L’AVENTURIER DU TEXAS (Buchanan Rides Alone) réalisé par Budd Boetticher, disponible en combo Blu-ray+DVD le 20 juin 2019 chez Sidonis Calysta
Acteurs : Randolph Scott, Craig Stevens, Barry Kelley, Tol Avery, Peter Whitney, Manuel Rojas, L.Q. Jones…
Scénario : Charles Lang d’après le roman de Jonas Ward
Photographie : Lucien Ballard
Durée : 1h19
Date de sortie initiale : 1958
LE FILM
Sur le chemin qui le ramène de Californie au Texas, Tom Buchanan, un ancien mercenaire, s’arrête à Agry, localité tenue et régentée par la famille du même nom. Il se retrouve bientôt pris au milieu de luttes intestines au sein de la famille. Après avoir pris la défense de Juan, un Mexicain qui a abattu le fils du juge Agry, Buchanan, qui voit toute la famille liguée contre lui, est dépouillé de son argent et condamné à être pendu en même temps que Juan.
LE BANDIT (The Naked Dawn) réalisé par Edgar G. Ulmer, disponible en DVD le 23 mai 2019 chez Sidonis Calysta
Acteurs : Arthur Kennedy, Betta St. John, Eugene Iglesias, Charlita, Roy Engel, Tony Martinez, Francis McDonald…
Scénario : Julian Zimet
Photographie : Frederick Gately
Musique : Herschel Burke Gilbert
Durée : 1h19
Date de sortie initiale : 1955
LE FILM
Son complice abattu lors du hold-up d’un wagon de marchandises, Santagio trouve refuge dans une ferme isolée du Haut-Mexique. Si Manuelo Lopez, le fermier, projette de le tuer pour s’emparer du butin, il y renonce après que le bandit en fuite lui a sauvé la vie. Pendant ce temps, sa femme, Maria, fatiguée d’une vie de labeur et de misère, supplie le fugitif de l’emmener aussi loin que possible. Bientôt, au moment de son départ, Santagio voit arriver Gunt, son receleur, accompagné de policiers…
De l’avis quasi-unanime, Le Bandit – The Naed Dawn est le chef d’oeuvre du cinéaste Edgar George Ulmer (1904-1972). D’origine autrichienne, ancien comédien et décorateur, assistant de F.W. Murnau, Robert Siodmak, Billy Wilder, Fred Zinnemann, il passe à la mise en scène dans les années 1930 et signe notamment Le Chat noir – The Black Cat (1934) avec Boris Karloff et Bela Lugosi. Suivront plus tard, pêle-mêle, L’Ile des péchés oubliés (1943), Barbe Bleue (1944) avec John Carradine, Detour (1945), Les Pirates de Capri (1951), L’Homme de la planète X (1951) qui reflètent l’éclectisme et le caractère prolifique du réalisateur. Edgar G. Ulmer a alors plus de quarante films et documentaires à son actif quand il entreprend Le Bandit. Un western qui n’en est pas vraiment un, mais plutôt un drame psychologique, très littéraire voire théâtral, qui renvoie aux œuvres de Tennessee Williams. Et c’est immense. Le Bandit n’a beau durer que 78 minutes, chaque seconde, chaque réplique, chaque séquence foudroient le spectateur. Pas étonnant que la critique européenne et les cinéphiles purs et durs comme François Truffaut et Bertrand Tavernier aient rapidement élevé ce film comme l’un des plus fondamentaux, riches et passionnants des années 1950.
Au Mexique, deux paysans, Santiago et Vicente, désillusionnés par la révolution, deviennent bandits et dévalisent un wagon de marchandises stationné en gare de Matamoros. Vicente est, néanmoins, mortellement atteint par un veilleur de nuit. Santiago assomme celui-ci et fuit avec son complice. Il demeure auprès de Vicente jusqu’à son ultime soupir, se comportant auprès de lui comme son confesseur. Il finit par trouver refuge chez un couple de jeunes fermiers, Manuel et Maria. Aidé de Manuel, Santiago délivre le butin – quatre caisses de montres-bracelets – à Guntz, un agent des douanes corrompu, et qui refuse de lui donner la part dévolue à Vicente. Plus tard, Maria est victime des brutalités de son époux, attiré par l’argent de Santiago. Elle cherche alors à fuir avec le bandit.
D’entrée de jeu, Edgar G. Ulmer s’éloigne de tous les stéréotypes liés au western. Si son personnage principal est mexicain et arbore un sombrero, tous les décors qui l’entourent contrastent avec les clichés habituels. Si les chevaux sont présents, les vieilles bagnoles au capot poussiéreux sont là aussi. Les armes apparaissent, mais pas de duel au soleil ici, la loi de l’Ouest a laissé la place à la loi de la jungle. Santiago, merveilleusement interprété par le grand et trop souvent oublié Arthur Kennedy (Les Affameurs d’Anthony Mann, L’Ange des maudits de Fritz Lang) passe de tableau en tableau, comme de scène en scène avec une dimension quasi-théâtrale, principalement en huis clos, qui reflète l’enfermement irrémédiable du personnage (ou comment Ulmer use du Technicolor comme du N&B au temps de l’expressionnisme allemand), malgré ses désirs de liberté.
Le premier acte détonne puisque Santiago se démarque des bandits typiques du western en soutenant son camarade Vicente dans sa lente agonie. En soutenant délicatement son complice et ami jusqu’à son dernier souffle, allant même lui chercher une couverture pour le réconforter et lui apporter une dernière once de chaleur, Santiago est montré comme un être généreux, humain. Vicente mourra en souriant, sur une lyrique partition d’Herschel Burke Gilbert. Dans la seconde partie, Santiago rencontre Manuel et Maria, jeune couple qui tente de survivre grâce à leur petit lopin de terre. Manuel est un homme faible et frustré, qui s’en prend violemment à sa femme. Cette dernière, « donnée » à son époux, rêve de s’enfuir et d’échapper à cette vie monotone, qui la condamne à s’occuper de la cuisine, du ménage. Sachant que la naissance d’un enfant enterrerait définitivement ses espoirs d’évasion, Maria – magnifique Betta St John – s’éprend rapidement de Santiago, qui représente à ses yeux la liberté et l’indépendance dont elle rêve. Edgar G. Ulmer instaure alors une tension sexuelle palpable, en jouant sur les corps fiévreux et en sueur, à l’instar d’Elia Kazan dans Un tramway nommé désir (1951).
Ce qu’il y a de remarquable dans Le Bandit, c’est la densité de son sujet, la richesse de ses thématiques, le tout exploré, trituré et analysé durant seulement 1h20. Roller-coaster d’émotions, Le Bandit joue avec l’empathie des personnages. Ni forcément sympathiques, ni détestables, les trois protagonistes sont montrés de façon brute, dans leur complexité, avec leurs bons comme leurs mauvais côtés. Quitte à vivre, les personnages le souhaitent de la meilleure façon possible, le pardon est accessible et s’il faut mourir, que cela se fasse de la façon la plus douce possible, peut-être même secrètement, au pied d’un arbre.
Le final, somptueux,
inattendu, poétique, mais pourtant inévitable, clôt cette tragédie
dans une explosion de sérénité. Immense chef d’oeuvre absolu de
tous les temps.
LE DVD
Le test du DVD du Bandit, disponible chez Sidonis Calysta, a été réalisé à partir d’un check-disc. Le menu principal est animé et musical.
Le Bandit était déjà sorti en 2013 dans la collection spécialisée de Sidonis Calysta. L’éditeur reprend les mêmes interventions proposées alors sur la galette éditée il y a six ans. Toutefois, celle de Bertrand Tavernier, qui durait alors 13 minutes, est ici rallongée de 25 minutes ! Cela permet donc au réalisateur et historien du cinéma, de s’étendre plus sur ce film qu’il adule et dont il se remémore la découverte au cinéma à l’occasion d’une ressortie dans une salle parisienne, Le Floride, film qu’il était retourné voir plusieurs fois la même semaine. Son engouement est réel, toujours aussi enthousiaste et ses propos reflètent une passion ici débordante de sincérité. Bertrand Tavernier revient en détails sur ses longues recherches effectuées pour trouver qui était ce fameux Julian Zimet, qui avait écrit ce western singulier. Puis, le fond et la forme se croisent jusqu’à la dernière seconde de cette intervention, durant laquelle Bertrand Tavernier passe également en revue le casting.
Avec sa présentation de huit minutes, Patrick Brion a évidemment peu le temps de nous donner quelques propos inédits sur Le Bandit. L’historien du cinéma est certes aussi passionné par le film d’Edgar G. Ulmer que son confrère, mais en dehors de quelques redites sur les sujets abordés dans Le Bandit, il n’y a ici rien de particulièrement intéressant.
L’interactivité se clôt
sur la bande-annonce et une galerie de photos.
L’Image et le son
Authoring différent, mais master identique ! On retrouve donc les spécificités de l’ancienne copie, à savoir une colorimétrie fanée, bleutée, un piqué complètement émoussé, des poussières, des griffures, des plans flous et une gestion des contrastes totalement aléatoire qui dénaturent toutes les séquences sombres. En revanche, le 16/9 est enfin disponible alors que le format n’était disponible qu’en 4/3 sur l’édition 2013.
La version française est couverte, lourde, étouffée, accompagnée d’un souffle omniprésent du début à la fin. Tendez bien l’oreille si vous avez opté pour cette option. La piste anglaise est heureusement plus claire avec des dialogues distincts et des effets plus vifs. Les sous-titres français ne sont pas imposés.
KANSAS EN FEU (Kansas Raiders) réalisé par Ray Enright, disponible en DVD et Edition limitée Blu-ray + DVD le 23 mai 2019 chez Sidonis Calysta
Acteurs : Audie Murphy, Brian Donlevy, Marguerite Chapman, Scott Brady, Tony Curtis, Richard Arlen, Richard Long, James Best, John Kellogg, Richard Egan…
Scénario : Robert L. Richards
Photographie : Irving Glassberg
Musique : Milton Rosen
Durée : 1h20
Date de sortie initiale : 1950
LE FILM
Jesse James, son frère Frank et trois de leurs camarades, tous très jeunes, s’enrôlent dans la bande de Quantrill, sinistre aventurier, bandit de grand chemin, qui prétend défendre la cause sudiste en tuant, pillant et violant les paisibles habitants…
Nous avons déjà parlé du comédien Audie Murphy à travers quelques-unes de nos chroniques. Si vous désirez en savoir plus sur sa carrière atypique et même sur sa vie, nous vous invitons à (re)découvrir notre article sur 40 fusils manquent à l’appel de William Witney https://homepopcorn.fr/test-dvd-40-fusils-manquent-a-lappel-realise-par-william-witney/ qui aborde largement le sujet. Kansas en feu ou bien encore Kansas Raiders en version originale, est l’un des premiers films en vedette de l’ancien soldat et nouvel acteur, alors âgé de 25 ans. Juste après les deux longs métrages de Kurt Neuman, Garçons en cage et Le Kid du Texas, Audie Murphy enchaîne avec ce nouveau western dans lequel il tient ni plus ni moins le rôle du hors-la-loi Jesse James. Après Tyrone Power dans Le Brigand bien-aimé de Henry King (1939), voici un personnage mythique qui lui permettra de prendre son envol et qui lui assurera un de ses premiers grands succès chez Universal. Rétrospectivement, si le film apparaît aujourd’hui bien désuet, il n’en conserve pas moins un charme évident et vaut également pour l’apparition au générique d’un comédien également né en 1925 et qui deviendra une star internationale, Tony Curtis.
Alors que la guerre de sécession vient d’éclater, le jeune Jesse James, qui souhaite venger la mort de ses parents et le pillage de leur ferme, prend la route avec son frère Frank, les deux frères Younger et Kit Dalton, afin de rejoindre la bande de Quantrill , un confédéré irrégulier qui oeuvre sous le drapeau sudiste. Très rapidement, ils s’aperçoivent que Quantrill ne fait que piller, incendier et massacrer, bien souvent des civils innocents, à travers tout le Kansas sous couvert de la cause sudiste. Jesse qui s’est engagé uniquement pour combattre l’armée nordiste, commence par refuser de prendre part à ces raids meurtriers. Mais il finit par se laisser gagner par l’atmosphère hystérique qui règne au sein de la bande et il devient bientôt l’un des principaux appuis de Quantrill. Il fait alors la connaissance de Kate, la fiancée de Quantrill, dont il tombe sous le charme.
Quand Hollywood joue avec les figures historiques. En effet, il ne faut pas s’attendre à ce que Kansas en feu respecte les faits réels, ainsi que les actes et la psychologie des vrais personnages. Kansas Raiders c’est un peu comme si un grand enfant s’amusait avec des Playmobils western, en leur faisant dire des répliques bad-ass, en faisant « pan-pan » tout en tenant les deux adversaires dans ses mains. Audie Murphy apprend le métier d’acteur. S’il parvient à convaincre sur les scènes d’action et le revolver à la main, ce n’est pas tout à fait la même chose pour les séquences intimistes. De ce point de vue-là, il se fait même voler la vedette par son partenaire Tony Curtis, qui était déjà apparu dans Pour toi, j’ai tué de Robert Siodmak et Winchester ‘73 d’Anthony Mann, et surtout par Brian Donlevy (Les Bourreaux meurent aussi de Fritz Lang) dans le rôle de William Quantrill. Une question de charisme sans doute, puisque Audie Murphy, juvénile, a l’air de se demander constamment comment il a atterri là.
Pour des raisons de budget, Universal fait de la récup’ et réutilise toute une séquence du Sang de la terre de George Marshall (1948) pour l’introduction de Kansas en feu, autrement dit toutes les scènes de guerre. Le film de Ray Enright déroule ensuite tranquillement son récit, un peu trop sans doute. Non pas que Kansas en feu soit déplaisant, mais il ne se passe rien de vraiment palpitant. Les retournements de situation et surtout les revirements des personnages sont peu crédibles, la morale de certains laisse même dubitatif. Ray Enright (1896-1965), vieux briscard éclectique et prolifique, est beaucoup plus à l’aise dans les scènes de batailles, aussi bien dans un violent duel au couteau (avec un foulard tendu entre les deux rivaux) que lors de l’incendie d’une ville, avec même l’utilisation d’effets visuels et d’un beau Technicolor.
A force de faire la girouette, on finit par se désintéresser des protagonistes, pour finalement se rapprocher de celui campé par Brian Donlevy, bien que Quantrill soit constamment montré comme un monstre, un profiteur et criminel de guerre. Le repli dans la petite maison bientôt assiégée, point culminant du film, est en revanche très réussi et clôt Kansas en feu sur une bonne note. A défaut d’être inoubliable, Kansas Raiders est un divertissement honnête, rétro, qui contient suffisamment de bonnes idées pour relancer la machine quand elle tend à se gripper. Bilan positif donc pour l’un des derniers films de Ray Enright.
LE
BLU-RAY
La collection Audie Murphy s’agrandit toujours plus chez Sidonis Calysta ! Kansas en feu rejoint ainsi 40 fusils manquent à l’appel, El Texican, La Parole est au Colt et bien d’autres ! Le test du Blu-ray a été effectué à partir d’un check-disc. Le menu principal est fixe et musical.
Seul Patrick Brion a répondu présent pour présenter Kansas en feu (11’). D’entrée de jeu, c’est d’ailleurs devenu assez redondant, l’historien énumère quelques-uns des westerns sortis la même année que le film qui nous intéresse. Pour Patrick Brion, Kansas Raiders est l’un des très bons westerns d’Audie Murphy, même si le film laisse perplexe quant au traitement des personnages ayant réellement existé. Il évoque également la carrière de Ray Enright, avant de passer en revue les points – selon lui – positifs de ce western, qu’il a revu avec plaisir et dont il défend le rythme, ainsi que la mise en scène.
La vie de soldat et la carrière d’Audie Murphy sont également au centre d’un petit module réalisé en 2010, avec Patrick Brion face caméra (5’30).
L’interactivité
se clôt sur la bande-annonce.
L’Image
et le son
Belle édition HD que voilà, même si on pourra reprocher un grain argentique un poil trop lissé. Mais les couleurs sont éclatantes, la stabilité du master est irréprochable et l’ensemble est lumineux. Un couac constaté au niveau du technicolor à la 57e minute, quand Quantrill et ses hommes laissent derrière eux une ville en feu, où les bandes chromatiques se retrouvent décalées comme pour un film en 3D ! Un défaut de quelques secondes, donc rien de rédhibitoire. La restauration est fort satisfaisante (même si diverses poussières subsistent) et la définition ne déçoit pas, même si les contrastes semblent parfois trop poussés.
Pas de version française sur ce titre. La piste anglaise DTS-HD Master Audio 2.0 aux sous-titres imposés est sensiblement étriquée, mais l’écoute reste fluide et dynamique, surtout sur les scènes d’action.
LA PAMPA SAUVAGE (Savage Pampas) réalisé par Hugo Fregonese, disponible en DVD et Édition Limitée Blu-ray + DVD le 23 mai 2019 chez Sidonis Calysta
Acteurs : Robert Taylor, Ron Randell, Marc Lawrence, Ángel del Pozo, Enrique Ávila, Milo Quesada, Lucía Prado…
Scénario : Hugo Fregonese, John Melson d’après une histoire originale et le roman de Ulises Petit de Murat et Homero Manzi
Photographie : Manuel Berenguer
Musique : Waldo de los Ríos
Durée : 1h34 (version longue : 1h50)
Date de sortie initiale : 1966
LE FILM
Fin du XIX° siècle, un ancien capitaine de l’armée argentine entend pacifier la vaste plaine argentine parcourue par des Indiens et des bandits. Afin de faciliter l’adaptation, il entraîne une clique de prostituées pour satisfaire ses soldats. Mais la caravane qui les amène est attaquée.
Réalisateur argentin, Hugo Fregonese (1908-1987) est bien connu des amateurs de westerns, avec des titres aussi réputés que Le Signe des renégats (1951), Quand les tambours s’arrêteront (1951), Passage interdit (1952), Le Raid (1954) ou Les Cavaliers rouges (1964). La Pampa sauvage – Savage Pampas (1966) est particulier pour plusieurs raisons. D’une part, parce qu’il s’agit du dernier western du cinéaste, qui arrêtera sa carrière en 1975, ensuite parce qu’il s’agit du remake de son tout premier long métrage, Pampa bárbara (1945), qu’il avait co-réalisé avec Lucas Demare. Enfin, parce que La Pampa sauvage est l’un des derniers rôles au cinéma de Robert Taylor (Quo vadis, Traquenard), qui devait s’éteindre prématurément trois ans plus tard à l’âge de 57 ans des suites d’un cancer des poumons. Mais au-delà de ça, ce western singulier, quelque peu malmené à sa sortie en raison de coupes franches, reste très original par son sujet et en même temps franchement plaisant à regarder grâce à la magnifique photographie de Manuel Berenguer (Quand la terre s’entrouvrira, La Nuit des diables).
Devant la désertion de ses hommes, par manque de femmes, le capitaine Martin fait venir des prostituées. Sur la route, le convoi est attaqué, les filles et les soldats se réfugient dans une église mais l’endroit est vite assiégé par les Indiens. Le capitaine, en compagnie de Carreras, retourne au fort pour chercher du secours…
Il existe une version longue de La Pampa sauvage, laissant une plus large place au fameux convoi des prostituées et donc aux personnages féminins, dont on apprend le quotidien, leurs liens et qui ne font pas seulement office de silhouettes ravissantes. Le montage quelque peu charcuté fait la part belle aux scènes d’action et de ce point de vue-là, Hugo Fregonese s’avère en pleine forme. Certains affrontements sont particulièrement violents, secs, à l’instar de celui de l’indien contre le déserteur, qui se disputent les faveurs d’une femme. Même chose, le metteur en scène soigne chacun de ses plans, en privilégiant les ciels immaculés ou au contraire chargés, qui renvoient autant aux états d’âme de ses protagonistes qu’à la menace qui s’annonce. Les angles sont atypiques, souvent hérités du western espagnol et transalpin.
Le Capitaine Martin, interprété par Robert Taylor, est un homme usé par ses fonctions, la peau tannée par le soleil. Rongé par la maladie, le comédien donne pourtant tout ce qu’il a encore dans le ventre pour insuffler à son personnage toute la tristesse d’un deuil impossible (il a alors perdu la femme qu’il aimait), mais ses traits tirés ne laissent aucun doute sur son désarroi et sa fatigue. Avec ses hommes, il erre tel un spectre sur son cheval dans le désert argentin, mué uniquement par ses réflexes de soldat émérite et professionnel. Malmené durant 1h40, Robert Taylor est roué de coups, jeté au sol, traîné par un cheval, mais son personnage se relève tant qu’il lui reste de l’énergie.
Hugo Fregonese convie le spectateur au coeur de la Pampa et aborde le sujet aussi délicat que rare de la frustration sexuelle des soldats paumés au coeur du désert. De ce fait, Robert Taylor fait le lien avec le film Convoi de femmes – Westward the Women de William A. Wellman (1951), qui évoquait déjà ce thème puisqu’un éleveur de bétail, propriétaire d’un ranch en Californie, décidait d’aller à Chicago « recruter » les femmes qui manquent à son domaine, pour ses hommes. Son contremaître Buck Wyatt (Robert Taylor donc) l’accompagnait pour convoyer ces demoiselles sur une route semée d’embûches.
Hugo Fregonese fait souvent preuve de virtuosité, maniant le cadre large avec dextérité, en composant des plans comme de véritables peintures. Si certaines coupes franches dans le récit peuvent faire tiquer, on se laisse facilement embarquer et séduire par ce récit généreux d’action et d’émotions, toujours teinté d’humour. Sans aucun doute l’une des plus grandes réussites du réalisateur.
LE BLU-RAY
Le test du Blu-ray de La Pampa sauvage, disponible chez Sidonis Calysta, a été réalisé à partir d’u check-disc. Le menu principal est animé et musical.
L’éditeur joint tout d’abord la version longue de La Pampa sauvage. Un quart d’heure supplémentaire, pour une durée de 110 minutes. Ce montage a été reconstitué à partir de sources diverses et variées (dont une copie 1.85) et prolonge le convoi des prostituées à travers plus d’échanges entre elles et avec le personnage interprété par Ty Hardin. Les imperfections techniques sont certes au rendez-vous, mais n’hésitez pas à privilégier cette version nettement plus complète et qui comble certains trous scénaristiques de l’autre montage.
Ensuite, Bertrand Tavernier (29’) présente et analyse le film d’Hugo Fregonese. Il se souvient tout d’abord de sa rencontre avec le réalisateur, qui était venu présenter La Pampa sauvage au marché du film au Festival de Cannes. Il passe en revue les points faibles du long métrage (grandiloquent, qui souffre de redites et de trous dans le récit, deuxième intrigue plus conventionnelle) et ses points forts (l’interprétation, le sujet peu traité au cinéma), tout en évoquant le film original Pampa bárbara, qu’il n’a d’ailleurs pas vu. Toutefois, Bertrand Tavernier indique avoir revu La Pampa sauvage à la hausse, malgré ses défauts évidents.
Plus concis, Patrick Brion (6’30) se penche plus sur Pampa bárbara que sur La Pampa sauvage. Cette présentation a ses limites, puisque l’historien du cinéma se contente – pour gagner du temps – d’énumérer quelques westerns de l’année 1966, tout en indiquant que « si Hugo Fregonese a décidé de revenir à cette histoire, il a sans doute eu raison de le faire ».
L’Image et le son
Visiblement, Sidonis Calysta a repris le même master HD édité en Allemagne chez Alive, qui bénéficiait d’ailleurs d’une sortie en 4K-UHD ! Les couleurs sont bien pétantes, un peu trop sans doute, avec des bleus électriques, des rouges sanglants et des jaunes vifs. On évite la saturation, mais le réalisateur aimant capturer les ciels étincelants, c’est parfois limite. Ajoutons à cela un grain argentique souvent trop lissé à notre goût. Diverses poussières et rayures verticales (dont une persistante à la 19e minute) subsistent, tout comme des point blancs. A ce titre, le générique fait peur avec son piqué émoussé, ses flous et ses scories. Le master HD trouve ensuite un équilibre, plutôt plaisant il faut bien le dire et qui participe à la (re)découverte de La Pampa sauvage. Le cadre large est choyé avec une superbe profondeur de champ.
Pas de version française sur ce titre. La version originale est proposée en DTS-HD Master Audio 2.0, particulièrement dynamique et propre. Aucun souffle constaté, le confort acoustique est grand, les bruitages carabinés (c’est le cas de le dire), les dialogues vifs. Les sous-titres français sont imposés.
SUPERNICHONS CONTRE MAFIA (Double Agent 73) réalisé par Doris Wishman, disponible en DVD depuis le 13 février 2015 chez Sidonis Calysta
Acteurs : Chesty Morgan, Frank Silvano, Saul Meth, Jill Harris, Louis Burdi, Peter Savage…
Scénario : Doris Wishman, Judy J. Kushner
Photographie : Nouri Haviv, C. Davis Smith
Musique : Cine Top
Durée : 1h23
Année de sortie : 1974
LE FILM
Bien qu’elle souhaite se retirer des affaires, Jane Tennay reprend du service à la demande du patron des Services Secrets. Sa mission : identifier le chef d’un gang de trafiquants de drogue qui inonde le marché d’une héroïne bon marché. Son arme secrète : un microscopique appareil photo implanté dans le téton de son sein gauche. Pratique pour prendre des clichés de documents compromettants. Mais, son opulente poitrine, Jane l’utilise aussi pour faire diversion, empoisonner et assommer ses ennemis.
Quelle série Z ! Si le titre en version originale Double Agent 73 ne le laissait pas présager de ce côté de l’Atlantique (73 est la taille, en pouces, du tour de poitrine de Busty…), au moins il n’y a pas tromperie sur la marchandise avec celui en français, Supernichons contre mafia.
Réalisé en 1974 par Doris Wishman (1912-2002), la « cinéaste » experte du nudie, ce chef-d’oeuvre du genre qui compile tout ce qui ne faut pas faire au cinéma demeure essentiel pour les amateurs de déviant. Ce grand classique repose sur la poitrine généreuse, débordante devrait-on dire, de Chesty Morgan (de son vrai nom Liliana Wilczkowski), strip-teaseuse dont les attributs naturels (220 de tour de poitrine) lui ont valu une petite notoriété dans le genre de la sexploitation. Doris Wishman la filme à hauteur du « buste » ou en contre-plongée pendant 1h10, mais rien d’excitant puisque la gravité faisant son effet, les « mamelles » s’apparentent à deux montgolfières en perdition.
Chesty Morgan, qui ressemble à Danièle Thompson maquillée comme une voiture volée, a le charisme d’un encornet avec des yeux éteints, aucun talent d’actrice et se voit en plus doublée puisque son accent polonais était trop prononcé. Comme Pamela Anderson, « elle est très distinguée ». L’histoire en elle-même est débile, les morceaux de bravoure s’enchaînent comme des perles sur un collier, les faux raccords sont légion, le cadre est laissé à l’abandon, l’interprétation est consternante, les décors hideux, bref, que du bon, surtout que la version française s’avère aussi abominable et rajoute une touche exotique et vulgaire à ce nanar grâce à des répliques fumeuses.
Ce film hors-normes mérite bien une projo entre potes. Fous-rires garantis avec ce film amateur, ou à mateurs c’est selon…
LE DVD
Le DVD de Supernichons contre mafia (c’est toujours étrange d’écrire ce titre…) repose dans un boîtier classique Amaray. La jaquette a été choyée par Sidonis Calysta avec des couleurs bien voyantes et au centre de laquelle pose Chesty Morgan afin d’appâter le chaland. On adore l’accroche « Même ses ennemis ne savent plus à quel sein se vouer », très chic ! Le boîtier est glissé dans un surétui cartonné. Le menu principal est quant à lui animé et musical.
Sidonis Calysta n’a pas fait les choses à moitié et livre près d’une heure de suppléments !
La Fabuleux destin de Doris Wishman (23’) : Voici un formidable portrait de la cinéaste américaine Doris Wishman réalisé par Marc Toullec et narré par Linda Tahir-Meriau. Ponctué par d’incroyables images de films et de bandes-annonces d’époque, ce module donne l’eau à la bouche et nous rend fous d’impatience à l’idée de découvrir d’autres « chefs-d’oeuvre » de cette réalisatrice atypique et habituée des nudies, née en 1912 et disparue en 2002, à l’instar de Diary of a Nudist, Gentlemen Prefer Nature Girls, The Sex Perils of Paulette et Mamell’s Story ! 30 films réalisés entre 1960 et 2007 !
Ne manquez pas le dialogue entre l’immense Patrick Brion et l’excellent Christophe Carrière (33’) sur Supernichons contre mafia ! C’est à mourir de rire car les deux critiques proposent un retour sur la carrière et le film de Doris Wishman, mais se trouvent rapidement rattrapés par la dimension Z de ce chef d’oeuvre du genre. Il faut voir comment Patrick Brion tente de garder son sérieux face au trublion qu’il a en face de lui et qui se marre en citant les dialogues de la version française, absolument abominable et donc monumentale. Ils en viennent ensuite au casting, en se focalisant bien évidemment sur le jeu « extraordinaire » de Chesty Morgan. Voilà une présentation qui prolonge le plaisir ressenti en visionnant Supernichons contre mafia !
L’Image et le son
Et bien franchement nous n’attendions pas une copie aussi belle ! L’image de Supernichons contre mafia s’avère impressionnante, surtout quand on sait que le film de Doris Wishman avait quasiment disparu des radars ! Le master (1.77, 16/9) affiche une indéniable propreté, le grain est habilement géré excepté sur les plans accélérés ou ralentis. Sur ces séquences, la texture est plus grumeleuse, les contrastes sont poreux et la luminosité décline. Mais en dehors de cela, la stabilité est de mise, les couleurs sont au top et les détails sont très agréables.
Le confort acoustique est assuré en français comme en anglais, même si cette dernière s’en tire bien mieux que son homologue, avec toutefois un souffle chronique. Si certains dialogues paraissent plus couverts que d’autres, on se délecte de l’ambiance sonore avec des sonneries de téléphone stridentes ou la musique affreuse. Les sous-titres français sont imposés sur la version originale et le changement de langue est verrouillé à la volée. A noter que le doublage français a été perdu sur certaines séquences. Elles passent donc automatiquement en anglais sous-titrées en français. Mais c’est ainsi que vous devez visionner Supernichons contre mafia !
À L’OMBRE DES POTENCES (Run for Cover) réalisé par Nicholas Ray, disponible en DVD et combo Blu-ray/DVD le 12 avril 2019 chez Sidonis Calysta
Acteurs : James Cagney, John Derek, Ernest Borgnine, Viveca Lindfors, Jean Hersholt, Grant Withers, Jack Lambert, Ray Teal, Irving Bacon…
Scénario : Winston Miller d’après une histoire originale de Harriet Frank Jr. et Irving Ravetch
Photographie : Daniel L. Fapp
Musique : Howard Jackson
Durée : 1h33
Année de sortie : 1955
LE FILM
Matt Dow et Davey Bishop sont devenus des amis mais, à la suite d’une méprise, ils sont soupçonnés d’avoir attaqué un train. Ils sont arrêtés et finissent par se disculper mais Davey a été gravement blessé. Une de ses jambes est définitivement morte. Matt et Davy sont engagés comme shérifs. Une attaque de banque a lieu…
Entre deux monuments du cinéma américain, Johnny Guitar et La Fureur de vivre, excusez du peu, Nicholas Ray (1911-1979) signe le méconnu et pourtant formidable À l’ombre des potences – Run for Cover en 1955. Si les thèmes ne sont pas sans rappeler ceux de son deuxième long métrage, Les Ruelles du malheur – Knock on Any Door (1949), avec d’ailleurs le même bouillonnant John Derek en tête d’affiche, Nicholas Ray s’approprie une fois de plus les codes du western pour au final livrer un drame intimiste où l’amitié et l’amour prennent le pas sur les scènes d’action (où apparaît un certain Ernest Borgnine), même si celles-ci sont évidemment inscrites au programme et n’en demeurent pas moins très réussies. De plus, le film offre à l’immense James Cagney, qui venait de tourner pour John Ford et Raoul Walsh, un de ses plus beaux rôles. Son association avec John Derek fait mouche à chaque instant, tandis que certains éléments préfigurent déjà Rebel Without a Cause.
Fraîchement sorti de prison après y avoir passé 6 ans, Matt Dow croise sur sa route un adolescent, Davey Bishop. Ensemble, ils vont être accusés du pillage d’un train à la suite d’un malentendu. Le shérif de la ville va alors tirer sur Davey et le rendre infirme. Matt réussit à prouver leur innocence et transporte Davey chez les Swenson. Il tombe amoureux d’Helga, la fille de la famille, et devient le nouveau shérif de la ville avec Davey pour adjoint. Tandis que des bandits attaquent la banque, Matt découvre que Davey possède quelques secrets bien gardés …
Filmé au coeur des ruines Aztèques de la ville d’Aztec au Nouveau-Mexique, ainsi que dans les vastes plaines de Silverton dans le Colorado, À l’ombre des potences plonge les spectateurs dans de merveilleux paysages dès le générique, tandis que résonne la chanson au titre éponyme. Plutôt que de démarrer son récit par un gunfight, Nicholas Ray prend d’emblée le western à rebrousse-poils en faisant retenir son premier coup de feu au personnage incarné par James Cagney. Comme pour le reste du film, ce qui importe à Nicholas Ray ici c’est avant tout le lien et le quasi-rapport père-fils qui s’instaure entre Matt et Davey.
Le premier, homme mûr, ancien brigand qui a purgé une peine de prison, reconnaît dans le second, âgé de vingt ans, son fils, décédé prématurément il y a une dizaine d’années. Après une mésaventure et un concours de circonstances malheureux qui a bien failli leur coûter la vie, les deux hommes deviennent respectivement shérif et adjoint pour la ville qui avait d’abord voulu les lyncher. Si Matt s’en est sorti miraculeusement sans blessure, Davey a malheureusement perdu l’usage d’une jambe. Matt va alors tout faire pour l’encourager. Jusqu’à ce que le passé de ce dernier ressurgisse.
Nicholas Ray fait preuve d’une virtuosité discrète quand il filme les paysages aux étendues lointaines, au sein desquelles il plonge et perd ses personnages. Nous sommes bel et bien en plein western avec ces splendides décors naturels, cette ville poussiéreuse, ses piliers de bar qui ne pensent qu’à passer la corde au cou de ceux qui viennent perturber la tranquillité de leur petite bourgade. Mais Nicholas Ray filme également les petites gens, dont cette jeune femme Helga (la belle Viveca Lindfors, vue dans Creepshow de Romero et Les Damnés de Joseph Losey) venue de Suède avec son père (Jean Hersholt, Marcus dans Les Rapaces d’Erich von Stroheim, ici dans sa dernière apparition au cinéma), dont le voyage vers la Californie s’est interrompu faute de moyens financiers et qui stagnent en tant que fermiers depuis deux ans.
Outre le portrait d’une jeunesse désoeuvrée, sans avenir et livrée à elle-même avec le personnage de Davey, dont la fureur de vivre évoque celle de James Dean qui explosera à l’écran la même année, Nicholas Ray ne craint pas de laisser une belle place à l’histoire d’amour inattendue entre Matt et Helga. Au-delà de la beauté plastique du film, de la réussite des personnages et des séquences d’action, James Cagney domine la distribution avec un jeu tout en rage contenue et une douceur qui l’est tout autant, l’acteur étant le plus souvent rattaché à ses personnages de sanguins et de violents incarnés dans les années 1930. Si l’on sent évidemment qu’il en faudrait peu pour allumer la mèche et le faire sortir de ses gonds, le comédien livre une prestation exceptionnelle.
Tout cela fait de À
l’ombre des potences le grand film sous-estimé et à réhabiliter
de Nicholas Ray.
LE BLU-RAY
À l’ombre des potences intègre la prestigieuse collection éditée par Sidonis Calysta. Cette « édition collector Silver » se compose du DVD et du Blu-ray. Le menu principal est animé sur la chanson d’ouverture du film.
Malgré ce que la jaquette indique, point de Bertrand Tavernier au programme. Ce qui est bien dommage. En revanche, Patrick Brion (13’) et François Guérif (12’30) ont bien répondu à l’appel de l’éditeur. Notre préférence se tourne cette fois vers le second, qui donne plus d’indications sur le film qui nous intéresse, mais également sur les thèmes récurrents dans l’oeuvre de Nicholas Ray. Si certains propos tenus font inévitablement écho avec ceux de Patrick Brion, les personnages, la collaboration James Cagney-Nicholas Ray et les partis pris y sont mieux analysés. De son côté, Patrick Brion brasse un peu trop autour du film, qu’il est néanmoins heureux de présenter et surtout de voir éditer dans la collection Sidonis.
L’Image et le son
Signalons d’emblée que le format original n’est pas respecté, en passant du 2.00:1 au cadre 1.78:1. Certains puristes risquent de bougonner. Néanmoins, il faut bien admettre que le master HD proposé ici est franchement superbe. D’une propreté absolue, stable, la copie affiche un très beau lifting. Le grain argentique est heureusement préservé, fin, excellemment géré, tout comme la tenue des contrastes. La clarté est éloquente dès la première séquence (voir le reflet du soleil sur la rivière) avec un piqué étonnant, jamais artificiel, qui permet de découvrir cette œuvre méconnue de Nicholas Ray dans d’excellentes conditions. Ah oui et les couleurs éclatantes ravissent les mirettes, tandis que les fondus enchaînés n’entraînent jamais de décrochages. Du tout bon !
Est-il utile d’indiquer que la version originale est à privilégier ? Pour tout avouer, le doublage français vieillot fait peine à entendre, même si la piste DTS HD Master Audio 2.0 est en bon état, sans souffle. Mais les dialogues y sont nettement moins clairs que sur la piste anglaise, qui est vraiment dynamique, bénéficiant de bons effets annexes et d’une excellente restitution de la musique. Le changement de langue est verrouillé à la volée et les sous-titres français imposés sur la version originale.
L’ÎLE MYSTÉRIEUSE (Mysterious Island) réalisé par Cy Endfield, disponible en Combo Blu-ray + DVD le 18 février 2019 chez Sidonis Calysta
Acteurs : Michael Craig, Joan Greenwood, Michael Callan, Gary Merrill, Herbert Lom, Beth Rogan, Percy Herbert, Dan Jackson…
Scénario : John Prebble, Daniel B. Ullman, Crane Wilbur
Photographie : Wilkie Cooper
Musique : Bernard Herrmann
Durée : 1h41
Date de sortie initiale : 1961
LE FILM
Quatre hommes parviennent à s’échapper de prison à l’aide d’une montgolfière ! Le trajet dans les airs n’est pas de tout repos car une tempête éclate et les quatre compères s’écrasent sur une île déserte du Pacifique. L’un d’eux manque à l’appel et ils remarquent très vite que d’étranges et inquiétants phénomènes se produisent ici…
Juste après Le Septième voyage de Sinbad et Les Voyages de Gulliver, mais deux ans avant Jason et les Argonautes, le « titan des effets spéciaux » Ray Harryhausen décidait de peupler L’Île Mystérieuse de Jules Verne en le transposant à l’écran. Le film est produit par Charles H. Schneer et mis en scène par Cyril Raker Endfield aka Cy Endfield (1914-1995), scénariste, metteur en scène de théâtre et de cinéma, écrivain, magicien, et inventeur américain. Une longue carte de visite pour cet artiste méconnu dont les films les plus célèbres restent Train d’enfer (1957) et Jet Storm (1959), tous deux avec Stanley Baker. Si L’Île Mystérieuse n’atteint pas l’immense et magique réussite de Voyage au centre de la Terre, réalisé par Henry Levin en 1959, et encore moins celle du fantastique Vingt mille lieues sous les mersde Richard Fleischer (1954), ce film d’aventure n’en reste pas moins fort divertissant et conserve encore un charme dingue, qui inspire encore les cinéastes contemporains, à l’instar de J. A. Bayona pour son Jurassic World: Fallen Kingdom.
1865. Durant la guerre civile américaine, des soldats nordistes s’enfuient à bord d’une montgolfière d’un fort où ils étaient prisonniers ; par un concours de circonstances, un journaliste se retrouve avec eux dans la nacelle. Ne sachant comment piloter l’engin, ils partent à la dérive, portés par les vents violents d’une gigantesque tempête. Ils finissent par s’échouer sur une île qui semble déserte. Bientôt, deux autres naufragées les rejoignent et, alors que la vie commence à s’organiser, ils font connaissance avec les créatures qui peuplent l’île : un crabe, des guêpes, des oiseaux…, mais tous d’une taille démesurée !
En réalité, L’Île Mystérieuse est une suite quasi-directe de Vingt mille lieues sous les mers puisque le capitaine Nemo, que l’on croyait mort noyé lors du naufrage de son sous-marin révolutionnaire, le Nautilus, réapparaît ici. En fait, lui-même rescapé sur cette île volcanique, Nemo mène secrètement des expériences scientifiques hors du commun, dont les monstres gigantesques qui peuplent l’île sont le fruit. Tout ceci dans le but d’éradiquer la famine, pour un monde meilleur. Soyons honnêtes, L’Île Mystérieuse ne brille pas par sa réalisation standard et honnête, même si le rythme est bien géré et la photographie plaisante. Le film de Cy Endfield est pourtant passé à la postérité et demeure prisé par les spectateurs, surtout grâce, une fois de plus, aux renversants effets visuels signés Ray Harryhausen. Ce dernier a décidé de prendre de grandes libertés avec le roman, dans le but de le rendre encore plus divertissant. Pour cela, l’expert en animation de masse a créé tout un bestiaire d’anthologie, dont le plus célèbre reste probablement le crabe gigantesque, dont les pinces surdimensionnées sont capables d’attraper un être humain. Heureusement, nos rescapés parviendront à l’anéantir, en le poussant dans un geyser qui devient alors une cocotte-minute idéale pour ensuite le déguster sur la plage. Même chose pour le poulet géant, que les personnages s’empressent de faire cuire au coin du feu ! Ajoutez à cela des abeilles capables d’enfermer leurs proies humaines dans leurs alvéoles, sans oublier une pieuvre qui essaye de réduire à néant l’espoir de nos Robinson Crusoé en les attrapant jusqu’à leur couper le souffle !
Bref, Ray Harryhausen se fait plaisir et nous aussi. Le récit est bien mené, les acteurs (Michael Craig, Joan Greenwood et Herbert Lom dans le rôle du capitaine Nemo) très bons, les décors exotiques réussis, la musique du grand Bernard Herrmann ne manque pas d’ironie, l’humour est très présent et le matériel de plongée futuriste à base de coquillages ne manque pas d’imagination. Tous les ingrédients sont réunis pour faire de L’Île Mystérieuse une valeur sûre du cinéma d’aventure rétro, encore marquée par le génie du pionnier de la stop-motion.
LE BLU-RAY
Le test du Blu-ray de L’Île Mystérieuse, disponible chez Sidonis Calysta, a été réalisé à partir d’un check-disc. Le menu principal est animé sur la musique de Bernard Herrmann.
S’il fait inévitablement redondance, même s’il lui est antérieur, le documentaire intitulé Les Chroniques de Harryhausen réalisé par Richard Schickel, parvient à compléter celui de Gilles Penso, Ray Harryhausen – Le Titan des effets spéciaux, disponible en DVD mais également en HD dans les suppléments de l’édition collector de Jason et les Argonautes. 56 minutes forcément passionnantes et narrées par Leonard Nimoy, durant lesquelles Ray Harryhausen revient sur sa carrière, sur ses créatures les plus célèbres (qu’il manipule pour notre plus grand plaisir), le tout souligné par des interventions de son grand ami Ray Bradbury, du célèbre superviseur des effets spéciaux Dennis Muren, du producteur Charles H. Schneer, des cinéastes George Lucas et Henry Selick. C’est aussi l’occasion d’admirer des dessins et des animations de Ray Harryhausen.
L’éditeur joint ensuite une featurette (9’), composée d’une interview de Ray Harryhausen, de photos de tournage, de storyboards (y compris de séquences non tournées), de concepts rejetés. Le créateur des effets spéciaux revient sur la création de ses monstres préhistoriques gigantesques, tout en racontant quelques anecdotes liées à la production de L’Île Mystérieuse.
L’interactivité se clôt
sur une galerie de photos et la bande-annonce.
L’Image et le son
Le film est présenté dans son format respecté 1.66 et en 16/9. Le grain est excellemment géré, évidemment plus prononcé sur les séquences mettant en scène les personnages avec les créatures géantes ou sur les matte-painting, entraînant également de très légers fourmillements et une palette chromatique délavée. L’image de L’Île Mystérieuse a été excellemment restaurée. La définition est souvent exemplaire, la propreté indéniable, la belle photo flatte constamment les rétines et même le piqué est à l’avenant, y compris sur les scènes en intérieur où l’on peut apprécier chaque détail des décors. Les couleurs sont claires et vraiment très belles (voir les credits multicolores), magnifiquement saturées, les contrastes très appréciables. L’apport HD pour ce titre est vraiment indispensable. Un très beau lifting.
On commence par la piste anglaise proposée en DTS-HD Master Audio 5.1. Cette option permet de mettre en valeur l’évasion dans les airs des personnages principaux, ainsi que les affrontements des naufragés contre les créatures, en appuyant les basses, tout en créant une spatialisation élégante. Le reste du temps, l’action est essentiellement frontale, avec une centrale dynamique. Comme sur le Blu-ray de Jason et les Argonautes, cette piste offre surtout un écrin agréable à la partition de Bernard Herrmann. Toutefois, la version originale mono 2.0. conviendra largement et offre un confort acoustique solide et dynamique. Aucun souffle à déplorer. Les sous-titres français sont imposés et le changement de langue verrouillé à la volée. La piste française est également de fort bon acabit.
JASON ET LES ARGONAUTES (Jason and the Argonauts) réalisé par Don Chaffey, disponible en Édition Collector Blu-ray + DVD + Livre le 18 février 2019 chez Sidonis Calysta
Acteurs : Todd Armstrong, Nancy Kovack, Gary Raymond, Laurence Naismith, Niall MacGinnis, Michael Gwynn, Douglas Wilmer, Jack Gwillim, Honor Blackman…
Scénario : Jan Read, Beverley Cross
Photographie : Wilkie Cooper
Musique : Bernard Herrmann
Durée : 1h44
Date de sortie initiale : 1963
LE FILM
Pour reconquérir le royaume dont son demi-frère a usurpé le trône, Jason se lance dans la quête de la Toison d’Or. A bord de l’Argos dans lequel embarquent les meilleurs marins et guerriers, il met le cap sur une terre lointaine et dangereuse d’accès. S’il bénéficie de l’aide de certains dieux de l’Olympe, d’autres, par contre, dressent devant lui des créatures et monstres qui défient l’imagination : des squelettes encore très vivants, un titan de bronze, des harpies, un dragon a sept têtes…
Certains films traversent les décennies sans perdre leur magie originelle. C’est le cas du mythique Jason et les Argonautes – Jason et les Argonautes, librement inspiré par le poème épique les Argonautiques d’Apolloniosde Rhodes, chef d’oeuvre absolu et encore aujourd’hui considéré comme la matrice du cinéma heroic fantasy, d’aventure et du péplum. Merveille visuelle, immense divertissement souligné par la partition du maître Bernard Herrmann, le film réalisé par Don Chaffey en 1963 a su conserver sa poésie grâce aux extraordinaires effets visuels du maître Ray Harryhausen, qui ont non seulement frappé les esprits des spectateurs du monde entier sur plusieurs générations, mais aussi influencé les plus grands cinéastes de la deuxième partie du XXe siècle. Vous avez dit culte ?
Dans la Grèce antique, pour reconquérir le royaume de son père Éson usurpé par son demi-frère Pélias, Jason doit rapporter à ce dernier la fabuleuse Toison d’or, dépouille sacrée d’un bélier, réputée pour apporter la paix et la prospérité, qui se trouve en lointaine Colchide. Il s’embarque à bord du navire de guerre Argo avec toute une équipe de héros, les Argonautes. À la fois aidés et contrariés par des dieux et déesses rivaux, ils vont être confrontés aux éléments déchaînés et à des créatures plus monstrueuses les unes que les autres : le colosse Talos, les deux horripilantes Harpies, les rochers broyeurs Symplégades, une hydre (un horrible dragon à sept têtes) ainsi qu’à une armée vindicative de terribles et agiles squelettes. Mais Jason va connaître l’enchantement amoureux sous les traits de Médée, vaincre les obstacles et rapporter la Toison d’or.
Près de soixante ans après sa sortie, Jason et les Argonautes n’a pour ainsi dire pas pris une ride. Premièrement, la mise en scène du britannique Don Chaffey (1917-1990) n’a rien d’académique et surprend même souvent avec ses partis pris, notamment une caméra à l’épaule qui saisit l’instant et la stupeur, l’effroi et l’action, sur les séquences où Jason et ses compagnons affrontent les créatures qui leur barrent le chemin. S’il a beaucoup tourné pour la télévision (Destination Danger, Le Prisonnier), on doit également à Don Channey La Reine des Vikings et Un million d’années avant J.C. (aaaah Raquel Welch…) réalisés pour le compte de la Hammer Films, l’atypique western Charley le borgne (avec Richard Roundtree et Roy Thinnes), mais aussi le superbe long métrage Disney Peter et Elliott le dragon, avant de terminer sa longue et prolifique carrière sur le méconnu et pourtant très réussi C.H.O.M.P.S. pour Hannah et Barbera. Si Jason et les Argonautes est entré dans l’Histoire du cinéma, cela n’est pas dû uniquement qu’au travail (de titan) de Ray Harryhausen et il est toujours bon de rappeler la virtuosité de la mise en scène de Don Chaffey.
Hollywood s’empare de la mythologie et invite les spectateurs à s’embarquer pour la Thessalie et au-delà des mers. L’intrépide Jason est interprété par le comédien Todd Armstrong, vu précédemment dans La Rue chaude – Walk on the Wild Side d’Edward Dmytryk. Il trouve ici le rôle de sa vie et campe un héros valeureux et bronzé à souhait. Celle qui se démarque une fois de plus est la mythique Honor Blackman, ici Héra, plus connue pour son personnage de Cathy Gale dans la série Chapeau melon et bottes de cuir et qui allait incarner l’une des James Bond Girls les plus connues de la saga James Bond, Pussy Galore dans Goldfinger de Guy Hamilton. Mais les personnages qui se distinguent encore plus sont bel et bien toutes les créatures imaginées, conçues et animées par l’immense Ray Harryhausen avec son célèbre procédé « Dynarama ».
Comme pour le mythe d’Hercule (personnage également présent aux côtés du héros), Jason doit affronter plusieurs épreuves pour accéder à l’objet convoité. Ray Harryhausen, également producteur aux côtés de Charles H. Schneer, s’est surpassé pour concocter des créatures devenues mythiques et qui n’ont de cesse d’inspirer encore et toujours les magiciens des effets spéciaux contemporains. Du colosse de bronze Talos dont les déplacements s’accompagnent d’un grincement de ferraille, en passant par les immondes (mais magnifiques) Harpies, une créature à têtes multiples, jusqu’au final anthologique où Jason et ses hommes affrontent au sabre une armée de 7 squelettes. Cette dernière séquence de trois minutes aura nécessité quatre mois de travail. L’animation en volume (ou stop-motion) est d’une fluidité remarquable, magnifique, et renvoie aussi bien au rêve qu’à l’imaginaire, avec une grâce de tous les instants. Jason et les Argonautes est inépuisable, intemporel, universel.
LE BLU-RAY
L’attente a été longue, interminable même pour les grands fans de Jason et les Argonautes, dont la seule et unique édition en DVD remonte à 1999 chez Sony Pictures. Vingt ans plus tard, le chef d’oeuvre de Don Chaffey et de Ray Harryhausen est enfin ressuscité par Sidonis Calysta. A cette occasion, Alain Carradore et son équipe ont concocté une édition Collector Blu-ray + DVD + Livre de 152 pages sur Ray Harryhausen par Marc Toullec ! Le menu principal de l’édition HD est animé et musical.
On commence par le supplément le plus conséquent de cette édition, à savoir l’incroyable documentaire réalisé en 2011 par Gilles Penso et produit par Alexandre Poncet, Ray Harryhausen – Le Titan des effets spéciaux (93’). Disponible chez Rimini depuis décembre 2013 en édition collector (que nous vous conseillons fortement), ce film exceptionnel, qui a nécessité plus de 4 ans de travail, rend hommage à ce géant du 7ème art, spécialiste des effets spéciaux. Il rassemble des images d’archives rarissimes, des interviews de Ray Harryhausen (conduites en 2004), de nombreux extraits, des images de tournage, des essais tournés en vidéo pour des projets finalement avortés ainsi que des témoignages des plus grands noms du cinéma actuel : Steven Spielberg, James Cameron, Peter Jackson, Tim Burton, Terry Guilliam, Guillermo Del Toro, et bien d’autres encore John Landis, Joe Dante, Nick Park, Phil Tippett, Vincenzo Natali, Dennis Muren, John Lasseter et bien d’autres. Un documentaire à compléter avec Le Complexe de Frankenstein, co-réalisé par Gilles Penso et Alexandre Poncet, disponible chez Carlotta Films.
Les plus téméraires s’aventureront vers la prestation de Michel Eloy (35’), rédacteur en chef du site PEPLVM – IMAGES DE L’ANTIQUITE, passionné par l’Antiquité gréco-romaine. Erudit, spécialisé dans l’étude de l’image au cinéma et dans la bande dessinée de l’antiquité, Michel Eloy propose une longue présentation des mythes, parfois difficile d’accès, mais qui n’en reste pas moins fort intéressante et instructive.
L’interactivité se clôt
sur la bande-annonce et des spots TV.
L’Image et le son
Voilà qui fait plaisir ! En effet, ce nouveau master restauré HD de Jason et les Argonautes comblera tous les espoirs du fan de base. Le grain est là, la texture argentique se ressent à chaque plan. La propreté est irréprochable, c’est superbe sur les séquences diurnes avec une clarté insoupçonnée et un relief des textures et des matières jusqu’alors inédit. La définition sur les tous les plans à effets spéciaux est évidemment plus chaotique. Mais c’est un choix, afin de préserver la nature originale de l’image composite, en respectant les partis pris et donc les défauts que cela comporte avec des fourmillements, une palette chromatique délavée, un piqué émoussé, une perte des détails et des contours parfois approximatifs. Retoucher à ces séquences aurait entraîné la furie des puristes. Le Blu-ray de Jason et les Argonautes ne déçoit pas, jamais, puisque nous n’avons jamais vu le film ainsi. D’autant que le reste du temps, les contrastes affichent une densité remarquable avec des noirs impeccables et les couleurs comme le bleu du ciel et de la mer sont souvent resplendissantes.
On commence par la piste anglaise proposée en DTS-HD Master Audio 5.1. Cette option permet de mettre en valeur les combats de Jason et de ses compagnons contre les créatures diverses et variées, en appuyant les basses, tout en créant une spatialisation élégante. Les ambiances naturelles comme l’eau, le craquement du bois et le vent se font ressentir sur les latérales, tout en laissant une large place à la partition de Bernard Herrmann. Toutefois, la version originale mono 2.0. conviendra largement et offre un confort acoustique solide et dynamique. Aucun souffle à déplorer. Les sous-titres français sont imposés et le changement de langue verrouillé à la volée. La piste française est également de fort bon acabit.
L’ÉNIGME DU LAC NOIR (The Secret of Convict Lake) réalisé par Michael Gordon,disponible en DVD le 19 janvier 2019 chez Sidonis Calysta
Acteurs : Glenn Ford, Gene Tierney, Ethel Barrymore, Zachary Scott, Ann Dvorak, Barbara Bates, Cyril Cusack, Richard Hylton…
Scénario : Oscar Saul, Victor Trivas
Photographie : Leo Tover
Musique : Sol Kaplan
Durée : 1h20
Date de sortie initiale: 1951
LE FILM
Six repris de justice viennent de s’évader et marchent dans la montagne enneigée. Après la mort de l’un d’eux, Canfield conduit les survivants au hameau de Monto Diablo Lake. Il affirme vouloir se venger d’un certain Rudy, qui l’a dénoncé pour un crime. Mais Greer, un de ses compagnons, est convaincu que Canfield a caché quelque part 40 000 dollars. Tous les hommes du village sont partis travailler, les femmes sont restées seules : parmi elles la belle Marcia, la fiancée de Rudy.
Pour la plupart des spectateurs, Michael Gordon (1909-1993) est le réalisateur de comédies légères et endiablées comme Confidences sur l’oreiller (1959) et Pousse-toi, chérie (1963) avec Doris Day, ou bien encore Garçonnière pour quatre (1962) avec Kim Novak. En revanche, pour les cinéphiles, Michael Gordon est le metteur en scène de solides polars,The Web (1947), Le Droit de tuer (1948), L’Araignée (1950). L’Enigme du lac noir (1951) est un film très particulier dans sa carrière. D’une part parce qu’il s’agit de son premier western, il y reviendra en 1966 avec Texas, nous voilà (Dean Martin face à Alain Delon), mais il s’agit surtout de son dernier long métrage réalisé avant de disparaître durant presque dix ans en raison de son nom inscrit sur la tristement célèbre Liste Noire. Avant d’être banni de Hollywood, le cinéaste livre ce qui est souvent considéré comme son meilleur film. Pourtant, The Secret of Convict Lake est souvent oublié de la plupart des livres consacrés au western américain et ce en dépit de ses deux magnifiques têtes d’affiche, Gene Tierney et Glenn Ford. L’Enigme du lac noir est à réhabiliter et surtout à faire connaître au plus grand nombre puisqu’il s’agit d’un western atypique, formidablement photographié, souvent tendu comme un film noir.
Le 17 septembre 1871, 29 prisonniers s’évadent de la prison de Carson City dans le Nevada et tente de rejoindre la Californie à travers les montagnes enneigées. 23 ont déjà été repris ou sont morts de froid. Cinq semaines plus tard, six d’entre eux sont piégés dans le blizzard et finissent par atteindre le village isolé de Monte Diablo. Là, ils s’aperçoivent que tous les hommes sont partis et que le village n’est plus occupé que par des femmes. Les fuyards, James Canfield, Greer, Limey, Clyde et Matt, demandent à celles-ci de quoi manger et dormir. Bien que méfiantes et armées, elles finissent par accepter de les loger pour une nuit. Canfield, ne s’est pas dirigé vers Monte Diablo par hasard. Il est à la recherche de Rudy Schaeffer, l’homme qui l’a injustement fait condamner pour meurtre et vol de 40 000 dollars. Ses compagnons suivent quant à eux Canfield afin de mettre la main sur ce butin. Bien armées, les femmes maintiennent tout d’abord l’autorité sur leurs invités. Mais bien vite, la situation se retourne et les forçats prennent le contrôle du village. Seul Canfield s’oppose aux intentions malveillantes de ses acolytes, mais il ne peut les maîtriser seul. Marcia Stoddard, une des habitantes, est fiancée à Schaeffer.
L’Enigme du lac noir est une œuvre originale, tendue et oppressante, comme un huis clos à ciel ouvert. Même si le roman de Thomas Cullinan ne date que de 1966, il n’est pas interdit de penser aux Proies. Dès les premières scènes, Michael Gordon nous fait ressentir le froid intense avec cette giboulée de neige qui parasite l’écran et paralyse ses personnages, épuisés, tentant de semer leurs poursuivants prêts à tout pour les remettre derrière les barreaux. Après avoir abandonné l’un des leurs dont le coeur n’a pas réussi à combattre le gel extérieur, les hommes arrivent dans un petit patelin paumé, comme une oasis inespérée. Seulement les amazones présentes ne sont pas prêtes à les dorloter ou à prendre soin d’eux comme ils auraient pu l’espérer.
The Secret of Convict Lake est un western mâtiné de polar. Tendu, sec, inquiétant, le film étonne par ses partis pris dans la première partie. Le décor est étouffant, ce groupe de femmes laissé à l’abandon depuis trois mois par leurs hommes ne cesse d’étonner, surtout l’une d’entre elles, Marcia, interprétée par la sublime Gene Tierney. Visiblement, cette dernière est arrivée de nulle part quelques mois auparavant, sait se servir d’un fusil, essaye de faire sa place dans cette petite communauté et de se faire une vie. Elle doit d’ailleurs épouser un dénommé Rudy, le frère d’une autre femme du village (géniale Anne Dvorak), femme frustrée qui voit d’un mauvais œil cette future union. L’arrivée inattendue de ces hommes, rapidement démasqués par Marcia, ne cesse d’inquiéter les habitantes. La doyenne de Monte Diablo, interprétée par la grande Ethel Barrymore, dirige ce groupe tout en restant alitée, mais accepte de parler avec Canfield.
Michael Gordon (pour l’anecdote le grand-père de l’acteur Joseph Gordon-Levitt) installe son récit avec une réelle virtuosité. La photographie de Leo Tover (Uniformes et jupon court, Le Jour où la terre s’arrêta, L’Héritière) foudroie avec ses partis pris quasi-gothiques, le décor renvoie parfois à l’expressionnisme. Si le déroulé de l’intrigue écrite par Victor Trivias (et Ben Hetch, même si son nom n’est pas crédité) est après plus classique, cela n’empêche pas d’admirer les comédiens, avec Gene Tierney et Glenn Ford en première ligne. Le réalisateur parsème ensuite son histoire de séquences marquantes, étonnamment violentes comme celle où les femmes sauvent l’une des leur en utilisant leurs fourches et d’autres armes improvisées pour neutraliser l’assaillant.
L’Enigme du lac noir, titre « belge » puisque ce western psychologique de Michael Gordon, inspiré d’une histoire vraie, n’a pas été exploité dans les salles françaises, est une très grande réussite et un vrai petit bijou à découvrir.
LE DVD
Le test du DVD de L’Enigme du lac noir, disponible chez Sidonis Calysta, a été réalisé à partir d’un check-disc. Le menu principal est animé et musical.
Deux présentations sur cette édition.
La première est réalisée par Patrick Brion (10’), qui propose un tour d’horizon des westerns réalisés en 1951, avant de dresser le portrait de Michael Gordon, avec son renvoi d’Hollywood pendant près de dix ans suite à l’inscription de son nom sur la Liste Noire par le sénateur McCarthy, avant de citer ses films les plus célèbres. L’historien du cinéma en vient ensuite à L’Enigme du lac noir, en mettant en avant beaucoup de points positifs, même s’il manque pour lui une atmosphère. Le casting est également abordé.
C’est au tour de François Guérif de dire ce qu’il pense de L’Enigme du lac noir (11’30). Ce dernier encense plus le film de Michael Gordon que Patrick Brion, « malgré quelques défauts et lenteurs, mais qui contient des scènes stupéfiantes ». Il évoque la sortie de The Secret of Convict Lake en Belgique, l’oubli du film dans les livres spécialisés malgré le prestige de son casting et de son équipe technique. Un film quasi-disparu que François Guerif défend en parlant des comédiens, du réalisateur (quelques redites avec les propos de son prédécesseur), avant d’aborder le film qui nous intéresse. Le fond et la forme se croisent avec une passion contagieuse. Enfin, François Guérif nous donne son interprétation du dénouement.
L’Image et le son
La copie 1.33 (4/3) présentée a été restaurée. Le N&B est parfois un peu léger, surtout dans la première partie avec la neige qui donne du fil à retordre à la définition et dans laquelle se fondent les points blancs. Dès l’arrivée des évadés à Monto Diablo, les noirs se renforcent, les gris s’enrichissent, la copie trouve une stabilité, les contrastes sont plus convaincants. Dommage que le grain paraisse souvent trop atténué. Quelques fils en bord de cadre et des raccords de montage sont toujours présents, ainsi que des décrochages sur les fondus enchaînés. Le film de Michael Gordon était encore inédit en DVD dans nos contrées.
Seule la version originale aux sous-titres français imposés est disponible sur cette édition. La restauration est satisfaisante, aucun souffle à déplorer, l’écoute est frontale, riche, dynamique et vive. Les effets annexes sont conséquents et le confort acoustique assuré.
DUEL SUR LE MISSISSIPPI (Duel on the Mississippi) réalisé par William Castle,disponible en DVD le 19 janvier 2019 chez Sidonis Calysta
Acteurs : Lex Barker, Patricia Medina, Warren Stevens, Craig Stevens, John Dehner, Ian Keith, Chris Alcaide, John Mansfield…
Scénario : Gerald Drayson Adams
Photographie : Henry Freulich
Durée : 1h12
Date de sortie initiale: 1955
LE FILM
En Louisiane, en 1820, des pillards ravagent la plantation des Tulane. Le fils promet de venger l’honneur de sa famille en poursuivant les coupables.
Duel sur le Mississippi – Duel on the Mississippi n’est pas un western, mais un film de pirates. Ce tout petit film de 69 minutes est typique du cinéma américain d’exploitation des années 1950, destiné à être projeté en double-programme avec un autre métrage du même acabit. Le film qui nous intéresse ici est réalisé en 1955 par le prolifique William Castle (1914-1977), connu pour Tuer n’est pas jouer (à ne pas confondre avec le premier James Bond de Timothy Dalton), La Nuit de tous les mystères, La Bataille de Rogue River. Grand spécialiste de la série B, solide artisan de la Columbia et producteur malin qui a toujours su suivre et répondre aux goûts des spectateurs, William Castle en viendra même à produire (Rosemary’s Baby) et à mettre en scène des films d’horreur (13 Ghosts, Macabre, La Meurtrière diabolique). Duel sur le Mississippi se regarde comme on lit une nouvelle. Complètement anecdotique, mais aucunement déplaisant, ce film d’aventure possède encore beaucoup de charme et reste aussi plaisant que foncièrement divertissant.
En 1820 André Tulane, colérique rejeton d’une famille de planteurs de Louisiane, a une dette avec Lili Scarlet, célèbre reine de navire-casino et la fille de Jacques Scarlet, un ancien pirate. André va aider Lili à combattre les pirates de la rivière dirigés par son ancien fiancé Hugo Marat, après qu’il eut pris contrôle du bateau de Lili.
William Castle n’est pas un simple faiseur. Duel sur le Mississippi est un film conçu pour le public et de ce point de vue-là le réalisateur assure du début à la fin malgré sa très courte durée. En guise de prologue, le cinéaste plante le décor, la Nouvelle-Orléans, et informe l’audience sur le commerce du sucre, devenu une denrée rare, prisée, précieuse et donc très convoitée par les brigands et les pirates qui rôdent le long des rives du fleuve. Cela en dépit de la grâce accordée à ces derniers par le président James Madison pour services rendus pendant la bataille de la Nouvelle-Orléans. Il faut accepter le procès très peu crédible qui condamne André Tulane à devenir l’homme à tout faire de Lili Scarlet, surtout que l’on apprend très vite que la demoiselle au décolleté avantageux n’est en réalité pas si méchante que ça, bien au contraire. D’ailleurs, la comédienne Patricia Medina se délecte de ce personnage, le meilleur du film à tout point de vue, plutôt bad-ass, érotique et pourtant prête à se soumettre à l’homme qu’elle aime à la fin du film. Sa dernière réplique en fera criser plus d’une…
Toujours est-il que Duel sur le Mississippi conserve une vraie fraîcheur. Ici, pas de duel au pistolet, mais à l’épée et même à la machette. La production est certes modeste, mais les décors sont soignés au maximum, le rythme est vif, les costumes élégants et le Technicolor apporte une petite touche supplémentaire. Lex Barker (ancien Tarzan et future vedette de la série Winnetou) joue le beau gosse de service et il le fait bien, tandis que Ian Keith, antipathique au premier abord, apporte l’humour bon enfant à l’ensemble, notamment lors d’une bonne bagarre entre femmes sur le navire. Quelques répliques qui font mouche, un décor dépaysant et vous obtenez le film idéal pour une petite soirée cinéma rétro.
LE DVD
Le test du DVD de Duel sur le Mississippi, disponible chez Sidonis Calysta, a été réalisé à partir d’un check-disc. Le menu principal est animé et musical.
Seul Patrick Brion a répondu à l’appel de l’éditeur pour nous présenter Duel sur le Mississippi (8’). Comme d’habitude, l’imminent historien du cinéma démarre son exposé en nous donnant les titres des plus grands westerns sortis sur les écrans en 1955, même si le film de William Castle n’en est pas un…D’ailleurs, Patrick Brion revient entre autres sur le parcours du réalisateur et producteur. Notre interlocuteur évoque ensuite le casting et essaye de défendre comme il le peut ce « petit film intéressant et sympathique de la Columbia, avec un scénario qui en vaut bien un autre et Lex Barker qui à ce moment-là tourne n’importe-quoi ».
L’interactivité se clôt sur la bande-annonce.
L’Image et le son
Le générique annonce une restauration fort satisfaisante avec des couleurs lumineuses. Cependant, les premiers plans sont constitués de stock-shots à la qualité fort médiocre qui contrastent immédiatement avec les plans tournés par William Castle, plus convaincants. Toutefois, la définition reste aléatoire avec des visages qui paraissent aussi bronzés que celui de Donald Trump. La stabilité est correcte, la propreté également, les couleurs sont chaudes. Si l’image est sans doute trop sombre à notre goût, le master n’est pas non plus déshonorant.
Seule la version originale aux sous-titres français imposés est disponible. Les dialogues sont clairs, suffisants, même si la musique est étonnamment plus sourde à quelques reprises.