmes, des verres d’alcool, des coups de gueule, pendant que Levine essaye de remettre les méninges de Kevin à l’endroit. C’est alors qu’apparaissent les Jackals, qui ont de la gueule filmés dans la pénombre avec leurs masques et leurs costumes taillés sur mesure. Le film mute alors en home-invasion, ou plutôt en tentative puisque les Jackals, muets et qui économisent leurs actions, vont alors tout faire pour entrer dans le chalet. Le spectateur doit prendre son mal en patience et faire fi de personnages assez ridicules (mention spéciale à la belle-fille) puisque Jackals fait partie de ces films qui s’améliorent et deviennent intéressants au fur et à mesure du récit. La dernière partie est d’ailleurs particulièrement brutale, sèche, frontale et donc inattendue après un ventre mou d’une bonne demi-heure, soit un gros tiers du film.

Alors oui Jackals est une œuvre bancale, qui peut faire sourire devant le caractère souvent absurde de ses protagonistes, mais comme le film se déroule durant les années bénies du slasher, un agréable parfum vintage s’en dégage et parvient à sauver l’entreprise. Sans oublier un troisième acte malsain et prenant qui fait donc pencher Jackals, série B qui ne s’en cache pas, du bon côté de la balance.

LE BLU-RAY

Le test du Blu-ray de Jackals, DTV disponible chez Metropolitan, a été réalisé à partir d’un check-disc. Le menu principal est très légèrement animé et musical.

Le film de Kevin Greutert est accompagné de bandes-annonces, ainsi que d’un faux making of (20’) composé uniquement d’interventions du réalisateur, du producteur Tommy Alastra, des comédiens Stephen Dorff, Ben Sullivan, Nick Roux, Johnathon Schaech, Chelsea Ricketts, Deborah Kara Unger et du scénariste Jared Rivet. Durant la première moitié de ce supplément, les invités se contentent de raconter tout le film, avant de passer à la psychologie des personnages. Autant dire que ce supplément n’a malheureusement aucun intérêt.

L’Image et le son

On peut trouver des défauts à Jackals, plusieurs même, nombreux diront certains, mais la photographie du chef opérateur Andrew Russo est l’un des atouts de ce thriller. Les contrastes sont tranchés en Haute-Définition avec des noirs d’une densité jamais démentie, les jeux de lumière rappellent parfois ceux de Fog de John Carpenter et les détails ne manquent pas, y compris dans les séquences les plus sombres. D’ailleurs, étrangement, ces scènes s’en sortent mieux que celles tournées en plein jour où l’on pouvait attendre un piqué plus ciselé. Toutefois, le cadre large n’est pas avare en détails, surtout sur les gros plans des acteurs et à ce titre, ce qui nous fait le plus peur reste probablement le visage massacré de Deborah Kara Unger…

L’ensemble des enceintes des pistes anglaise et française DTS-HD Master Audio 5.1 est mis à contribution aux quatre coins cardinaux. Les ambiances fusent sur les scènes d’affrontements, la musique bénéficie d’un traitement de faveur avec une large ouverture, plongeant instantanément le spectateur dans l’ambiance. Les dialogues ne sont jamais pris en défaut et demeurent solidement plantés sur la centrale. N’oublions pas le caisson de basses, qui se mêle ardemment à ce spectacle acoustique aux effets secs et percutants.

Crédits images : © Metropolitan / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

Test Blu-ray / La Tulipe Noire, réalisé par Christian-Jaque

LA TULIPE NOIRE réalisé par Christian-Jaque, disponible en Combo Blu-ray + DVD le 12 décembre 2018 chez TF1 Studio

Acteurs : Alain Delon, Virna Lisi, Adolfo Marsillach, Dawn Addams, Akim Tamiroff, Robert Manuel, Francis Blanche, Laura Valenzuela, Georges Rigaud…

Scénario : Paul Andréota, Christian-Jaque, Henri Jeanson d’après le roman “La Tulipe Noire” d’Alexandre Dumas père

Photographie : Henri Decaë

Musique : Gérard Calvi

Durée : 1h53

Date de sortie initiale : 1964

LE FILM

Juin 1789, quelques jours avant la prise de la Bastille, les nobles sont attaqués par un mystérieux cavalier qui signe ses exploits en laissant derrière lui une tulipe noire. Ce justicier masqué n’est autre que Julien de Saint Preux, jeune, ardent et passionné qui sacrifierait sa vie pour que triomphent ses idées de liberté…

Jeune premier dans Christine (1958) de Pierre Gaspard-Huit aux côtés de Romy Schneider, ainsi que dans Faibles femmes et Le Chemin des écoliers mis en scène par Michel Boisrond en 1959, Alain Delon explose aux yeux du monde dans Plein soleil de René Clément en 1960. Plus rien ne s’arrêtera après pour le comédien âgé seulement de 25 ans. Très vite repéré par les maîtres italiens du cinéma, Alain Delon enchaîne coup sur coup Rocco et ses frères de Luchino Visconti et L’Eclipse de Michelangelo Antonioni. En 1963, les triomphes publics de Mélodie en sous-sol d’Henri Verneuil et Le Guépard de Visconti consolident sa place convoitée au box-office et dans le coeur des spectateurs. Un autre triomphe populaire arrive pour Alain Delon en février 1964, celui de La Tulipe Noire, réalisé par Christian-Jaque. Grand champion des rediffusions télévisées, il a d’ailleurs détenu le record jusqu’en 2013, ce film de cape et d’épée – qui n’emprunte au roman éponyme d’Alexandre Dumas père que son titre – vaut autant pour le spectacle toujours garanti et d’une immense beauté plastique, que pour le jeu virevoltant d’Alain Delon dans un double-rôle.

À la veille de la Révolution française, dans le Roussillon, le chef de la police La Mouche traque son insaisissable adversaire, sans parvenir à l’arrêter. Masqué d’un ruban et surnommé « la Tulipe noire », un jeune aristocrate s’en prend aux nobles de la région en les dépouillant de leur fortune. Lors d’une altercation avec la police, il est marqué au visage d’un coup d’épée. Ne pouvant plus assurer son anonymat, il demande à son frère jumeau Julien, son parfait sosie, de prendre le relais.

Plus d’une vingtaine de diffusions sur le petit écran, cela veut bien dire que les français restent attachés à La Tulipe Noire, l’un des rares films où Alain Delon fait réellement preuve de fantaisie, capable de se battre à l’épée avec son ennemi tout en souriant à la caméra et en attirant la magnifique Virna Lisi vers lui pour l’embrasser. Certes, le comédien n’a pas le panache d’un Jean Marais ou d’un Errol Flynn, mais il s’en sort très bien et se révèle particulièrement à l’aise dans le maniement des armes blanches, ainsi que dans les cascades. De l’autre côté de la caméra, on trouve le prolifique – 59 longs métrages à son actif de 1932 à 1977 – Christian Maudet alias Christian-Jaque (1904-1994). Sur un scénario coécrit avec le mythique Henri Jeanson, le cinéaste signe ici l’un de ses films les plus aboutis sur la forme. La Tulipe Noire est par ailleurs le premier long métrage français (une coproduction franco-italiano-espagnole en fait) tourné au format 65mm (ratio 2,20:1) et projeté en 70mm dans les salles équipées. Le cadre large et la photographie en Eastmancolor du chef opérateur Henri Decaë sont dingues de beauté, tout comme celle des costumes et des décors naturels espagnols. Qui plus est, les effets spéciaux permettant de dédoubler Alain Delon à l’écran sont incroyablement réussis pour l’époque, notamment les plans où Guillaume passe derrière Julien alors assis sur une chaise. Même si l’on imagine très bien comment cette prouesse technique a été réalisée, le résultat à l’écran est franchement bluffant.

Mais soyons honnêtes, La Tulipe Noire n’atteint jamais la réussite de Fanfan la Tulipe, autre très grand succès du même réalisateur sorti en 1952, avec Gérard Philipe dans le rôle-titre. Si les dialogues sont parfois très amusants et modernes, la légèreté d’ensemble prend le pas sur tout le reste, y compris sur la tension des scènes pourtant violentes et dramatiques. C’est le cas par exemple de la pendaison dans la dernière partie, dont on se moque ouvertement en raison de son ton décalé, alors qu’il s’agit bel et bien de la mise à mort d’un des personnages principaux ! Les séquences s’enchaînent sur un rythme soutenu, les images sont soignées, les acteurs s’amusent, Francis Blanche évidemment, mais également Alain Delon lui-même lorsqu’il campe Julien, le frère de La Tulipe Noire, avec ingéniosité, tout le contraire de Guillaume, brigand, cynique et anarchiste. Nous ne sommes pas loin de sa composition du Don Diego de la Vega efféminé dans le génial Zorro réalisé par Duccio Tessari en 1975 !

Voir Alain Delon loin de sa « crispation » habituelle vaut donc le déplacement et La Tulipe Noire a su conserver un charme pétillant, comme la composition du grand Gérard Calvi, qui traverse les années sans véritable dommage.

LE BLU-RAY

La Tulipe Noire était auparavant disponible chez René Chateau en édition double DVD. Désormais chez TF1 Studio, le film de Christian-Jaque arrive en Blu-ray. Ce combo contient l’édition HD et le DVD. Le menu principal est animé et musical.

Afin de remettre La Tulipe Noire dans son contexte et dans la carrière d’Alain Delon, TF1 Studio a fait appel à l’excellent Olivier Rajchman (journaliste, auteur de l’ouvrage Delon/Belmondo : L’Etoffe des héros, Broché, 2010) et Denise Morlot (scripte du film). Ce document de 18 minutes propose un retour complet sur la genèse de La Tulipe Noire, sur les étapes de la carrière du réalisateur, sur le scénario d’Henri Jeanson, ainsi que sur la coproduction entre la France, l’Espagne et l’Italie. La Tulipe Noire était en effet un film très cher, tourné en 70mm, nécessitant un budget conséquent pour les costumes et les décors. Le casting est passé au peigne fin, tout comme la chorégraphie des combats à l’épée et les effets spéciaux qui permettaient de dédoubler Alain Delon à l’écran.

Le module Autour de La Tulipe Noire (31’), compile les propos (enregistrés en 2004) de Michel Wyn, assistant de Christian-Jaque sur le film, et du célèbre maître d’armes et responsable des cascades Claude Carliez (disparu en 2015 à l’âge de 90 ans). Blindé d’anecdotes de tournage (y compris sur les effets spéciaux), ne manquez pas ces entretiens drôles et passionnants sur la production de La Tulipe Noire. Vous y apprendrez entre autres pourquoi Alain Delon et Francis Blanche ont été mis en prison en Espagne !

Cette section se clôt sur un descriptif exhaustif de la restauration de La Tulipe Noire par le laboratoire Ariane en ce qui concerne l’image, et L.E. Diapason pour le son (5’).

L’Image et le son

La Tulipe Noire est le premier film français tourné en 65mm selon le procédé Super panorama 70 avec la caméra MCS 70 (Modern Cinema System) sur pellicule Eastmancolor. Le négatif original était donc en 65mm à 5 perforations (le 35mm traditionnel en possède quatre) pour un format image original de 2.20. La restauration a commencé par de traditionnels travaux mécaniques, avec chaque bobine déroulée sur une table 65mm afin d’analyser les défauts physiques et de procéder aux réparations nécessaires (collures, amorces, perforations abîmées) avant le passage sur scan. Un essuyage minutieux a été réalisé sur une « essuyeuse » 65mm à ultra-sons. Cette opération permet de supprimer toutes les petites poussières physiquement déposées sur la pellicule. Les bandes courtes d’étalonnage conservées (rares pour un film de cette époque) ont permis de travailler sur la totalité des plans du film (scan, cadrage, pré-étalonnage) tout en préservant le négatif original. Le négatif 65mm a ensuite été scanné en 6,5K 16 bits, avec un étalonnage et une restauration effectués en 4K par le laboratoire Ariane. Le filtrage automatique a permis de traiter les rayures et les défauts habituels, les tâches et les éclats de gélatine, nettoyés manuellement. La restauration a ensuite été validée par Michel Wyn, assistant de Christian-Jaque. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que le master HD de La Tulipe Noire s’inscrit parmi les plus grandes réussites de l’éditeur. Sublime dès l’introduction avec son ciel bleu lumineux, tout comme les yeux de notre cher Alain Delon, l’image laisse pantois. Le piqué est incisif, les contrastes d’une densité inédite, la texture argentique flatteuse et le rendu des matières palpable. Les gros plans sont somptueux et la profondeur de champ impressionnante.

En ce qui concerne le son, le film avait été enregistré selon le procédé Western Electric Sound System et mixé en 6 pistes, avec 5 pistes avant et une arrière. Il s’agissait à l’époque de la plus grande qualité acoustique. Les bandes matrices magnétiques originales du mixage 6 pistes étaient encore accessibles lors de cette restauration. Cependant, plus du tiers de la matière sonore contenue sur les bobines était rendu inutilisable. Les sons manquants proviennent de plusieurs copies d’exploitation 70mm dans des états de conservation divers. Les travaux ont été réalisés par L.E. Diapason. La piste DTS HD Master Audio 5.0 tente de recréer les conditions originales d’exploitation et parvient à spatialiser le spectacle concocté par Christian-Jaque et surtout le travail de son compositeur Gérard Calvi dont la partition est particulièrement endiablée. La spatialisation profite donc essentiellement à la musique, tandis que l’action reste essentiellement frontale. La piste 2.0 est tout autant dynamique avec des dialogues clairs, sans bruit de fond. L’éditeur joint également les sous-titres français destinés aux spectateurs sourds et malentendants, ainsi qu’une piste Audiodescription.

Crédits images : © TF1 Studio / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

Test Blu-ray / Borsalino, réalisé par Jacques Deray

BORSALINO réalisé par Jacques Deray, disponible en DVD et Blu-ray le 5 décembre 2018 chez Paramount Pictures

Acteurs : Jean-Paul Belmondo, Alain Delon, Catherine Rouvel, Françoise Christophe, Corinne Marchand, Laura Adani, Nicole Calfan, Hélène Rémy, Odette Piquet…

Scénario : Jean-Claude Carrière, Jean Cau, Jacques Deray, Claude Sautet d’après le roman « Bandits à Marseille » d’Eugène Saccomano

Photographie : Jean-Jacques Tarbès

Musique : Claude Bolling

Durée : 2h04

Date de sortie initiale : 1970

LE FILM

Quand Roch Siffredi sort de prison, c’est d’abord pour aller se mesurer, par la force du poing, à François Capella. Mais les deux gangsters vont très vite comprendre que l’union fait la force, et qu’en s’associant ils peuvent voir grand, très grand. Ils multiplient les arnaques et les coups d’éclat dans un Marseille alors aux mains des puissants chefs de clan Pauli et Marcello…

Superproduction ambitieuse et triomphale de 1970, Borsalino s’apparente à un Heat avant l’heure. Sur le tournage de La Piscine, Alain Delon découvre le recueil de nouvelles écrit par le journaliste Eugène Saccomano, Bandits à Marseille, notamment le passage consacré à Paul Carbone et François Spirito, deux figures du crime de Marseille dans les années 1930. Le comédien y voit l’argument pour s’associer à Jean-Paul Belmondo, son « rival », puisque les deux stars et artistes se disputent les faveurs des spectateurs français. Alain Delon en parle à Jacques Deray, immédiatement emballé par ce projet d’envergure puisque cela signifie que le film nécessitera une reconstitution historique et donc coûteuse. Le jeu en vaudra la chandelle puisque Borsalino, produit par Alain Delon via sa société Adel Productions, sera un succès monstre dans les salles avec plus de 4,7 millions d’entrées. Près d’un demi-siècle après sa sortie, ce polar bourré de classe fait toujours son effet. Le jeu des deux têtes d’affiche est aussi frais et jubilatoire qu’au premier jour, tandis que résonne encore et toujours la splendide composition de Claude Bolling qui s’inscrit définitivement dans toutes les mémoires.

Marseille, 1930. Roch Siffredi, un jeune voyou récemment libéré de prison, décide de retrouver sa compagne, Lola. Mais pendant qu’il purgeait sa peine, celle-ci s’est entichée d’un certain François Capella, truand lui aussi. Après une rencontre orageuse, les deux hommes deviennent amis et s’associent. Après avoir éliminé la concurrence sur le marché du poisson pour le compte de notables peu scrupuleux, ils se rendent compte qu’ils peuvent en faire plus et décident de conquérir la ville ensemble. Dénués de scrupules et imaginatifs, ils s’attaquent à un des deux parrains de Marseille nommé Poli, propriétaire d’un restaurant et de l’approvisionnement de Marseille en viande. À cause d’une fuite, l’opération de sabotage des entrepôts de viande appartenant à Poli est un échec et ils sont obligés de se retirer. Ils partent alors à la campagne pour se faire oublier, recruter de nouveaux membres dans leur bande, acheter de nouvelles armes et préparer leur vengeance.

Tout était réuni pour faire de Borsalino un immense succès populaire. Le huitième long métrage de Jacques Deray, nourri au cinéma de gangsters américains des années 1930, allie le grand cinéma populaire avec celui dit « d’auteur », au sens le plus noble du terme. La mise en scène est aussi discrète que clinquante et flamboyante (Jacques Deray était vraiment un grand cinéaste) avec cette photo sensiblement surannée du chef opérateur Jean-Jacques Tarbès, grand complice et fidèle collaborateur du réalisateur. Le soin tout particulier apporté aux décors, aux costumes, aux accessoires, aux automobiles est très impressionnant et l’argent, la production française la plus coûteuse à l’époque (14 millions de francs, en partenariat avec le studio américain Paramount Pictures), se voit à chaque plan. Mais le principal argument de vente reste bien évidemment la réunion à l’écran du duo/duel Belmondo/Delon et de ce point de vue-là tout le monde est gâté.

Sous pression du milieu marseillais et recevant quelques menaces de mort, Jacques Deray doit changer les noms de ses personnages. Carbone et Spirito deviennent ainsi Roch Siffredi (pseudo qu’utilisera le célèbre Rocco) et François Capella. Cette rivalité complice fait le charme inaltérable de Borsalino, chacun jouant sa partition sans empiéter sur celle de l’autre. Bebel avec son sourire en coin, toujours prêt à mettre une raclée à celui qui lui chercherait des noises, Delon au regard félin, d’une classe absolue, plus réfléchi que son partenaire, mais n’hésitant pas non plus à jouer du poing s’il ne peut pas faire autrement. A leurs côtés, la gent féminine se bouscule, certes reléguée au rang de damoiselles qui se pâment et se soumettent en leur présence, mais qui répondent au nom de Catherine Rouvel, Françoise Christophe, Corinne Marchand et Nicole Calfan. Des actrices qui ravissent autant les yeux que l’âme. Entre les deux félins, celui qui se taille la part du lion est l’immense Michel Bouquet dans le rôle de Maître Rinaldi.

A partir d’un premier traitement écrit par Jean Cau et Claude Sautet, Jean-Claude Carrière a su retranscrire la vie, l’atmosphère, les parfums de Marseille du début des années 1930 avec ses troquets, ses casinos clandestins, ses villas outrancières et ses politiciens véreux. L’audience se délecte de voir les acteurs mis en valeur dans leurs costumes cintrés, leur galurin sur la tête et la mitraillette Thompson à la main. L’histoire de deux petits voyous qui gagnent leur place parmi les notables de la ville et devenir les caïds de la pègre marseillaise avait évidemment tout pour remporter les suffrages des spectateurs.

En 1974, désireux de retrouver son personnage de Roch Siffredi, Alain Delon, demande à son ami Jacques Deray – ils tourneront neuf films de 1969 à 1994 – de mettre une suite en chantier. Même si Borsalino & Co. est loin d’avoir rencontré le même succès en attirant « que » 1,7 million de spectateurs, ce deuxième volet s’avère encore plus réussi. Moins bling-bling, ironique et insouciant, plus nerveux, rythmé et surtout beaucoup plus violent et sombre, Borsalino & Co. apparaît ni plus ni moins comme étant un des meilleurs films de Jacques Deray. Ce dernier semble ici plus à l’aise derrière la caméra et livre un véritable western en transformant Marseille en Far-West, enchaînant les morceaux de bravoure avec l’élégance qui a toujours caractérisé son cinéma. Mais ceci est une autre histoire.

LE BLU-RAY

Longtemps indisponible en raison de problèmes de droits, le film appartenant à Paramount Pictures, il aura fallu attendre 2009 pour que Borsalino fasse son apparition dans les bacs. Presque dix ans après son arrivée en DVD, le film de Jacques Deray dispose désormais d’une édition Blu-ray. Cette édition se compose de deux disques, le film sur galette bleue, tandis que tous les suppléments sont disponibles sur un DVD. Le menu principal est animé sur la musique de Claude Bolling.

La première partie de cette interactivité est consacrée aux archives rares de l’INA, en version intégrale inédite. Trois modules, Jacques Deray parle du film (2’15), France Roche s’entretient avec Alain Delon et Jean-Paul Belmondo (5’15) et Alain Delon et Jean-Paul Belmondo parlent de Borsalino lors de la sortie du film (9’). Dans le premier segment, le cinéaste évoque les conditions de tournage à Marseille, tandis qu’il tourne la séquence de la bagarre du début du film. Alain Delon intervient également en fin de partie.

Nous retrouvons ce dernier avec la journaliste Franche Roche, où il confie qu’il refuserait le rôle du Christ si on le lui proposait (« car il y a un Judas et que je connais la fin de l’histoire que je n’ai jamais aimée »). De son côté, Bebel revient sur la clause de son contrat qui n’a pas été respectée, qui mettait les deux comédiens à égalité sur l’affiche. En effet, le comédien s’était rendu compte que l’affiche stipulait « Alain Delon présente Jean-Paul Belmondo et Alain Delon dans Borsalino ». Les avocats des deux acteurs étaient ensuite tombés d’accord sur le fait de retirer la première mention du Alain Delon producteur, qui avait d’ailleurs refusé que son partenaire produise le film avec lui. Mais Bebel déclare alors ne pas vouloir participer à la première du film.

Le dernier segment dévoile quelques images de tournage du film Un homme qui me plaît de Claude Lelouch, avant de passer à celles de Borsalino dans les rues de Marseille. Jacques Deray et Alain Delon parlent des prises de vue et le comédien se met à rêver de films qui pourraient réunir quelques grands noms du cinéma international comme une association Belmondo/Steve McQueen.

L’éditeur propose ensuite un court extrait du film en version anglaise (1’).

S’ensuivent deux entretiens. Le premier avec l’auteur du roman Bandits à Marseille, Eugène Saccomano (10’). Le journaliste revient sur la genèse de son livre et le désir d’Alain Delon de l’adapter au cinéma. L’occasion pour l’écrivain d’évoquer les véritables Carbone et Spirito, leur mainmise sur Marseille, ainsi que le travail sur le scénario, jusqu’à la reconstitution des années 1930 et le triomphe du film au cinéma, en France, mais aussi au Japon et en Amérique du Sud.

Le meilleur rendez-vous de cette édition reste celui en compagnie de l’immense Jean-Claude Carrière (18’). C’est ici que vous en apprendrez le plus sur la genèse du projet, l’écriture du scénario (avec les menaces de la part de la pègre marseillaise), les problèmes de production, les conditions de tournage, l’entente entre les deux comédiens, le couac juridique à la sortie du film en raison de la double-apparition du nom d’Alain Delon sur l’affiche. Jean-Claude Carrière explique que trois semaines avant le début des prises de vue, le budget alors calculé en dollars est brutalement amputé de 17%, suite à une dévaluation de la monnaie. La production lui demande de retirer tout ce qui est possible du scénario, scène par scène. Le scénariste se résout à couper une grande séquence qui devait se dérouler dans un train d’époque. Charles Bluhdorn, alors le boss de la Paramount, vient en aide à Alain Delon, mais ce dernier doit alors lui céder tous les droits du film. Enfin Jean-Claude Carrière donne son avis sur ce film « fait de grâce, ensoleillé, léger », tout en revenant sur sa longue et profonde amitié avec Jacques Deray, « le meilleur cadreur que j’ai pu rencontrer dans le monde du cinéma ».

L’éditeur livre d’autres interviews, celles des comédiens du film, réalisées à l’occasion de la sortie en DVD de Borsalino en 2009 : Michel Bouquet (7’), Nicole Calfan (7’), Françoise Christophe (6’30), Corinne Marchand (4’30) et Catherine Rouvel (6’30). Chacun y va de ses souvenirs enjoués et émus, liés au tournage de Borsalino, ainsi que sur leur collaboration avec Jacques Deray, Alain Delon et Jean-Paul Belmondo. Michel Bouquet se remémore celui « extraordinaire » de la lecture du scénario et de son plaisir d’interpréter ce rôle d’avocat qu’il considérait comme étant le plus beau du film. Il est visiblement ravi de parler de Jacques Deray, « un homme qui avait l’élégance du coeur, un être humain exceptionnel ». Nicole Calfan revient sur son casting (très drôle) et de ses allers-retours quotidiens entre Paris et Marseille pendant 12 jours, puisque la comédienne jouait à la Comédie-Française et ne pouvait obtenir un congé pour se rendre sur le tournage de Borsalino. Tout le monde se souvient d’un Alain Delon protecteur et généreux, et d’un Bebel gouailler, charmeur et très drôle avec toute l’équipe.

L’autre moment indispensable de cette édition est l’interview du grand compositeur Claude Bolling (21’), entrecoupée par des interventions du musicologue Stéphane Lerouge qui analyse le travail du maestro. Le premier, confortablement installé chez lui, aborde la création des différents thèmes de Borsalino, tout en se mettant au piano pour nous faire une petite démonstration. Quant à Stéphane Lerouge, il revient sur la fructueuse collaboration Bolling-Deray (9 longs métrages et téléfilms) et l’on apprend qu’une partie de la musique du film était diffusée sur le plateau afin de mettre les comédiens et le reste de l’équipe dans l’ambiance des années 1930.

Assis sur le sofa rouge de son émission Vivement dimanche, Michel Drucker intervient également sur cette édition (7’30). Le Highlander de la télévision française était encore reporter sportif au moment du tournage de Borsalino. Envoyé à Marseille pour couvrir un match de l’OM, Michel Drucker avait pu assister au tournage du film de Jacques Deray, qui l’intimidait beaucoup. Il partage ici ses anecdotes, notamment liées aux comédiens.

Veuve du cinéaste, Agnès Vincent-Deray propose un formidable portrait (15’30) de son époux, l’homme et le cinéaste, tout en parlant longuement et posément de la longue association du réalisateur avec Alain Delon, « une tendresse amoureuse, une complicité faite d’admiration réciproque ». Elle revient également sur les différentes étapes de la carrière de Jacques Deray, avant d’en venir plus précisément sur la genèse, la production (les costumes, les décors), le tournage, la fin alternative (avec quelques pages du scénario original à l’appui) et la sortie de Borsalino.

Enfin, nous terminons par un entretien (19’) avec le grand Alain Delon (il vous en prie), souriant, disponible et très heureux de partager moult anecdotes sur Borsalino. Certes, le comédien arrive en fin de partie et ses propos sont quelque peu redondants avec ce qui a déjà été dit à plusieurs reprises au cours des suppléments précédents, mais les entendre raconter par Alain Delon ça n’a pas de prix. Beaucoup s’amuseront une fois de plus à l’entendre parler de lui-même à la troisième personne, mais le monstre du cinéma français paraît spontané et détendu (en jean et pieds nus) quand il aborde les étapes de cette superproduction (le difficile montage financier est d’ailleurs évoqué), les conditions de tournage et son œil brille quand il évoque Jacques Deray.

L’Image et le son

Borsalino a été restauré en 4K par Paramount Pictures avec le concours de la succession de Jacques Deray, et de Crossing. Les travaux de restauration ont été menés par L’Image retrouvée. La séquence inaugurale et le générique font tout d’abord très peur avec des couleurs pâles, une succession de plans flous, des fourmillements. Il faut attendre la fin des credits pour que ce nouveau master restauré HD se révèle. Alors, si tout n’est pas parfait loin de loin, le Blu-ray de Borsalino tient ses promesses avec notamment une solide restitution des partis pris originaux de la luxueuse photographie de Jean-Jacques Tarbès. C’est brillant, la soie et le velours se font ressentir, le piqué est agréable, la texture argentique flatteuse et la profondeur de champ éloquente. Certaines séquences diurnes sont luminescentes (voir celle où les deux acteurs sortent de l’eau) et les teintes chromatiques brillent de mille feux, malgré quelques contrastes sans doute trop appuyés. N’oublions pas la propreté de la copie. Un grand bond en avant entre le DVD sorti en 2009 et cette édition HD.

Le célèbre ragtime de Claude Bolling n’a jamais été aussi agréable aux oreilles et dynamique qu’à travers cette piste DTS-HD Master Audio Mono 2.0. Les dialogues sont propres et ardents, les effets percutants et le spectacle est garanti. L’éditeur joint également les sous-titres français destinés aux spectateurs sourds et malentendants.

Crédits images : © Paramount Pictures France / Captures Blu-ray et DVD : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

 

 

Test Blu-ray / Au grand balcon, réalisé par Henri Decoin

AU GRAND BALCON réalisé par Henri Decoin, disponible en combo DVD/Blu-ray le 7 novembre 2018 chez Pathé

Acteurs :  Georges Marchal, Pierre Fresnay, André Bervil, Félix Oudart, Janine Crispin, Paul Azaïs, Germaine Michel, Abel Jacquin, Clément Thierry…

Scénario : Joseph Kessel, Marcel Rivet

Photographie : Nicolas Hayer

Musique : Joseph Kosma

Durée : 1h56

Année de sortie : 1949

LE FILM

Tous les habitants de la pension de famille toulousaine Au Grand Balcon sont possédés par le goût de l’aventure. Carbot, chef de l’Aéropostale de Toulouse, veut prolonger la ligne vers l’Amérique…

En introduction et sur un montage d’images d’archives, la voix inimitable de l’immense Pierre Fresnay indique qu’Au grand balcon n’a pas pour vocation de relater les faits réels avec une précision documentaire, mais de rendre avant tout hommage aux pionniers de l’aviation civile française, « la plus belle, la plus grande, en date, en sacrifice, en légendes, en étendue ». Très empathique et sincère, ce prologue indique d’emblée le soin tout particulier apporté à cette histoire par le cinéaste Henri Decoin (1890-1969), orthographié ici Henry. Ancien pilote de l’Escadrille des Cigognes pendant la guerre 14-18, le réalisateur signe ici l’un de ses films les plus personnels. Ecrit avec Joseph Kessel (lui-même ancien aviateur et l’auteur d’une biographie sur Jean Mermoz en 1939), Au grand balcon s’inspire de la véritable histoire de la création de l’Aéropostale et de ses deux grandes figures, Didier Daurat, directeur des Lignes aériennes Latécoère, et l’aviateur Jean Mermoz, appelés Carbot et Fabien dans le film, interprétés ici par Pierre Fresnay et Georges Marchal. Sorti en 1949, ce long métrage n’a rien perdu de son charme et reste un formidable moment, animé par la passion de son metteur en scène.

Les années 1920, à Toulouse. Carbot, responsable de l’aéropostale, rêve de prolonger sa ligne en traversant l’Atlantique. Dur à lui-même et aux autres, il exige une discipline aveugle pour un rendement maximum. Un ancien pilote de guerre, Fabien, est tenu à l’écart par Carbot jusqu’au jour où un pilote meurt accidentellement : Fabien, en pleine tempête de neige, transportera le courrier. Il échoue lui aussi et n’est sauvé que de justesse. Pour donner une leçon à tous, c’est Carbot lui-même qui prend le courrier. Fabien sera le chef d’un relais en Afrique et « la ligne » se développera de jour en jour. Chaque soir, les jeunes pilotes intrépides logent au « Grand Balcon » au milieu de fonctionnaires, de retraités et de petits rentiers. Une pension de famille tenue par Adeline et Françoise, deux soeurs qui adoptent leurs turbulents locataires et qui bousculent tout ce petit monde.

Un film à la gloire de l’Aéropostale, mais aussi un portrait des locataires du Grand balcon, le quartier général de ces jeunes pilotes travaillant au développement des liaisons aériennes. Ils sont sous les ordres de Carbot, qui ne vit que pour « la ligne » et qui impose une stricte discipline à ses hommes. Il se soucie peu – du moins en apparence – des existences sacrifiées à son idéal. Jean Fabien, héros de la guerre de 1914, tient tête à Carbot et se heurte constamment à lui. Même si les deux personnages principaux ne s’appellent pas comme cela dans le film, les spectateurs passionnés par le sujet de l’Aéropostale reconnaîtront Daurat et Mermoz. Pierre Fresnay, impérial, droit comme un i, la voix imposante et sèche, campe un Carbot-Daurat impitoyable, strict et dur, guidé par son rêve, prêt à tout pour le concrétiser. Georges Marchal est parfait dans cette représentation de Mermoz aka Fabien dans Au grand balcon. Sa stature, ses épaules sculptées, son charisme rappellent évidemment « l’Archange » disparu accidentellement en 1936 à l’âge de 34 ans.

Ancien sportif, nageur et joueur de water-polo, champion de France du 500m nage libre dans les années 1910, Henri Decoin connaît la persévérance et l’obstination. Officier de cavalerie, de zouaves puis d’aviation durant la Première Guerre mondiale, il devient également chef d’escadrille. Aimant le défi, le risque et le danger, le cinéaste du merveilleux Les Amoureux sont seuls au monde (1947) a voulu faire le plus brillant des éloges à ses modèles et inspirations. Formidablement mis en scène, Au grand balcon compte moult personnages, tous animés par cette envie irrépressible de voler, d’aller toujours plus loin, toujours plus haut. S’ils ont conscience de risquer leur vie chaque fois qu’ils quittent le plancher des vaches, ces jeunes hommes chevronnés entre 20 et 30 ans ne manqueraient jamais l’occasion de prendre place dans un cockpit et de s’envoler.

Les dialogues signés Joseph Kessel rendent compte de ce feu ardent qui les consume à chaque instant, tandis qu’Henri Decoin, qui avait déjà abordé le thème de l’aviation dans Les Bleus du ciel en 1933, soigne le cadre (très belle photo de Nicolas Hayer) et privilégie les séquences intimistes aux scènes aériennes (quasi-absentes), avec en fond la composition romanesque de Joseph Kosma. Au grand balcon est un grand film d’aventures, une épopée humaniste, passionnante et très attachante.

LE BLU-RAY

Les deux disques de ce combo Pathé reposent dans un Digipack à deux volets, glissé dans un surétui cartonné au visuel très élégant. Le menu principal est animé sur la musique de Joseph Kosma.

Tout d’abord et c’est devenu une habitude, Pathé nous gratifie de trois petits modules tirés de ses archives. Les sujets d’actualité sont évidemment en rapport avec le film qui nous intéresse puisque nous y voyons l’inauguration des premières lignes postales aériennes françaises (2’30), la disparition de Jean Mermoz et de ses compagnons (2’45) et les pionniers de la poste aérienne (2’50). Des images toujours impressionnantes à découvrir.

Le bonus le plus conséquent est l’entretien croisé avec l’écrivain Didier Decoin, fils du réalisateur Henri Decoin, et d’Olivier Margot, journaliste et auteur avec Benoît Heimermann de L’Aéropostale publié chez Broché en 2010 (45’). Ce module propose un formidable portrait du cinéaste Henri Decoin, l’homme et l’artiste, le père, le mari, l’ancien aviateur et metteur en scène, qui a mis beaucoup de lui-même dans son film Au grand balcon. Olivier Margot propose également un retour sur l’histoire et les étapes déterminantes de l’Aéropostale française, tout en louant la reconstitution d’Henri Decoin, ainsi que la représentation à peine dissimulée dans le film de Jean Mermoz et de Didier Daurat, sans oublier celle des autres pionniers de l’air. Lent, mais maîtrisé, ce documentaire est aussi informatif qu’attachant, surtout lorsque Didier Decoin, 73 ans, évoque la passion de l’aviation de celui qu’il appelle encore très affectueusement « papa ».

L’Image et le son

La restauration numérique 4K a été réalisée par le laboratoire L’Immagine Ritrovata à partir du négatif original. Le nouveau master HD de Au grand balcon au format 1.37 respecté impressionne par son piqué, par la gestion des contrastes (noirs denses, blancs lumineux), ses détails ciselés (voir les nombreux gros plans) et son relief. La propreté de la copie est souvent sidérante, même chose pour sa stabilité, la profondeur de champ est éloquente, et la superbe photo signée par le grand et pourtant souvent oublié Nicolas Hayer (Le Corbeau, Orphée, Le Doulos) retrouve une nouvelle jeunesse doublée d’un superbe écrin, avec un grain d’origine heureusement été préservé. Les fondus enchaînés sont également fluides et n’occasionnent pas de décrochages. Les stockshots utilisés pour le prologue sont plus marqués par les affres du temps. Notons également un fil en bord de cadre qui a visiblement donné quelques suées aux magiciens de la restauration, ainsi qu’une séquence à la définition étrangement chancelante, celle où Fabien tente de s’en sortir après son crash dans les Pyrénées (à 1h07).

La piste mono restaurée bénéficie d’un encodage en DTS HD-Master Audio. Si quelques saturations et chuintements demeurent inévitables, l’écoute se révèle fluide, équilibrée, limpide. Aucun craquement intempestif ne vient perturber l’oreille des spectateurs, les ambiances sont précises et les dialogues clairs. Les sous-titres anglais et français destinés au public sourd et malentendant sont également disponibles, ainsi qu’une piste Audiovision.

Crédits images : © Pathé Films / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

Test Blu-ray / Emmanuelle et Françoise, réalisé par Joe D’Amato

EMMANUELLE ET FRANÇOISE (Emmanuelle e Françoise – Le Sorelline) réalisé par Joe D’Amato, disponible en combo Blu-ray/DVD chez Le Chat qui fume

Acteurs :  George Eastman, Rosemarie Lindt, Annie Carol Edel, Patrizia Gori, Maria Rosaria Riuzzi, Massimo Vanni, Eolo Capritti, Giorgio Fieri…

Scénario : Joe D’Amato, Bruno Mattei

Photographie : Joe D’Amato

Musique : Gianni Marchetti

Durée : 1h37

Année de sortie : 1975

LE FILM

Humiliée jour après jour par son petit ami Carlo, Françoise finit par se suicider. Venue reconnaître le corps de sa sœur, Emmanuelle récupère une lettre dans laquelle Françoise relate toutes les souffrances endurées auprès de l’homme qu’elle aimait. Dès lors, Emmanuelle va tout mettre en œuvre pour retrouver Carlo et se venger de la plus cruelle des façons.

Quel film de cinglé ! Emmanuelle et Françoise aka Le Sorelline en version originale, est réalisé en 1975 par le prolifique Joe D’Amato, l’un des multiples pseudonymes (on lui en prête une bonne cinquantaine) du cinéaste, directeur de la photographie, cadreur et scénariste italien Aristide Massaccesi (1936-1999). Près de deux cent films en 27 ans de carrière (de l’horreur, du porno, du western…), un vrai record. 1975 est une « petite » année pour Joe D’Amato, puisqu’il ne réalise que deux longs métrage, là où il est parfois habitué à en boucler plus de vingt en douze mois ! Bill Cormack le fédéré est le premier et le second est bien évidemment celui qui nous intéresse. Emmanuelle et Françoise est un film d’exploitation, sorte de vigilante movie mâtiné de rape & revenge, d’érotisme et d’une touche de cannibalisme, séquence qu’affectionnait le sous-genre de la nazisploitation. Mais pas de relecture du IIIème Reich ici hein, Le Sorelinne est un film bien contemporain et cette séquence de boustifaille pas très catholique, même si évidemment gratuite, n’est là que pour illustrer la psyché chamboulée par la drogue du prisonnier qui perd alors complètement les pédales. Emmanuelle et Françoise est bien sûr un film réservé à un public savamment averti, devant lequel il n’est pas interdit de prendre son pied devant « l’hénaurmité » de la chose. Joe D’Amato ne recule devant aucune faute de (mauvais) goût pour satisfaire alors une audience venue voir le film pour cette raison.

Emmanuelle est bien décidée à venger sa soeur, qui s’est suicidée après avoir réussi à échapper à Carlo, un admirateur sadique et pervers. Après avoir capturé Carlo, elle l’enferme dans une cave, le drogue, et le force à observer des actes sexuels. Carlo, sous l’emprise des drogues, commence à avoir des hallucinations et à rêver de cannibalisme…

Voilà. Le synopsis permet à Joe D’Amato de s’en donner à coeur joie en nous montrant des viols, des boobs, des fesses rebondies, mais aussi des bites, des torses velus, de la sueur. Non seulement ça, le bougre se permet d’éclairer joliment tout ce bazar avec une photo aussi soignée que le cadre. Si ce qui est montré à l’écran est parfois dégueulasse, on ne peut pas dire que la forme le soit. Chef opérateur avant tout, l’ami Joe s’amuse à nous raconter une fable perverse, dépravée, vicieuse, cynique et malsaine, avec sûrement un grand sourire derrière la caméra. De plus, le récit prend son temps sans ennuyer.

La première partie essentiellement constituée de flashbacks retrace l’existence douloureuse de Françoise (belle et fragile Patrizia Gori) auprès de son amant Carlo (vénéneux et puant George Eastwman), qui ne cesse d’abuser d’elle, de l’humilier, de l’exposer, de la prostituer et de la mettre dans les bras d’autres hommes, en guise de monnaie d’échange ou pour rembourser ses dettes de jeu qui s’accumulent. Jusqu’au jour où Françoise, surprenant Carlo dans les bras d’une nouvelle conquête, arrive au bout du rouleau et décide de se jeter sous un train. Elle laisse alors à sa sœur Emmanuelle (Rosemarie Lindt, vue dans Qui l’a vue mourir ? d’Aldo Lado) une lettre où elle lui explique tout. Emmanuelle prépare alors sa vengeance et décide de séduire Carlo en le menant par le bout de la queue, du nez pardon, jusqu’à son habitation où elle parvient à l’enfermer dans une pièce dissimulée et insonorisée derrière un miroir sans tain. Attaché, drogué, Carlo perd pied, mais arrivera-t-il à s’évader ?

Joe D’Amato installe tranquillement ses personnages, avant de se lâcher dans le deuxième acte qui démarre quand Carlo se retrouve prisonnier. Cette fois, le réalisateur (aidé par son coscénariste Bruno Mattei, d’après un film grec de 1969, The Wild Pussycat) en vient aux choses sérieuses, autrement dit aux nanas qui se mettent à oilp, un trio saphique fait place à une séquence hallucinante (sous hallucinogène pourrait-on dire) où des convives commencent à se masturber mutuellement pendant qu’ils dévorent des organes humains, ainsi que quelques membres comme une main ou un pied, devant un George Eastman qui en fait des caisses, les yeux révulsés, la bave aux lèvres. Osons le dire, Emmanuelle et Françoise, considéré comme l’un des meilleurs films de son auteur, est une bonne série B, parfois limite série Z il est vrai, mais qui remplit aisément le contrat signé avec les spectateurs, qui en ont pour leur argent en ce qui concerne le spectacle peu ragoutant et qui permet en même temps de se rincer l’oeil.

C’est là toute la maestria d’un expert en la matière, qui connaissait son taf, qui le faisait bien, qui savait ce qu’on attendait de lui et qui donnait tout pour ne décevoir personne, afin de passer au projet suivant. Mesdames et messieurs, saluons Joe D’Amato.

LE BLU-RAY

Vous avez entre les mains l’édition limitée à 1000 exemplaires d’Emmanuelle et Françoise, destinée à un « public averti et pervers » comme c’est indiqué sur l’étui cartonné ! Le chat qui fume a de nouveau sorti les griffes avec ce superbe Digipack 3 volets, où sont confortablement logés le Blu-ray et les deux DVDs. Le menu principal est animé sur la scène du repas. Le visuel est quant à lui magnifique.

Plus de 2h45 de suppléments au programme !

On commence par un entretien avec le comédien Luigi Montefiori, véritable nom de George Eastman (24’). Egalement scénariste sur une soixantaine de films et réalisateur, l’intéressé ne mâche pas ses mots sur son complice Joe D’Amato, pour lequel il avait une grande affection, qu’il encense en tant que cadreur et directeur de la photographie, mais dont il regrette l’appât du gain qui a eu raison de sa carrière. George Eastman déclare : «Aristide aurait pu s’élever, mais il a au contraire régressé car il se contentait des miettes et restait finalement toujours en ligue 2. Même en Nationale. Je voyais son potentiel, mais ses projets restaient toujours de bas étage». Leurs multiples associations sont passées au peigne fin, ainsi qu’Emmanuelle et Françoise, film qu’il n’apprécie pas beaucoup en raison de ses scènes trash et pour lequel il a repris une grande partie du scénario. Le casting est aussi abordé.

Place à Maria Rosaria Riuzzi, actrice qui incarne Pamela dans Emmanuelle et Françoise, l’une des trois participantes au threesome. Cette interview (14’30) a peu d’intérêt puisque le personnage est évidemment mineur (au sens propre comme au figuré d’ailleurs), mais l’invitée est sympathique et donne quelques informations sur les conditions de tournage.

Ne manquez pas la géniale intervention de Sébastien Gayraud (49’), auteur de Joe D’Amato : Le réalisateur fantôme (dispo chez Artus Films). C’est ici que vous en apprendrez énormément sur le maître de l’horreur et de l’érotisme à l’italienne. Anthropophagous, Blue holocaust, Horrible, références incontournables du gore, la série des Black Emanuelle, icône des années 70, autant de titres connus dans une filmographie inconnue qui traverse tous les genres : western, péplum, Mondo movie, sous Mad Max, héroïc fantasy et jusqu’au porno hard. Des années 60 aux années 90 (tout le monde ou presque se souvient de ses téléfilms érotiques diffusés en troisième partie de soirée le dimanche sur M6), une œuvre  étrange, excessive, outrancière, traversée de bout en bout par une dose de folie. Sexe, violence, démence macabre sont au rendez-vous de cette présentation exceptionnelle sur l’une des références mondiales, Joe D’Amato. Tout cela ne serait pas complet sans l’analyse d’Emmanuelle et Françoise, où les thèmes récurrents du réalisateur comme la frustration, la castration, le voyeurisme sont analysés.

Last but not least, Le Chat qui fume nous offre 79 minutes en compagnie de monsieur Aristide Massaccesi aka Joe D’Amato ! Dans cette émission ponctuée d’extraits et d’une interview de George Eastman, le réalisateur est visiblement très heureux de revenir sur la partie de son incroyable carrière consacrée aux films d’horreur. Quelques-uns de ses plus grands titres sont abordés, les anecdotes s’enchaînent, tout comme les propos sur les acteurs et ses collaborateurs. Les fans vont être aux anges.

L’interactivité se clôt sur un lot de bandes-annonces.

L’Image et le son

Joe D’Amato était avant tout directeur de la photographie. Et mine de rien, Emmanuelle et Françoise est un film qui adopte de très beaux partis pris. Le Chat qui fume transcende les volontés artistiques originales à travers un superbe master HD. Rien à redire et nous commençons à manquer d’arguments pour louer la qualité des copies proposées par l’éditeur. La propreté est évidemment au rendez-vous, tout comme la stabilité. Le générique est en langue française. L’aspect est parfois sensiblement voilé, l’éclairage luminescent, tandis que certaines scènes paraissent légèrement grisâtres ou moins définies avec des visages blafards. Les plans flous sont d’origine. C’est au final un ravissement pour les mirettes.

En italien (aux sous-titres imposés) comme en français, le confort acoustique est conséquent avec une excellente restitution des dialogues et de la musique de Gianni Marchetti. Pas de souffle constaté, c’est fluide et dynamique.

Crédits images : © LE CHAT QUI FUME / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

 

Test Blu-ray / Mon ket, réalisé par François Damiens

MON KET réalisé par François Damiens, disponible en DVD et Blu-ray le 21 novembre 2018 chez Studiocanal

Acteurs : François Damiens, Matteo Salamone, Tatiana Rojo, Christian Brahy, Serge Hutry, Nancy Sluse…

Scénario : François Damiens, Benoît Mariage, Thomas Bidegain

Photographie : Virginie Saint-Martin

Durée : 1h29

Date de sortie initiale : 2018

LE FILM

Dany Versavel a un souci avec son fils : à 15 ans, Sullivan ne veut plus d’un père qui fait le king derrière les barreaux. Pour Dany, son « ket », c’est sa vie, hors de question de le laisser filer. Il décide donc de s’évader de prison prématurément ! Entre cavales, magouilles et petits bonheurs, il a tant de choses à lui enseigner. Un apprentissage à son image. Au pied de biche, sans pudeur ni retenue. Mais là où l’on pouvait craindre le pire, se cache peut-être le meilleur…

François Damiens revient aux caméras cachées, pour le pire et sûrement pas pour le meilleur. Le comédien qui était expert en la matière au début des années 2000 avec son personnage devenu culte en Belgique puis en France de François l’Embrouille, passe derrière la caméra (toujours dissimulée) avec Mon ket. Pompage éhonté du génial Bad Grandpa de Jeff Tremaine avec Johnny Knoxville, ce premier long métrage, qui n’en est pas vraiment un vu le concept, ennuie du début à la fin et devient même gênant par sa nullité et ses gags supposés être drôles. On aime bien voire beaucoup François Damiens dans OSS 117 : Le Caire, nid d’espions, Dikkenek, JCVD, L’Arnacoeur, La Délicatesse, Suzanne, La Famille Bélier, mais son premier film en tant que réalisateur tombe complètement à plat et se révèle être un sacré accident de parcours.

Ce qui ne va pas en fait avec Mon ket, expression typiquement bruxelloise qui parle de la fierté d’être père, c’est son format. Si Les Onze Commandements de François Desagnat et Thomas Sorriaux, avec Michaël Youn, grand succès commercial de l’année 2004 avec 3 millions d’entrées et aujourd’hui l’un des champions des rediffusions télévisées, tenait à peu près la route, c’est parce que le film ne cherchait pas réellement à créer une histoire ou se donner des « airs de cinéma ». Tout tenait surtout sur un fil rouge sur lequel Youn et sa clique accrochaient leurs sketches pipi-caca-prout, le tout chapitré, comme sur un DVD où l’on passerait d’une scène à l’autre en appuyant sur la touche Skip, selon les (mauvais) goûts des spectateurs. Même chose pour Connasse, Princesse des coeurs avec Camille Cottin, également construit sur le même principe et dont la réussite tenait cette fois encore sur la personnalité de son excellente comédienne. Dans Mon ket, François Damiens, voulant évoquer les thèmes de la paternité de la filiation, s’évertue à vouloir donner un semblant d’émotions en « incarnant » un prisonnier qui se fait la malle dans le but de retrouver son fils, pour lui prouver qu’il sait être responsable. Grave erreur, mais pas que.

En guise d’introduction, un carton annonce les intentions et les partis pris. Comme si le réalisateur, finalement peu convaincu par le résultat lui-même, avait décidé de rajouter cette note explicative afin de bien informer son audience que les protagonistes du film sont bel et bien des victimes de canulars, si cela n’était pas clair. Mais rien ou presque ne fonctionne, même si l’on retrouve à l’écriture le nom de Benoît Mariage, auteur et metteur en scène des Convoyeurs attendent (1999). Pour ce retour aux sources, François Damiens paraît lui-même peu inspiré et à la qualité déjà médiocre des caméras cachées s’ajoute une pauvreté de « dialogues » due à un manque d’inspiration lors des improvisations. Alors, Mon ket n’est-il qu’un caprice ? On y pense tout du long.

Depuis l’arrêt de ses impostures en raison de sa célébrité croissante, François Damiens est devenu un comédien très prisé et son visage est maintenant très connu en France et en Belgique. Les scènes coupées sur le DVD montrent que les gens le reconnaissaient souvent malgré le maquillage, les prothèses dentaires, les perruques et la fausse bedaine. Du coup, son entreprise tombe à plat et les séquences, on peut parler de saynètes complètement inégales, gardées au montage (sur 600 heures de rushes !) ne sont franchement pas amusantes, ou arrachent seulement quelques sourires amusés, mais imputables surtout à la sympathie que l’on éprouve pour l’acteur. Préférez donc la version originale, Bad Grandpa, qui allait loin, bien plus que ce Ket trop sage, redondant, fatiguant, interminable et même consternant.

LE BLU-RAY

Le test du Blu-ray de Mon ket, disponible chez Studiocanal, a été réalisé à partir d’un check-disc. Le menu principal est fixe et musical.

L’interactivité vaut bien plus que le film !

Commencez donc par le segment intitulé Parole au piégés (32’), qui comme son titre l’indique compile les interventions des « victimes » de François Damiens. Certains propos valent leur pesant et le tout est illustré par quelques images inédites.

Les scènes coupées sont également bien plus drôles que celles finalement conservées au montage final (24’). C’est le cas pour un gardien de prison plus virulent envers son détenu ou le repas avec les futurs beaux-parents.

Enfin, nous trouvons également un montage de prises ratées où François Damiens est rapidement reconnu par celles et ceux qu’il souhaitait piéger (4’).

L’Image et le son

Tourné entièrement, ou presque, en caméra cachée, l’apport HD pour Mon ket est évidemment extrêmement limité. Les prises de vue sont parfois effectuées à travers des glaces sans tain, avec des mini-caméras, des caméras de surveillance et autres prismes. La définition est donc aléatoire, quelques flous s’invitent souvent à la partie et le piqué des champs-contrechamps peut varier au cours d’une même séquence. Un petit plus en netteté sur les parties « fictives » à la mise en scène plus traditionnelle, mais le Blu-ray est largement dispensable sur un titre comme Mon ket.

Comme pour l’image, la piste DTS-HD Master Audio 5.1 ne sert pas à grand-chose ici. Peut-être lors de l’évasion en hélicoptère ou pour spatialiser la bande-son (notamment le Felicità d’Al Bano et Romina Power) et la séquence du karaoké où tout le monde entonne Pour le plaisir d’Herbert Léonard. Le reste du temps, l’acoustique se concentre sur les frontales et essentiellement sur la centrale où les dialogues ressortent sans peine. L’éditeur joint également une piste Audiodescription, ainsi que les sous-titres destinés aux spectateurs sourds et malentendants.

Crédits images : © Studiocanal/ Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

Test Blu-ray / Enfer mécanique, réalisé par Elliot Silverstein

ENFER MÉCANIQUE (The Car) réalisé par Elliot Silverstein, disponible en DVD et Blu-ray le 12 décembre 2018 chez Eléphant Films

Acteurs : James Brolin, Kathleen Lloyd, John Marley, R.G. Armstrong, John Rubinstein, Elizabeth Thompson…

Scénario : Michael Butler, Dennis Shryack, Lane Slate

Photographie : Gerald Hirschfeld

Musique : Leonard Rosenman

Durée : 1h36

Date de sortie initiale : 1977

LE FILM

Une énorme berline noire roule à tombeau ouvert sur la route du désert. Est-ce un fantôme, un démon ou le diable lui-même? Cette voiture commence à terroriser les habitants d’une petite ville du Nouveau-Mexique. Les policiers du comté, menés par le shérif Everett et le capitaine Wade Parent, commencent l’enquête. Le soir, Everett est à son tour fauché sur la grande rue du village.

Prenez un shaker. Mettez-y une bonne dose de Duel (1971) de Steven Spielberg. Pendant que vous y êtes, incorporez quelques grammes des Dents de la mer (1975). Bon d’accord, un requin ne peut se déplacer sur le bitume, alors par quoi peut-on le remplacer ? Hum. Une voiture fera l’affaire. Secouez tout cela et versez. Voici Enfer mécaniqueThe Car, grand classique de la fin des années 1970 qui surfait de façon opportuniste sur les deux hits de maître Spielberg qui venait de révolutionner le divertissement hollywoodien. Alors oui, la mise en scène du dénommé Elliot Silverstein (Cat Ballou) ne peut être comparée à celle de son confrère, mais Enfer mécanique tient bien la route, c’est le cas de le dire, et reste un excellent moment qui mine de rien annonce le roman Christine de Stephen King et son adaptation par John Carpenter écrit et réalisé 6 ans plus tard. James Brolin et sa moustache contre une voiture démoniaque, action !

L’histoire se déroule à Santa Ynez, communauté située dans les montagnes de l’État de l’Utah. Une voiture noire non-identifiée fonce sur le bitume qui traverse le désert. Elle frappe d’abord deux cyclistes dans les montagnes, puis un auto-stoppeur aux abords de la ville. La brigade du coin dirigée par le shérif Everett et le capitaine Wade Parent est appelée sur les lieux. Alors qu’il se prépare à rentrer chez lui, Everett est percutée par l’inquiétante voiture. Une vieille dame, témoin de l’incident, affirme aux policiers que la voiture était vide : il n’y avait personne à la place du chauffeur. Cette déclaration trouble profondément Parent. Le lendemain matin, la voiture s’attaque à un groupe d’enfants en train de pratiquer une fanfare. Les enfants et leurs professeurs parviennent à se réfugier dans le cimetière de l’endroit où il semble qu’elle n’ose pas pénétrer, malgré les insultes proférées par Lauren, l’une des institutrices et petite amie du capitaine Parent. La voiture repart vers le désert avec toute une escouade de voitures policières derrière elle. Elles sont toutes détruites et Wade est blessé dans l’affrontement. Celui-ci se réveille dans un hôpital et constate avec les policiers survivants qu’il semble s’agir d’une voiture ayant une origine démoniaque.

Quasi-remake de Jaws où James Brolin remplacerait Roy Scheider dans un rôle copier-coller sur le célèbre Chef Brody, Enfer mécanique vaut pour chacune des apparitions de la magnifique voiture infernale conçue par le célèbre George Barris, le créateur de la sublime Batmobile de la série télévisée Batman des années 1960. Cette berline Lincoln Continental Mark III 1971 vole littéralement la vedette aux vraies stars du film et le metteur en scène parvient à lui donner une véritable identité, ainsi qu’une âme méphistophélique en adoptant parfois son point de vue enflammé. Une fois le postulat de départ accepté, The Car embarque les spectateurs dans un néo-western tourné dans d’incroyables paysages sauvages de Glen Canyon et le parc national de Zion qui se prêtent à merveille pour ce rodéo inattendu entre des flics dépassés par les événements et une monture sauvage et déchaînée qu’ils n’arrivent pas à attraper au lasso, ou à l’assaut plutôt.

Les meurtres perpétrés par la berline sont particulièrement brutaux, à l’instar de celui des deux cyclistes qui ouvre le film, ainsi que la séquence surréaliste, mais particulièrement efficace où la bagnole fonce à travers la maison pour happer sa victime qui l’avait alors invectivé quelques heures auparavant, avant de repartir à fond les ballons sur l’asphalte à coups de klaxon dans le vent poussiéreux. La plupart du temps, les acteurs sont réduits au rang de marionnettes, conscients que leur sort importe peu aux spectateurs, qui attendent avec impatience la prochaine apparition de la berline. Toutefois, James Brolin et la clique, Kathleen Lloyd, John Marley, R.G. Armstrong, Ronny Cox, tous habitués à la rubrique « On ne sait jamais comment ils s’appellent », assurent du début à la fin en apportant suffisamment de crédi-(dé)-bilité à l’entreprise. Les scénaristes Dennis Shryack et Michael Butler, auteurs de L’Epreuve de force et Pale Rider – Le cavalier solitaire de Clint Eastwood, regorgent d’imagination et parviennent à faire de leur prédateur blindé un « monstre » à part entière.

Le final dans le canyon est sans doute en dessous des espérances, mais Enfer mécanique contient son lot de scènes marquantes (celle du garage où la bagnole tente d’étouffer le héros avec ses gaz d’échappement) et son statut culte est mérité car cette série B a bien vieilli et se voit encore aujourd’hui avec plaisir comme un ersatz pas honteux de Jaws.

LE BLU-RAY

Le test du Blu-ray d’Enfer mécanique, disponible chez Elephant Films, a été réalisé à partir d’un check-disc. Le menu principal est animé et musical.

Nous ne sommes pas particulièrement fans du journaliste en culture pop Julien Comelli. Aussi énervant qu’un membre de jury d’un télé-crochet du style Jean-Marc Généreux (c’est dire), l’invité d’Elephant Films fait un sketch jamais drôle tout en donnant quelques informations sur la genèse, la production, le casting, la voiture et la sortie d’Enfer mécanique (23’). Ce supplément est aussi particulièrement mal réalisé et part un peu dans tous les sens.

L’interactivité se clôt sur des liens internet et un lot de bandes-annonces.

L’Image et le son

Superbe ! Entièrement restauré, Enfer mécanique est enfin proposé dans une édition digne de ce nom, en Blu-ray au format 1080p. Le moins que l’on puisse dire, c’est que ce lifting lui sied à ravir. Tout d’abord, la copie affiche une propreté incontestable, aucune scorie n’a survécu à l’attention des restaurateurs, la clarté HD et la colorimétrie pimpante flattent les rétines sur les séquences en extérieur. Dès la fin du générique d’ouverture, marqué par un grain plus prononcé, les contrastes trouvent une fermeté inédite, le piqué est renforcé et les noirs plus denses, les détails sur les décors abondent, sans oublier la profondeur de champ. Certes, quelques plans peuvent paraître plus doux en matière de définition, mais jamais le film d’Elliot Silverstein n’avait jusqu’alors bénéficié d’un tel traitement de faveur.

Enfer mécanique est disponible en version originale et française DTS HD Master Audio 2.0. La première instaure un confort acoustique plaisant avec une délivrance suffisante des dialogues, des effets annexes convaincants et surtout une belle restitution de la musique. La piste française est du même acabit et le doublage est particulièrement réussi. Les deux options acoustiques sont propres et dynamiques.

Crédits images : © Universal Pictures / Elephant Films / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

 

Test Blu-ray / Miss Daisy et son chauffeur, réalisé par Bruce Beresford

MISS DAISY ET SON CHAUFFEUR (Driving Miss Daisy) réalisé par Bruce Beresford, disponible en Combo Collector Blu-ray + DVD le 7 novembre 2018 chez Pathé

Acteurs : Morgan Freeman, Jessica Tandy, Dan Aykroyd, Patti LuPone, Esther Rolle, Jo Ann Havrilla, William Hall Jr., Alvin M. Sugarman…

Scénario : Alfred Uhry d’après sa pièce de théâtre

Photographie : Peter James

Musique : Hans Zimmer

Durée : 1h39

Date de sortie initiale : 1989

LE FILM

À la fin des années 1940, miss Daisy, une vieille dame juive vivant à Atlanta en Géorgie, institutrice à la retraite, se retrouve dans l’incapacité de conduire sa voiture sans l’endommager. Son fils, Boolie, patron d’une filature de coton, décide d’embaucher un chauffeur, malgré les réticences de sa mère. Son choix se porte sur Hoke, un homme noir chrétien d’une cinquantaine d’années, volontaire et sympathique. Néanmoins, Boolie prévient Hoke qu’il restera sous son autorité afin de lui éviter d’être congédié pour une raison futile par sa mère, une femme au caractère acariâtre. Au fil du temps, le chauffeur parvient à apprivoiser sa patronne, et c’est ainsi que va se tisser une amitié sincère qui durera 25 ans.

A sa sortie aux Etats-Unis en décembre 1989, Miss Daisy et son chauffeur Driving Miss Daisy est LE film phénomène. A l’origine, la MGM devait investir plus de 15 millions de dollars dans ce projet, avant de se retirer devant l’engagement de deux têtes d’affiche méconnues du grand public. Produit finalement pour un petit budget de 7 millions de dollars, le film en rapporte plus de 100 millions rien que sur le sol américain. Très vite, les spectateurs ont le coup de foudre pour les personnages merveilleusement incarnés par Morgan Freeman, Jessica Tandy et Dan Aykroyd. Portée par l’engouement de la presse et des spectateurs, cette production Richard D. Zanuck se permettra même d’aller jusqu’aux Oscars, où le film raflera quatre statuettes dont celles convoitées de la meilleure actrice pour Jessica Tandy, qui à 80 ans devient alors la lauréate la plus âgée de l’histoire, ainsi que celle du meilleur film face au Cercle des poètes disparus de Peter Weir, My Left Foot de Jim Sheridan et Né un 4 juillet d’Oliver Stone.

Morgan Freeman, habitué des deuxièmes voire des troisièmes rôles au cinéma, devient une star du jour au lendemain, même s’il venait juste de se faire remarquer (et récompenser à juste titre) dans La RueStreet Smart de Jerry Schatzberg. Suite à ce triomphe qui lui vaut un Golden Globe, l’Ours d’argent de la meilleure distribution (partagé avec sa partenaire) et une nomination aux Oscars, il est ensuite appelé par Edward Zuick, Brian De Palma, Kevin Reynolds, Clint Eastwood et Frank Darabont. Sa vraie carrière sur grand écran commençait véritablement. Aujourd’hui, Miss Daisy et son chauffeur est ce qu’on appelle vulgairement un feel-good movie. Sa réputation n’est plus à faire, son aura est toujours intacte trente ans après et le film reste très chéri par les spectateurs du monde entier.

Oublions les discours et certaines mauvaises langues qui dénigrent le film de Bruce Beresford en prétextant que le film passe quasiment sous silence la véritable condition des afro-américains aux Etats-Unis de la fin des années 1940 au début des années 1970. Certes, Miss Daisy et son chauffeur ne s’encombre pas réellement de discours politique. Cela étant, le contexte social est bel et bien présent, d’autant plus que le personnage magnifiquement interprété par Jessica Tandy, révélation tardive au cinéma grâce à Cocoon de Ron Howard, se rend à un discours de Martin Luther King dans la dernière partie. Le réalisateur australien Bruce Beresford (Son alibi avec Tom Selleck) et le scénariste Alfred Uhry, également l’auteur de la pièce de théâtre originale qui lui vaudra le prix Pulitzer en 1987, ne sont pas là pour retracer l’histoire de la ségrégation raciale américaine. Les deux hommes en sont évidemment conscients et ce qui leur importe ici est de raconter une histoire d’amitié inattendue entre deux individus d’âge mûr, opposés par leur religion, leur statut social et leur couleur de peau. Un récit étalé sur un quart de siècle, aux ellipses soudaines, avec un vieillissement des personnages assez réussi, sans tomber dans le piège souvent récurrent des maquillages outranciers. La performance des trois comédiens principaux, car il ne faut pas oublier le superbe Dan Aykroyd, prime sur les cheveux blanchis, sur les rides creusées artificiellement, sur les lunettes aux verres grossissants.

Les dialogues sont aussi imparables que justes. On suit allègrement Hoke Colburn (Morgan Freeman donc) essayer de gagner pas à pas la confiance de Daisy Werthan, tout en ayant le soutien et la confiance du fils de cette dernière. Cette dame et son chauffeur doivent affronter tous les deux le regard des antisémites pour la première et celle des racistes pour le second. Ce qui sera un premier pas vers l’entente et le respect. Si le film ne brille pas par sa mise en scène, la photographie de Peter James reste très belle et sensiblement surannée. Ce qui importe ici est réellement le lien des personnages, dont la psychologie se dessine à travers leurs regards, leurs anecdotes qu’ils racontent sur la route, sur leurs gestes esquissés. Le grand succès de Miss Daisy et son chauffeur est dû à la combinaison de talents qui ont cru en ce petit film où même la composition de Hans Zimmer, quand il n’était pas encore occupé à faire du boucan dans les blockbusters hollywoodiens, semble inspirée par l’âme chaleureuse de cette histoire aux beaux et bons sentiments. C’est dire qu’il faut croire à certains miracles hollywoodiens.

LE BLU-RAY

Le test du Blu-ray de Miss Daisy et son chauffeur, disponible chez Pathé, a été réalisé à partir d’un check-disc. Le menu principal est animé et musical.

A l’occasion de cette sortie en Blu-ray, Pathé est allé à la rencontre de Bruce Beresford (22’). Le réalisateur australien revient sur chaque étape difficile de production de son film le plus célèbre. Il évoque notamment l’investissement du producteur Richard D. Zanuck qui s’est battu pendant deux ans pour trouver l’argent nécessaire à la mise en route de Miss Daisy et son chauffeur, après le désistement de la MGM le jour de la signature du contrat. Le cinéaste parle de la pièce de théâtre originale (jouée également par Morgan Freeman), de son adaptation pour le cinéma, avant d’en venir plus précisément au casting du film. Bruce Beresford exagère en disant que Morgan Freeman n’avait fait qu’un seul film avant le sien, tout comme lorsqu’il déclare que Miss Daisy et son chauffeur a récolté cinq Oscars, alors qu’il n’en a reçu « que » quatre. Quelques photos de tournage viennent illustrer cet entretien sympathique.

Afin de replacer Miss Daisy et son chauffeur dans son contexte, Pathé livre deux petits modules d’actualités de 1965 (7’ et 8’) sur « l’Amérique noire », qui abordent le thème du racisme et de la ségrégation aux Etats-Unis. Les commentaires reflètent un esprit « très français » (voir OSS 117 : Le Caire, nid d’espions) et se contentent souvent de donner quelques chiffres.

Le dernier module d’actualité est consacré à la mort de Martin Luther King, le 4 avril 1968 (3’).

L’Image et le son

Le master HD présenté ici est issu de la numérisation et de la restauration 4K réalisées par l’incontournable laboratoire de L’image Retrouvée (Paris/Bologne) à partir des négatifs originaux. On sent que les partis pris du chef opérateur Peter James ont donné pas mal de fil à retordre aux responsables de ce lifting puisque de nombreux plans s’avèrent étonnamment flous lors d’un champ-contrechamp, tandis que la gestion de la patine argentique reste aléatoire sur les séquences sombres notamment. Parfois stable, de temps en temps très appuyé, souvent grumeleux, le grain est là, mais déséquilibré. Même chose, surtout durant la première partie du film, les comédiens semblent entourés d’une aura luminescente, cette fois encore en raison des volontés artistiques du directeur de la photo. La copie est propre, c’est indéniable, aucune pétouille n’a survécu à ce nettoyage en bonne et due forme. Les couleurs sont belles, même si un peu pâles de temps à autre, et le piqué est satisfaisant.

Les mixages DTS-HD Master Audio Stéréo français et anglais instaurent un bon confort acoustique. Les dialogues sont ici délivrés avec suffisamment d’ardeur et de clarté, sans doute trop sur la VF, la propreté est de mise, les effets riches et les silences denses, sans aucun souffle. Les versions 5.1 sont plus anecdotiques étant donné que le film repose avant tout sur les échanges entre les personnages. Une spatialisation musicale certes, mais les pistes Stéréo sont largement suffisantes pour un film de cet acabit. Signalons tout de même une police de sous-titres français vraiment trop petite.

Crédits images : © Pathé / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

Test Blu-ray / La Maison qui tue, réalisé par Peter Duffell

LA MAISON QUI TUE (The House That Dripped Blood) réalisé par Peter Duffell, disponible en Édition Blu-ray + DVD + Livret le 4 décembre 2018 chez ESC Editions

Acteurs : Christopher Lee, Peter Cushing, Jon Pertwee, Joanna Lumley, Ingrid Pitt, Denholm Elliott, John Bennett, Tom Adams, Joss Ackland, Nyree Dawn Porter…

Scénario : Robert Bloch

Photographie : Ray Parslow

Musique : Michael Dress

Durée : 1h42

Date de sortie initiale : 1971

LE FILM

Un inspecteur de Scotland Yard enquête sur quatre cas de meurtres mystérieux qui se sont passés dans une maison inoccupée. Ce qui donne prétexte à un film à sketchs.

Nous en avons déjà parlé, mais petit rappel sur la Amicus, cette société de production cinématographique britannique née dans les années 1960, spécialisée dans les films d’horreur. Fondée par les américains Milton Subotsky et Max J.Rosenberg, la Amicus a voulu concurrencer la célèbre Hammer sur son propre territoire et dans le reste du monde. Dans cette optique, les pontes décident d’offrir quelque chose de différent aux spectateurs, notamment des histoires d’épouvante contemporaines. Pour La Maison qui tue The House That Dripped Blood (1971), pas de Freddie Francis à la barre cette fois ! Le réalisateur du Train des épouvantesDr. Terror’s House of Horrors, Histoire d’outre-tombeTales from the Crypt, Le Crâne maléfiqueThe Skull, Le Jardin des tortures Torture Garden et bien d’autres réjouissances laisse cette fois la place à un confrère inconnu venu de la télévision, Peter Duffell (1922-2017), qui a officié sur les séries L’Homme à la valise et Strange Report. La Maison qui tue est un film à sketches qui se compose de quatre segments reliés par un fil rouge, tous réalisés par le même metteur en scène. Aujourd’hui, cette House That Dripped Blood vaut surtout pour ses interprètes et son atmosphère toujours plaisante.

Un acteur a mystérieusement disparu sans laisser de trace. L’inspecteur Holloway, mandaté par Scotland Yard, se rend immédiatement sur place pour enquêter. Il rencontre des membres de la police locale, ainsi que l’agent immobilier mister Stoker (évidemment un clin d’oeil à Bram Stoker, auteur de Dracula) et entend de curieuses histoires sur les précédents occupants de la demeure : la première concerne un écrivain confronté à un étrangleur sorti de ses récits. La deuxième histoire met en scène deux hommes en visite dans un musée de cire qui sont obsédés par la statue d’une femme qui leur rappelle une ancienne maîtresse commune. La troisième parle d’un père veuf et de sa fillette mélancolique qui semble s’intéresser de très près à la sorcellerie. La quatrième revient sur le sort de l’acteur disparu (Jon Pertwee, le troisième Doctor Who de l’histoire), qui, vêtu d’une cape à l’occasion du tournage d’un film d’épouvante, a l’impression de se transformer réellement en vampire.

Quatre sketches forcément inégaux comme bien souvent dans ce genre de production, mais qui n’en restent pas moins élégants, souvent jubilatoires, bien rythmés, concis, même si prévisibles. S’ils apparaissent tous les deux au même générique de plus d’une vingtaine de films, les immenses Christopher Lee et Peter Cushing ne se donnent pas la réplique dans La Maison qui tue, chacun étant la vedette d’un segment disparate. Notre préférence se porte sur celui avec Christopher Lee, en prise avec un enfant démoniaque ! Si Peter Cushing est comme d’habitude excellent, son sketch vaut surtout pour ses éclairages baroques qui rappellent cette fois les gialli de Mario Bava et les chefs d’oeuvre de la Hammer quand son personnage se perd dans le musée de cire. Denholm Elliott, très classe, perd pied quand l’un de ses personnages créés sur le papier, semble lui apparaître et s’en prendre à son entourage, ainsi qu’à sa femme (Joanna Dunham). La dernière partie, qui s’inscrit plus dans le genre fantastique, permet d’admirer le charme et les courbes de la mythique Ingrid Pitt. L’épilogue est certes attendu, mais plutôt efficace.

Au-delà de son prestigieux générique, la qualité d’écriture de The House That Dripped Blood est indéniable. On doit ces récits au grand Robert Bloch (1917-1994), l’auteur du roman Psychose, mais aussi d’une quantité phénoménale de nouvelles. A l’adolescence, l’écrivain avait entretenu une correspondance avec Howard Phillips Lovecraft, qui l’encourageait à mettre son imagination débordante au profit de la littérature. L’ombre de Lovecraft plane sur La Maison qui tue, comme d’ailleurs moult écrits de Robert Bloch. Son style, son épure et sa radicalité avaient déjà fait le bonheur des spectateurs pour la série Alfred Hitchcock présente dans les années 1960. Puis, Robert Bloch entamait une collaboration fructueuse avec la Amicus. En plus des comédiens iconiques, le scénariste est comme qui dirait l’autre star de La Maison qui tue.

Même si la mise en scène n’a rien d’exceptionnel et n’a pas l’efficacité des travaux de Freddie Francis (pas de gouttes de sang ici, tout est suggéré), The House That Dripped Blood conserve encore un charme britannique inaltérable, l’humour noir fonctionne bien aussi bien que l’ironie mordante, les retournements de situations et les twists, tandis qu’on se délecte de passer d’un récit à l’autre.

LE BLU-RAY

La Maison qui tue intègre tout naturellement la collection « British Terrors » d’ESC Editions, qui comprend déjà les titres Le Caveau de la terreur, Le Train des épouvantes, Asylum, Les Contes aux limites de la folie et Histoires d’outre-tombe. Cette édition Mediabook se compose du DVD et du Blu-ray du film, ainsi que d’un livret de 16 pages rédigé par Marc Toullec. Le menu principal est animé et musical.

L’intervention de Laurent Aknin se déroule en deux temps. Dans le premier module, l’historien et critique de cinéma raconte l’histoire de la Amicus (5’). Sa création, les producteurs, les titres les plus célèbres de la firme, ses intentions et ses influences sur les réalisateurs des années 1980-90 sont donc abordés de façon concise et passionnante.

Le deuxième segment se focalise sur La Maison qui tue (17’). De la même manière que pour son exposé précédent, Laurent Aknin est toujours aussi attachant, enjoué et informatif sur la genèse du film de Peter Duffell, sur le casting et le scénariste Robert Bloch.

L’Image et le son

Hormis un générique aux légers fourmillements, le transfert est irréprochable, le master immaculé, stable et dépourvu de déchets résiduels. Les noirs sont concis, la colorimétrie est volontairement froide et fanée. La gestion des contrastes est également très solide. Ce master HD est également présenté dans son format d’origine 1.85. Le Blu-ray est au format 1080p.

Le film de Peter Duffell bénéficie d’un doublage français. Au jeu des comparaisons avec la version originale, la piste française au doublage réussi s’accompagne de quelques chuintements et les dialogues sont souvent mis trop en avant. La version anglaise DTS-HD Master Audio 2.0 est plus dynamique, propre et intelligible, homogène dans son rendu, notamment au niveau des effets sonores. Les sous-titres français ne sont pas imposés.

Crédits images : © ESC Distribution /  Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

Test Blu-ray / Sans un bruit, réalisé par John Krasinski

SANS UN BRUIT (A Quiet Place) réalisé par John Krasinski, disponible en DVD, Blu-ray et 4K Ultra-HD le 30 octobre 2018 chez Paramount Pictures

Acteurs : Emily Blunt, John Krasinski, Millicent Simmonds, Noah Jupe, Cade Woodward, Leon Russom, Doris McCarthy…

Scénario : Bryan Woods, Scott Beck, John Krasinski

Photographie : Charlotte Bruus Christensen

Musique : Marco Beltrami

Durée : 1h30

Date de sortie initiale : 2018

LE FILM

Une famille tente de survivre sous la menace de mystérieuses créatures qui attaquent au moindre bruit. S’ils vous entendent, il est déjà trop tard.

Le comédien John Krasinski n’a jamais vraiment brillé au cinéma. Son charisme lisse et passe-partout a pourtant été vu dans Dr Kinsey et Dreamgirls de Bill Condon, Jarhead et Away We Go de Sam Mendes. C’est surtout à la télévision aux côtés de Steve Carell que les spectateurs l’auront remarqué au cours des neuf saisons de la série The Office. Prenant de la bouteille, John Krasinski fait partie de ces acteurs qui deviennent intéressants en arrivant à la quarantaine. Après une participation à Detroit, la dernière bombe de Kathryn Bigelow et Jack Ryan dans la série du même nom saluée par la critique, John Krasinski réalise son troisième long métrage après Brief Interviews with Hideous Men (2009) et La Famille Hollar (2016), inédits dans les salles françaises. Sans un bruitA Quiet Place lui permet non seulement de briller derrière la caméra où il fait preuve d’un réel talent de metteur en scène, mais aussi devant où il donne pour la première fois la réplique à son épouse, la magnifique Emily Blunt, tout en signant sa meilleure prestation à ce jour. Non seulement ça, Sans un bruit est rapidement devenu un phénomène aux Etats-Unis, en rapportant la bagatelle de 190 millions de dollars sur le sol américain pour une mise de départ de 17 millions. Un triomphe inattendu, mais mérité car A Quiet Place peut se targuer d’être l’un des meilleurs films de 2018 et assurément l’une des plus grandes expériences sensorielles vécues au cinéma cette année avec Hérédité d’Ari Aster.

2020. Dans un monde post-apocalyptique, les rares survivants vivent sous la menace de créatures très sensibles aux sons. Ils doivent ainsi demeurer dans le silence. Une famille du Midwest va devoir lutter pour survivre, avec une mère sur le point d’accoucher.

Alors oui Sans un bruit n’invente rien et ne révolutionne pas le genre. On pense à Alien de Ridley Scott, La Guerre des mondes de Steven Spielberg, Signes de M. Night Shyamalan et bien d’autres dont le récent 10 Cloverfield Lane de Dan Trachtenberg. Mais tout de même, les références sont digérées et nous ne sommes pas ici dans le plagiat éhonté et encore moins l’ersatz. Sur un scénario co-écrit avec le tandem Scott Beck et Bryan Woods, John Krasinski est bien décidé à montrer ce qu’il a sous le capot en tant que réalisateur et s’en sort admirablement, à tel point que la maturité d’ensemble ne cesse d’étonner. Il est surtout très bien épaulé avec Charlotte Bruus Christensen à la photographie, grande cheffe opératrice danoise remarquée en 2012 avec ses partis pris glacials et charbonneux sur La Chasse de Thomas Vinterberg, ainsi que sur Life d’Anton Corbijn. Pour autant, John Krasinski ne cherche pas à épater la galerie gratuitement. Sans un bruit est un vrai film d’épouvante qui réserve son lot d’émotions fortes.

Malgré son économie de dialogues – à peu près 80 % du film repose sur le silence et le langage des signes – A Quiet Place reste passionnant du début à la fin. Les séquences d’affrontements – soulignées par une composition pour une fois « discrète » du bourrin Marco Beltrami – avec les créatures (dont l’origine restera inexpliquée) s’entrecroisent avec les scènes intimistes centrées sur la famille Abbott. Emily Blunt y enflamme l’écran. A la fois mère protectrice d’une douceur infinie avec ses enfants et bad-ass quand elle prend la pétoire, la comédienne britannique prouve une fois de plus qu’elle est et reste l’une des plus grandes actrices de ces quinze dernières années. John Krasinski a également eu la bonne idée de confier le rôle de Regan à la jeune et impressionnante Millicent Simmonds, magnétique et bouleversante actrice de 13 ans réellement atteinte de surdité, révélation du splendide Musée des Merveilles de Todd Haynes. Découvert dans Bienvenue à Suburbicon de George Clooney et dans Wonder de Stephen Chbosky, Noah Jupe est également très prometteur. La scène effrayante et étouffante du silo à grains où les deux jeunes têtes d’affiches se retrouvent enfermées reste l’un des grands moments de Sans un bruit.

Remarquable réussite, avec également un travail sur le son à se damner, ce troisième long métrage de John Krasinski a donc emporté tous les suffrages en récoltant 350 millions de dollars dans le monde et en attirant près de 650.000 français dans les salles. Une suite ou une préquelle, toujours produite par la société Platinum Dunes de Michael Bay, est en cours d’écriture. Nous serons au rendez-vous.

LE BLU-RAY

Le test du Blu-ray de Sans un bruit, disponible chez Paramount Pictures, a été réalisé à partir d’un check disc. Le menu principal est fixe et…muet, forcément.

Le film de John Krasinski méritait mieux que trois petits documentaires consacrés à la genèse et à la production de Sans un bruit (15’), mais aussi à la création de l’environnement sonore (12’) et des effets visuels (7’30). Les comédiens, le réalisateur, les scénaristes, le décorateur, les producteurs, les créateurs d’ILM et les responsables du son interviennent à tour de rôle afin de partager leurs impressions de tournage. De multiples images de plateau viennent illustrer tous ces propos, par ailleurs très intéressants.

L’Image et le son

Sans un bruit est un film sombre et la Haute définition restitue habilement la magnifique photo de la cheffe opératrice Charlotte Bruus Christensen. Les volontés artistiques sont respectées mais entraînent quelques légers fléchissements de la définition dans quelques scènes moins éclairées. Néanmoins, cela reste anecdotique, car ce master HD demeure impressionnant de beauté, tant au niveau des détails que du piqué. Le cadre large n’est pas avare en détails, les contrastes affichent une densité remarquable (du vrai goudron en ce qui concerne les noirs) et la colorimétrie est optimale surtout sur les scènes en extérieur avec également de sublimes couchers de soleil. Le film a bénéficié de prises de vue en 35mm. Son léger grain très élégant est donc volontaire.

Dès la première séquence, l’ensemble des enceintes de la piste anglaise Dolby Atmos (testée en 5.1) est mis à contribution aux quatre coins cardinaux. Les ambiances sont efficaces (le grincement du bois, les craquements du parquet, les pieds nus dans le sable) et bénéficient d’un traitement de faveur avec une large ouverture, plongeant constamment le spectateur dans l’atmosphère, avec des silences angoissants dynamités ensuite par une ribambelle d’effets excellemment balancés de gauche à droite et des enceintes avant vers les arrières quand les créatures apparaissent. N’oublions pas le caisson de basses, qui se mêle ardemment à ce spectacle acoustique aux effets souvent étonnants sur les séquences opportunes, à l’instar de l’acte final. Totalement immersif. Est-il utile d’évoquer la petite Dolby Digital 5.1 ? Elle assure mais n’arrive pas à la cheville de la version originale.

Crédits images : © Paramount Pictures / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr