Test Blu-ray / 24H Limit, réalisé par Brian Smrz

24H LIMIT (24 Hours to Live) réalisé par Brian Smrz, disponible en DVD et Blu-ray le 23 mai 2018 chez M6 Vidéo

Acteurs :  Ethan Hawke, Paul Anderson, Rutger Hauer, Liam Cunningham, Nathalie Boltt, Tanya van Graan, Xu Qing, Aidan Whytock…

Scénario : Zach Dean, Jim McClain, Ron Mita

Photographie : Ben Nott

Musique : Tyler Bates

Durée : 1h33

Année de sortie : 2018

LE FILM

Travis Conrad, tueur d’élite d’une organisation paramilitaire, est tué en mission en Afrique du Sud. Mais une procédure médicale expérimentale mise en place par ses employeurs le ramène temporairement à la vie, lui offrant 24 heures supplémentaires. Dans cette course contre la mort, comment Travis va-t-il pouvoir se sortir de ce piège ?

Mine de rien, le comédien Ethan Hawke n’a jamais arrêté de tourner depuis près de 35 ans. Après avoir fait ses débuts au cinéma dans Explorers de Joe Dante (1985), il émeut les spectateurs du monde entier dans Le Cercle des poètes disparus de Peter Weir (1989). Il a alors 19 ans. Les projets se multiplient, Croc-Blanc de Randal Kleiser (1991), Les Survivants de Frank Marshall (1993), Génération 90 de Ben Stiller (1994). Il alterne alors le cinéma d’auteur avec notamment Bienvenue à Gattaca d’Andrew Niccol (1997), la sublime trilogie de Richard Linklater avec Julie Delpy, Before Sunrise (1995) – Before Sunset (2004) – Before Midnight (2013), et les productions plus confortables comme Training Day d’Antoine Fuqua (2001), Taking Lives, destins violés de D. J. Caruso (2004), ou dernièrement dans le remake des Sept Mercenaires.

Si beaucoup de ses films ont été exploités directement en vidéo, dont l’incroyable Prédestination de Michael et Peter Spierig (2014), Ethan Hawke est toujours là, tout comme son talent, les années n’ayant fait que renforcer son charisme. Touche à tout, il souhaite s’essayer au film d’action façon Taken ou John Wick (même producteur Basil Iwanyk) dans 24H Limit. Enième ersatz des films de Pierre Morel ou de Chad Stahelski, ce thriller manque singulièrement d’âme et d’intérêt, et ne vaut que pour l’indéniable investissement de son comédien principal.

24H Limit est signé Brian Smrz (non, mon chat n’a pas marché sur le clavier), célèbre cascadeur, coordinateur des scènes d’action et réalisateur de seconde équipe, qui a fait sa notoriété sur une quantité phénoménale de blockbusters comme Die Hard 4 : Retour en enfer, Minority Report, X-Men : Le Commencement, Night and Day, La Planète des singes: Les origines. 24H Limit est son second long métrage en tant que metteur en scène, dix ans après son premier coup d’essai, Hero Wanted avec Cuba Gooding Jr. Et Ray Liotta. S’il n’y a rien à redire sur l’efficacité des séquences d’action, des gunfights et des affrontements, on ne peut pas dire que l’histoire soit originale et parvienne à sortir 24H Limit du tout-venant. D’accord le postulat de départ est intrigant avec son truc du tueur professionnel revenu à la vie pour une journée, mais les scénaristes n’en font rien. On a l’impression que l’idée leur est venue en visionnant Time Out d’Andrew Niccol (2011), notamment avec ce compteur intégré à l’avant-bras du personnage principal. Tout cela est bien beau, mais les auteurs ne vont pas plus loin que leur idée de départ.

Pourtant, Ethan Hawke est impeccable et se montre aussi empathique dans les scènes dramatiques que très crédible avec la pétoire à la main, y compris lorsqu’il distribue des bourre-pifs. Il est également bien épaulé par l’actrice chinoise Xu Qing (vue dans Looper de Rian Johnson), Liam Cunningham (toujours classe) et même de Rutger Hauer qui s’est fait le look de Doc Brown dans Retour vers le futur 2. Finalement, ce qui intéresse le plus ici est le cheminement du personnage principal, traumatisé par la mort de sa femme et de son petit garçon, qui a toujours culpabilisé de ne pas être aussi présent à leurs côtés qu’il aurait voulu l’être.

24H Limit a plusieurs bons atouts dans sa besace : une affiche « johnwickesque » très réussie, une photo assez jolie, les beaux décors d’Afrique du Sud, de bons acteurs, des séquences agitées bien expédiées et toujours lisibles. Dommage que tout cela ne soit tenu que sur un fil trop relâché. D’ailleurs, on se demande encore après de quoi le film parlait réellement. 24H Limit manque de rythme, cruellement d’humour, n’exploite aucune de ses idées et se contente trop souvent de refaire ce qui a déjà été fait dans le genre. On en arrive même à se dire que le film semble avoir été écrit par Luc Besson (du style 3 Days to Kill), ce qui n’est pas forcément un compliment. La fin ouverte montrait pourtant l’optimisme des producteurs quant à une possible franchise en devenir. Cela semble compromis.

LE BLU-RAY

Le test du Blu-ray de 24L Limit, disponible chez M6 Vidéo, a été réalisé à partir d’un check-disc. L’édition HD comprend également le DVD, dans un combo Steelbook, au visuel très inspiré par la campagne promo de celle de John Wick 2. Le menu principal est animé et musical.

Petite édition pour 24H Limit. En effet, là où nous attendions un making of pour décortiquer les scènes d’action, ou même la préparation d’Ethan Hawke, il faudra se contenter d’une interview de ce dernier (9’). Il n’est d’ailleurs pas le seul à intervenir, puisqu’il laisse également la place au producteur Kent Kubena et au comédien Liam Cunningham. Alors que le producteur essaye de vendre sa soupe en disant que le scénario ne manque pas d’originalité, Ethan Hawke revient calmement sur son personnage, qu’il défend avec sincérité, en expliquant que sa quête de rédemption est ce qui l’a le plus inspiré, même s’il avoue également avoir pris un immense plaisir à tourner les scènes d’action. Il cite d’ailleurs Die Hard et Man on Fire dans ses films préférés. Les trois intervenants s’expriment également sur le travail avec l’actrice Xu Qing.

L’interactivité se clôt sur la bande-annonce.

L’Image et le son

Les partis pris esthétiques sont respectés avec même parfois un léger grain cinéma qui confère à l’image une agréable texture, une gestion des contrastes (tranchants) fabuleuse, et des séquences sombres aussi soignées. Le piqué est incisif, l’encodage solide. La belle photo du chef opérateur Ben Nott (Prédestination, Jigsaw, Daybreakers) est habilement retranscrite avec un beau lot de détails sur les séquences diurnes, aux quatre coins du cadre large. Ces dernières sont d’ailleurs lumineuses, la profondeur appréciable, la colorimétrie vive, souvent chatoyante et le relief y est omniprésent. M6 nous livre un remarquable master HD de 24H Limit.

Le film profite à fond de l’apport HD pour en mettre plein les oreilles grâce à une piste DTS-HD Master Audio 5.1 anglaise spectaculaire. Le score très présent de Tyler Bates (Les Gardiens de la galaxie, Atomic Blonde, Killer Joe) est délivré par l’ensemble des enceintes, les basses sont souvent sollicitées, tout comme les latérales qui créent un environnement acoustique percutant. Les dialogues sont dynamiques et solidement délivrés par la centrale, jamais noyées par les nombreux effets sonores – les balles qui fusent de partout lors des fusillades – et la musique. Que ceux qui ne seraient pas habitués à la version originale se rassurent, le spectacle est également largement assuré avec la piste française DTS-HD Master Audio 5.1, au doublage soigné. L’éditeur joint également une piste Audiodescription, ainsi que les sous-titres français destinés au public sourd et malentendant.

Crédits images : © SND / M6 Vidéo / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

Test Blu-ray / Hurricane, réalisé par Rob Cohen

HURRICANE (The Hurricane Heist) réalisé par Rob Cohen, disponible en DVD et Blu-ray le 4 juillet 2018 chez M6 Vidéo

Acteurs :  Toby Kebbell, Maggie Grace, Ryan Kwanten, Ralph Ineson, Melissa Bolona, Ben Cross, Jamie Andrew Cutler, Christian Contreras…

Scénario :  Jeff Dixon, Scott Windhauser d’après une histoire originale de Carlos Davis et Anthony Fingleton

Photographie : Shelly Johnson

Musique : Lorne Balfe

Durée : 1h43

Année de sortie : 2018

LE FILM

Profitant du plus gros ouragan ayant jamais touché les États-Unis, une équipe de braqueurs d’élite infiltre la plus grande réserve de billets des États-Unis. Leur objectif : un braquage exceptionnel de 600 millions de dollars. Dans la ville désertée, Casey, une des convoyeuses de fond, et Will, un météorologiste de génie, vont devoir unir leurs forces en utilisant les connaissances de Will pour survivre au milieu de cette « tempête du siècle » et empêcher ces voleurs impitoyables de parvenir à leurs fins.

A l’aube de ses 70 ans, le réalisateur Rob Cohen s’évertue à vouloir retrouver les faveurs d’un public plutôt jeune, en lui offrant quasi-systématiquement un cocktail d’action et d’aventures. Il y a eu plusieurs étapes dans la carrière du cinéaste. Dans les années 1990, il signe Dragon, l’histoire de Bruce Lee (1993), biopic sur l’acteur chinois, devenu culte avec les années. Puis l’année 1996 sortent Coeur de dragon et Daylight. Si le premier surfe sur l’avènement des images de synthèse au cinéma, le second est incontestablement l’un des meilleurs films de Sylvester Stallone de la décennie et par ailleurs une référence du film catastrophe. Les années 2000 arrivent et Rob Cohen livre deux films d’action, matrices de franchises portées par Baboulinet, euh, Vin Diesel. Fast and Furious (2001) et xXx (2002) cassent la baraque dans le monde entier. La suite est finalement un peu plus difficile qu’espéré pour Rob Cohen. Furtif (2005) est un échec commercial. Il accepte alors de mettre en scène le tardif troisième épisode de La Momie : La Tombe de l’empereur Dragon (2008), qui le remet sur les rails du box-office. S’ensuivent un polar mou (Alex Ross – 2012) et une production Jason Blum au succès certain (Un voisin trop parfait – 2015).

Bien décidé à montrer qu’il en a encore sous le capot, Rob Cohen revient avec Hurricane (ou The Hurricane Heist en version originale), un mélange de Twister, de Die Hard et de Pluie d’enfer, un film nawak, dans lequel il joue la carte de la surenchère au détriment de toute crédibilité. Hurricane possède un postulat de grosse série B, mais se révèle être une série Z, laide à regarder, mais qui contre toutes attentes parvient à divertir sans mal avec ses effets visuels ratés, son interprétation neurasthénique et ses scènes d’action invraisemblables.

Au casting, on est peu étonné de retrouver l’inénarrable Toby Kebbell. En quelques années, rarement un comédien aura autant accumulé de mauvais blockbusters à son palmarès. Prince of Persia : Les Sables du temps, L’Apprenti sorcier, La Colère des Titans, Les 4 Fantastiques, Ben-Hur, Kong: Skull Island et maintenant Hurricane, cela commence à faire lourd sur une seule carte de visite. Dommage, car au milieu de ces navets et nanars, Toby Kebbell aura également participé aux deux Planète des Singes de Matt Reeves (Koba, c’était lui), Cheval de guerre de Steven Spielberg, Warcraft : Le Commencement de Duncan Jones et Quelques minutes après minuit (A Monster Calls) de Juan Antonio Bayona. L’acteur britannique a sans doute besoin de changer d’agent. Il donne ici la réplique à Maggie Grace, la fifille de Liam Neeson dans la trilogie Taken, qui s’en sort finalement bien dans ce film, car très investie dans les séquences agitées et les cascades. Le badguy est interprété par Ralph Ineson, Amycus Carrow des trois derniers volets d’Harry Potter, vedette du formidable The Witch de Robert Eggers, dont la voix imposante avait été remarquée dans quelques épisodes de Game of Thrones, où il jouait Dagmer Cleftjaw.

Tout ce petit monde se trouve noyé à la fois sous des milliers de litres d’eau, en raison d’un tournage qui privilégiait les effets live, mais aussi et malheureusement sous des images de synthèse aussi omniprésentes que grossières et moches. Il y a beaucoup de divertissements auxquels on ne croit pas beaucoup, mais qui parviennent à nous captiver suffisamment pour aller jusqu’à la fin. C’est un peu plus compliqué dans le cas de Hurricane. D’une part parce qu’on ne croit à rien, ni à l’histoire, ni aux personnages, ni aux rebondissements, d’autre part parce que malgré les tornades, qui n’ont rien de spectaculaire si on les compare à celles de Twister (et qui a pourtant plus de vingt ans), les courses-poursuites (avec un véhicule rappelant la Batmobile version Nolan), les fusillades et les scènes de destruction, le rythme est très mal géré et Hurricane est finalement un film mou du genou.

Mais bon, ça passe comme dirait l’autre, et l’entreprise n’est pas déplaisante, surtout dans sa scène finale qui n’est pas sans rappeler celle de…ah bah tiens du premier Fast & Furous, mais avec trois trucks monstrueux. Un bon candidat pour une soirée nanar quoi. Hurricane n’a d’ailleurs emporté personne dans son sillage et malgré son budget très modeste, grâce notamment à un tournage en Bulgarie, le bide mondial a été particulièrement retentissant. Et dire que Rob Cohen envisageait une suite, un nouveau casse, en Floride cette fois, avec un volcan en éruption comme toile de fond. Quel dommage !

LE BLU-RAY

Le test du Blu-ray de Hurricane, disponible chez M6 Vidéo, a été réalisé à partir d’un check-disc. Le Blu-ray est disponible en édition limitée Steelbook. Le menu est animé et musical.

L’éditeur joint un making of de 45 minutes. Du moins en apparence, puisque ce module est en fait composé de plusieurs featurettes promotionnelles enchaînées. Si les propos ne volent pas haut, ce qu’il a de pire ici, c’est l’aspect redondant de l’entreprise, d’autant plus que certaines interventions et images de tournage sont parfois reprises à l’identique d’un segment à l’autre. Rob Cohen essaye de valoriser les effets directs réalisés sur le plateau et met également en avant sa collaboration avec le chef opérateur Shelly Johnson. Les acteurs évoquent les personnages et les conditions de tournage en Bulgarie, tout en racontant l’histoire du début à la fin. Un gros plan est également fait sur la création du véhicule Dominator, ainsi que sur les effets visuels.

L’interactivité se clôt sur la bande-annonce.

L’Image et le son

On pouvait nettement s’attendre à mieux concernant l’arrivée de Hurricane en Haute-Définition. Non pas que la galette soit déshonorante, loin de là, mais le master aurait pu être plus ciselé. Dans les scènes en intérieur, en gros dans la salle du coffre, l’image peine parfois à tirer profit de cette élévation HD et s’apparente plus à un DVD sensiblement amélioré. Mais les partis pris n’arrangent rien avec un aspect grisâtre peu reluisant et des couleurs ternes tout du long. La copie est propre – encore heureux – le piqué est acceptable, les noirs denses et les (mauvais) effets spéciaux numériques se voient peut-être encore plus qu’au cinéma.

En anglais comme en français, les pistes DTS-HD Master Audio 5.1 assurent le spectacle acoustique avec un fracas assez jouissif, même si l’ensemble paraît souvent sous-mixé, comme bien souvent chez M6 Vidéo. Au jeu des différences, la langue de Molière n’est pas aussi dynamique que la version originale, mais n’en demeure pas moins immersive. Dans les deux cas, la balance frontale en met plein les oreilles lors des séquences de destruction, à condition d’élever suffisamment le volume. Quelques scènes sortent du lot avec un usage probant des ambiances latérales et du caisson de basses. La musique profite également d’une belle délivrance, mettant toutes les enceintes à contribution. Deux pistes Stéréo sont également proposées, ainsi qu’une piste Audiodescription française et les sous-titres français destinés au public sourd et malentendant.

Crédits images : © SND / M6 Vidéo / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

 

Test Blu-ray / Gauguin – Voyage de Tahiti, réalisé par Edouard Deluc

GAUGUIN – VOYAGE DE TAHITI réalisé par Edouard Deluc, disponible en DVD et Blu-ray le 23 janvier 2018 chez Studiocanal

Acteurs :  Vincent Cassel, Tuheï Adams, Malik Zidi, Pua-Taï Hikutini, Pernille Bergendorff, Marc Barbé, Paul Jeanson, Cédric Eeckhout, Samuel Jouy…

Scénario :  Edouard Deluc, Etienne Comar, Thomas Lilti, Sarah Kaminsky d’après le livre de Paul Gauguin « Noa Noa, Voyage de Tahiti »

Photographie : Pierre Cottereau

Musique : Warren Ellis

Durée : 1h40

Année de sortie : 2017

LE FILM

1891. Gauguin s’exile à Tahiti en laissant derrière lui femme et enfants. Il veut trouver sa peinture, en homme libre, en sauvage, loin des codes moraux, politiques et esthétiques de l’Europe civilisée. Il s’enfonce dans la jungle, bravant la solitude, la pauvreté, la maladie. Il y rencontrera Tehura, qui deviendra sa femme, et le sujet de ses plus grandes toiles.

Gauguin – Voyage de Tahiti est le second long métrage du réalisateur Edouard Deluc, remarqué en 2008 avec le court-métrage ¿ Dónde está Kim Basinger ?, qui allait servir de base pour son excellent premier film, Mariage à Mendoza avec Philippe Rebbot et Nicolas Duvauchelle. Coloré, énergique, drôle, émouvant, tendre, ce premier long métrage imposait d’emblée un style et un humour percutants. Edouard Deluc est enfin de retour derrière la caméra et opère un virage radical avec Gauguin – Voyage de Tahiti, libre adaptation de Noa Noa, carnet de voyages écrit par Paul Gauguin (1848-1903) après son premier séjour à Tahiti en 1893. Merveilleusement mis en scène, le film offre également à Vincent Cassel l’un des plus beaux rôles de sa carrière.

Gauguin – Voyage de Tahiti est né d’un coup de foudre d’Edouard Deluc pour le récit du peintre : « C’est un objet littéraire d’une grande poésie, un récit d’aventures, entre autres, d’un souffle romanesque assez fou. C’est une sorte de journal intime, d’une grande humanité, sur son expérience Tahitienne, qui mêle récit, impressions, pensées, questionnements politiques, questionnements artistiques, croquis, dessins et aquarelles. C’est enfin et surtout une sorte de somptueuse déclaration d’amour à Tahiti, aux Tahitiens, à son Êve Tahitienne. Je l’ai découvert lors de mes études aux Beaux-Arts, le texte est toujours resté dans ma bibliothèque comme le fantôme d’un film possible ». Après Mariage à Mendoza, le cinéaste replonge dans Noa Noa et dans les autres écrits de Paul Gauguin, ainsi que sa correspondance intime. Bouleversé par la pensée visionnaire et l’oeuvre moderne du peintre, Edouard Deluc, entreprend alors son second long métrage, coécrit avec le talentueux Thomas Lilti (Les Yeux bandés, Hippocrate, Médecin de campagne), déjà scénariste sur Mariage à Mendoza.

A l’instar d’un rêve d’artiste, Gauguin – Voyage de Tahiti doit être vu comme une libre adaptation de Noa Noa, puisque les scénaristes ont évidemment eu recours à la fiction pour combler certains éléments réels restés en pointillés, tout en évitant le côté sulfureux de l’artiste, notamment sa vie sexuelle débridée voire polémique puisqu’il couchait avec des jeunes filles de 13 ans, tout en étant atteint de syphilis. L’oeuvre d’Edouard Deluc n’est pas un biopic, mais se focalise sur une période bien précise de la vie de son personnage principal, sur des événements et des protagonistes qui ont eu lieu et qui ont existé. Gauguin – Voyage de Tahiti est la réinterprétation de faits réels déjà « réinterprétés » dans son ouvrage par celui qui les a connus. Dans cette optique, le réalisateur a confié le rôle principal à Vincent Cassel. Alors âgé de 50 ans, le comédien n’en finit pas d’étonner depuis Mon roi de Maïwenn (2015) et sa prestation bouleversante dans Juste la Fin du Monde de Xavier Dolan (2016). Jouant désormais avec ses yeux marqués, son visage tordu et taillé à la serpe, ses cheveux et sa barbe hirsute poivre et sel, il est ici exceptionnel et de tous les plans. Métamorphosé, vouté, la démarche vacillante, l’acteur est aussi bluffant qu’impressionnant.

Véritable expérience sensorielle, Gauguin – Voyage de Tahiti peut également compter sur la sublime photographie de Pierre Cottereau (Rosalie Blum, Le Voyage de Fanny) qui capture la beauté des paysages naturels comme Gauguin celle des habitants, sans oublier la musique de l’australien Warren Ellis (Wind River, Comancheria, Des hommes sans loi), qui nimbe l’ensemble d’une aura quasi-éthérée, comme un véritable western contemplatif, genre qui a d’ailleurs souvent inspiré le metteur en scène. Edouard Deluc nous invite donc à entrer en communion avec les désirs, les doutes, les amours (avec la sublime Tuheï Adams) et les douleurs d’un immense artiste.

LE BLU-RAY

Gauguin – Voyage de Tahiti est disponible en DVD et Blu-ray chez Studiocanal. Le visuel de la jaquette, glissée dans un boîtier classique de couleur bleue, reprend celui de l’affiche du film. Même chose pour le menu principal, fixe et musical.

L’interactivité contient tout d’abord trois courtes featurettes (4’, 5’ et 2’30), centrées sur la prestation de Vincent Cassel, sa préparation, les intentions du réalisateur, les partis pris, le tournage à Tahiti. Le tout illustré par des images de tournage et les propos de l’équipe.

Le dernier module est un entretien avec Stéphane Guégan, conseiller scientifique auprès de la Présidence du musée d’Orsay (14’), qui revient notamment sur l’ouvrage Noa Noa, tout en donnant de nombreuses indications sur les véritables événements vécus par Gauguin. A la fin de cette interview, Edouard Delluc intervient également rapidement.

L’Image et le son

Magnifique ! Contrastes exemplaires, densité impressionnante, piqué tranchant comme un scalpel, scènes sombres aussi ciselées que les séquences diurnes, tout est resplendissant. La profondeur de champ est sensationnelle, les scènes en forêt sublimes, les détails abondent (voir le visage et la barbe de Vincent Cassel), le cadre large est idéalement exploité et la colorimétrie subjugue du début à la fin. La Haute-Définition est optimale et ce master restitue avec une suprême élégance les partis pris de la photographie signée Pierre Cottereau.

La piste DTS-HD Master Audio 5.1 instaure un confort acoustique dynamique, dense et souvent percutant. Les voix sont solidement plantées sur la centrale et la spatialisation musicale systématique. Toutes les séquences en extérieur sortent du lot avec une ample exploitation des latérales, la pluie qui environne les spectateurs, les grillons omniprésents, les chutes d’eau fracassantes, tout comme les percussions des musiques polynésiennes. L’éditeur joint également une piste Audiodescription, ainsi que les sous-titres destinés au public sourd et malentendant.

Crédits images : © Studiocanal / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

 

Test DVD / Un coeur à prendre, réalisé par Hallie Meyers-Shyer

UN COEUR À PRENDRE (Home Again) réalisé par Hallie Meyers-Shyer, disponible en DVD le 21 juin 2018 chez Metropolitan Vidéo

Acteurs :  Reese Witherspoon, Pico Alexander, Jon Rudnitsky, Nat Wolff, Candice Bergen, Michael Sheen, Lola Flanery, Eden Grace Redfield…

ScénarioHallie Meyers-Shyer

Photographie : Dean Cundey

Musique : John Debney

Durée : 1h33

Année de sortie : 2017

LE FILM

Alice Kinney est une mère célibataire de 40 ans, avec deux filles, qui vit dans les quartiers aisés de Los Angeles. Le soir de son anniversaire, elle rencontre trois jeunes étudiants en cinéma qui cherchent un logement, et décide de les héberger. Les trois jeunes hommes s’installent doucement dans le quotidien de cette jolie maman. Cette dernière entame une liaison avec Harry, le réalisateur du groupe. Lorsque son ex mari revient à Los Angeles, Alice est alors prise entre son amour naissant avec Harry et Austen, le père de ses enfants dont elle est séparée depuis quelques mois.

Comédie typiquement américaine, Un coeur à prendre Home Again n’a pas connu de réel succès aux Etats-Unis et n’a donc pas été suivi d’une sortie dans les salles hexagonales. Sans doute parce que la comédienne Reese Witherspoon n’a pas un nom suffisamment attractif dans nos contrées. Pourtant, l’actrice née en 1976 a su faire sa place à Hollywood. Depuis sa révélation en 1996 dans Freeway de Matthew Bright, jusqu’à sa confirmation dans Pleasantville de Gary Ross (1998) et Sexe Intentions (Cruel Intentions) de Roger Kumble (1999), Reese Witherspoon a ensuite eu le flaire pour alterner comédies populaires (Little Nicky avec Adam Sandler, La Revanche d’une blonde et La Blonde contre-attaque) et films d’auteur très remarqués. On l’a vue notamment passer avec talent devant les caméras d’Alexander Payne (L’Arriviste), James Mangold (Walk the Line, Oscar de la meilleure actrice), James L. Brooks (Comment savoir), Jeff Nichols (Mud : Sur les rives du Mississippi), Paul Thomas Anderson (Inherent Vice) et Jean-Marc Vallée (Wild). Un C.V. impressionnant. La comédienne est également la productrice de l’excellente série Big Little Lies. Elle peut donc se permettre quelques récréations, ce qui est le cas d’Un coeur à prendre, réalisé par la jeune Hallie Meyers-Shyer, fille de la cinéaste Nancy Meyers (Ce que veulent les femmes, Tout peut arriver, The Holiday, Pas si simple, Le Nouveau stagiaire), par ailleurs productrice sur ce film.

Fille de réalisateurs, son père est Charles Shyer (Baby Boom, Le Père de la mariée avec Steve Martin), Hallie Meyers-Shyer parle évidemment de cinéma dans son premier long métrage, et plus particulièrement de la vie au sein d’une famille dont le septième art tient une place importante dans le quotidien. Soyons honnêtes, Un coeur à prendre ne vaut que pour le charme et le naturel de la lumineuse Reese Witherspoon. Du haut de son mètre 56, bondissant sur ses talons hauts, capable de faire rire en un seul froncement de sourcil, l’actrice a peu à faire pour emporter l’adhésion.

Le personnage joué par Reese Witherspoon est ainsi la fille d’un grand réalisateur décédé, et d’une comédienne, muse de son époux, interprétée ici par l’illustre Candice Bergen. Après avoir décidé de ne pas suivre la voie qui lui était tracée, Alice tente sa chance en tant que décoratrice pour les habitants fortunés de son quartier. Seulement le cinéma revient toujours dans sa vie, d’autant plus quand elle accepte d’héberger un réalisateur, un scénariste et un comédien, trois jeunes amis remarqués pour leur court-métrage.

A ces sujets, Hallie Meyers-Shyer incorpore évidemment ce qu’il faut de bluette pour mettre sa comédienne principale en valeur. Ses trois partenaires manquent quelque peu de charisme et seul Jon Rudnitsky (George) se distingue réellement. L’alchimie est cependant évidente entre les acteurs, Un coeur à prendre fonctionne bien grâce au tempérament de Reese Witherspoon. Certes, la mise en scène est uniquement fonctionnelle et les partis pris font parfois penser à du soap-opéra, mais le film est suffisamment drôle, rythmé et attachant pour qu’on se laisse finalement porter pendant 1h30.

LE DVD

Un coeur à prendre, disponible chez Metropolitan Video, débarque donc directement en DVD en France. Edition minimaliste, sortie technique. Menu principal fixe et musical.

L’éditeur joint quelques bandes-annonces de films disponibles dans son catalogue, ayant pour titre « Love » quelque chose.

L’Image et le son

Une édition plutôt lambda. Les couleurs sont chatoyantes, un peu trop sans doute, le piqué est aléatoire, mais s’en tire honorablement, surtout que les partis pris esthétiques font plus penser à une série télévisée qu’à un long métrage. La gestion des contrastes est solide, même si nous pouvions attendre plus de détails. Heureusement, l’encodage consolide l’ensemble et les séquences tournées en extérieur sont assez jolies.

Un coeur à prendre n’est pas un film à effets, mais les pistes anglaise et française Dolby Digital 5.1 parviennent à distiller ici et là quelques ambiances. La plupart des séquences reposent sur les dialogues et les mixages se concentrent souvent sur les enceintes avant. Il ne faut pas vous attendre à des effets explosifs, la spatialisation est essentiellement musicale, les effets latéraux sont rares. Les voix des comédiens sont ardentes en version originale, tout comme en français, même si cette piste les met un peu trop à l’avant. Le confort acoustique est assuré tout du long.

Crédits images : © METROPOLITAN FILMEXPORT /  Captures DVD : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

Test Blu-ray / The Age of Shadows, réalisé par Kim Jee-woon

THE AGE OF SHADOWS réalisé par Kim Jee-woon, disponible en DVD et Blu-ray le 23 janvier 2018 chez Studiocanal

Acteurs :  Lee Byung-hun, Song Kang-ho, Gong Yoo, Han Ji-min, Park Hee-soon, Shingo Tsurumi…

Scénario : Kim Jee-woon, Lee Ji-min, Park Jong-dae

Photographie : Kim Ji-yong

Musique : Mowg

Durée : 2h20

Année de sortie : 2016

LE FILM

Les années 1920, pendant la période d’occupation de la Corée par le Japon. Lee Jung-chool, ancien résistant devenu capitaine de police coréen travaillant pour la police japonaise, doit démanteler un réseau de la résistance coréenne dont il réussit à approcher l’un des leaders, Kim Woo-jin. Les deux hommes que tout oppose – mais qui connaissent chacun la véritable identité de l’autre – vont être amenés à se rapprocher, tout en continuant à dissimuler l’un à l’autre leurs propres desseins. Kim Woo-jin va alors tenter de convaincre Lee Jung-chool de revenir du côté de la résistance et lui demander de les aider à faire passer des explosifs jusqu’à Séoul.

Attention ! Kim Jee-woon est de retour et le moins que l’on puisse dire, c’est que le réalisateur de Deux sœurs (2003), A Bittersweet Life (2005), Le Bon, La Brute et le Cinglé (2008), J’ai rencontré le Diable (2010) et Le Dernier Rempart (2013), escapade hollywoodienne dans laquelle il dirigeait Arnold Schwarzenegger, Johnny Knoxville et Jaimie Alexander, a décidé de voir grand. The Age of Shadows combine à la fois le film d’espionnage, le drame historique et le thriller, le tout dans des décors sublimes et une esthétique à se damner. Prenez place, car vous allez assister à 140 minutes d’images sensationnelles, qui s’imposent d’ores et déjà parmi les plus incroyables à découvrir en 2018, même si le film aura mis près de deux ans à nous parvenir.

Soyons honnêtes, nous ne pouvons pas tout comprendre les enjeux de The Age of Shadows. Toutefois, le cinéaste en est pleinement conscient et parvient à happer l’attention du spectateur dès l’extraordinaire séquence d’ouverture, pour ne plus le lâcher durant 2h20. Le cinéma sud-coréen est décidément très inspiré, pour ne pas dire le meilleur du monde aujourd’hui, et The Age of Shadows ne déroge pas à la règle.

Le film de Kim Jee-woon est une véritable bombe, qui ne cesse de flatter les sens, qui foudroie les yeux par sa beauté plastique, par celle des costumes, du cadre large, des interprètes tous formidables. Doté d’un budget conséquent de près de 10 millions de dollars, financé et distribué pour la première fois en Corée du Sud par la Warner Bros, The Age of Shadows s’adresse aux cinéphiles, mais également au plus grand nombre car Kim Jee-woon n’oublie jamais la portée populaire et divertissante de son film. Si certains pourraient se sentir quelque peu largués par l’aspect politique du récit, le réalisateur parvient systématiquement à rattraper celles et ceux qui auraient pu être laissés sur le bas-côté.

The Age of Shadows est une succession de séquences incroyables, toutes destinées à devenir cultes. Des morceaux de bravoure qui laissent pantois d’admiration, que ce soit le prologue, ou la très longue scène du train reliant Shanghaï à Séoul, durant laquelle s’affrontent tous les personnages dans une sorte de relecture d’Agatha Christie. Mais le huitième long métrage de Kim Jee-woon ne se résume évidemment pas seulement à cela. Les personnages sont riches et ambigus à souhait. Chaque comédien et donc chaque personnage joue sa propre partition dans un opéra savamment orchestré de main de maître. Pas un seul moment de répit n’est laissé aux spectateurs, embarqués dans un véritable train fou, tendu, nerveux et virtuose, un jeu du chat et de la souris toujours haletant, parfois violent (les tortures sont montrées frontalement), une multitude de faux-semblants et du double-jeu en pagaille.

Projeté hors compétition à la Mostra de Venise en 2016 et représentant la Corée du Sud aux Oscars pour le meilleur film en langue étrangère en 2017, The Age of Shadows n’a malheureusement pas connu les honneurs d’une sortie dans les salles françaises. Espérons que son exploitation en DVD et Blu-ray fasse connaître ce chef d’oeuvre à une très large audience !

LE BLU-RAY

The Age of Shadows est disponible en DVD et Blu-ray chez Studiocanal. L’édition HD est présentée sous la forme d’un boîtier bleu traditionnel. Le visuel de la jaquette est élégant. Le menu principal est fixe et muet.

Edition minimaliste, ce Blu-ray ne contient aucun supplément.

L’Image et le son

Heureusement, l’éditeur se rattrape du côté technique. On ne saurait faire mieux. Le cinéaste Kim Jee-woon collabore une fois de plus avec le chef opérateur Kim Ji-yong (A Bittersweet Life, Le Dernier Rempart). Les partis pris esthétiques originaux sont magnifiquement rendus à travers ce Blu-ray d’une folle élégance. Le piqué est affûté, les contrastes fabuleusement riches, les détails sont abondants aux quatre coins du cadre large, tandis que le codec AVC consolide l’ensemble avec fermeté, y compris sur les très nombreuses scènes se déroulant dans la pénombre ou en intérieur.

Les pistes française et coréenne DTS-HD Master Audio 5.1, logées à la même enseigne, instaurent d’excellentes conditions acoustiques et font surtout la part belle à la musique, très présente pendant plus de deux heures. Les basses ont souvent l’occasion de briller, les ambiances naturelles sont bien présentes, les effets sont toujours saisissants (les quelques fusillades et poursuites) et le rendu des voix est sans failles. De quoi bien décrasser les frontales et les latérales. Les sous-titres français sont imposés.

Crédits images : © Studiocanal / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

Test DVD / Une balle signée X, réalisé par Jack Arnold

UNE BALLE SIGNÉE X (No Name on the Bullet) réalisé par Jack Arnold, disponible en DVD et combo DVD/Blu-ray le 31 mai 2018 chez Sidonis Calysta

Acteurs :  Audie Murphy, Charles Drake, Joan Evans, Virginia Grey, Warren Stevens, R.G. Armstrong, Willis Bouchey, Edgar Stehli, Simon Scott…

Scénario : Gene L. Coon d’après une histoire originale de Howard Amacker

Photographie : Harold Lipstein

Musique : Herman Stein

Durée : 1h17

Année de sortie : 1959

LE FILM

Un cavalier solitaire et énigmatique arrive dans la petite ville de Lordsburg. L’homme est plutôt discret et taciturne, mais il est bientôt reconnu comme John Gant, un impitoyable tueur à gages. Cette arrivée équivaut donc à un arrêt de mort pour l’un des habitants de la tranquille localité…

Spécialiste des séries B et bien que disposant de budgets très modestes, Jack Arnold Waks alias Jack Arnold (1916-1992) n’en est pas moins un immense réalisateur. Prolifique, il prend son envol dans les années 1950 où il enchaîne les films qui sont depuis devenus de grands classiques : Le Météore de la nuit (1953), L’Etrange Créature du lac noir (1954), La Revanche de la créature (1955), Tarantula (1955), L’Homme qui rétrécit (1957) sans oublier La Souris qui rugissait (1959). Au total, près d’une vingtaine de longs-métrages tournés à la suite, toujours marqués par le professionnalisme et le talent de son auteur, combinant à la fois les effets spéciaux alors à la pointe de la technologie, des personnages ordinaires et attachants, plongés malgré eux dans une histoire extraordinaire.

Le cinéaste clôt cette éclectique décennie avec son plus grand western, Une balle signée XNo Name on the Bullet (1959), pour le compte des studios Universal. Ancien assistant du documentariste Robert Flaherty, Jack Arnold comprend l’importance d’un montage resserré. Peu importe le genre abordé, la durée de ses films avoisinait souvent 80 minutes. Une balle signée X ne fait pas exception à la règle et c’est sans doute l’une des grandes forces de ce western d’exception puisque Jack Arnold peut ainsi instaurer une tension constante, en jouant quasiment avec une unité de lieu, de temps et d’action. Une balle signée X est l’un de ses chefs d’oeuvre et offre également à Audie Murphy l’un de ses plus grands rôles à l’écran.

John Gant, cavalier mystérieux, arrive à Lordsburg, petite ville tranquille du Sud-ouest des Etats-Unis. Peu loquace, c’est un tueur professionnel. Les habitants de la ville, terrifiés, cherchent à savoir quel est l’homme que le tueur doit abattre. Le banquier Thad Pierce et le transporteur Earl Stricker croient que Ben Chaffee dont ils ont volé la mine, a payé Gant pour les tuer. Ce dernier fait la connaissance du docteur Luke Canfield. La tension monte dans la petite ville mais Gant ne révèle toujours pas quelle est sa future victime…

L’une des grandes trouvailles d’Une balle signée X est d’avoir confié le rôle principal à Audie Murphy. Avant d’être acteur, Audie Leon Murphy (1925-1971) fut l’un des soldats américains les plus décorés de la Seconde Guerre mondiale. Bardé de toutes les médailles militaires internationales existantes, il est notamment connu pour avoir stoppé et bloqué seul pendant une heure l’assaut d’une troupe allemande en janvier 1945 dans la poche de Colmar. Ayant participé aux campagnes d’Italie et de France, sa maîtrise des armes est remarquée par quelques producteurs qui souhaitent alors surfer sur sa notoriété. Il entame alors une carrière à la télévision et au cinéma et joua dans une quarantaine de longs métrages, y compris dans l’adaptation cinématographique de son autobiographie L’Enfer des hommesTo Hell and Back, réalisé par Jesse Hibbs en 1955, dans lequel il interprète son propre rôle. Audie Murphy reste surtout connu par les amateurs de westerns, genre dans lequel il s’est ensuite principalement illustré. Citons quelques titres : La Parole est au Colt (1966), Représailles en Arizona (1965), La Fureur des Apaches (1964), La Patrouille de la violence (1964), Les Cavaliers de l’enfer (1961), Le Diable dans la peau (1960), Le Fort de la dernière chance (1957).

Jack Arnold a su utiliser le visage poupin et la taille modeste d’Audie Murphy pour distiller un malaise latent, un peu à la manière d’un James Cagney. Le comédien campe un personnage qui s’exprime peu et lentement, qui s’installe souvent sur un porche ou dans un fauteuil pour ne plus en bouger, observant ceux qui l’entourent en les fixant du regard. Si Audie Murphy n’était pas l’acteur le plus expressif, il n’en demeure pas moins formidable ici en tueur à gages notoire qui compte déjà près d’une trentaine d’assassinats à son palmarès. Sa présence signifie que ses « talents » ont été loués pour descendre quelqu’un en ville. C’est alors que la paranoïa s’empare des habitants, qui ont tous quelque chose à se reprocher. Le mode d’opération de Gant est toujours le même. Ce dernier attend patiemment que sa future victime vienne directement à lui. Prise de peur, la proie en vient alors aux armes. Gant n’a plus qu’à agir en état de légitime défense, ce qui lui évite ainsi de devenir hors-la-loi et de finir en prison.

Parmi la population de Lorsburg se distingue le médecin. Très vite, une relation ambiguë s’installe entre Gant et le Dr. Luke Canfield, excellemment interprété par Charles Drake. En voyant ce dernier dévoué à son travail, Gant se rend compte qu’il existe finalement de la bonté chez l’être humain et que chaque action n’est pas obligatoirement liée à l’argent. Avec sa solide direction d’acteurs, son montage nerveux, son intrigue digne d’un véritable thriller psychologique et son suspense maintenu jusqu’au dénouement, Une balle signée X est un western remarquable et passionnant, à connaître absolument et à diffuser dans les réseaux cinéphiles.

LE DVD

Le test du DVD d’Une balle signée X, disponible chez Sidonis Calysta, a été réalisé à partir d’un check-disc. Le menu principal est typique de la collection, animé et musical.

Grand défenseur du cinéaste Jack Arnold, Bertrand Tavernier se taille la part du lion dans les suppléments, en revenant sur Une balle signée X pendant près de 25 minutes. Pour lui, No Name on the Bullet est ni plus ni moins le meilleur western du réalisateur, « le plus fort et le plus original ». Bertrand Tavernier évoque le scénariste Gene L. Coon, mais se penche surtout sur l’interprétation d’Audie Murphy et son personnage d’ange exterminateur. La mise en scène de Jack Arnold est également passée au peigne fin.

C’est ensuite au tour de l’imminent Patrick Brion de présenter ce qu’il considère comme étant un chef d’oeuvre, « un western superbe, magnifique, passionnant, d’une simplicité éblouissante et certainement sous-estimé » (12’). L’historien du cinéma aborde ce « modèle de construction », qui « témoigne de la mutation d’un genre » , tout en mettant lui aussi en avant l’interprétation d’Audie Murphy.

La vie de soldat et la carrière de ce dernier sont également au centre d’un petit module réalisé en 2010, avec Patrick Brion face caméra (5’30).

L’interactivité se clôt sur la bande-annonce non restaurée.

L’Image et le son

Dommage de ne pas avoir pu mettre la main sur l’édition HD. Néanmoins, ce DVD ne démérite pas. Le master d’Une balle signée X s’avère lumineux, d’une propreté correcte (on note des points blancs, quelques rayures et tâches), stable et franchement plaisant pour les mirettes. Le cadre large 2.35 étonne par son lot de détails, le piqué est pointu, les contrastes sont fermes, même si parfois accompagnés d’effets de pulsations, et les fondus enchaînés n’entraînent pas de décrochage. Seule la colorimétrie est parfois un peu délavée sur certaines séquences, mais le fait est que la copie demeure de haute tenue, surtout que le grain original est respecté et très bien géré.

Que votre choix se porte sur la version originale (avec sous-titres français imposés) ou la version française (plus couverte et étriquée), la restauration est également satisfaisante. Aucun souffle constaté sur les deux pistes, l’écoute est frontale et assez dynamique. Les effets annexes sont plus conséquents sur la version originale que sur la piste française, moins précise, mais le confort acoustique est assuré sur les deux options. Le changement de langue est verrouillé à la volée.

Crédits images : © Universal Pictures / Sidonis Calysta Captures DVD : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

Test Blu-ray / The Passenger, réalisé par Jaume Collet-Serra

THE PASSENGER (The Commuter) réalisé par Jaume Collet-Serra, disponible en DVD, Blu-ray et 4K Ultra HD le 29 mai 2018 chez Studiocanal

Acteurs :  Liam Neeson, Vera Farmiga, Patrick Wilson, Sam Neill, Elizabeth McGovern, Jonathan Banks, Florence Pugh, Andy Nyman…

ScénarioByron Willinger, Philip de Blasi, Ryan Engle

Photographie : Paul Cameron

Musique : Roque Baños

Durée : 1h45

Année de sortie : 2018

LE FILM

Comme tous les jours après son travail, Michael MacCauley prend le train de banlieue qui le ramène chez lui. Mais aujourd’hui, son trajet quotidien va prendre une autre tournure. Après avoir reçu l’appel d’un mystérieux inconnu, il est forcé d’identifier un passager caché dans le train, avant le dernier arrêt. Alors qu’il se bat pour résoudre cette énigme, il se retrouve pris dans un terrible engrenage. Une conspiration qui devient une question de vie ou de mort, pour lui ainsi que pour tous les autres passagers !

L’horrible trilogie Taken avait fait oublier à quel point Liam Neeson pouvait être bon quand il s’en donne la peine et quand il est bien dirigé. Comme Nicolas Cage quoi. Entre quelques purges bien senties, Taken, Taken 2, Taken 3, Le Choc des titans, La Colère des titans, The Other Man, le comédien se souvient de son boulot et n’hésite pas à s’investir dans de grands projets comme Chloé d’Atom Egoyan, Le Territoire des loups de Joe Carnahan, Balade entre les tombes de Scott Frank, Quelques minutes après minuit de Juan Antonio Bayona et Silence de Martin Scorsese. Les derniers divertissements de sa filmographie, même pas coupables, car rappelons que « plaisir coupable » ne veut rien dire, restent incontestablement ses collaborations avec le réalisateur espagnol Jaume Collet-Serra (La Maison de cire, Esther, Instinct de survie). The Passenger, titre « français » de The Commuter est la quatrième association Collet-Serra/Neeson après Sans identité (2011), Non-Stop (2014) et Night Run (2015). Si l’impression de redite est incessante durant l’intégralité du long métrage, The Passenger ne se moque pas des spectateurs et ce nouvel opus mené par l’acteur irlandais n’est pas avare en scènes d’action. C’est juste que The Passenger ne sort jamais des rails (rires) d’un scénario trop balisé et reste bloqué en pilotage automatique du début à la fin.

Ancien policier new-yorkais âgé de 60 ans, Michael « Mike » MacCauley (Liam Neeson) est commercial chez l’assureur Union Capital Insurance depuis 10 ans, lorsqu’il est soudainement licencié. Comble de malchance, alors qu’il s’apprête à prendre le train de banlieue de la ligne Hudson Nord, depuis la gare Grand Central Terminal, pour rentrer chez lui comme tous les jours, Michael se fait voler son téléphone. Durant le trajet, il est abordé par la séduisante Joanna (Vera Farmiga). Celle-ci lui demande d’identifier un voyageur inhabituel parmi les passagers quotidiens en échange de 100 000 dollars. Pour trouver l’intrus, Michael dispose de peu d’indices ; il s’appelle Prynne, il porte un sac et il descendra au terminus Cold Spring. Après avoir récupéré un acompte de 25 000 dollars caché dans les toilettes, Michael décide de refuser le marché, mais se voit contraint de l’honorer pour éviter qu’arrive malheur à sa femme Karen et son fils Danny. Il doit alors tout faire pour résoudre à temps cette énigme, tout en essayant de protéger les passagers…

Si ce thriller n’égale pas les précédentes collaborations Neeson/Collet-Serra, il n’y a pas tromperie sur la marchandise. Selon l’avis du comédien principal lors de la promotion du film en France, « The Passenger, c’est un peu comme Non-Stop, mais dans un train ». Voilà, tout est résumé. Rien ou presque ne change, si ce n’est le transport en commun dans lequel l’ami Liam promène son mètre 93 en fronçant les sourcils, ce qui semble plus difficile à faire ici après un petit tour chez le chirurgien esthétique. Le nouveau lifting de l’acteur le fait parfois ressembler à un épouvantail, mais l’intrigue lui permet de jouer avec son âge. Le but avoué de The Passenger est de plonger Liam Neeson dans des aventures toujours aussi nawak, où il pourra donner du poing et des coups de tatane, tout en donnant la réplique à son partenaire préféré depuis dix ans, son téléphone portable. Agé de 65 ans, l’acteur assure le boulot sans se forcer, mais toujours avec efficacité, traînant son pas de vieux briscard fatigué.

De son côté, Jaume Collet-Serra, loin d’être un tâcheron, emballe l’ensemble pied au plancher, sans jamais laisser le temps aux spectateurs de se reposer ou de réfléchir quant à la crédibilité (ou cré-débilité pourrait-on dire) de ce qui vient de se produire à l’écran. Au final, The Passenger est une course contre la montre menée à cent à l’heure, un film d’action très agréable, une histoire de huis clos classique mais séduisante, immersive et nerveuse, qui vaut également pour la participation de la géniale et sublime Vera Farmiga, sans oublier la classe de Sam Neill.

D’accord, nous sommes évidemment plus proches de Piège à grande vitesse (1995) avec Steven Seagal qu’Une femme disparaît (1938) et L’Inconnu du Nord-Express (1951) d’Alfred Hitchcock, mais ça passe le temps, sans prendre la tête. Ça tombe bien, c’est fait uniquement pour ça. Mission accomplie donc.

LE BLU-RAY

Le test du Blu-ray de The Passenger, disponible chez Studiocanal, a été réalisé à partir d’un check-disc. Le menu principal est sobre, animé sur quelques séquences du film.

Etrange. Alors que le film de Jaume Collet-Serra a tout pour cartonner dans les bacs, l’éditeur ne propose comme supplément qu’une minuscule interview de Liam Neeson (4’). Ne vous attendez donc pas à une profonde analyse psychologique des personnages, mais plutôt à un exercice de style dans lequel le comédien aborde plein de sujets lancés à la volée, sans rien approfondir.

L’Image et le son

Si l’on excepte deux ou trois plans plus doux, la copie HD du film de Jaume Collet-Serra se révèle irréprochable. Que l’histoire se déroule dans les décors urbains grisâtres, ou bien dans les wagons froids du train, le master HD restitue brillamment les partis pris esthétiques de la photographie très contrastée (comme le teint de Liam Neeson) du chef opérateur Paul Cameron (60 secondes chrono, Opération Espadon, Man on Fire, Collateral). Le relief est omniprésent, le piqué aiguisé comme une lame de rasoir, la clarté de mise à l’instar des yeux bleus étincelants de Vera Farmiga. Le cadre large est magnifiquement exploité, les détails sont légion, un léger grain cinéma est palpable et la profondeur de champ impressionnante. Le nec plus ultra de la Haute définition, c’est superbe.

Comme pour l’image, l’éditeur a soigné le confort acoustique et livre deux mixages Dolby Atmos français et anglais, souvent explosifs, autant dans les scènes d’affrontements secs que dans les (rares) séquences plus calmes. Les pics de violence peuvent compter sur une balance impressionnante des frontales comme des latérales, avec les effets qui environnent le spectateur. Les ambiances annexes sont très présentes (tout le roulis du train) et dynamiques, les voix solidement exsudées par la centrale, tandis que le caisson de basses souligne efficacement chacune des actions au moment opportun. L’éditeur joint également une piste Audiodescription, ainsi que les sous-titres français destinés au public sourd et malentendant.

Crédits images : © StudiocanalCaptures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

Test Blu-ray / Le Barbare et La Geisha, réalisé par John Huston

LE BARBARE ET LA GEISHA (The Barbarian and the Geisha) réalisé par John Huston, disponible en DVD et Blu-ray le 22 mai 2018 chez Rimini Editions

Acteurs :  John Wayne, Eiko Ando, Sam Jaffe, Sô Yamamura, Tokujiro Iketaniuchi, Fuji Kasai, Ryuzo Demura, Kodaya Ichikawa

Scénario : Charles Grayson d’après une histoire originale de Ellis St. Joseph

Photographie : Charles G. Clarke

Musique : Hugo Friedhofer

Durée : 1h45

Année de sortie : 1958

LE FILM

En 1856, Townsend Harris, le premier consul américain, se rend en mission au Japon. Il débarque dans le port de Shimoda. Là, il découvre rapidement les dures lois d’un empire isolé, qui interdit encore son approche à tous les navigateurs venus d’Occident. Pour installer son consulat, le diplomate a besoin de la permission du shogun de Yedo. Mais Tamura, le gouverneur de Shimoda, lui interdit formellement de se rendre dans cette ville. Dans l’intention de surveiller ses moindres faits et gestes, il offre à l’Américain une délicieuse geisha nommée Okishi…

Nous sommes en 1958, la 20th Century Fox est très heureuse de la dernière commande de John Huston. Dieu Seul le sait est un petit succès qui ramène suffisamment d’argent pour leur donner l’envie de renvoyer le réalisateur au turbin. Celui-ci est d’ailleurs intéressé par l’idée de tourner, selon ses mots son «film Japonais» et se lance donc dans la production du Barbare et la Geisha, une oeuvre immensément riche dans son propos et tout aussi importante cinématographiquement parlant. Tout comme le personnage de Townsend Harris (John Wayne) qui tente de convaincre le Japon de coopérer avec les Occidentaux, la Fox était intéressée par le continent Japonais. Le film était donc une parfaite occasion pour Darryl F. Zanuck (fondateur de la Twentieth Century Fox) de s’implanter davantage dans un pays déjà très attiré par les productions américaines.

Cela permis également à John Huston d’être épaulé durant l’écriture du film par Teinosuke Kinugasa, réalisateur de La Porte de L’enfer (1954), que le cinéaste admirait. Teinosuke Kinugasa supervisa le script de manière à garder un aspect réaliste tout le long du récit. Le film s’inspirant d’un fait réel, John Huston insiste sur sa volonté de tourner une oeuvre sérieuse et respectueuse. Et même si le récit se permet quelques digressions amusantes (une bagarre au montage très western), le réalisateur aura réussi à garder le contrôle de son histoire jusqu’au dénouement final.

On retrouve au casting le mythique John Wayne dans un rôle où on ne l’attendait pas. Figure emblématique du western, il navigue ici en terre inconnue avec une aisance qui force le respect, tantôt bourru et maladroit, tantôt tragique et touchant. Il donne la réplique à Eiko Ando, sublime actrice japonaise, point d’honneur de ce récit contemplatif ou s’entremêle complot politique et histoire d’amour impossible. Le Barbare et la Geisha est une grande réussite, même si le film semble avoir été remonté par son acteur principal, qui voyait d’un mauvais œil de ne pas être le centre du récit. Le film est certes bavard, mais jamais lourd. John Huston se permet même de créer de vrais moments de tension qui bousculent sans cesse la narration et les personnages de manière à constamment redistribuer les cartes. Cette astuce, en somme très classique, laisse le spectateur sans réponse et le pousse à se poser les bonnes questions.

Visuellement très riche et profitant du format CinemaScope, le film est une ode au Japon. John Huston aime ce pays et cela se ressent. Autant dans le soin apporté aux costumes et aux décors que celui apporté à la mise en scène. Le Barbare et La Geisha est un très grand film assez unique, qui mérite le détour, ne serait-ce que pour sa direction artistique hallucinante et la très belle lumière de Charles G. Clarke.

LE BLU-RAY

Edité par Rimini Edition, le Blu-ray de Le Barbare et la Geisha est présenté dans un boitier classique de couleur noire. Le visuel de la jaquette est très élégant. Même chose pour le menu principal, animé et musical.

Pour accompagner le film, vous retrouverez côté supplément une passionnante interview de Patrick Brion. Durant 27 minutes l’historien du cinéma contextualise le film dans son époque, parlant de sa création avec beaucoup de précision. L’interview est illustrée par des extraits du film et de photos d’archives.

L’Image et le son

Quel plaisir de (re)découvrir ce film méconnu de John Huston dans de telles conditions ! Le master HD 2.35 au codec AVC (1080p) affiche une propreté souvent épatante, restituant la vivacité et la saturation de la photographie signée Charles G. Clarke (Les Inconnus dans la ville, Capitaine de Castille) avec sa texture argentique originale, des costumes, en passant par l’incroyable richesse des décors, tout en délivrant un relief inédit, un piqué inouï, une stabilité exemplaire, des contrastes affirmés et un niveau de détails inégalé. La restauration n’en finit pas d’étonner, les fondus enchaînés n’affichent pas trop de décrochages et même si les gros plans ne se révèlent pas aussi ciselés que le reste, surtout sur les séquences plus sombres, le film de John Huston retrouve une nouvelle jeunesse.

Le remixage de la version originale en DTS-HD Master Audio 5.1 profite surtout à la composition de Hugo Friedhofer (Plus dure sera la chute, Vera Cruz). Certaines petites ambiances latérales et basses parviennent à se faire entendre, sans rendu artificiel. Toutefois, n’hésitez pas à sélectionner la piste anglaise DTS-HD Master Audio 2.0 qui contente non seulement les puristes, mais se révèle également soignée, fluide et largement suffisante pour créer un grand confort acoustique. La piste française DTS-HD Master Audio 2.0 au doublage soigné, est propre, mais ne possède pas la même dynamique que son homologue.

Crédits images : ©  Twentieh Century Fox Home Entretainment LLC All Rights Reserved / Rimini Editions / Critique du film, parties généralités et suppléments : Alexis Godin / Captures Blu-ray et partie technique : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

Test Blu-ray / La Fille de Dracula, réalisé par Jess Franco

LA FILLE DE DRACULA réalisé par Jess Franco, disponible en combo DVD/Blu-ray le 5 juin 2018 chez Artus Films

Acteurs :  Carmen Yazalde, Anne Libert, Alberto Dalbés, Howard Vernon, Daniel White, Jesús Franco, Fernando Bilbao, Carmen Carbonell

Scénario :   Jess Franco

Photographie : José Climent

Musique : René Sylviano, Daniel White

Durée : 1h22

Année de sortie : 1972

LE FILM

Louisa se rend dans le manoir familial où l’attend sa grand-mère, la baronne Karlstein. Celle-ci, mourante, lui dévoile la malédiction qui pèse sur leur famille depuis des générations. En effet, dans la crypte, repose leur ancêtre, Dracula, qui a toujours besoin de sang de jeunes femmes.

Ancien assistant d’Orson Welles sur Falstaff, Jesús Franco Manera dit Jess Franco (1930-2013) a réalisé près de 200 films, depuis son premier succès L’horrible docteur Orloff (1961). Agrémentant ses films d’horreur d’un érotisme aussi esthétique que sulfureux, il va enchaîner les films à un rythme infernal, adaptant Sade, Masoch, Mirbeau. Sa muse, Soledad Miranda, disparue, il trouve en Lina Romay sa nouvelle et ultime égérie, qu’il magnifiera de films en film. Bien plus qu’un simple artisan boulimique de pellicules, Jess Franco, également connu sous les pseudonymes de Clifford Brown, Adolf M. Frank, J.P. Johnson, David Khune et Jess Frank, restera un véritable auteur, un cinéaste doué et prolifique. Les titres de ses films restent très explicites : Le Sadique Baron Von Klaus (1962), Le Diabolique docteur Z (1966), Sumuru, la cité sans hommes (1969), Les Inassouvies (1970), Le Journal intime d’une nymphomane (1972), Les Expériences érotiques de Frankenstein (1973) et bien d’autres.

Production franco-portugaise sortie en 1972, La Fille de Dracula n’est clairement pas l’un de ses meilleurs opus et décontenancera même les amateurs de petits films d’horreur, puisque ce qui intéresse une fois de plus Jess Franco c’est de mettre toutes ses comédiennes à poil dès qu’il en a l’occasion. Soyons honnêtes, cet opus n’apporte absolument rien au mythe et cette variation ennuie souvent pendant ses 82 minutes.

Une jeune fille, Luisa, rend visite à sa grand-mère mourante, la baronne Karlstein, dans sa demeure. Avant de mourir, elle lui dévoile la malédiction qui pèse sur leur lignée familiale depuis des générations. La crypte dans le sous-sol de sa maison renferme l’ancêtre Karlstein, connu sous le nom de Dracula, et l’on doit s’assurer qu’il ne boira plus jamais de sang. Mais ce dernier, toujours avide de chair fraîche, sort de sa tombe et oblige Luisa, en la plongeant dans une transe sexuelle, à séduire de jeunes filles pour ensuite les ramener à lui pour qu’il suce leur sang. Mais Luisa, vampirisée par ce dernier, y prend également goût…

Bon, La Fille de Dracula n’est pas non plus mauvais hein, c’est juste que Jess Franco passe un peu trop de temps à filmer les corps nus, certes désirables et sensuels, de ses comédiennes, en jouant avec le zoom sur les poitrines tendues vers la caméra ou sur les pubis généreux. Tout cela pendant qu’un piano de bastringue s’emporte pour essayer de donner du rythme à cette succession de cadres redondants. On en viendrait même à oublier que le film est tout d’abord pensé comme une relecture d’une des grandes figures du cinéma d’horreur. Heureusement, quelques gros plans sur des incisives aiguisées, des cous recouverts de ketchup (ou de tabasco) et un cercueil qui s’ouvre sur le célèbre comte Dracula, « interprété » par un Howard Vernon fardé qui passe son peu de temps à l’écran allongé ou à se relever légèrement pour s’étirer, nous sortent un peu de la léthargie.

A côté de cela, les séquences saphiques sont plutôt jolies à regarder et Jess Franco parvient à plonger les spectateurs dans une sorte de transe chaleureuse et agréable. Sur un rythme en dents de (vampires) scie, le réalisateur espagnol compile les séquences très réussies à l’instar de la première scène de « voyeurisme » très giallesque, qui alterne les gros plans sur un oeil écarquillé et ceux sur la jeune femme épiée en prenant son bain, avec d’autres beaucoup plus anecdotiques liées à l’enquête policière. La Fille de Dracula, un des neuf films que Jess Franco mettra en scène en 1972, comblera donc les fans de belles poupées dénudées, surtout la troublante Britt Nichols qui ne laisse pas du tout indifférent, mais risque de frustrer celles et ceux qui s’attendaient à un véritable film d’épouvante.

LE BLU-RAY

La Fille de Dracula est disponible chez Artus Films, dans un très beau combo DVD/Blu-ray. La jaquette au visuel soigné est glissée dans un boîtier de couleur noire. Le menu principal est fixe et muet.

En plus d’un diaporama, l’éditeur propose une intervention de Jean-François Rauger (19’), disponible dans une qualité fort médiocre, comme si le directeur de la programmation de la Cinémathèque avait été enregistré via sa webcam. Toujours est-il que cet entretien est comme d’habitude passionnant, riche en anecdotes sur la carrière de Jess Franco, auquel Jean-François Rauger semble très attaché. La Fille de Dracula est replacé dans la filmographie du cinéaste. Notre interlocuteur évoque également les intentions, mais surtout l’approche du mythe de l’épouvante par le réalisateur, et n’hésite pas à comparer Jess Franco à Jean-Luc Godard dans ses partis pris de déconstruction du cinéma classique.

L’Image et le son

Qui aurait pu croire qu’une œuvre de Jess Franco serait choyée de la sorte ? Si certains points blancs restent visibles sur les très nombreux zooms, la copie restaurée est très élégante et l’apport HD n’est pas sans donner un nouvel intérêt à La Fille de Dracula. Le piqué est éloquent, la patine argentique heureusement conservée, les couleurs très appréciables et les détails indéniables sur les décors. Très beau lifting.

Seule la version française est disponible. Le confort acoustique est assuré, l’espace phonique se révèle probant et les dialogues sont clairs, nets, précis. Aucun souffle ne vient parasiter votre projection et l’ensemble reste propre.

Crédits images : © Artus FilmsCaptures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

Test Blu-Ray / Dieu seul le sait, réalisé par John Huston

DIEU SEUL LE SAIT (Heaven Knows, Mr. Allison) réalisé par John Huston, disponible en DVD et Blu-ray le 22 mai 2018 chez Rimini Editions

Acteurs :  Deborah Kerr, Robert Mitchum

Scénario :   John Lee Mahin, John Huston

Photographie : Oswald Morris

Musique : Georges Auric

Durée : 1h48

Année de sortie : 1957

LE FILM

Seconde Guerre mondiale. Quelque part dans le Pacifique… Seul rescapé d’un torpillage, le caporal Allison échoue sur une île qu’il croit déserte. Or, l’île a pour unique habitante soeur Angela, qui a survécu à la destruction de la mission catholique à laquelle elle appartenait. Les japonais débarquent sur l’île, les obligeant à se cacher et à s’entraider.

A peine sorti du chaos que fut le tournage de son magnifique Moby Dick, John Huston se retrouve avec une nouvelle adaptation entre les mains. Heaven Know, Mr. Allison écrit par Charles Shaw. Le projet est une commande, une transposition d’un roman à succès en Angleterre.

Malgré des échanges peu courtois avec la censure de l’époque, qui voit d’un mauvais oeil cette relation entre un marine et une femme d’église, le scénario s’écrit malgré tout et le projet est lancé. Sûrement rassuré par la modestie du projet (un budget réduit, une narration plus classique et seulement deux personnages principaux), John Huston met en place cette curieuse histoire d’amour entre un soldat et une religieuse luttant pour leur vie durant la guerre. A l’aide d’une mise en scène sublime et d’une esthétique remplie de symboles (l’arrivée de Allison sur l’ile, la chasse à la tortue, le peigne), le film se concentre sur la confusion et le rapprochement de ces personnages que tout oppose.

A quoi bon se battre contre ses principes quand on est amoureux et quand la guerre fait rage ?

Les protagonistes apprendront l’un de l’autre, se confieront sur leurs craintes, leurs peines, leurs rêves, au travers des dialogues justes et sobres qui soulignent par leur simplicité le désir interdit qu’éprouvent les deux naufragés. Robert Mitchum est sensationnel dans le rôle de cet homme enfant. Impitoyable (il n’hésitera pas à tuer pour protéger soeur Angela) mais aussi touchant, il incarne un soldat en perdition, fraichement arraché à l’enfer, pour s’échouer cette terre perdue, vue comme un jardin d’Eden, où il rencontre un ange. Cette apparition, c’est Deborah Kerr. Conscient du potentiel volcanique de l’actrice, John Huston y verra une manière de tourner le dos au manichéisme hollywoodien. A une époque où l’actrice était convoitée pour sa sensualité, le réalisateur lui préfère son jeu, enveloppant la nymphe dans son costume ecclésiastique pendant la quasi-totalité du métrage. Il remplace alors la nonne sinistre et râleuse du roman original par une femme joviale et douce, aux convictions fortes et à l’écoute de son compagnon.

Les deux acteurs n’ont donc aucun mal à nous entrainer dans leurs aventures, le flegme de Robert Mitchum et la beauté hypnotique de Deborah Kerr font des merveilles. Et de péripéties, le film en est rempli. Des moments de tension souvent très bien troussés (la scène du jeu de Go, aussi drôle que stressante) qui s’enchaînent jusqu’au final.

LE BLU-RAY

Le Blu-ray de Dieu Seul le Sait, disponible chez Rimini Editions, repose dans un boîtier classique de couleur noire, glissée dans un surétui cartonné. Le menu principal est animé sur quelques séquences du film. Cette édition s’accompagne également d’un très beau livret de 36 pages John HustonA la Recherche du Paradis Perdu écrit par Christophe Chavdia.

Pour ce qui est des suppléments, c’est un peu timide. Seulement une interview, mais heureusement rondement menée et souvent passionnante de Pierre Murat (Responsable cinéma à Télérama). Ce dernier nous livre durant 27 minutes de nombreuses anecdotes de tournage entourant ce très grand film de John Huston, tout en revenant sur son casting et la collaboration des comédiens avec le cinéaste.

L’Image et le son

Bon…s’il n’y a rien à redire sur la propreté et la stabilité de la copie, force est de constater que le grain original a été trop lissé. Pourtant, le générique d’ouverture est prometteur puisque la patine argentique est bel et bien présente. Les couleurs apparaissent un peu fanées, le piqué est souvent émoussé, les fondus enchaînés décrochent sensiblement, le niveau des détails est aléatoire sur le cadre large et peu de séquences sortent du lot. La restauration est évidente, mais semble avoir déjà quelques heures de vol et aurait mérité une révision. Mais ne faisons pas la fine bouche, posséder enfin Dieu seul le sait en Haute-Définition est déjà un miracle à part entière et permettra à ce joyau méconnu de John Huston de se faire une nouvelle renommée. Le Blu-ray est au format 1080p.

La version anglaise (aux sous-titres français amovibles) est proposée en DTS-HD Dual Mono 2.0. L’écoute demeure appréciable, avec une excellente restitution de la musique, des effets annexes et des voix très fluides et aérées, sans aucun souffle. En revanche, la piste française DTS-HD Master Audio Mono, s’avère plus étriquée, moins riche et dynamique.

Crédits images : ©  Twentieh Century Fox Home Entretainment LLC All Rights Reserved / Rimini Editions / Critique du film, parties généralités et suppléments : Alexis Godin / Captures Blu-ray et partie technique : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr