Test Blu-ray / Scorpio, réalisé par Michael Winner

SCORPIO réalisé par Michael Winner, disponible en DVD et Blu-ray le 21 août 2018 chez ESC Editions

Acteurs : Burt Lancaster, Alain Delon, Paul Scofield, John Colicos, Gayle Hunnicutt, J.D. Cannon, Joanne Linville, James Sikking…

Scénario : David W. Rintels, Gerald Wilson

Photographie : Robert Paynter

Musique : Jerry Fielding

Durée : 1h55

Année de sortie : 1973

LE FILM

Cross, un agent confirmé de la CIA, a autrefois pris sous son aile Laurier, une nouvelle recrue, et lui a tout appris au sujet de l’espionnage. Aujourd’hui coéquipiers, le vétéran ressent que ses supérieurs se montrent distants à son égard et il ne se trompe pas. En effet, ils ont chargé son ancien élève de l’éliminer ! Cross s’enfuit alors à Vienne pour retrouver un ami travaillant pour les services secrets soviétiques…

Installé aux Etats-Unis depuis le début des années 1970 après le succès des Collines de la terreurChato’s land, le cinéaste britannique Michael Winner (1935-2013) vient de connaître son premier triomphe à Hollywood avec L’Homme de la loiLawman avec Burt Lancaster. Il a alors le vent en poupe et enchaîne avec Le CorrupteurThe Nightcomers (1971) avec Marlon Brando, puis surtout Le FlingueurThe Mechanic (1972) et Le Cercle noirThe Stone killer (1973) qui installent le mythe Charles Bronson. Juste avant l’explosion d’Un justicier dans la ville, Michael Winner collabore à nouveau avec Burt Lancaster pour Scorpio, thriller d’espionnage dans lequel la star retrouve son partenaire du Guépard, Alain Delon, dix ans après l’adaptation de Giuseppe Tomasi di Lampedusa par Luchino Visconti. Scorpio est l’antithèse des épisodes de James Bond qui fleurissaient alors depuis 1962. Michael Winner refuse l’action spectaculaire au profit d’une étude psychologique de ses personnages, prisonniers malgré-eux de la conjoncture politique internationale et du changement du fonctionnement de leur institution. S’il n’est pas aussi connu que ses autres films, Michael Winner signe pourtant une de ses œuvres les plus riches et complexes.

Gerald Cross est un ancien agent expérimenté de la CIA, ayant tué durant sa carrière d’espion, qui a pris sous sa coupe le jeune Jean Laurier surnommé Scorpio, afin de le former et éventuellement le remplacer. Cross enseigne à son poulain à se protéger autant de ceux qui l’emploient que de ses adversaires. La CIA, en la personne de McLeod, soupçonne Cross de trahison, comme agent-double, au profit de l’Union Soviétique. L’occasion de se servir de Laurier, accusé de trafic de stupéfiant par un montage, permet de suivre la trace de Cross parti en Europe à la recherche de son épouse Sarah. Laurier, ambitieux, qui aimerait justement être enrôlé à la CIA, accepte de trahir son ex-mentor. Cependant, en agent expérimenté, Cross réussit à déjouer les multiples pièges tendus par Laurier et son équipe, et parvient à se réfugier à Vienne. Il découvre alors que sa femme a été assassinée.

Ça ne rigole pas dans Scorpio ! Beaucoup plus proche des romans (et de leurs transpositions au cinéma) des œuvres de John le Carré que de celles de Ian Fleming, le film de Michael Winner ne craint pas de développer ses personnages là où les spectateurs attendaient peut-être des scènes d’action et des règlements de comptes. Ce qui attire évidemment en premier lieu dans Scorpio, c’est la confrontation, mais aussi le passage de témoin entre les deux têtes d’affiche. La complicité des deux personnages (et des acteurs) est évidente dans la première partie, celle où Cross, vieux briscard sur le point de mettre un terme à ses activités, enseigne tout ce qu’il sait à son jeune protégé Laurier, alias Scorpio, sobriquet qui lui vient de sa capacité à se mouvoir très vite et à se sortir des mauvaises situations. Tout irait pour le mieux pour ces deux hommes qui ont un profond respect l’un envers l’autre, jusqu’à ce que cet organisme indépendant et tentaculaire, pour ne pas dire criminel et même mafieux qu’est la CIA les dresse au rang d’adversaires.

Parallèlement, ce sont deux écoles de cinéma, deux générations qui s’affrontent à l’écran. Agé de 60 ans au moment du tournage, Burt Lancaster démontre qu’il en a encore sérieusement sous le capot et qu’il n’est pas prêt à se laisser bouffer par le jeune loup Delon. Ce dernier, ami de Burt Lancaster dans la vie, est de son côté prêt à tout pour s’élever au rang de son aîné et apporte avec lui son bagage « melvillien ». Impossible de ne pas penser au Samouraï quand le comédien apparaît avec son imperméable, les mains dans les poches. C’est ce rapport quasi-méta qui s’installe dans Scorpio et ce qui en fait sa qualité principale.

Certains spectateurs pourront trouver le temps long, car le film est assez bavard quand il détaille les méthodes des bureaucrates et des technocrates, ainsi que leur stratégie à adopter pour mettre la main sur Cross, mais Michael Winner, en pleine possession de ses moyens, parvient à maintenir un rythme, certes languissant, mais en maintenant l’intérêt. Un jeu du chat (les félins sont d’ailleurs bien présents) et de la souris s’instaure entre Paris, Washington DC et Vienne où plane l’ombre du Troisième homme de Carol Reed, avec comme point d’orgue une phénoménale course-poursuite entre les deux personnages principaux, dans le décor du chantier du métro viennois en construction. Une longue scène d’action menée à cent à l’heure sur la sublime composition de Jerry Fielding, où les comédiens effectuent leurs impressionnantes cascades sans être doublés.

Profondément pessimiste, Scorpio est un film d’espionnage ambigu et crépusculaire, qui mérite d’être sérieusement reconsidéré.

LE BLU-RAY

Le test du Blu-ray de Scorpio, disponible chez ESC Editions, a été réalisé à partir d’un check-disc. Le menu principal est animé et musical.

Le premier module disponible dans la section des suppléments, est une brillante analyse de Scorpio par Olivier Père (23’). Le journaliste, critique de cinéma, directeur général d’Arte France cinéma et directeur cinéma à Arte France replace tout d’abord le film qui nous intéresse dans l’oeuvre de Michael Winner, ainsi que le parcours de ce dernier, ses succès, notamment sa collaboration avec Charles Bronson. Puis, Olivier Père revient de manière plus approfondie sur les thèmes de Scorpio, ses personnages, leurs liens, tout en évoquant le contexte historique du film, les Etats-Unis plongés en pleine paranoïa après l’assassinat de JFK et l’Affaire du Watergate. Olivier Père défend le cinéma de Michael Winner, dresse quelques parallèles entre Scorpio et Le Flingueur, sans oublier de parler des partis pris du metteur en scène.

Le second bonus donne la parole à Jean-Claude Messiaen (20’). Critique et réalisateur, ce dernier raconte qu’il était attaché de presse au début des années 1970 pour le compte des Artistes Associés. De ce fait, il avait réussi à se faire engager sur le tournage du film de Michael Winner, encore intitulé à l’époque «Danger Field », pour suivre le réalisateur à Paris, avec lequel il entretenait jusqu’à présent qu’une correspondance écrite. Jean-Claude Messiaen évoque surtout la méthode du cinéaste, sa rencontre avec Burt Lancaster, ainsi que les thèmes de Scorpio qu’il résume par « la fin des idéologies ».

L’interactivité se clôt sur la bande-annonce.

L’Image et le son

En France, le film de Michael Winner n’était disponible qu’en DVD chez MGM dans une version non restaurée. C’est donc avec un très grand plaisir que nous redécouvrons Scorpio en Haute-Définition grâce aux bons soins d’ESC Editions. Malgré un grain aléatoire, heureusement conservé ceci dit, les scènes diurnes et nocturnes sont logées à la même enseigne et formidablement rendues avec ce master nettoyé de presque toutes défectuosités. Mis à part un générique vacillant et très grumeleux, les contrastes du chef opérateur Robert Paynter (Superman II, Série noire pour une nuit blanche), retrouvent une nouvelle densité. Les nombreux points forts de cette édition demeurent la beauté des gros plans (voir les yeux bleus des deux comédiens principaux), la propreté du master (hormis quelques points blancs), les couleurs souvent ravivées et le relief des scènes en extérieur jour avec des détails plus flagrants. Quelques fléchissements de la définition, mais rien de rédhibitoire. Enfin, le film est proposé dans son format d’origine 1.85.

Les mixages anglais et français DTS-HD Master Audio 1.0 sont propres, efficaces et distillent parfaitement la musique de Jerry Fielding. La piste anglaise ne manque pas d’ardeur et s’avère la plus équilibrée du lot. Au jeu des différences, la version française apparaît plus sourde. Aucun souffle constaté sur les deux pistes.

Crédits images : © MGM / Les Artistes Associés / ESC Editions / ESC Distribution / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

Test Blu-ray / The Age of Shadows, réalisé par Kim Jee-woon

THE AGE OF SHADOWS réalisé par Kim Jee-woon, disponible en DVD et Blu-ray le 23 janvier 2018 chez Studiocanal

Acteurs :  Lee Byung-hun, Song Kang-ho, Gong Yoo, Han Ji-min, Park Hee-soon, Shingo Tsurumi…

Scénario : Kim Jee-woon, Lee Ji-min, Park Jong-dae

Photographie : Kim Ji-yong

Musique : Mowg

Durée : 2h20

Année de sortie : 2016

LE FILM

Les années 1920, pendant la période d’occupation de la Corée par le Japon. Lee Jung-chool, ancien résistant devenu capitaine de police coréen travaillant pour la police japonaise, doit démanteler un réseau de la résistance coréenne dont il réussit à approcher l’un des leaders, Kim Woo-jin. Les deux hommes que tout oppose – mais qui connaissent chacun la véritable identité de l’autre – vont être amenés à se rapprocher, tout en continuant à dissimuler l’un à l’autre leurs propres desseins. Kim Woo-jin va alors tenter de convaincre Lee Jung-chool de revenir du côté de la résistance et lui demander de les aider à faire passer des explosifs jusqu’à Séoul.

Attention ! Kim Jee-woon est de retour et le moins que l’on puisse dire, c’est que le réalisateur de Deux sœurs (2003), A Bittersweet Life (2005), Le Bon, La Brute et le Cinglé (2008), J’ai rencontré le Diable (2010) et Le Dernier Rempart (2013), escapade hollywoodienne dans laquelle il dirigeait Arnold Schwarzenegger, Johnny Knoxville et Jaimie Alexander, a décidé de voir grand. The Age of Shadows combine à la fois le film d’espionnage, le drame historique et le thriller, le tout dans des décors sublimes et une esthétique à se damner. Prenez place, car vous allez assister à 140 minutes d’images sensationnelles, qui s’imposent d’ores et déjà parmi les plus incroyables à découvrir en 2018, même si le film aura mis près de deux ans à nous parvenir.

Soyons honnêtes, nous ne pouvons pas tout comprendre les enjeux de The Age of Shadows. Toutefois, le cinéaste en est pleinement conscient et parvient à happer l’attention du spectateur dès l’extraordinaire séquence d’ouverture, pour ne plus le lâcher durant 2h20. Le cinéma sud-coréen est décidément très inspiré, pour ne pas dire le meilleur du monde aujourd’hui, et The Age of Shadows ne déroge pas à la règle.

Le film de Kim Jee-woon est une véritable bombe, qui ne cesse de flatter les sens, qui foudroie les yeux par sa beauté plastique, par celle des costumes, du cadre large, des interprètes tous formidables. Doté d’un budget conséquent de près de 10 millions de dollars, financé et distribué pour la première fois en Corée du Sud par la Warner Bros, The Age of Shadows s’adresse aux cinéphiles, mais également au plus grand nombre car Kim Jee-woon n’oublie jamais la portée populaire et divertissante de son film. Si certains pourraient se sentir quelque peu largués par l’aspect politique du récit, le réalisateur parvient systématiquement à rattraper celles et ceux qui auraient pu être laissés sur le bas-côté.

The Age of Shadows est une succession de séquences incroyables, toutes destinées à devenir cultes. Des morceaux de bravoure qui laissent pantois d’admiration, que ce soit le prologue, ou la très longue scène du train reliant Shanghaï à Séoul, durant laquelle s’affrontent tous les personnages dans une sorte de relecture d’Agatha Christie. Mais le huitième long métrage de Kim Jee-woon ne se résume évidemment pas seulement à cela. Les personnages sont riches et ambigus à souhait. Chaque comédien et donc chaque personnage joue sa propre partition dans un opéra savamment orchestré de main de maître. Pas un seul moment de répit n’est laissé aux spectateurs, embarqués dans un véritable train fou, tendu, nerveux et virtuose, un jeu du chat et de la souris toujours haletant, parfois violent (les tortures sont montrées frontalement), une multitude de faux-semblants et du double-jeu en pagaille.

Projeté hors compétition à la Mostra de Venise en 2016 et représentant la Corée du Sud aux Oscars pour le meilleur film en langue étrangère en 2017, The Age of Shadows n’a malheureusement pas connu les honneurs d’une sortie dans les salles françaises. Espérons que son exploitation en DVD et Blu-ray fasse connaître ce chef d’oeuvre à une très large audience !

LE BLU-RAY

The Age of Shadows est disponible en DVD et Blu-ray chez Studiocanal. L’édition HD est présentée sous la forme d’un boîtier bleu traditionnel. Le visuel de la jaquette est élégant. Le menu principal est fixe et muet.

Edition minimaliste, ce Blu-ray ne contient aucun supplément.

L’Image et le son

Heureusement, l’éditeur se rattrape du côté technique. On ne saurait faire mieux. Le cinéaste Kim Jee-woon collabore une fois de plus avec le chef opérateur Kim Ji-yong (A Bittersweet Life, Le Dernier Rempart). Les partis pris esthétiques originaux sont magnifiquement rendus à travers ce Blu-ray d’une folle élégance. Le piqué est affûté, les contrastes fabuleusement riches, les détails sont abondants aux quatre coins du cadre large, tandis que le codec AVC consolide l’ensemble avec fermeté, y compris sur les très nombreuses scènes se déroulant dans la pénombre ou en intérieur.

Les pistes française et coréenne DTS-HD Master Audio 5.1, logées à la même enseigne, instaurent d’excellentes conditions acoustiques et font surtout la part belle à la musique, très présente pendant plus de deux heures. Les basses ont souvent l’occasion de briller, les ambiances naturelles sont bien présentes, les effets sont toujours saisissants (les quelques fusillades et poursuites) et le rendu des voix est sans failles. De quoi bien décrasser les frontales et les latérales. Les sous-titres français sont imposés.

Crédits images : © Studiocanal / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

Test Blu-ray / Trahisons, réalisé par David Leveaux

TRAHISONS (The Exception) réalisé par David Leveaux, disponible en DVD et Blu-ray chez TF1 Studio le 20 février 2018

Acteurs :  Jai Courtney, Lily James, Christopher Plummer, Janet McTeer, Anton Lesser, Ben Daniels, Aubeline Barbieux, Martin Swabey…

ScénarioSimon Burke d’après le roman « The Kaiser’s Last Kiss » d’Alan Judd

Photographie : Romain Osin

Musique : Ilan Eshkeri

Durée : 1h47

Année de sortie : 2016

LE FILM

Au début de la Seconde Guerre mondiale, le monarque kaiser Wilhelm vit en exil depuis 1917. Avec l’objectif de repousser l’avancée nazie aux Pays-Bas, la résistance néerlandaise s’allie avec Winston Churchill pour infiltrer un agent dans le repaire du Kaiser.

Décidément, la jeune comédienne Lily James a le vent en poupe. D’ailleurs, ce n’est pas pour nous déplaire. Lady Rose MacClare de la série Downtown Abbey a su faire sa place au cinéma, au point de devenir l’une des actrices les plus convoitées du moment. Cendrillon chez Kenneth Branagh, Elizabeth Bennet dans Orgueil et Préjugés et Zombies de Burr Steers (si si, ça existe), jeune serveuse au grand coeur dans le génial Baby Driver d’Edgar Wright et tête d’affiche des Heures sombres de Joe Wright aux côtés de l’oscarisé Gary Oldman, Lily James n’a pas fini de faire parler d’elle. On la retrouve dans TrahisonsThe Exception, premier long métrage du britannique David Leveaux, metteur en scène de théâtre très renommé. Pour son coup d’essai derrière la caméra, le nouveau cinéaste adapte le roman The Kaiser’s Last Kiss (2003) d’Alan Judd et se penche sur un épisode méconnu de la Seconde Guerre mondiale, à savoir l’exil du kaiser Guillaume II. Force est de constater que les années de théâtre ont forgé une solide direction d’acteurs chez David Leveaux, qui parvient même à tirer quelque chose d’intéressant chez le mal aimé Jai Courtney. On peut même dire que l’acteur australien trouve ici son meilleur rôle.

L’histoire se déroule au début de la Seconde Guerre mondiale et se concentre sur les dernières années de la vie de l’empereur Guillaume II qui vit en exil en Hollande. Wilhelm se retrouve bientôt sous la protection de Brandt, un jeune officier ambitieux et patriote de la Wehrmacht. Pendant ce temps, l’entourage du kaiser engage une nouvelle femme de chambre juive, Mieke, pour laquelle le capitaine prend un intérêt immédiat. Le chef de la gestapo en Hollande demande à Brandt de démasquer une taupe appartenant à la résistance qui s’est infiltrée dans l’entourage de l’empereur pour l’assassiner, alors qu’une visite de Heinrich Himmler, chef des SS, se prépare. Brandt découvre qu’il s’agit de Mieke, dont il est tombé secrètement amoureux…

Histoire d’amour (avec un soupçon d’érotisme), thriller de guerre, drame intimiste, film d’espionnage, Trahisons est un peu tout cela à la fois. Si le rythme est lent et que quelques longueurs se font ressentir à mi-chemin, on ne pourra pas reprocher à David Leveaux de soigner ses plans et le côté romanesque de son récit. Même si la romance va trop vite en besogne et peine à convaincre comme ça au premier abord, on se laisse autant séduire par Mieke que le capitaine Stefan Brandt, auquel Jai Courtney parvient à donner suffisamment d’ambiguïté et étonnamment beaucoup d’émotions. Habituellement cantonné dans les grosses machines hollywoodiennes souvent très mauvaises comme Die Hard : Belle journée pour mourir, Divergente, Terminator Genisys et Suicide Squad, l’acteur né en 1986 est impeccable dans l’uniforme allemand, froid, droit comme un i, dont les fêlures – son personnage est revenu blessé et traumatisé d’un champ de bataille après avoir vu des dizaines de cadavres – vont se révéler au contact de Mieke. Jeune juive hollandaise qui a perdu son père et son mari à la guerre, la jeune femme a réussi à se faire engager comme bonne auprès du kaiser et agit secrètement pour la résistance, en étant en contact avec l’Angleterre.

Alors qu’il lorgnait sur le rôle de Guillaume II, roi déchu, depuis quelques années, le comédien Christopher Plummer, né en 1929, crève l’écran une fois de plus à chaque apparition. Sa femme, la princesse Hermine, est quant à elle interprétée par Janet McTerr, immense actrice shakespearienne, vue également au cinéma dans Albert Nobbs de Rodrigo Garcia. A noter également une courte mais marquante et glaçante apparition d’Eddie Marsan dans le rôle d’Heinrich Himmler.

On se laisse prendre à ce jeu d’espions. Même si le final est attendu, Trahisons ne déçoit pas et tient en grande partie grâce à son excellent casting et la rigueur de sa mise en scène.

LE BLU-RAY

Après son passage par la VOD, Trahisons est aujourd’hui disponible en DVD et Blu-ray chez TF1 Studio. L’éditeur aurait pu soigner un peu plus la jaquette, glissée dans un boîtier classique de couleur bleue, dont le visuel se focalise essentiellement sur Jai Courtney. Lily James, de profil, est méconnaissable et ressemble à Anne Hathaway. Etrange décision de la part de TF1 qui aurait pu capitaliser sur la comédienne, qui commence à avoir une certaine renommée. Le menu principal est animé et musical.

Seul un making of (19’) est proposé comme prolongement au film. Les acteurs, le réalisateur et les producteurs interviennent à tour de rôle pour présenter l’histoire, les personnages, le casting et les partis pris. Diverses images filmées sur le plateau montrent le calme entre les prises et pendant les répétitions.

L’Image et le son

TF1 Studio prend soin de l’édition Blu-ray du film de David Leveaux. Voici donc un très beau master HD. Respectueuse des volontés artistiques originales concoctées par Romain Osin (The Jane Doe Identity), la copie de Trahisons se révèle un petit bijou technique avec des teintes à la fois froides dans les extérieurs et chatoyantes dans les pièces du manoir, le tout soutenu par un encodage AVC solide. Le piqué, tout comme les contrastes, sont tranchants, les arrière-plans sont bien détaillés, le relief omniprésent et les détails souvent foisonnants.

L’éditeur a également soigné le confort acoustique et livre deux mixages DTS-HD Master Audio 5.1 français et anglais. Les effets annexes sont systématiques dans toutes les séquences en extérieur, les voix solidement exsudées par la centrale. La spatialisation musicale est luxuriante avec un net avantage pour la version originale. L’éditeur joint également les sous-titres français destinés au public sourd et malentendant. Les sous-titres français sont imposés sur la version originale et le changement de langue verrouillé à la volée.

Crédits images : © Egoli Tossell Film. / TF1 Vidéo / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

Test Blu-ray / La Môme vert-de-gris, réalisé par Bernard Borderie

LA MÔME VERT-DE-GRIS réalisé par Bernard Borderie, disponible en combo Blu-ray/DVD le 11 avril 2018 chez Pathé

Acteurs :  Eddie Constantine, Dominique Wilms, Howard Vernon, Darío Moreno, Maurice Ronet, Nicolas Vogel, Philippe Hersent, Jess Hahn, Gaston Modot, Roger Hanin…

ScénarioBernard Borderie, Jacques Berland  d’après le roman de Peter Cheyney, « Môme Vert-de-Gris »

Photographie : Jacques Lemare

Musique : Guy Lafarge

Durée : 1h38

Année de sortie : 1953

LE FILM

Mickey, agent secret du F.B.I., a été assassiné à Casablanca. Dépêché par l’Agence, le redoutable Lemmy Caution mène l’enquête. Il fait bientôt la connaissance de la soeur de Mickey, la chanteuse de cabaret Carlotta de La Rue. Surnommée la « Môme Vert-de-Gris », la belle est la petite amie de Rudy Saltierra, que Caution soupçonne d’être le commanditaire de l’assassinat de Mickey.

Né à Los Angeles dans une famille juive originaire d’Europe de l’Est, d’un père russe et d’une mère polonaise, Israël Constantine, dit Eddie Constantine (1913-1993) aura fait l’essentiel de sa carrière en France, à la fois dans la chanson et au cinéma. S’il a toujours revendiqué le fait d’avoir « fait du cinoche » uniquement pour l’argent, Eddie Constantine aura malgré-lui incarné un héros devenu culte, celui de l’agent secret américain Lemmy Caution, dans une douzaine de films au cinéma (et deux fois à la télévision), aux titres qui fleurent bon le « cinéma de papa » : Cet homme est dangereux, Les Femmes s’en balancent, Vous pigez ?, Lemmy pour les dames, À toi de faire… mignonne, jusqu’au célèbre Alphaville, une étrange aventure de Lemmy Caution (1965) de Jean-Luc Godard, qui emmène le personnage dans un univers totalement atypique. Mais c’est grâce au réalisateur Bernard Borderie (1924-1978), futur metteur en scène de la saga Angélique avec Michèle Mercier, qu’Eddie Constantine deviendra une véritable star, à travers cinq collaborations tournées de 1953 à 1963.

Le premier de ces films est La Môme vert-de-gris, adapté d’une série noire du romancier britannique Peter Cheyney. Enorme succès à sa sortie avec 3,8 millions de spectateurs, cette première aventure de Lemmy Caution et deuxième long métrage de Bernard Borderie, qui a fait d’Eddie Constantine une valeur sûre du box-office, se regarde en 2018 comme le témoignage d’un genre de divertissement complètement désuet et éculé, qui ne manque pas de charme, mais qui peine à éveiller l’intérêt des spectateurs pendant 1h40. Et c’est aussi l’une des grandes inspirations de OSS 117 : Le Caire, nid d’espions de Michel Hazanavicius.

La chanteuse Carlotta de la Rue, dite «la Môme vert-de-gris», se produit dans le cabaret de Joe Madrigal, à Casablanca. Blessé au cours d’une rixe, son frère, Mickey, est conduit à l’hôpital dans un état critique. Il révèle juste avant de mourir la menace que fait peser un gang sur un énorme convoi d’or en provenance directe des Etats-Unis. La police française au Maroc prévient l’ambassade américaine, qui sollicite immédiatement l’aide du FBI. C’est alors que l’agent Lemmy Caution entre en scène. Son charme naturel agit évidemment sur la belle Carlotta et il ne tarde pas à s’intéresser à l’amant de celle-ci, un certain Rudy Saltierra…

La Môme vert-de-gris vieillit très mal. Cette histoire de pseudo-espionnage se contente d’enchaîner les scènes tournées à la va-comme-je-te-pousse, en se focalisant sur Lemmy Caution, alors en mission sous le nom de Perry Charles Rice (il doit le dire une bonne dizaine de fois dans le film), en train d’écluser ses verres de whisky (même au petit déjeuner), fumer ses cigarettes à la chaîne et de draguer les petites pépées qui croisent son chemin et qui tombent bien sûr sous le charme irrésistible de son visage à la peau grêlée et de son sourire carnassier. Ce James Bond avant l’heure, on le voit d’ailleurs essayer d’emballer la secrétaire de son boss, n’est jamais crédible, mais la décontraction et même le je-m’en-foutisme avec lesquels Eddie Constantine traverse le film font le sel de La Môme vert-de-gris. D’ailleurs, non seulement il ne se passe pas grand-chose, mais tout est même devenu risible aujourd’hui.

Entre fougue et désinvolture, Lemmy Caution passe trop facilement d’un indice à l’autre, se bastonne d’une main en se remplissant un verre de l’autre, tandis que les méchants, lui exposent leurs plans dans les moindres détails, pensant qu’il ne lui reste que quelques secondes à vivre (rires démoniaques). Dans un Casablanca de pacotille reconstitué en studio pour apporter une touche exotique, Lemmy Caution traque et démasque ses ennemis sans aucune difficulté puisque tout lui tombe tout cuit dans le bec. Certes, la lourde vulgarité de Dominique Wilms dans le rôle de la femme fatale Carlotta de La Rue, la gouaille et l’accent américain de Constantine (qu’il exagère volontairement) arrachent quelques sourires, tout comme les bagarres réglées par Henri Cogan (également au casting, aux côtés de Dario Moreno, Maurice Ronet, Jess Hahn et même Roger Hanin), les répliques ringardes et l’affrontement final, mais il n’y a rien à sauver de La Môme vert-de-gris. Même la nostalgie n’agit pas ici.

LE BLU-RAY

Le test du Blu-ray de La Môme vert-de-gris, disponible chez Pathé, a été réalisé à partir d’un check-disc. Cette édition comporte également le DVD du film. Le menu principal est animé et musical.

Un seul petit bonus pour cette édition, un entretien avec Eddie Constantine réalisé en décembre 1987 pour l’émission Portrait d’acteur (4’). Evidemment accoudé à un comptoir, Eddie Constantine se souvient de sa rencontre avec Bernard Borderie et avoue n’avoir jamais pris sa carrière de comédien au sérieux, de n’avoir fait du cinéma que pour l’argent et surtout d’avoir toujours détesté son personnage de Lemmy Caution. Il surenchérit en disant que chaque tournage lui apparaissait comme une peine de prison. Mais Constantine modère ses propos en indiquant qu’il a appris depuis à aimer son métier d’acteur.

L’Image et le son

Le master de La Môme vert-de-gris a été restauré 2K en 2017, à partir d’une numérisation 4K, par les laboratoires Eclair. Les contrastes sont beaux, la copie est propre et stable, les gris riches, les blancs lumineux, la profondeur de champ appréciable et le grain original heureusement préservé. Les séquences sombres sont tout aussi soignées que les scènes diurnes, le piqué est joliment acéré et les détails étonnent parfois par leur précision, surtout sur les gros plans et la vilaine peau d’Eddie Constantine. Toutefois, quelques flous sporadiques font parfois une apparition remarquée et quelques séquences paraissent plus douces avec de sensibles décrochages sur les fondus enchaînés et de légers moirages. Mais ce Blu-ray au format 1080p est de grande qualité et redonnera peut-être un certain intérêt à ce petit film.

La partie sonore a été restaurée numériquement par L.E. Diapason. Résultat : aucun souci acoustique constaté sur ce mixage DTS-HD Master Audio Mono. Le confort phonique de cette piste unique est dynamique, les dialogues sont clairs et nets. Si quelques saturations demeurent inévitables, la musique jazzy est joliment délivrée et aucun craquement intempestif ne vient perturber l’oreille des spectateurs. L’éditeur joint également les sous-titres anglais et français destinés au public sourd et malentendant, ainsi qu’une piste Audiovision.

Crédits images : © Pathé / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

Test Blu-ray / Espions sur la Tamise, réalisé par Fritz Lang

ESPIONS SUR LA TAMISE (Ministry of Fear) réalisé par Fritz Lang, disponible en DVD et combo Blu-ray/DVD chez Eléphant Films le 6 février 2018

Avec :  Ray Milland, Marjorie Reynolds, Carl Esmond, Hillary Brooke, Percy Waram, Dan Duryea…

Scénario : Seton I. Miller d’après le roman de Graham Greene

Photographie : Henry Sharp

Musique : Victor Young

Durée : 1h27

Date de sortie initiale : 1944

LE FILM

Londres, Deuxième Guerre mondiale. Stephen Neale sort d’un hôpital psychiatrique. Pour se persuader qu’il n’est pas fou et forcer son destin à s’éclaircir, il décide de se distraire dans une fête foraine. Il y gagne un gâteau dans lequel se cache un microfilm qui ne lui était pourtant pas destiné et que des agents secrets nazis vont tenter de récupérer par tous les moyens…

Grand amateur du travail de Sigmund Freud, Fritz Lang n’aura de cesse au cours de sa longue et prolifique carrière, de se pencher sur la question du meurtre, des assassins, de la culpabilité. En 1933, Joseph Goebbels propose au cinéaste le poste de directeur du département cinématographique de son ministère, celui de la propagande. Fritz Lang refuse. La légende dit que le réalisateur aurait déclaré à Goebbels que sa mère était juive. Il s’enfuit en France avant de s’installer aux Etats-Unis. Furie, son premier film américain et réquisitoire contre le lynchage, montre l’engagement du réalisateur. Suivront J’ai le droit de vivre (1937), Casier judiciaire (1938), Le Retour de Frank James (1940), Les Pionniers de la Western Union (1941) puis Chasse à l’homme la même année. Avec ce film, Fritz Lang entame une tétralogie antinazie avec Les Bourreaux meurent aussi, Espion sur la Tamise (1944) et Cape et Poignard (1946).

Après Chasse à l’homme, la carrière américaine de Fritz Lang patine et ses projets n’aboutissent pas. Le cinéaste milite pour aider ses compatriotes intellectuels à venir se réfugier aux Etats-Unis. Au même moment, Reinherd Heydrich, protecteur adjoint du Reich en Bohême-Moravie, adjoint d’Himmler, surnommé “le Bourreau”, meurt dans un attentat organisé par la résistance tchèque le 4 juin 1942. Fritz Lang décide d’en faire le sujet de son prochain film et de rendre ainsi un vibrant hommage à la résistance. Les Bourreaux meurent aussiHangmen Also Die!, longtemps envisagé sous le titre Never Surrender ou tout simplement No Surrender (repris dans la dernière séquence du film avec le célèbre “NOT THE END” dans le montage intégral) est réalisé en 1943 sur un scénario écrit par John Wexley et surtout l’immense dramaturge Bertolt Brecht, également allemand exilé aux Etats-Unis, dont il s’agit de l’unique collaboration avec Hollywood. Toutefois, il n’est pas mentionné en tant que scénariste au générique suite à une décision du syndicat des scénaristes américains.

Compromis entre réalité historique et divertissement hollywoodien, le film de Fritz Lang traite de la traque de l’assassin de Reinhard Heydrich sous forme d’une fiction prétexte à mettre en valeur le courage de chaque homme, femme et enfant, tous unis contre le Troisième Reich. Fritz Lang instaure une atmosphère oppressante, où la résistance s’organise à chaque coin de rue. Une œuvre captivante et formidable, noire et âpre, au suspense haletant, à la frontière de l’expressionnisme et du cinéma hollywoodien classique, mais profondément européenne dans l’âme.

En revanche, Espions sur la TamiseMinistry of Fear, connu également sous le titre français Le Ministère de la peur, troisième volet de cette tétralogie consacrée à la lutte contre le nazisme, apparaît comme étant le plus anecdotique. Pur film de commande, thriller d’espionnage, Fritz Lang n’a aucun droit de regard sur le scénario, ni sur le casting concernant cette adaptation du roman de Graham Greene, par le scénariste (et producteur) Seton I. Miller (L’Insoumise, Scarface, Le Cygne noir). Malgré tout, le film demeure solidement réalisé, très bien interprété et excellemment photographié.

Durant la Seconde Guerre mondiale, à Londres, Stephen Neale est relâché après un séjour de deux ans en hôpital psychiatrique, après avoir aidé son épouse malade à mourir sans souffrance. De retour à la vie normale, et désireux de goûter aux joies simples de la vie, il se laisse attirer par le charme et l’ambiance d’une fête foraine. Après y avoir rencontré une voyante, il joue et remporte un beau gâteau. Ce dont il ne se doute pas, c’est qu’il n’aurait jamais dû accepter l’innocente pâtisserie qui renferme, en fait, un microfilm destiné à des espions nazis. S’ensuit alors une course-poursuite engagée par les agents secrets du Reich pour retrouver les compromettants et précieux documents ainsi que son infortuné propriétaire.

Durant 1h30, on sent que le cinéaste n’est guère intéressé par ce qu’il filme, ce qu’il avouera publiquement des années plus tard. Rien n’est vraisemblable et Fritz Lang ne le cache pas. De ce fait, en grand professionnel, le réalisateur allemand ne s’embarrasse pas de psychologie et privilégie l’action, les rebondissements, l’histoire d’amour et l’aventure. Sans temps mort, on suit donc les comédiens Ray Milland et Marjorie Reynolds, pourchassés par les nazis dont ils vont remonter le réseau. Avec ce personnage ordinaire plongé malgré lui dans une histoire extraordinaire, l’ombre d’Alfred Hitchcock plane sur Espions sur la Tamise, parfois proche des 39 marches et de Correspondant 17. Mais contrairement au maître britannique et en dépit de l’investissement de Ray Milland, on ne croît guère aux quiproquos rocambolesques qui ponctuent la trajectoire de Stephen Neale dès sa sortie de l’institut psychiatrique. Les séquences de la kermesse et du voyage en train sont superbes et indéniablement languiennes, mais le reste du film patine quelque peu, même si encore une fois le spectateur n’a pas le temps de s’ennuyer.

Les événements s’enchaînent trop vite et de façon mécanique, tandis que le personnage demeure stoïque, comme si tout ce qui lui arrivait lui était finalement banal. Si la rencontre avec la jeune réfugiée autrichienne n’apporte pas grand-chose au final, à part pour plaire aux amateurs de bluettes, Espions sur la Tamise passe également du coq à l’âne sans embarras, dans l’unique but de divertir les spectateurs. Ce qu’il réussit haut la main !

LE BLU-RAY

Le test du Blu-ray d’Espions sur la Tamise, disponible chez Eléphant Films, a été réalisé à partir d’un check-disc. Le menu principal est animé et musical. Ce titre intègre tout naturellement l’exceptionnelle collection Cinéma Master Class.

Aux côtés d’une galerie de photos, de bandes-annonces et des credits du disque, l’éditeur propose une présentation d’Espions sur la Tamise par le journaliste Eddy Moine (13’). Cinéphile passionné comme son père, Eddy Moine, filmé en plan fixe et lisant son texte, ne manque pas d’arguments ni d’anecdotes et encore moins de références et de titres pour évoquer le huitième long métrage américain de Fritz Lang. Dans un premier temps, le journaliste parle du cinéma de propagande anti-nazi qui fleurissait à Hollywood au début des années 1940. Puis Espions sur la Tamise est disséqué sur le fond comme sur la forme, et replacé dans l’oeuvre de Fritz Lang. Durant cette intervention très sympathique et éclairante, Eddy Moine n’hésite pas à critiquer le manque de charisme de Marjorie Reynolds et malgré quelques points négatifs déclare tout de même qu’il s’agit d’un des meilleurs films du genre.

L’Image et le son

Exit l’édition DVD Carlotta sortie en 2007. Soutenu par un encodage AVC solide, ce très beau master (1.33, 4/3) parvient à tirer parti de la HD et impose une clarté élégante ainsi qu’une restauration notable. La gestion des contrastes est équilibrée, les scories et accrocs (points blancs et noirs, rayures verticales) ont quasiment tous disparu, la propreté de l’image demeure souvent impressionnante. Les blancs sont lumineux, les yeux des comédiens brillent avec un nouvel éclat, le N&B est dense et stylisé, la palette de gris étant étendue tout du long jusqu’à la dernière bobine. Si le piqué demeure aléatoire, le grain est habilement restitué, les quelques flous sporadiques ne perturbent jamais l’homogénéité de la copie et les arrière-plans sont assurés. Hormis quelques effets de pompage, la qualité technique apparaît ici optimale pour un film des années 40.

Comme pour l’image, le son a également été restauré de fond en comble. Résultat : aucun souci acoustique constaté sur ce mixage anglais DTS-HD Master Audio 2.0. Le confort phonique de cette piste unique est total, les dialogues sont clairs et nets, très rarement étouffés, les effets annexes probants et les plages de silence très impressionnantes. Les sous-titres français ne sont pas imposés.

Crédits images : © Eléphant Films /  Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

 

Test Blu-ray / M15 demande protection – The Deadly Affair, réalisé par Sidney Lumet

M15 DEMANDE PROTECTION (The Deadly Affair) réalisé par Sidney Lumet, disponible en DVD et Blu-ray le 10 octobre 2017 chez Sidonis Calysta

Acteurs :  James Mason, Simone Signoret, Maximilian Schell, Harriet Andersson, Harry Andrews, Kenneth Haigh, Roy Kinnear…

Scénario :  Paul Dehn d’après le roman « L’Appel du mort » (Call for the Dead) de John le Carré

Photographie : Freddie Young

Musique : Quincy Jones

Durée : 1h55

Date de sortie initiale : 1966

LE FILM

L’agent Charles Dodds enquête sur Samuel Fennan, soupçonné de sympathie envers le régime communiste. Après un interrogatoire où Fennan dément toute implication envers le communisme, il est retrouvé mort. L’agent Dodds va devoir prouver qu’il s’agit d’un meurtre…

Le romancier John le Carré (né en 1931) a travaillé pour les services secrets britanniques dans les années 50 et 60. L’auteur de L’Espion qui venait du froid, adapté dès 1965 par Martin Ritt avec Richard Burton, est certes le mieux placé pour décrire le monde des agents qu’il a côtoyés mais, une chose est certaine, c’est que ses histoires sont loin d’être aussi « explosives » qu’un James Bond. Pourtant, moult cinéastes se sont essayés à la transposition de cet univers glacial. Martin Ritt donc, Frank Pierson avec Le Miroir aux espions (1969), George Roy Hill avec La Petite Fille au tambour (1984), Fred Schepisi avec La Maison Russie (1990) porté par Sean Connery et Michelle Pfeiffer. Il faudra attendre les années 2000 pour que les scénaristes jettent à nouveau leur dévolu sur les romans de John le Carré. John Boorman avec Le Tailleur de Panama (2001), Fernando Meirelles avec The Constant Gardener (2005), probablement la plus belle et intense transposition à l’écran de le Carré, Tomas Alfredson avec La Taupe (2011), largement surestimé et d’un ennui mortel, sans oublier le talentueux Anton Corbijn avec le passionnant Un homme très recherché (2013), avec le regretté Philip Seymour Hoffman, dans sa dernière très grande prestation. Dernière transposition en date, Un traître idéal, adapté du roman Un traître à notre goût, publié en 2011, un honnête thriller. Mais l’exemple type du passage à l’écran d’une œuvre de John le Carré demeure M15 demande protection, titre français absurde de The Deadly Affair, réalisé par le géant Sidney Lumet en 1966.

Comme la plupart des autres adaptations de le Carré au cinéma, l’intrigue de The Deadly Affair, adaptée du roman L’Appel du mort, part dans tous les sens et l’action est absente, mais Sidney Lumet et son scénariste Paul Dehn (Goldfinger, L’Espion qui venait du froid) privilégient une approche intimiste originale. Pendant la Guerre froide, en Angleterre, Samuel Fennan, un employé du ministère des Affaires Etrangères accusé d’amitiés communistes, est retrouvé mort. Tout pousse à croire à un suicide mais Charles Dobbs, officier au Secret Intelligence Service, MI5 (pour Military Intelligence, section 5), en charge de l’enquête pour le ministère de l’Intérieur et qui a rencontré Fennan la veille de sa disparition, ne croit pas qu’il se soit ôté la vie. Ses supérieurs veulent rapidement classer l’affaire mais Dobbs insiste et finit par démissionner afin d’avoir les mains libres pour mener son enquête. Il rend alors visite à la veuve de Fennan, qui lui impute la responsabilité de la mort de son mari. Au même moment, un vieil ami et compagnon de guerre réapparaît dans sa vie.

M15 demande protection permet à Sidney Lumet de se livrer à quelques expériences. Comme il s’agit d’un film sur le désenchantement et la désillusion, le cinéaste a demandé à son chef opérateur Freddie Young (Lawrence d’Arabie, Le Docteur Jivago) de créer une palette de couleurs « sans couleur », d’atténuer les teintes, de les éteindre, afin d’appuyer l’atmosphère grisâtre de John le Carré, qui reflète un espionnage plus quotidien, neutre, peuplé de personnages qui ne savent pas où ils mettent les pieds, qui naviguent continuellement en eaux troubles, sur des terrains peu sûrs, où la réalité n’est jamais ce qu’elle paraît être. Loin de l’agent 007, les agents sont ici des bureaucrates, très rarement armés, qui déambulent dans des quartiers sales, glauques, sordides, où tout le monde soupçonne tout le monde et où la Realpolitik a eu raison des sentiments positifs. Plus que l’histoire d’espionnage elle-même, Sidney Lumet s’intéresse au drame psychologique vécu par les personnages, mais également aux ambiances et aux sensations.

The Deadly Affair est un film qui sent le feutre, le velours, l’encre, le sexe et la mort. La trahison est omniprésente, étatique et conjugale puisque la femme de Dodds est nymphomane et n’a de cesse de le tromper. Lumet et son scénariste se concentrent sur l’histoire personnelle de leur personnage principal, merveilleusement incarné par James Mason. Si la Paramount était détentrice du copyright du nom George Smiley depuis L’Espion qui venait du froid, le comédien britannique interprète ce même personnage rebaptisé ici Charles Dodds. Le regard tombant, la démarche fatiguée, le corps usé, le héros est ici malin, mais pas invulnérable et même tragique. Sidney Lumet instaure un climat sombre et pluvieux où tous les protagonistes semblent avoir quelque chose à se reprocher. En bénéficiant d’un casting européen, le cinéaste joue avec la musicalité des accents, entre la française Simone Signoret, l’allemand Maximilian Schell, la suédoise Harriet Andersson. Cette confrontation des langues appuie les tensions et surtout les suspicions des agents britanniques, dont le détective privé merveilleux incarné par Harry Andrews.

Afin de lui conférer un cachet intemporel, Quincy Jones compose une bande-originale décalée et bossa nova, qui contraste et qui pourtant s’intègre parfaitement à la complexité du récit et de ses personnages. Ce contrepied mélancolique aux aventures fantaisistes de 007 se cristallise lors du climax sensationnel où tous les protagonistes se retrouvent au théâtre, devant une représentation d’Edouard II, pièce sur la trahison, interprétée par David Warner. Les jeux de regards s’entrecroisent, les traitres se révèlent, les estomacs se retournent. C’est ici l’art du montage, du cadre et de la direction d’acteurs. C’est aussi virtuose qu’anthologique. Considéré comme un Lumet « mineur », M15 demande protectionThe Deadly Affair contient pourtant une des plus grandes séquences de toute l’immense carrière du réalisateur et rien que pour ça (mais pas seulement), le film mérite d’être reconsidéré.

LE BLU-RAY

Le test du Blu-ray de The Deadly Affair, disponible chez Sidonis Calysta, a été réalisé à partir d’un check-disc. Le menu principal est animé sur la musique du film.

Trois présentations du film de Sidney Lumet pour le prix d’une ! Si elles se recroisent forcément à travers certains arguments identiques, ces trois interviews parviennent heureusement à se compléter suffisamment. Notre préférence se tourne vers celle de Bertrand Tavernier (25’30). Notre interlocuteur se moque gentiment du titre français (M15 et non pas MI5 !), évoque le roman L’Appel du mort de John Le Carré et revient en détails sur tous les éléments qui font pour lui la grande réussite du film : les décors, la photographie du chef opérateur Freddie Young, les thèmes sombres qui contrastent avec l’exotisme des James Bond qui triomphent dans le monde entier. Bertrand Tavernier examine le casting et déclare avoir de grandes réserves sur le jeu de l’actrice suédoise Harriet Andersson, tandis qu’il encense la prestation d’Harry Andrews et celle de Simone Signoret. S’il parle de deux ou trois éléments qu’il juge inappropriés, inutiles ou maladroits (deux plans en ouverture, l’esthétique quelque peu datée), Bertrand Tavernier fait l’éloge de la séquence finale quand les personnages se retrouvent au théâtre.

L’historien du cinéma Patrick Brion prend ensuite le relais (9’). Plus concis, ce dernier aborde tout d’abord la photo de Freddie Young et les volontés artistiques. Le travail sur la pellicule, les partis pris, les décors sont ensuite passés au peigne fin. L’adaptation de John le Carré est ensuite comparée à celle de L’Espion qui venait du froid, film réalisé par Martin Ritt et sorti l’année précédente. Pour Patrick Brion, The Deadly Affair est peut-être la plus belle transposition d’un des romans de l’écrivain au cinéma. Il s’attarde également sur le casting.

Dans le dernier entretien de cette édition, François Guérif (6’) parle tout d’abord du roman de John le Carré, avant d’analyser lui aussi les thèmes et les partis pris de M15 demande protection, titre français qui le fait encore rire comme son camarade Bertrand Tavernier avec qui il partage le même avis négatif sur Harriet Andersson. Il s’agit probablement du module le plus facultatif en raison de ses arguments quelque peu redondants, même si François Guérif demeure le plus critique sur le film de Sidney Lumet.

L’interactivité se clôt sur la bande-annonce et une galerie d’affiches.

L’Image et le son

Très beau Blu-ray que celui édité par Sidonis Calysta ! Le disque est au format 1080p (AVC). Le master restauré par Sony respecte les magnifiques partis pris esthétiques du mythique chef opérateur Freddie Young avec cette palette de couleurs spécifique, volontairement fanées avec une prédominance de teintes brunes. Le grain est respecté, parfois peut-être un peu lissés ou au contraire trop duvêteux sur certaines scènes sombres, mais les détails ne manquent pas à l’instar de l’éclat des yeux bleus de Simone Signoret ou sur les nombreux gros plans. Hormis quelques séquences plus douces, la définition est impressionnante et l’image affiche une indéniable propreté.

Les mixages anglais et français DTS-HD Master Audio Mono 2.0 distillent parfaitement la musique de Quincy Jones. Néanmoins, la piste française se focalise sans doute trop sur le report des voix, au détriment des ambiances annexes. La piste originale est très propre, sans souffle, dynamique et suffisamment riche pour instaurer un très bon confort acoustique. Les sous-titres français sont imposés sur la version originale et le changement de langue impossible à la volée.

Crédits images : © Sidonis Calysta / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

Test Blu-ray / Un traître idéal, réalisé par Susanna White

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UN TRAITRE IDEAL (Our kind of Traitor) réalisé par Susanna White, disponible en Blu-ray et DVD le 25 octobre 2016 chez Studiocanal

Acteurs : Ewan McGregor, Stellan Skarsgård, Damian Lewis, Naomie Harris, Jeremy Northam, Mark Gatiss

Scénario : Hossein Amini, d’après le roman Un traître à notre goût de John le Carré

Photographie : Anthony Dod Mantle

Musique : Marcelo Zarvos

Durée : 1h47

Date de sortie initiale : 2016

LE FILM

En vacances à Marrakech, un couple d’Anglais, Perry et Gail, se lie d’amitié avec un millionnaire russe nommé Dima. Ils ignorent que cet homme charismatique et extravagant blanchit l’argent de la mafia russe… Lorsque Dima demande leur aide pour livrer des informations explosives aux services secrets britanniques, la vie de Perry et Gail bascule. À travers toute l’Europe, ils se retrouvent plongés dans un monde de manipulation et de danger où chaque faux pas peut leur coûter la vie. Pour avoir une chance de s’en sortir, ils vont devoir faire équipe avec un agent anglais aux méthodes vraiment particulières…

Our Kind Of Traitor

Le romancier John le Carré a travaillé pour les services secrets britanniques dans les années 50 et 60. L’auteur de L’Espion qui venait du froid, adapté dès 1965 par Martin Ritt avec Richard Burton, est certes le mieux placé pour décrire le monde des agents qu’il a côtoyés mais, une chose est certaine, c’est que ses histoires sont loin d’être aussi «explosives» qu’un James Bond. Pourtant, moult cinéastes se sont essayés à la transposition de cet univers glacial. Martin Ritt donc, mais aussi Sidney Lumet avec MI5 demande protection (1966), Frank Pierson avec Le Miroir aux espions (1969), George Roy Hill avec La Petite Fille au tambour (1984), Fred Schepisi avec La Maison Russie (1990) porté par Sean Connery et Michelle Pfeiffer. Il faudra attendre les années 2000 pour que les scénaristes jettent à nouveau leur dévolu sur les romans de John le Carré. John Boorman avec Le Tailleur de Panama (2001), Fernando Meirelles avec The Constant Gardener (2005), probablement la plus belle et intense transposition à l’écran de le Carré, Tomas Alfredson avec La Taupe (2011), largement surestimé, sans oublier le talentueux Anton Corbijn avec le passionnant Un homme très recherché (2013), avec le regretté Philip Seymour Hoffman, dans sa dernière très grande prestation. Un traître idéal est adapté du roman Un traître à notre goût, publié en 2011.

Perry (Ewan McGregor)

Hector (Damian Lewis)

Derrière la caméra, la réalisatrice britannique Susanna White, connue pour les mini-séries Jane Eyre (2006) et Parade’s End (2012), et dont la seule incursion au cinéma demeurait jusqu’alors le sympathique Nanny McPhee et le Big Bang en 2010. Sur un scénario d’Hossein Amini (Drive, Blanche-Neige et le Chasseur), la cinéaste livre une élégante transposition, qui repose avant tout sur ses stars, Ewan McGregor, Naomie Harris, Stellan Skarsgård et Damian Lewis. Les deux premiers interprètent Perry et Gail, un couple britannique, qui passent quelques jours à Marrakech pour essayer de reconsolider leur union. Un soir, Perry rencontre un certain Dima (Skarsgård, tatoué et l’accent soviétique imbibé de vodka), alors que Gail doit s’absenter pour son travail. Perry se lie rapidement avec ce mystérieux russe. Il va rapidement découvrir qu’il blanchit de l’argent pour la mafia soviétique. Contre toute attente, Dima demande à Perry de remettre une clef USB au MI6 lors de son retour à Londres. Dima souhaite livrer des informations explosives aux services secrets britanniques en échange de la protection de sa famille. Perry et Gail sont alors embarqués dans cette affaire, qui les mène entre Paris et Berne, sous la surveillance de l’agent Hector (Lewis), qui se retrouve face à sa hiérarchie. Intègre, il souhaite à la fois aider Dima et sa famille, mais également faire tomber les grosses pointures à qui profite l’argent sale.

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Hector (Damian Lewis)

Les ingrédients récurrents et chers à le Carré sont bel et bien présents : corruption des élites politiques et administratives des pays occidentaux, blanchiment international de l’argent sale introduit dans les grands groupes financiers (ici à Londres et la City avec l’accord du ministre des finances britannique). Mouvements de capitaux, argent sale, mafia russe, corruption, tout y est ! Un traître idéal est un film d’espionnage bien troussé et interprété, même si certains partis pris esthétiques – pourquoi cette photo jaunâtre ??? – n’emportent guère l’adhésion. Heureusement, l’essentiel est ailleurs et les acteurs connaissent leur boulot. On s’attache très vite aux personnages, y compris celui campé par Stellan Skarsgård, spécialiste du blanchiment d’argent de la mafia russe, repenti, qui souhaite mettre sa famille à l’abri par tous les moyens. Ewan McGregor apparaît un peu éteint dans le rôle de « l’homme dans la foule », ici un professeur de lettres, qui se retrouve impliqué malgré lui dans une affaire de crime international. Heureusement, la belle et talentueuse Naomie Harris (Moneypenny de l’ère James Bond – Daniel Craig) relève le niveau de son partenaire, tout comme Damian Lewis, que l’on verrait bien endosser le smoking de 007, impeccable et élégant.

Gail (Naomie Harris, l.) und Perry (Ewan McGregor, r.)

Dima (Stellan Skarsgård)

D’ailleurs, le film ne manque pas de classe, malgré la photo un peu douteuse. Susanna White s’en tire très bien et concocte un thriller entre feu et glace qui fonctionne, qui divertit sans prendre des airs hautains comme certaines autres adaptations de le Carré. Classique, mais efficace donc.

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LE BLU-RAY

Le test du Blu-ray d’Un traître idéal, disponible chez Studiocanal, a été réalisé à partir d’un check-disc. Le menu principal est étonnamment fixe et muet.

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C’est ce qui s’appelle une « sortie technique » puisque l’éditeur ne livre que deux petites featurettes de 3 minutes. La première est consacrée aux comédiens et à la réalisatrice qui racontent quasiment toute l’histoire du film, tandis que la seconde fait un focus sur le casting. De rapides images du tournage montrent l’envers du décor, mais ces deux modules n’ont strictement aucun intérêt.

Perry (Ewan McGregor)

L’Image et le son

Bien que le film soit passé complètement inaperçu dans les salles, Studiocanal prend soin du thriller de Susanna White et livre un master HD au format 1080p, irréprochable et au transfert immaculé. Respectueux des volontés artistiques originales, la copie se révèle un petit bijou technique alliant des teintes chaudes, ambrées et dorées (des filtres orangés pour résumer), puis la partie bleutée et métallique de la partie anglaise, le tout étant soutenu par un encodage AVC de haute volée. Le piqué, tout comme les contrastes, sont tranchants, les arrière-plans sont magnifiquement détaillés, la colorimétrie est joliment laquée, le relief omniprésent et les détails foisonnants sur le cadre large. Un service après-vente remarquable.

Dima (Stellan Skarsgård)

Les mixages français et anglais DTS-HD Master Audio 5.1 créent un espace d’écoute suffisamment plaisant en faisant la part belle à la musique. Quelques ambiances naturelles percent les enceintes latérales sans se forcer mais avec une efficacité chronique. Les sous-titres français sont imposés sur la version originale et le changement de langue s’effectue via le menu contextuel. L’éditeur joint également une piste en audiodescription, ainsi que les sous-titres français destinés aux spectateurs sourds et malentendants.

Our Kind Of Traitor

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Our Kind Of Traitor
Crédits images : © Studiocanal

Chronique du DVD / L’Agent invisible contre la gestapo, réalisé par Edwin L. Marin

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L’AGENT INVISIBLE CONTRE LA GESTAPO (Invisible Agent) réalisé par Edwin L. Marin, disponible en DVD le 21 septembre 2016 chez Elephant Films.

Acteurs : Ilona Massey, Jon Hall, Peter Lorre, Cedric Hardwicke, J. Edward Bromberg, Albert Bassermann, John Litel, Holmes Herbert

Scénario : Curt Siodmak

Photographie : Lester White

Musique : Hans J. Salter

Durée : 1h20

Date de sortie initiale : 1942

LE FILM

Frank Raymond, le petit-fils de «l’homme invisible», vit sous une fausse identité à New York. Mais il est repéré par deux agents secrets, le baron Ikito et Conrad Stauffer, qui oeuvrent pour les forces de l’Axe. Ceux-ci veulent à tout prix mettre la main sur la fameuse formule permettant de devenir invisible. Frank parvient à leur échapper et se met alors au service des Alliés. Parachuté sur Berlin, il a pour mission d’aider au démantèlement d’un réseau d’espions infiltrés aux Etats-Unis…

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Suite au succès de la comédie-fantastique La Femme invisible, les studios Universal comptent bien exploiter le filon, d’autant plus que les deux derniers épisodes ont su renouveler la franchise Invisible man. Cependant, il faudra attendre 1942 pour que l’Homme invisible fasse son retour sur les écrans. Alors que la Seconde Guerre mondiale éclate en 1939 et que les Etats-Unis entrent à leur tour dans le conflit armé suite à l’attaque de Pearl Harbor le 7 décembre 1941, le cinéma soutient l’effort de guerre à travers quelques films. Le patriotisme est mis à l’avant, les horreurs nazies sont évoquées, les agents secrets ont la cote. C’est alors le bon moment pour qu’Universal dégaine un Agent invisible contre la GestapoInvisible Agent, réalisé par l’américain Edwin L. Marin (1899-1951). Ancien assistant opérateur à la MGM et à la RKO, il devient réalisateur au début des années 1930 et signera une œuvre éclectique, entre le western et le film-musical, comptant une soixantaine de longs métrages, parmi lesquels A Christmas Carol (1938) adapté de Charles Dickens, ou bien encore L’Amazone aux yeux verts (1944) avec John Wayne.

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Alors qu’il vient d’achever le script du Loup-garou, Curt Siodmak reprend du service pour celui de cet Agent invisible, évidemment plus axé sur les événements qui secouent le monde entier. Le comédien qui prêtera ses traits, ou plutôt sa voix comme on ne le verra quasiment pas du film, est Jon Hall, jeune premier vu dans quelques séries B d’aventures aux titres explicites Pago-Pago, île enchantée, Aloma, princesse des îles ou bien encore The Tuttles of Tahiti. L’Agent invisible contre la gestapo lui permet de changer de registre et de s’affirmer devant la caméra. Il donne la réplique à l’actrice et chanteuse d’origine hongroise Ilona Massey, mais la véritable vedette du film est un des comédiens les plus inoubliables des années 1930-1940, il s’agit bien sûr de Peter Lorre dans le rôle du Baron Ikito. Son jeu inimitable, son faciès inquiétant, les petites lunettes rondes qu’il arbore, sa voix calme, font de lui le personnage le plus mémorable, surtout lorsqu’il se prépare à trancher les doigts de Frank Raymond pour « le faire parler ». Par ailleurs, son personnage rappelle celui du Major Arnold Toht des Aventuriers de l’Arche perdue de Steven Spielberg. Après sa participation au Retour de l’homme invisible, Cedric Hardwicke est à nouveau de la partie, mais dans un autre rôle, celui du perfide Conrad Stauffer.

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Véritable film d’espionnage typique de l’époque, agrémenté bien évidemment de touches fantastiques avec la « présence » de l’Homme invisible, L’Agent invisible contre la gestapo est un divertissement haut de gamme doublé d’un film de propagande. La recherche du sérum d’invisibilité est ici prétexte pour montrer les méthodes d’interrogation de la gestapo, à l’instar de l’introduction qui place le petit-fils de l’ancien Homme invisible, en fâcheuse posture. Les forces de l’Axe veulent s’emparer de cette invention qui pourrait devenir une arme redoutable pour remporter la guerre. Japonais et Allemands font front commun, mais après l’attaque de Pearl Harbor (visible à travers quelques images d’actualités), les Etats-Unis et l’Angleterre sont bien décidés à renverser la situation et parviennent à convaincre Frank Raymond, alors détenteur du sérum, de devenir lui-même un agent pour aider son pays. Devenant invisible, il est parachuté au-dessus de Berlin et son enquête commence. Il est chargé de collecter des renseignements sur un possible attentat visant les Etats-Unis.

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Le film oscille entre un portrait chargé sur le IIIe Reich et un décalage humoristique quelque peu déplacé, surtout lorsque le nazi (ou une caricature plutôt) Karl Heiser, interprété par J. Edward Bromberg, est ridiculisé à table par Frank. La scène est sans doute très réussie et drôle, tout comme le fait que Frank se tartine de crème hydratante pour être vu, mais ce changement de ton déséquilibre l’ensemble. Ajoutez à cela des allemands qui parlent évidemment anglais entre eux ! Mais L’Agent invisible contre la gestapo est une réussite. Les dialogues sont percutants, le dernier acte, plus grave, s’avère plus sobre avec quelques scènes mémorables. Les effets spéciaux du maître John P. Fulton sont également très soignés et impressionnants, tout comme les péripéties rencontrées par notre héros invisible. La saga Invisible man est décidément la meilleure des Universal Monsters !

LE DVD

Le test du DVD de L‘Agent invisible contre la gestapo, disponible dans l’indispensable collection Cinéma Monster Club éditée chez Elephant Films, a été réalisé à partir d’un check-disc. Le menu principal est animé et musical. Mention spéciale au visuel, très réussi, de la jaquette et du fourreau cartonné.

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En guise d’interactivité, le journaliste Jean-Pierre Dionnet nous livre une présentation du film (12′) en le replaçant surtout dans son contexte historique. Le casting qu’il juge « éblouissant » est ensuite passé au peigne fin, tout comme une partie de l’équipe technique.

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On retrouve également un module où Dionnet expose le thème de l’Homme Invisible (13′), décliné à travers les arts, de la littérature (H.G. Wells bien sûr) et au cinéma, du film de James Whale en 1933, ses suites qui suivront dans les années 1940, tout en passant rapidement sur les films de John Carpenter et de Paul Verhoeven. Jean-Pierre Dionnet évoque également les effets spéciaux miraculeux de John P. Fulton.

L’interactivité se clôt sur une galerie de photos, les credits du disque ainsi que les nombreuses bandes-annonces des films disponibles dans la même collection.

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L’Image et le son

Le master de L’Agent invisible contre la gestapo est présenté dans son format respecté 1.33. La copie s’avère claire et lumineuse, propre, stable. Les contrastes sont élégants, les noirs denses flattent les mirettes. Remercions encore Elephant Films de nous permettre de (re)découvrir ce film d’espionnage-fanstastique dans de belles conditions.

La bande-son a été restaurée en version originale, seule piste disponible sur cette édition, en Mono 2.0. Les dialogues, tout comme la musique, sont dynamiques et le confort acoustique très appréciable.

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Crédits images : © Elephant Films