Test Blu-ray / Le Train, réalisé par John Frankenheimer

LE TRAIN (The Train) réalisé par John Frankenheimer, disponible en Édition Digibook Blu-ray + DVD + Livret le 22 mai 2019 chez Coin de mire Cinéma et L’Atelier d’images

Acteurs : Burt Lancaster, Paul Scofield, Jeanne Moreau, Michel Simon, Suzanne Flon, Wolfgang Preiss, Albert Rémy, Jacques Marin…

Scénario : Franklin Coen, Frank Davis, Albert Husson d’après une histoire originale et le roman de Rose Valland « Le Front de l’art »

Photographie : Jean Tournier, Walter Wottitz

Musique : Maurice Jarre

Durée : 2h13

Date de sortie initiale : 1964

LE FILM

En 1944, le Colonel von Waldheim fait évacuer des tableaux de maîtres du Jeu de Paume pour les envoyer en Allemagne. Labiche, un cheminot résistant, est chargé de conduire le train transportant ces objets d’art.

« J’ai connu une fille qui avait posé pour Renoir…elle sentait encore la peinture… »

Le TrainThe Train est la quatrième collaboration entre le cinéaste John Frankenheimer et le comédien Burt Lancaster. Sorti en 1964, ce film fait suite au Temps du châtiment The Young Savages (1961), Le Prisonnier d’AlcatrazBirdman of Alcatraz (1962) et Sept jours en maiSeven Days in May (1964). Le Train est une superproduction au budget très confortable, intégralement tourné en France, avec un casting essentiellement européen et surtout hexagonal. Remarquable film de guerre, solidement mis en scène et porté par un casting éblouissant, Le Train aborde également un sujet fort, qui pose constamment la question « Une œuvre d’art vaut-elle le sacrifice d’une vie humaine ? ».

Août 1944, à quelques jours de la Libération de Paris. Les troupes alliées approchent de la capitale. Le colonel von Waldheim est chargé de faire main basse sur les tableaux exposés au musée du Jeu de Paume et de les acheminer vers l’Allemagne le plus rapidement possible. Mademoiselle Villard, la conservatrice du musée, contacte la Résistance et tente de persuader Paul Labiche, le responsable du réseau Est, d’arrêter le train transportant les toiles. Labiche ne cache pas ses réticences. Il n’a guère envie de risquer des vies pour quelques peintures, même célèbres. Finalement, après que le conducteur du train a été fusillé pour l’avoir saboté, la Résistance décide d’organiser rien moins que la disparition du convoi…

L’histoire du Train, qui a également inspiré celle du regrettable The Monuments Men de George Clooney, s’inspire d’un épisode réel de la Seconde Guerre mondiale, celui du déraillement du train d’Aulnay, survenu en août 1944, qui contenait des œuvres d’art de grande valeur. Suite au signalement de la célèbre Rose Valland (dont le livre Le Front de l’art : défense des collections françaises, 1939-1945 a servi de base), conservatrice au Musée de Jeu de Paume, cet acte de résistance avait interrompu le convoi de ce précieux train vers l’Allemagne. Plus de 60 000 œuvres d’art et objets divers spoliés par les nazis aux institutions publiques et aux familles juives pendant l’Occupation ont pu être récupérées et sauvées. Sur ce passionnant postulat de départ, le réalisateur John Frankenheimer, qui a remplacé au pied levé son confrère Arthur Penn suite à son renvoi par le producteur Burt Lancaster pour « divergences artistiques », signe un drame de guerre, qui concilie à la fois les scènes d’action ultra-spectaculaires avec quelques séquences de bombardements et de déraillements sensationnels, psychologie des personnages avec notamment celui campé par Burt Lancaster lui-même, parfait dans le rôle du français Labiche. Le britannique et shakespearien Paul Scofield campe un von Waldheim trouble et ambigu, un homme de goût, sans jamais tomber dans le cliché du soldats allemand machiavélique, qui parvient même à tromper ses supérieurs qui jugent le chargement du train peu essentiel en cette période de déroute.

Très attaché à ces œuvres, jugées dégénérées par le IIIe Reich, von Waldheim décide d’agir essentiellement pour lui et espère revenir au bercail avec les œuvres de Gauguin, Renoir, Picasso, Degas, Cézanne, Matisse, Braque, Utrillo, Manet, Miro…C’était sans compter sur le dénommé Labiche, qui, avec l’aide de ses camarades cheminots résistants, vont tenter de le stopper avant qu’il ne parvienne à la frontière.

A l’instar de Buster Keaton avec Le Mécano de la Générale, John Frankenheimer décide de jouer au petit train, mais grandeur nature, en sublimant les locomotives. Disposant de moyens considérables, certaines séquences sont filmées avec près de dix caméras, surtout sur celles de déraillements ou de raids aériens (celui du bombardement de la gare de triage de Vaires-sur-Marne n’a rien à envier à un film contemporain), Le Train souffre peut-être aujourd’hui d’un rythme assez lent, mais n’ennuie jamais. Le récit demeure excellemment conduit, on jubile de voir Burt Lancaster donner la réplique à Michel Simon (pour qui il avait une vraie fascination), Albert Rémy, Jacques Marin, Suzanne Flon, Jeanne Moreau, et la beauté plastique du film (photographie de Jean Tournier) subjugue à chaque plan.

Alors que le tournage devait s’étendre sur trois mois, John Frankenheimer restera finalement un an en France pour les prises de vue du Train. Cascades, aventures (toute la partie du train dérouté grâce au maquillage des plaques de gare est particulièrement jubilatoire), suspense (avec une économie de dialogues et de musique, pourtant composée par Maurice Jarre), émotions, action, tout y est et Le Train reste une valeur sûre, un divertissement haut de gamme, immersif, moderne et souvent virtuose, doublé d’un superbe hommage – comme un carton d’introduction l’indique – aux cheminots français d’hier et d’aujourd’hui.

LE DIGIBOOK

Le Train est le premier film américain édité par Coin de Mire Cinéma en partenariat avec L’Atelier d’images. Coffret Digibook prestige numéroté et limité à 3.000 exemplaires, au format 142 x 194 mm, comprenant un Blu-ray et un DVD, un livret 24 pages cousu au boîtier, reproduisant des archives sur le film (dont un extrait de la revue Historail), la reproduction de 10 photos d’exploitations cinéma sur papier glacé au format 120 x 150 mm rangées dans 2 étuis cartonnés. Sans oublier la reproduction de l’affiche originale en format 215 x 290 mm pliée en 4. Le menu principal est fixe et musical.

En cette 39e semaine de l’année 1964, voici notre bulletin d’informations (9’) : Une bombe datant de la dernière guerre, étonne les passants dans les rues de Varsovie, le comédien Guy Grosso participe au Prix de l’Arc de Triomphe, Françoise Giroud présente la nouvelle formule de L’Express, le général de Gaulle démarre son marathon présidentiel en Amérique du sud, le roi Constantin II de Grèce épouse la princesse Anne-Marie de Danemark en la cathédrale d’Athènes, tandis que l’on rend hommage à Pierre de Coubertin.

Caramels d’Isigny ! Nougats Coupo Santo ! Cigarettes « Française » ! Faites-vous plaisir avant la séance ! Les réclames de l’année 1964 (5’) s’enchaînent, comme également celle pour le nouveau frigo mural de chez Frigéco (125 litres) !

Attention, nous trouvons également un making of du film ! Ces images exceptionnelles réalisées par le service cinéma de la SNCF, montrent Michel Simon (dont les propos servent de fil conducteur au reportage) monter dans un train affrété pour la presse, afin de se rendre sur les lieux du tournage. Les images sont en couleur et dévoilent l’envers du décor avec Burt Lancaster sur le plateau, les techniciens qui préparent les collisions et surtout l’explosion de la gare de triage qui aura nécessité quatre mois pour installer deux tonnes de dynamite. Un document exceptionnel (10’).

Last but not least, le commentaire audio (VOSTF) de John Frankenheimer est également au programme, même s’il n’est pas indiqué sur la jaquette. Les propos sont certes souvent espacés par de très longs silences, mais les quelques anecdotes glanées ici et là valent le coup. Le cinéaste explique d’ailleurs être tombé amoureux de la France, il s’est d’ailleurs marié le premier jour du tournage, et cette aventure qui aura duré une année lui aura finalement donné l’envie de s’installer dans nos contrées où il restera sept ans. Il donne également quelques éléments sur la photographie et ses intentions, les partis pris (éclairer les tableaux comme des acteurs en début de film, le choix du N&B), les comédiens (« le visage de Michel Simon attirait ma caméra »), les conditions de tournage (en plein hiver alors que le film est supposé se dérouler au mois d’août) et sa quatrième collaboration avec Burt Lancaster dont il n’a de cesse de louer le talent et son investissement dans les scènes d’action.

L’interactivité se clôt sur un lot de bandes-annonces.

L’Image et le son

Le Train a bénéficié d’une restauration HD à partir du négatif original. Ce n’est pas parfait. Subsistent quelques pétouilles, points noirs et blancs, tâches et même des rayures verticales à l’instar de la séquence où Burt Lancaster s’enfuit par la fenêtre de sa chambre. La texture argentique est préservée, mais la gestion du grain est curieusement aléatoire, plus appuyé ici, lissé par là, parfois même sur un champ-contrechamp. Notons également de sensibles fourmillements et des scènes plus émaillées de scories. Hormis cela, les détails impressionnent sur les gros plans avec les visages en sueur et noirs de suie des comédiens (voire la tronche de Michel Simon), tandis que la composition de chaque cadre permet enfin d’apprécier les partis pris de John Frankenheimer et du chef opérateur Jean Tournier (futur directeur de la photographie de Moonraker, Chacal), qui ne pourra terminer le film et qui sera remplacé par Walter Wottitz, qui lui-même calquera son travail sur celui de prédécesseur. Les contrastes savent rester fermes, les noirs sont très beaux et la palette de gris suffisamment riche.

La version originale fait parler tous les protagonistes en langue anglaise, alors qu’en français, les allemands parlent entre eux dans la langue de Goethe. La première option délivre des dialogues plus pincés, mais prend le dessus sur son homologue au niveau des scènes d’action et des bombardements. Dans les deux cas, les pistes DTS-HD Master Audio Mono font ce qu’elles peuvent et parviennent à instaurer un certain confort acoustique, même si encore une fois, du point de vue homogénéité des effets (à l’instar des sifflets de train) et des voix, la piste anglaise prend l’avantage. L’éditeur joint également les sous-titres français destinés au public sourd et malentendant.

Crédits images : © MGM / Coin de Mire Cinéma / L’Atelier d’images / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

Test Blu-ray / L’Affaire Dominici, réalisé par Claude Bernard-Aubert

L’AFFAIRE DOMINICI réalisé par Claude Bernard-Aubert, disponible en Édition Digibook Blu-ray + DVD + Livret le 22 mai 2019 chez Coin de mire Cinéma

Acteurs : Jean Gabin, Victor Lanoux, Gérard Depardieu, Paul Crauchet, Geneviéve Fontanel, Henri Vilbert, Jacques Rispal, Jacques Richard, Gérard Darrieu, Daniel Ivernel, Jean-Paul Moulinot…

Scénario : Claude Bernard-Aubert, Daniel Boulanger, Louis-Emile Galey

Photographie : Ricardo Aronovitch

Musique : Alain Goraguer

Durée : 1h44

Date de sortie initiale : 1973

LE FILM

4 aout 1952, une chaude nuit en Haute Provence. Un triple meurtre  : le père, la mère, la petite fille sont sauvagement assassinés. Ces 3 anglais sont tués en pleine campagne… À 500 mètres d’une ferme qui, du jour au lendemain, devient célèbre dans le monde entier : la grand’Terre. C’est le fief de Gaston Dominici, ancien berger, qui règne tel un seigneur sur ses terres, sur ses neuf enfants et dix neuf petits enfants. Au matin qui suit la tragédie, l’enquête commence…

Alors qu’il avait déclaré penser à arrêter le cinéma, Jean Gabin, à l’aube de ses 70 ans, endosse le costume de Gaston Dominici. Accusé d’un triple meurtre, condamné à mort par la cour de justice, le vieil homme avait ensuite été gracié six ans après par le général de Gaulle et avait pu rentrer chez lui, en homme libre. L’Affaire Dominici s’évertue à reprendre les faits et prône l’évidente innocence du protagoniste. Dans le rôle-titre, Jean Gabin livre une remarquable prestation. Peut-être même l’une de ses plus grandes. Son jeu reste d’une fraîcheur rare et le comédien, qui s’est alors grandement documenté pour entrer dans les bottes de son personnage, subjugue du début à la fin. Un grand film réalisé par Claude Bernard-Aubert.

Une petite fille anglaise, accompagnée de ses parents, rencontre un vieux paysan, occupé à faire paître ses chèvres. Ces personnes sont venues en pèlerinage à cet endroit d’où leur fils parachuté lors de la dernière guerre, n’est pas revenu. Et un geste du père à sa fille en direction du ciel, n’échappe pas au vieux Dominici. Les Anglais décident de passer, au bord de la route, une nuit qui s’annonce des plus inconfortables. Des personnages motorisés arrivent à la ferme tard dans la soirée. Une fusillade éclate en pleine nuit. On retrouve, le lendemain matin, les cadavres des trois touristes. Suivent les péripéties nombreuses et embrouillées de l’enquête, puis du procès. Les fils Dominici, soupçonnés, accusent leur père du triple assassinat. Celui-ci avoue, puis se rétracte. Le cadet se rétracte à son tour. Le vieux Dominici sera finalement condamné sans qu’apparaissent les preuves formelles de sa propre culpabilité.

Etrange carrière que celle de Claude Ogrel, aka Claude Bernard-Aubert (1930-2018), qui a commencé tout d’abord comme reporter de guerre en Indochine de 1949 à 1954, avant de revenir en France et de couvrir sa première affaire, celle de Gustave Dominici. En 1957, il écrit et met scène son premier long métrage, Patrouille de choc, film sur le conflit en Indochine, qui lui vaut quelques démêlés avec la censure, en raison de son réalisme cru. S’ensuivent huit films jusqu’à L’Affaire Dominici, des œuvres engagées et animées par un besoin de comprendre, d’engager le débat et de mettre l’être humain face à son incompréhension, ou plutôt à désir de ne pas comprendre. Après le film qui nous intéresse, Claude Bernard-Aubert prendra le pseudonyme de Burd Tranbaree et réalisera moult films pornographiques, aux titres aussi fleuris que La Fessée ou les Mémoires de monsieur Léon maître-fesseur, Sarabande porno, La Grande Mouille, La Grande lèche et autres réjouissances.

Pour L’Affaire Dominici, le cinéaste déclare à la sortie du film s’être armé de tous les éléments de l’enquête et des informations de l’époque. Contrairement à la masse populaire, Claude Bernard-Aubert n’est pas arrivé à la même conclusion. Pour lui, il est évident que Gaston Dominici a été la victime d’une enquête mal faite, d’un procès mal conduit, qui ont précipité la culpabilité de l’accusé. Le réalisateur, soutenu par Jean Gabin, entend bien démontrer que le jugement a été basé sur une « conviction profonde » plutôt que sur de véritables preuves.

Cinématographiquement parlant, L’Affaire Dominici est l’exemple type, la référence du film inspiré d’une histoire vrai, du film de procès et policier. Une mise en scène sèche et implacable, parfois à la frontière du documentaire (certaines scènes ont été tournées sur les lieux du triple meurtre), une direction d’acteurs au cordeau, des dialogues ciselés de Daniel Boulanger, une maîtrise du rythme, un casting quatre étoiles. C’est peu dire que L’Affaire Dominici est une très grande réussite. Si Jean Gabin laisse pantois dans la peau de Gaston Dominici, les comédiens qui l’entourent ne sont pas en reste avec notamment Victor Lanoux, qui prouve quel immense acteur il était dans les années 1970, mais aussi Paul Crauchet, impérial dans le rôle du commissaire Sébeille, ainsi que le jeune Gérard Depardieu, 24 ans, qui venait de débuter dans le cinéma. Sans oublier les tronches de Gérard Darrieu, Jacques Rispal, Daniel Ivernel et d’autres seconds couteaux incontournables du cinéma français d’alors qui participent à cette plongée poisseuse dans une famille qui fait froid dans le dos.

L’épilogue reste troublant avec l’apparition et la plaidoirie d’Émile Pollak. L’avocat de Gaston Dominici et l’une des grandes figures du barreau français du XXᵉ siècle, s’adresse aux spectateurs face caméra en leur expliquant clairement que le film et ses auteurs prennent la défense du patriarche, après avoir mis en relief les incohérences de toute cette incroyable histoire.

A sa sortie en 1973, le film divise les français et l’accueil reste tiède avec seulement 1,3 million d’entrées. Quant à Gabin, après le puissant Deux hommes dans la ville de José Giovanni, Verdict d’André Cayatte et L’Année sainte de Jean Girault, son coeur s’arrêtera de battre en 1976, tandis qu’il laissera derrière lui l’une des plus grandes filmographies de l’histoire du cinéma français.

LE DIGIPACK

Et de quatre pour la deuxième vague « La Séance » de Coin de Mire Cinéma ! Et troisième titre avec l’immense Jean Gabin. Après une « carrière » dans les bacs chez René Chateau, puis chez TF1 Studio depuis 2017, le film de L’Affaire Dominici commence désormais une nouvelle vie en Haute-Définition et rejoint la collection créée par Thierry Blondeau en 2018. A l’instar de ses autres titres édités et chroniqués par nos soins, le coffret Digibook prestige (format 142 x 194 mm) est numéroté et limité à 3.000 exemplaires. Il comprend le Blu-ray et le DVD, ainsi qu’un 1 livret de 24 pages cousu au boîtier, comprenant la filmographie du réalisateur avec quelques propos tirés d’une interview donnée à la sortie du film, mais aussi des reproductions des archives sur le film (fac-similé des matériels publicitaires et promotionnels, de la couverture et de l’article parus dans Le Journal de la France et dans Paris-Match), la reproduction de 10 photos d’exploitations cinéma sur papier glacé format 120 x 150 mm rangées dans 2 étuis cartonnés, la reproduction de l’affiche originale en format 215 x 290 mm pliée en 4. Le menu principal est fixe et musical.

En cette dixième semaine de l’année 1973, voici un bulletin d’informations (9’) : Faites un tour sur le circuit mythique du Mans, en compagnie du Club 90 qui vous formera à la conduite. Ensuite, nous donnons la parole à un certain Michel Sardou, 26 ans, qui nous reçoit à la campagne pour évoquer ses précédents démêlés suite à ses chansons « à scandale ». Après, place au défilé Dior et à un message adressé aux spectateurs de Danièle Delorme, marraine d’une association pour les enfants handicapés.

C’est pas tout ça, mais que diriez-vous d’un esquimau Gervais ? Cela tombe bien, quelques réclames (7’) de l’année 1973 nous rappellent que les glaces sont en vente « ici dans cette salle ». La mère Denis vient faire un petit tour dans une publicité pour Vedette. A ne pas manquer également, un spot formidable pour La Samaritaine qui détourne le film King Kong, avec effets spéciaux de rigueur et frayeur des parisiens ! Un vrai petit chef d’oeuvre.

L’interactivité se clôt sur un lot de bandes-annonces.

L’Image et le son

L’affaire Dominici a été restauré à partir du négatif original. Il s’agit du premier film en couleur édité par Coin de Mire Cinéma. L’élévation HD proprement dire offre à L’Affaire Dominici une nouvelle cure de jouvence, aucune scorie n’est à déplorer, le grain cinéma est restitué et les contrastes trouvent une nouvelle densité. L’encodage AVC consolide l’ensemble, les textures sont flatteuses, le piqué est renforcé et rend hommage aux nombreux gros plans sur les tronches de Gabin (ses yeux bleus brillent de mille feux) et de ses partenaires. Signalons tout de même une colorimétrie parfois fanée, certains plans sensiblement plus altérés ainsi qu’une profondeur de champ limitée. Format 1.66 respecté.

Le mixage DTS-HD Master Audio Mono instaure un confort acoustique total. Les dialogues sont ici délivrés avec ardeur et clarté, la propreté est de mise, les effets riches et les silences denses, sans aucun souffle. L’éditeur joint les sous-titres français destinés au public sourd et malentendant.


Crédits images : © TF1 Droits Audiovisuels / Coin de Mire Cinéma / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

Test Blu-ray / Rue des prairies, réalisé par Denys de La Patellière

RUE DES PRAIRIES réalisé par Denys de La Patellière, disponible en Édition Digibook Blu-ray + DVD + Livret le 22 mai 2019 chez Coin de mire Cinéma

Acteurs : Jean Gabin, Marie-José Nat, Claude Brasseur, Roger Dumas, Jacques Monod, Louis Seigner, Paul Frankeur, Alfred Adam, François Chaumette…

Scénario : Michel Audiard, Denys de La Patellière d’après le roman de René Lefèvre

Photographie : Louis Page

Musique : Georges Van Parys

Durée : 1h30

Date de sortie initiale : 1959

LE FILM

Henri Neveux rentre d’Allemagne où il était prisonnier. À Paris, il retrouve ses deux enfants et découvre que sa femme est morte en couche en lui laissant un troisième enfant qui n’est pas de lui. Il décide de l’élever comme son fils. Ouvrier et satisfait de son état, mais ambitieux pour sa descendance, Henri Neveux est fier de ses enfants. Du moins de ces deux premiers ! Car la pièce rapportée ne lui donne pas les mêmes satisfactions…

« Tu crois que c’est marrant à mon âge de potasser la carte économique de l’Europe ou d’apprendre en combien de temps se vide une baignoire ? »
« Eh bien, c’est peut-être comme cela, qu’un jour, t’auras une salle de bain. »

Juste après Les Grandes familles, Denys de La Patellière et Jean Gabin s’associent à nouveau pour Rue des prairies, dans lequel le réalisateur exploite l’autre versant du comédien, à savoir la face populaire. En un an, Jean Gabin passe ainsi du fondateur d’un empire qui règne tel un souverain absolu sur ses affaires et sa famille, à un simple ouvrier du XXe arrondissement de Paris. Par ailleurs, en 1959, l’acteur qui aura attiré près de vingt millions de spectateurs dans les salles l’année précédente, s’évertuera à passer d’un univers à l’autre, aussi à l’aise dans la peau d’un vagabond singulier (Archimède le clochard de Gilles Grangier) que dans celle du commissaire Jules Maigret dans L’Affaire Saint-Fiacre de Jean Delannoy. Jean Gabin clôt en beauté cette année avec un nouveau grand succès populaire (3,4 millions d’entrées), Rue des prairies, un superbe drame familial, bercé par de magnifiques dialogues de Michel Audiard.

Henri Neveux rentre d’Allemagne après deux ans de captivité. Sa femme vient de mourir laissant trois enfants, Louis et Odette et un nouveau-né, Fernand, issu d’une liaison adultère, mais qu’il accepte comme son fils. Élevant seul les enfants, Henri fait tout pour qu’ils aient la meilleure éducation possible. 17 ans plus tard. Si Fernand pose quelques problèmes scolaires, les aînés s’en sortent mieux : Louis devient coureur cycliste professionnel tandis qu’Odette devient modèle et la maîtresse d’un homme riche et marié. L’un et l’autre veulent oublier leurs origines modestes et s’écartent de leur père. À la suite d’une fugue, Fernand est traduit devant un tribunal pour mineurs. Face aux magistrats, les deux ainés accablent leur père tandis que Fernand, le fils illégitime montre un véritable amour filial pour Henri.

Ceux qui n’ont eu de cesse de critiquer Jean Gabin en prétextant qu’il vampirisait les films dans lesquels il jouait, tout en écrasant ses partenaires n’ont décidément jamais rien compris. S’il porte certes le film de Denys de La Patellière sur ses larges épaules, Rue des prairies laisse une place très importante aux trois jeunes comédiens qui incarnent ses enfants à l’écran : Claude Brasseur, 23 ans, dans une de ses premières apparitions au cinéma, Roger Dumas et Marie-José Nat. Le miracle avec Jean Gabin, c’est aussi de passer de la haute bourgeoise à la classe populaire, rien qu’en arborant une casquette et une salopette. Il est absolument sublime dans Rue des prairies, père veuf de trois rejetons, dont l’un n’est d’ailleurs pas de lui, qui accepte que « jeunesse se passe », en prenant beaucoup sur lui et en espérant qu’ils s’en sortent mieux que lui dans un monde alors en mutation, comme l’attestent les chantiers d’habitations modernes sur lesquels travaille Henri.

En s’inspirant d’un roman de René Lefèvre, Denys de La Patellière et Michel Audiard trempent leur plume dans une encre douce-amère pour raconter le quotidien de la famille Neveux et surtout l’émancipation des trois enfants du « Vieux », du « Dab ». Alors oui Gabin bouffe l’écran, quand il discute petite reine avec ses copains de bistrot en buvant un verre de vin blanc, quand éméché il parle de ses enfants, quand il débarque chez le vieil amant de sa fille, mais ses trois jeunes partenaires lui tiennent la dragée haute et font preuve d’un caractère enflammé. Entre le désir légèrement suintant de Brasseur, la voix rauque et le charme de Marie-José Nat et la fougue innocente de Roger Dumas, la fratrie Neveux est solidement représentée.

A travers ce drame psychologique, les auteurs parlent avant tout d’amour, y compris de celui qui va au-delà des liens du sang. La séquence finale est difficile, injuste, jusqu’à l’explosion des sentiments enfin révélés. Un très grand moment de cinéma. Fidèle aux réalisateurs avec lesquels il entretenait une solide amitié, Jean Gabin retrouvera Denys de La Patellière pour Le Tonnerre de Dieu en 1965 (leur plus grand succès), Du rififi à Paname en 1966, Le Tatoué en 1968 et Le Tueur en 1972.

LE DIGIBOOK

Le voici le voilà, Rue des prairies, le troisième titre de la deuxième vague « La Séance » disponible chez Coin de Mire Cinéma. Si vous êtes un habitué de la maison, vous savez désormais ce qui vous reste à faire pour découvrir cette magnifique collection. L’objet prend donc la forme d’un Coffret Digibook prestige numéroté et limité à 3.000 exemplaires, au format 142 x 194 mm et comprenant un Blu-ray, un DVD, 1 livret de 24 pages cousu au boîtier, reproduisant des archives sur le film, avec également la reproduction de 10 photos d’exploitations cinéma sur papier glacé format 120 x 150 mm rangées dans 2 étuis cartonnés, mais aussi la celle de l’affiche originale en format 215 x 290 mm pliée en 4. Le menu principal est fixe et musical.

Mais au fait, il se passait quoi dans le monde en cette 43è semaine de l’année 1959 ? Heureusement que les actualités sont là (11’30) ! On assiste donc à un reportage sur les transports routiers en Algérie, aux travaux du Tunnel du Mont-Blanc, à l’adoption d’un bébé chimpanzé après son rejet par des parents colériques, ou encore à un reportage sur la politique de Josip Broz Tito en Yougoslavie.

Et si vous désirez vous désaltérer avant le film, n’oubliez pas que les réclames publicitaires de l’année 1959 (8’) sont là pour vous rappeler que les caramels Isicrem, les bonbons Gilbert et les esquimaux Gervais sont en vente dans cette salle ! Ou si vous voulez une boisson chaude, le café Nescafé décaféiné ou les potages Heudebert sont également en vente à l’épicerie du coin.

L’interactivité se clôt sur un lot de bandes-annonces.

L’Image et le son

En ce qui concerne l’image de ce fabuleux Blu-ray, c’est encore l’éditeur qui en parle le mieux. « Voici donc la nouvelle restauration 4K de Rue des prairies, réalisée par TF1 Studio avec la participation du CNC et de Coin de Mire Cinéma. Le film a été restauré par le laboratoire Hiventy – Digimage. Les éléments suivants ont été sortis temporairement du CNC à Bois d’Arcy :- Négatif image 35 mm safety en 10 bobines de 300 mètres, Négatif son 35 mm en 10 bobines de 300 mètres, Magnétique son 35 mm en 9 bobines de 300 mètres, Marron 35 mm combiné safety en 5 bobines de 600 mètres. Le négatif image était dans un état médiocre. Il contient de nombreux défauts liés au dépolissage (dont des taches blanches côté support), des scratchs et éclats de gélatine, des poinçons, de nombreuses rayures côté gélatine (particulièrement sur la bobine 6), des inserts d’images transparentes, des déchirures réparées au scotch, ainsi que plusieurs inserts de contretype. Signalons également des collures renforcées au scotch. Après essuyage au perchloréthylène, le négatif image a été scanné en 4K sur Scanity de DFT (DPX 10 bits log). Quelques plans du marron ont également été scannés pour combler des lacunes dans le négatif ». Le résultat est très spectaculaire. Si certains plans demeurent sensiblement flous, nous assistons ici à une véritable résurrection de Rue des prairies. A l’exception des plans en ouverture provenant d’images d’archives, le master HD est aussi immaculé qu’étincelant. Le N&B est dense, la clarté omniprésente, le piqué impressionnant et la texture argentique heureusement préservée et équilibrée. Exit l’ancienne édition DVD René Chateau, aujourd’hui complètement obsolète, place à ce sublime Blu-ray au format respecté 1.66 (16/9).

Un petit mot de l’éditeur sur la restauration du son de Rue des prairies : « Le magnétique son est vinaigré mais demeure exploitable. Le négatif son est pour sa part dans un état mécanique correct. La restauration audio a été faite sur différents plug-ins Protools permettant de traiter le son sans le dénaturer et de retrouver une « couleur » agréable, ainsi qu’une continuité d’écoute stable ». Au final, la piste DTS-HD Master Audio Mono instaure un haut confort acoustique avec des dialogues percutants et une très belle restitution des effets annexes. Aucun souffle sporadique ni aucune saturation ne sont à déplorer. L’éditeur joint également les sous-titres français destinés au public sourd et malentendant.

Crédits images : © TF1 Droits Audiovisuels / Coin de Mire Cinéma / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

Test Blu-ray / Le Cas du docteur Laurent, réalisé par Jean-Paul Le Chanois

LE CAS DU DOCTEUR LAURENT réalisé par Jean-Paul Le Chanois, disponible en Édition Digibook Blu-ray + DVD + Livret le 22 mai 2019 chez Coin de mire Cinéma

Acteurs : Jean Gabin, Nicole Courcel, Silvia Montfort, Henri Arius, Antoine Balpètre, Michel Barbey, Orane Demazis, Marcel Daxely, Josselin…

Scénario : Jean-Paul Le Chanois, René Barjavel

Photographie : Henri Alekan

Musique : Joseph Kosma

Durée : 1h54

Date de sortie initiale : 1957

LE FILM

Le Docteur Laurent quitte Paris pour s’installer dans un village des Alpes provençales. Il y rencontre une femme qui est en train d’enfanter dans des douleurs terribles. Le médecin décide de passer à l’action avec une nouvelle méthode d’accouchement sans douleur. Mais la femme, méfiante, le fait mettre à la porte et le village, pourtant intrigué, se ligue contre lui…

« La nature elle a bon dos ! Parfois, il faut lui donner un coup de main… »

Le réalisateur Jean-Paul Dreyfus, plus connu sous le nom de Jean-Paul Le Chanois (1909-1985) aura offert à Jean Gabin son plus grand succès au cinéma avec Les Misérables (1958). Le comédien et le cinéaste s’associeront sur quatre longs métrages. L’adaptation de l’oeuvre de Victor Hugo donc, suivi en 1964 de Monsieur, puis du Jardinier d’Argenteuil en 1966. Mais leur première collaboration, moins diffusée à la télévision que les trois films cités précédemment, remonte à 1957. Le Cas du docteur Laurent a pourtant été un grand succès populaire à sa sortie, en attirant 2,7 millions de français dans les salles. Le sujet est et demeure singulier.

Comme l’indique le panneau final, «Ce film est dédié respectueusement aux pionniers de la méthode psychoprophylactique d’accouchement sans douleur. Il a été réalisé avec l’aide de la maternité des métallurgistes à Paris où cette méthode a été pratiquée la première fois en France en 1952». Oeuvre engagée, Jean-Paul Le Chanois était d’ailleurs connu pour son engagement politique au sein du Parti communiste français, son syndicalisme dans le milieu de cinéma et ses activités dans la Résistance sous l’Occupation allemande, Le Cas du docteur Laurent se situe à mi-chemin de la chronique provinciale et du documentaire. Si l’ensemble dégage un charme suranné, le film est surtout resté célèbre pour sa toute dernière séquence, qui montre un accouchement sans douleur, mais aussi et surtout sans aucun trucage. Quant à Jean Gabin, il y est une fois de plus exceptionnel.

Le docteur Laurent est contraint, pour des raisons de santé, de quitter Paris. Il arrive dans un petit bourg de l’arrière-pays des Alpes-Maritimes, à Saint-Martin-Vésubie, où il doit remplacer le docteur Bastide devenu trop âgé pour continuer à exercer. Après avoir fait le tour du village sous la conduite du docteur Bastide, le docteur Laurent commence ses consultations. Très vite, il est sollicité par de nombreux villageois, notamment par Francine, une jeune paysanne célibataire qui lui révèle qu’elle est enceinte. Catherine Loubet, qui a beaucoup souffert durant sa grossesse et lors de son accouchement, le reçoit chez elle, mais en désaccord avec ses conseils, abrège leur entretien. Le docteur Laurent souhaite donner des cours sur l’accouchement sans douleur. Immanquablement, sa décision fait jaser le village sur son compte. Homme de bien, méthodique, le médecin est-il obligé de se rendre chez ses patientes pour leur enseigner les nouvelles pratiques. Bientôt, des habitants des alentours viennent le consulter. Les médecins de la région redoutent sa concurrence et, avec l’aide de la municipalité, adressent une pétition au conseil de l’ordre.

Il y a tout d’abord comme un petit air des films de Marcel Pagnol dans Le Cas du docteur Laurent, « avé l’accent », tourné dans les magnifiques paysages naturels des Alpes-Maritimes. La participation de l’actrice Orane Demazis, l’éternelle Fanny de la Trilogie marseillaise, fait d’ailleurs le lien. Une toile de fond qui ravit les yeux, tandis que les acteurs du cru, dont Marcel Daxely, qui rappelle furieusement Yves Montand, aussi bien dans le charisme que par la voix, entourent Jean Gabin, comme un vrai film choral. C’est d’ailleurs la première réussite du Cas du docteur Laurent, parvenir à rendre attachant chacun des habitants, à les faire exister, à leur donner un rôle important, jusqu’au final où ils participent tous à l’accouchement. Le charme agit petit à petit. Le spectateur est invité à suivre l’arrivée et l’accueil du docteur Laurent, nouveau venu dans ce petit village. Sa visite des lieux s’accompagne de sa rencontre avec les habitants. Avec douceur et délicatesse, Jean Gabin interprète ce docteur progressiste, soucieux de ses patients, en particulier des femmes qui souffraient alors encore lors de la mise au monde de leur enfant au début des années 1950. L’une d’elles est interprétée par la délicieuse Nicole Courcel (Les Amoureux sont seuls au monde, Papa, maman, la Bonne et moi), qui prend également l’accent chantant et qui s’empare avec talent de ce rôle à la fois fort et fragile.

La séquence où toutes les femmes du village s’unissent pour emmener Francine à l’hôpital est jubilatoire, féministe avant l’heure, rare dans le cinéma français de l’époque. Même chose pour cette fameuse dernière scène déjà mentionnée, où un enfant vient au monde, filmé en gros plan. Il faut alors faire fi de certaines longueurs, surtout durant la première partie très naturaliste, même si le jeu décalé, pour ne pas dire théâtral de Silvia Monti détonne comme d’habitude. Jean-Paul Le Chanois et l’écrivain René Barjavel (co-scénariste et co-dialoguiste) prennent le temps de bien ancrer leur récit dans un réalisme attrayant, afin de montrer, sans appuyer, que la fameuse méthode dévoilée et analysée dans le film n’est aucunement fantasmée ou falsifiée pour tromper l’audience. « Vous serez pour ou contre…mais jamais indifférent » scandait l’affiche.

Au final, Le Cas du docteur Laurent est une curiosité, le témoignage d’une époque qui disparaît pour laisser place à une autre, celle du progrès, de l’évolution des mœurs et pour les femmes, celles de disposer de leur corps.

LE DIGIBOOK

Deuxième titre de la seconde salve « La Séance » éditée par Coin de Mire Cinéma, Le Cas du docteur Laurent est sans aucun doute le plus méconnu, même si le film de Jean-Paul Le Chanois avait déjà bénéficié d’une édition en DVD chez LCJ en 2005 puis chez TF1 Studio en 2017. Revoici donc Le Cas du docteur Laurent, disponible à présent dans une superbe édition Digibook Blu-ray + DVD + Livret, sans oublier la reproduction de l’affiche originale et de dix photos d’exploitation. Le menu principal est fixe et musical. Les autres titres disponibles dans cette nouvelle vague sont Non coupable de Henri Decoin (1947), Rue des prairies de Denys de La Patellière (1959), Le Train de John Frankenheimer (1964), La Grosse caisse de Alex Joffé (1965) et L’Affaire Dominici de Claude Bernard Aubert (1973). Quant à la présentation de la collection, vous pouvez la retrouver en suivant ce lien https://homepopcorn.fr/category/coin-de-mire-cinema/ . Édition collector limitée à 3 000 exemplaires et numérotée.

Le livret comporte moult photographies du film, ainsi que les reproductions en fac-similé des matériels publicitaires et promotionnels, d’un extrait de la revue La Cinématographie Française, de publicités américaines pour le film, ainsi que la filmographie de Jean-Paul Le Chanois avec Le Cas du docteur Laurent mis en évidence.

Allez, on enclenche la « Séance » ! Place aux actualités de la 14e semaine de l’année 1957 (10’). Des informations chargées avec les hommages rendus au président Edouard Herriot, les conséquences de divers séismes qui ont ravagé la ville de San Francisco, des émeutes sur les Champs-Elysées et le tour des Flandres.

Bonbons Minto ! Esquimaux Gervais ! Pippermint Get ! Vous les trouverez tous dans les réclames (8’30) de l’année 1957 ! Et après tout cela, n’oubliez pas de vous laver les dents avec le dentifrice moussant Gibbs, avant d’aller faire un petit tour en Renault 4 CV (« même maltraitée, elle pardonne tout, pour vous mesdames ! »).

L’interactivité se clôt sur un lot de bandes-annonces. Celle du Cas du docteur Laurent s’accompagne d’un carton d’avertissement quant à la nature de la dernière scène du film.

L’Image et le son

Fort d’un master au format respecté 1.37 et d’un solide encodage (AVC), ce Blu-ray au format 1080p en met souvent plein les yeux. Passé un générique légèrement tremblant et des scènes de nuit moins précises, les séquences diurnes s’avèrent resplendissantes, luminescentes même, et profitent clairement de l’apport HD. La restauration HD réalisée à partir du négatif original est étincelante, les contrastes d’une densité souvent impressionnante, la stabilité de mise, les gris riches, les blancs éblouissants et les détails étonnent par leur précision. Les noirs sont profonds, la gestion du grain très équilibrée, le piqué pointu et on s’extasie souvent devant l’indéniable beauté de ce master HD !

Le mixage DTS-HD Master Audio 2.0 manque de naturel, surtout durant le premier acte où les dialogues semblent avoir été repris en post-production. Le volume est souvent trop élevé, un léger bruit de fond se fait entendre, les effets sont exagérés et les voix sont chuintantes. Heureusement, cela s’arrange après. Les répliques sont plus fines et les bruitages plus doux à l’oreille. L’éditeur joint également les sous-titres français destinés au public sourd et malentendant.

Crédits images : © TF1 Droits Audiovisuels – Roissy Films / TF1 Droits Audiovisuels / Coin de Mire Cinéma / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

Test Blu-ray / Non coupable, réalisé par Henri Decoin

NON COUPABLE réalisé par Henri Decoin, disponible en Édition Digibook Blu-ray + DVD + Livret le 22 mai 2019 chez Coin de mire Cinéma

Acteurs : Michel Simon, Jany Holt, Jean Debucourt, Jean Wall, Georges Brehat, François Joux, Robert Dalban, Charles Vissières, Henri Charrett, Pierre Juvenet, Ariane Murator, Christian Delacroix, Emile Chopitel, Max Trejean…

Scénario : Marc-Gilbert Sauvajon

Photographie : Jacques Lemare

Musique : Marcel Stern

Durée : 1h42

Date de sortie initiale : 1947

LE FILM

Installé dans une petite ville de province française, le Docteur Ancelin est un médecin raté et alcoolique. Pourtant, il sent en lui une certaine supériorité… Un soir, un stupide accident d’automobile la lui révèlera, Il sait maintenant en quoi il est plus fort que tous les autres : il porte en lui le génie de tuer. Il y résistera mais les événements et son orgueil seront plus forts que lui…

Grand sportif, il a notamment été champion de France de natation, ancien officier de cavalerie et d’aviation pendant la Première Guerre mondiale, chef d’escadrille, Henri Decoin (1890-1969) se reconvertit ensuite dans l’écriture et devient journaliste. Puis, il se tourne vers le théâtre et tout naturellement vers le cinéma, en devenant assistant-réalisateur à la fin des années 1920. Il passe ensuite derrière la caméra en 1933 pour son premier long métrage, Toboggan. Il rencontre Danielle Darrieux, qu’il épouse et qu’il suit à Hollywood à la fin des années 1930. Cette expérience lui permet d’assimiler les méthodes américaines. A son retour en France, Henri Decoin s’évertuera à appliquer ses acquis dans son propre travail, en variant les genres, passant du polar (Razzia sur la Chnouf) au film d’espionnage, en passant par les films historiques et drames psychologiques.

Non coupable fait partie de cette dernière catégorie, mais teinté cette fois de thriller. Sombre et inattendu dans la carrière d’Henri Decoin, Non coupable apparaît à mi-parcours dans la longue carrière (de 1931 à 1964) éclectique et prolifique du réalisateur des Inconnus dans la maison, Les Amoureux sont seuls au monde, Au grand balcon, La Vérité sur Bébé Donge, L’Affaire des poisons et du Masque de fer avec Jean Marais. Henri Decoin signe ici un film détonnant, qui tranche singulièrement avec le reste de sa filmographie et qui offre à Michel Simon un rôle de monstre humain à la fois empathique et pathétique. En un mot, indispensable.

Michel Ancelin est un médecin qui a plongé dans l’alcoolisme. Dans sa déchéance, plus il subit le regard moqueur des gens, plus il se hait… jusqu’à cette nuit où conduisant en état d’ivresse, il renverse et tue un motocycliste, devant les yeux effarés de Madeleine Bodin, sa jeune amie et maîtresse. Il maquille le méfait en déplaçant le cadavre et la moto puis en enlevant l’ampoule du phare, pour faire croire à un banal et malheureux accident de la route. Il efface les traces de freinage de la voiture. Tout fonctionne à merveille, et la police classe l’affaire sans suite. Un détail anodin, la perte d’une bague en or que portait Madeleine, va venir tout bousculer dans ce couple apparemment sans histoires, et une série de drames vont s’ensuivre.

Dans les années 1940, qui d’autre que Michel Simon aurait pu incarner ce médecin de province, méprisé par ses confrères et même par sa compagne (qui le trompe), qui se découvre des talents de tueur et donc une raison d’être, tout en inspirant une indéniable sympathie ? D’emblée, le spectateur est invité à suivre son quotidien, autrement dit ses soirées noyées dans l’alcool, dans le but d’oublier une vie gâchée. A la suite d’un accident qui a causé la mort d’un homme, ce docteur Ancelin (à la fois Jekyll et Hyde) va alors se créer un personnage romanesque, celui d’un tueur qui met à mal l’enquête d’un inspecteur envoyé de Paris dans cette petite bourgade d’Indre-et-Loire. Henri Decoin filme justement cette ville oubliée de province, mise sous les feux des projecteurs, en raison de la « popularité » de ce criminel que tout le monde recherche. Les journalistes du coin s’affolent, les habitants soupçonnent les voisins. Et pendant ce temps, Ancelin jubile car le tueur est considéré comme un « artiste », un « génie », qui arrive à passer à travers les mailles du filet.

En 1947, Henri Decoin et Michel Simon tourneront deux films ensemble. Les Amants du pont de Saint-Jean et ce Non coupable, œuvre charbonneuse dans lequel le cinéaste exploite à merveille la gueule incroyable du comédien. A travers un N&B fuligineux, Henri Decoin place son antihéros dans l’ombre de ses méfaits, alors que son désir premier est d’être placé dans la lumière et de briller aux yeux du monde, voulant également se prouver à lui-même qu’il n’est pas le raté décrit par tous. Fort de son impunité, il multiplie alors les assassinats, en écoutant la réaction de ses voisins et connaissances. Enquête sur un citoyen au-dessus de tout soupçon d’Elio Petri (1970) n’est pas loin !

Henri Decoin filme malgré tout l’histoire d’un perdant, qui, sans dévoiler le dénouement imparable et virtuose, parviendra même à manquer sa sortie. Michel Simon, immense, récompensé par le Prix de la meilleure interprétation masculine au Festival de Locarno, suinte l’alcool et la suffisance, mais également la tristesse et la solitude. Parmi ses partenaires, on reconnaîtra l’indispensable Robert Dalban en patron de café (un de ses rôles récurrents à l’époque) et Jean Debucourt, grand comédien de la Comédie-Française, dont la voix est passée à la postérité pour avoir été celle de Jésus dans Don Camillo. Il est ici impérial en inspecteur de police.

Il serait temps de reconsidérer l’oeuvre d’un des plus grands artisans du cinéma français de l’après-guerre. Non coupable, dont Christophe Gans voulait réaliser un remake avec Albert Dupontel, en est d’ailleurs le parfait exemple. Heureusement, Henri Decoin connaît depuis peu un regain de popularité grâce à l’édition de ses films en DVD et Blu-ray. Il n’est donc jamais trop tard.

LE DIGIBOOK

Coin de Mire Cinéma est de retour ! Pour en savoir plus sur cette collection unique, reportez-vous à notre présentation réalisée lors du premier test consacré à Archimède le clochard https://homepopcorn.fr/test-blu-ray-archimede-le-clochard-realise-par-gilles-grangier/. Pour cette nouvelle salve de la collection « La Séance », l’éditeur reprend le même principe. Non coupable d’Henri Decoin, un temps disponible en DVD chez LCJ, est le premier titre de cette vague, qui comprend également Le Cas du docteur Laurent de Jean-Paul Le Chanois (1958), Rue des prairies de Denys de La Patellière (1959), Le Train de John Frankenheimer (1964), La Grosse caisse de Alex Joffé (1965) et L’Affaire Dominici de Claude Bernard Aubert (1973). Inédits en Blu-ray, ces titres seront édités à 3000 exemplaires. Chaque titre est annoncé au tarif de 32€, disponible à la vente sur internet et dans certains magasins spécialisés à l’instar de Metaluna Store tenu par l’ami Bruno Terrier, rue Dante à Paris.

Le livret de 24 pages de cette édition contient également la filmographie de Henri Decoin avec le film qui nous intéresse mis en surbrillance afin de le distinguer des autres titres, de la reproduction en fac-similé des matériels publicitaires et promotionnels de l’époque, des photos promotionnelles françaises et italiennes, du programme illustré des cinémas Balzac Helder Scala Vivienne, d’un article de la revue Ciné-Miroir d’octobre 1947 et d’un article de Calypso. Le menu principal est fixe et musical.

Comme sur tous les titres de la collection, nous trouvons les actualités liées à la semaine de sortie du film qui nous intéresse. Ici, place aux infos de la 39e semaine de l’année 1947 (11’). Quelques images montrent l’arrivée imminente d’un ouragan tropical sur la Floride, les ravages de la guerre d’indépendance de l’Inde, une visite du général De Gaulle à Lyon où il est acclamé par 20.000 personnes sur la place Bellecour, le voyage pour les Etats-Unis des Petits Chanteurs à la croix de bois, l’exploration de l’abîme de la Henne Morte (à moins 450 mètres), etc.

Place ensuite aux réclames publicitaires de l’année 1947 (4’30) avec un tout nouveau réfrigérateur dernier cri, un shampooing à base de moelle de bœuf et la nouvelle cire de la marque Le Drapeau !

Autre supplément, nous trouvons également une fin alternative du film Non coupable (3’), restaurée à partir du négatif nitrate, présentée également à la suite de l’oeuvre d’Henri Decoin. A l’instar de La Belle équipe et Les Amoureux sont seuls au monde, un épilogue maladroit (et plus optimiste) a heureusement été rejeté et donnait une autre signification à l’histoire.

L’Image et le son

Non coupable a été restauré en 4K à partir du négatif image nitrate. Les travaux numériques et photochimiques ont été réalisés par le laboratoire Hiventy. Quelques fourmillements sont constatés sur le générique d’ouverture, ainsi que divers points, tâches et flous sporadiques. Ce master HD trouve ensuite son équilibre avec des noirs denses, une texture argentique élégante, plus appuyée sur les gros plans. Les contrastes profitent de cette promotion Haute-Définition, les détails sont très appréciables, la propreté ne déçoit pas et au final ce Blu-ray permet (re)découvrir Non coupable dans les meilleures conditions techniques.

Aucun souci acoustique constaté sur ce mixage DTS-HD Master Audio Mono 2.0. Le confort phonique de cette piste unique est indéniable, les dialogues sont clairs et nets. Si quelques saturations demeurent inévitables, la musique est joliment délivrée et aucun craquement intempestif ne vient perturber l’oreille des spectateurs. L’éditeur joint également les sous-titres français destinés au public sourd et malentendant.


Crédits images : © TF1 International / TF1 Droits Audiovisuels / Coin de Mire Cinéma / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

Test DVD / L’Heure de la sortie, réalisé par Sébastien Marnier

L’HEURE DE LA SORTIE réalisé par Sébastien Marnier, disponible en DVD le 23 mai 2019 chez Blaq Out

Acteurs : Laurent Lafitte, Emmanuelle Bercot, Pascal Greggory, Grégory Montel, Luàna Bajrami, Thomas Scimeca, Gringe, Adèle Castillon, Véronique Ruggia, Victor Bonnel, Matteo Perez…

Scénario : Sébastien Marnier, Elise Griffon d’après le roman éponyme de Christophe Dufossé

Photographie : Romain Carcanade

Musique : Zombie Zombie

Durée : 1h44

Année de sortie : 2019

LE FILM

Lorsque Pierre Hoffman intègre le prestigieux collège de Saint Joseph il décèle, chez les 3e1, une hostilité diffuse et une violence sourde. Est-ce parce que leur professeur de français vient de se jeter par la fenêtre en plein cours ? Parce qu’ils sont une classe pilote d’enfants surdoués ? Parce qu’ils semblent terrifiés par la menace écologique et avoir perdu tout espoir en l’avenir ? De la curiosité à l’obsession, Pierre va tenter de percer leur secret…

Souvenez-vous, il y a trois ans…A la sortie d’Irréprochable, son premier long métrage, nous avions fait le pari que nous entendrions à nouveau parler du réalisateur Sébastien Marnier. Journaliste et écrivain (Mimi, Une vie de petits fours), ce dernier avait signé avant cela quelques courts métrages, dont Le Grand avoir en 2002 et Le Beau Jacques en 2003 avec Philippe Nahon. Véritable coup de maître sorti au milieu de blockbusters estivaux, porté par une critique quasi-unanime, Irréprochable, thriller social et psychologique nappé d’humour noir, nous avait laissés pantois. L’Heure de la sortie confirme tout le bien que l’on pensait de ce nouvel auteur et cinéaste. Après avoir offert son plus grand rôle à Marina Foïs, Sébastien Marnier s’impose comme un immense directeur d’acteurs dans L’Heure de la sortie, porté par un impérial Laurent Lafitte et une poignée de jeunes comédiens épatants, troublants et ambigus. Entre David Lynch, Michael Haneke, John Carpenter et plus récemment de Jeff Nichols, ne manquez pas ce chef d’oeuvre instantané.

Pierre, un professeur en collège, se retrouve en charge d’enseigner une classe de troisième expérimentale, composée de douze élèves surdoués, suite au suicide de leur professeur. La venue de Pierre est mal vue par cette classe, qui ne tardera pas à le lui faire sentir. Au fur et à mesure que les jours passent, le professeur se doute que tout ne tourne pas rond et ne va pas tarder à découvrir la vérité.

Nous attendions impatiemment le nouveau long métrage de Sébastien Marnier, longuement mûri par le cinéaste pendant près de dix ans et qui souhaitait à l’origine en faire son premier film. Nous ne sommes pas déçus. Le réalisateur va même encore plus loin qu’Irréprochable en se frottant au genre fantastique par petites touches réalistes, tout en enfermant ses personnages et les spectateurs dans un environnement anxiogène et glaçant. Très bien entouré par Emmanuelle Bercot, Gronge, Pascal Greggory et Grégory Montel, Laurent Lafitte apparaît une fois de plus là où on ne l’attendait pas, même si l’environnement inquiétant et énigmatique rappelle parfois l’excellent et sous-estimé K.O. de Fabrice Gobert (Simon Werner a disparu…, la série Les Revenants) dans lequel il tenait déjà le haut de l’affiche. Dans L’Heure de la sortie, adaptation du roman éponyme de Christophe Dufossé (2002), son personnage quelque peu mal aimable, est plongé malgré-lui dans l’univers sous-cloche d’un collège réputé pour ses meilleurs élèves, tous réunis dans une même classe. Face au comédien, les adolescents Luàna Bajrami, Victor Bonnel, Adèle Castillon, Matteo Perez, Thomas Guy et Léopold Buchsbaum impressionnent par leur charisme, leur spontanéité et tiennent la dragée haute à leur partenaire.

Non seulement Sébastien Marnier jongle avec les genres (SF, thriller paranoïaque, drame) avec virtuosité et une impressionnante maturité, en ayant bien digéré ses références, mais son film délivre également un message écologique alarmant, sans être pesant ou donneur de leçons. L’Heure de la sortie flatte à la fois les sens, le coeur et l’âme, réconcilie les amateurs de films d’auteurs et populaires, tout en titillant constamment l’intelligence du spectateur, en lui faisant perdre ses repères, en le déstabilisant sans cesse. Parallèlement, le réalisateur soigne chacun de ses cadres et sa mise en scène subjugue du début à la fin, le tout nappé par la partition entêtante du groupe Zombie Zombie.

De nombreuses scènes s’impriment d’ores et déjà dans nos mémoires, à l’instar du final, vertigineux, qui ne cesse de hanter l’auteur de ces mots depuis des mois. Récompensé au Festival international du film francophone de Namur, au festival international du film de Catalogne, ainsi que par le Prix Jean-Renoir des lycéens, L’Heure de la sortie est un des films les plus riches, les plus aboutis, les plus ambitieux et les plus marquants que vous aurez l’occasion de voir en 2019.

LE DVD

Point de Blu-ray pour L’Heure de la sortie et c’est bien dommage…Le DVD est disponible chez Blaq Out. Le menu principal est fixe et musical.

Les suppléments sont peu nombreux. On apprécie les scènes coupées (8’30), centrées sur le personnage de Laurent Lafitte, même si l’on pouvait espérer un commentaire audio pour apprendre la raison de leur éviction.

Un montage de 15 minutes montre également le comparatif avant/après l’incrustation des effets numériques.

Et c’est tout ! Aucun entretien avec le réalisateur, ni court-métrage ou même la bande-annonce !

L’Image et le son

Le master de L’Heure de la sortie est plutôt bichonné par Blaq Out. Le cadre large est élégant, les couleurs soignées et le piqué suffisamment aiguisé. Les contrastes sont assurés, denses et riches, les détails ne manquent pas et la profondeur de champ est soignée. Malgré un sensible bruit vidéo sur les arrière-plans, des moirages et un léger fléchissement de la définition sur les scènes en intérieur, la copie demeure éclatante. La belle photo riche et contrastée du chef opérateur Romain Carcanade, passe agréablement le cap du petit écran.

La piste Dolby Digital 5.1 offre un agréable confort acoustique, proposant une large ouverture frontale, divers effets latéraux (gros travail sur le son) et une belle spatialisation musicale. De son côté, la Dolby Stéréo 2.0 remplit aisément son contrat avec une balance des avant ferme et savamment équilibrée. À noter la présence de sous-titres français pour sourds et malentendants, ainsi qu’une piste Audiodescription.

Crédits images : © Blaq Out /
Haut et Court / Laurent Champoussin / Captures DVD : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

Test Blu-ray / Creed II, réalisé par Steven Caple Jr.

CREED II réalisé par Steven Caple Jr., disponible en DVD, Blu-ray et 4K Ultra-HD le 15 mai 2019 chez Warner Bros.

Acteurs : Michael B. Jordan, Sylvester Stallone, Tessa Thompson, Phylicia Rashad, Dolph Lundgren, Florian Munteanu, Russell Hornsby, Wood Harris…

Scénario : Sascha Penn, Cheo Hodari Coker, Sylvester Stallone, Juel Taylor

Photographie : Kramer Morgenthau

Musique : Ludwig Göransson

Durée : 2h10

Année de sortie : 2019

LE FILM

La vie est devenue un numéro d’équilibriste pour Adonis Creed. Entre ses obligations personnelles et son entraînement pour son prochain grand match, il est à la croisée des chemins. Et l’enjeu du combat est d’autant plus élevé que son rival est lié au passé de sa famille. Mais il peut compter sur la présence de Rocky Balboa à ses côtés : avec lui, il comprendra ce qui vaut la peine de se battre et découvrira qu’il n’y a rien de plus important que les valeurs familiales.

2016. Le projet était casse-gueule et sommeillait depuis pas mal de temps. Hollywood attendait probablement le bon acteur et le bon réalisateur. N’y allons pas par quatre chemins Creed – L’Héritage de Rocky Balboa s’est avéré un véritable miracle cinématographique. Reprenons. Ce spin-off centré sur le fils d’Apollo Creed, est réalisé par Ryan Coogler, jeune cinéaste tout juste âgé de 30 ans, révélé par l’acclamé Fruitvale Station, Prix du public et Grand prix du jury du Festival de Sundance en 2013. Ce premier long métrage avait également permis au comédien Michael B. Jordan, vu dans l’excellent Chronicle de Josh Trank en 2012, de confirmer son talent précoce. Il se glisse à merveille dans le short et les gants d’Adonis Creed, fils illégitime de l’ancien champion du monde des poids lourds, adversaire de Rocky Balboa dans les deux premiers opus, entraîneur dans L’Oeil du Tigre, puis meilleur ami dans Rocky IV dans lequel il meurt sur le ring face à Ivan Drago (Dolph Lundgren). Après le retour inespéré de Rocky dans le magnifique Rocky Balboa en 2006, Sylvester Stallone, qui avait jusqu’à maintenant écrit tous les opus de la saga, n’apparaît ici qu’en tant que comédien et reprend donc son rôle mythique pour le plus grand plaisir de ses fans. Plus qu’un spin-off, il s’agit d’une suite logique au sixième et précédent épisode.

Nous retrouvions donc ce cher vieux Rocky dans son resto déserté de Philadelphie. Rattrapé par l’âge, veuf, ayant également perdu son beau-frère Paulie, Rocky regarde le temps passer, en espérant recevoir quelques nouvelles de son fils. Il vit au jour le jour quand un jeune homme se présente à lui et lui demande de l’entraîner à la boxe. Il dit être le fils d’Apollo Creed, dont le fantôme hante encore Rocky avec les photos qui ornent les murs de son restaurant. Rocky ne sait pas d’où sort ce jeune homme bien décidé à enfiler les gants et après quelques hésitations décide de l’aider, ce qui va lui permettre également de sortir de son quotidien qui se résume essentiellement à se recueillir sur la tombe d’Adrian pour lui lire le journal. Adonis de son côté souhaite se faire un prénom et assumer le nom d’un père qu’il n’a pas connu puisque mort avant sa naissance. Passionné par la boxe, il a mené une enfance difficile, à la force des poings dans les orphelinats, avant d’être adopté par la veuve d’Apollo Creed qui avait appris que son époux avait eu un enfant avec une autre femme. Adonis est à la recherche de ses origines et décide de rencontrer l’homme qui a su tenir tête à son père. Creed – L’Héritage de Rocky Balboa est l’histoire d’une double filiation. Adonis est le fils d’Apollo et va rencontrer un père spirituel en la personne de Rocky. Creed est l’héritier de 40 ans de cinéma, d’une saga anthologique.

Si pour la première fois Rocky ne se bat pas sur le ring, son combat est ailleurs. Et Sylvester Stallone est extraordinaire. Récompensé par le Golden Globe du meilleur second rôle, le comédien aurait largement mérité l’Oscar. Michael B. Jordan est formidable, autant crédible dans les scènes intimistes que sur le ring, scènes pour lesquelles le jeune acteur s’est soumis à un entraînement physique impressionnant et un régime alimentaire strict.

Adonis va se découvrir, probablement naître pour la première fois. Se découvrir aux côtés de l’homme qui a le mieux connu son père. Découvrir aussi l’amour auprès de Bianca, interprétée par la superbe Tessa Thompson. Accepter qui était son père tout en s’imposant lui-même. C’est un hommage de Ryan Coogler (également scénariste avec Aaron Covington), remarquablement filmé, monté et photographié. La nostalgie est là, elle fonctionne, surtout lorsque retentit le thème principal de Bill Conti (frissons garantis) et que la statue de Rocky apparaît en haut des marches emblématiques du Philadelphia Museum of Art. Mais Creed ne repose pas que sur cela et c’est là toute la réussite de cette entreprise. Le passage de relais se fait dans la tradition des Rocky. La relève est bien assurée et adoubée par le maître en personne. Relève mais aussi un nouveau départ. La mythologie perdure et c’est superbe.

Tourné pour un budget de 35 millions de dollars, Creed – L’Héritage de Rocky Balboa en a rapporté près de 110 millions sur le sol américain, près de 60 dans le reste du monde et attiré 1,7 million de spectateurs dans les salles françaises.

Creed II arrive donc logiquement dans les salles en 2019. Et l’histoire reprend là où elle s’était arrêtée. Trois ans après le match contre le champion du monde qui l’a fait connaître du public, Adonis Creed s’est fait un nom sous le mentorat de Rocky Balboa. Le jeune boxeur devient champion du monde dans la catégorie « poids lourds », récupérant le titre à « Stuntman » Wheeler. Adonis est sur un nuage et vit sereinement avec sa petite-amie chanteuse, Bianca. Mais tout s’assombrit à Philadelphie lorsqu’Ivan Drago, le boxeur russe qui a tué son père Apollo il y environ 30 ans, arrive sur le sol américain avec son fils Viktor, pour défier Adonis. Ne suivant pas les conseils de Rocky, Adonis relève le défi sans être épaulé par son mentor. Il en paie le prix fort dans une joute punitive qu’il gagne seulement par disqualification. Maintenant blessé et démoralisé, Adonis peine à se remettre à la boxe, laissant son esprit en divagation et son titre en péril. Sa famille et Rocky doivent donc trouver un moyen de relancer l’esprit de combat d’Adonis pour affronter l’avenir quoi qu’il advienne.

Michael B. Jordan, Sylvester Stallone, Tessa Thompson et Phylicia Rashād sont de retour. Mais l’argument de ce deuxième opus de la franchise Creed est sans conteste la participation du grand Dolph Lundgren, qui reprend ici son rôle emblématique d’Ivan Drago, qui l’a fait connaître aux spectateurs du monde entier dans Rocky IV. Il est ici accompagné de Florian Munteanu, né en Allemagne et d’origine roumaine, boxeur professionnel, qui interprète le fils d’Ivan Drago. Si son gabarit impressionne (1m95 pour 106 kg), on ne peut pas en dire autant de son charisme et l’apprenti comédien fait pâle figure à côté de Dolph Lundgren, qui bouffe l’écran à chaque apparition. Encore plus que pour Creed premier du nom, l’intérêt de cette suite vaut pour la « suite » de Rocky IV quand l’Etalon italien se retrouve face à son ancien adversaire. A ce moment-là, les frissons sont bel et bien présents.

Cependant, Creed II pâtit d’un personnage principal dont on se désintéresse petit à petit. Michael B. Jordan a beau faire de son mieux sur le ring, ses scènes avec la belle Tessa Thompson (quelque peu oubliée dans l’histoire) n’ont jamais la force de celles de Rocky avec Adrian dans la première saga et le comédien peine à rendre son personnage aussi attachant que dans Creed et multiplie les froncements de sourcils. Soyons honnêtes, nous n’avons d’yeux que pour Sylvester Stallone et Dolph Lundgren. Outre une apparition rapide de Brigitte Nielsen, qui reprend elle aussi son rôle créé il y a plus de trente ans, le nouveau venu est ici le réalisateur Steven Caple Jr, qui remplace Ryan Coogler (parti chez Marvel pour réaliser Black Panther) derrière la caméra et après le désistement de Sylvester Stallone aux manettes. La mise en scène est ici plus fonctionnelle, beaucoup moins inspirée et ambitieuse sur les séquences de combat, tandis que le cinéaste ne parvient pas à insuffler un rythme suffisamment dynamique sur les 130 minutes de son second long métrage. Néanmoins, cela n’empêche pas de verser de nombreuses larmes quand Sly est filmé en gros plan, son visage très fatigué, ses yeux mi-clos, jusqu’au final bouleversant qui boucle admirablement l’itinéraire de son personnage mythique, enfin apaisé, qui peut espérer couler des jours heureux en attendant de retrouver sa bien-aimée Adrian.

Quant à Adonis, le passage de flambeau est cette fois définitif et un troisième volet, surtout sans Rocky puisque Stallone a déclaré avoir fait ses adieux à son personnage dans Creed II, serait une erreur. Mais tout est possible, d’autant plus que ce second chapitre a encore mieux fonctionné que le premier, aux Etats-Unis, comme dans le reste du monde. Nous verrons bien.

LE BLU-RAY

Creed II arrive dans les bacs chez Warner Bros., en DVD, Blu-ray et 4K Ultra-HD. Le menu principal est fixe et musical. Le disque repose dans un boîtier classique, économique et de couleur bleue.

L’interactivité est pour ainsi dire la même que pour l’édition HD de Creed.

On commence par un module intitulé Fathers & Sons (7’), au cours duquel le réalisateur Steven Caple Jr., les comédiens et le producteur Irwin Winkler reviennent sur les personnages, leur psychologie et les liens qui les unissent. Les thèmes du film sont ici explorés, tandis que des images révèlent l’envers du décor et la préparation des acteurs.

Le second supplément se concentre sur le casting organisé pour trouver l’interprète de Viktor Drago (6’). Parmi plusieurs centaines de postulants, Sylvester Stallone aura finalement jeté son dévolu sur le boxeur professionnel Florian Munteanu.

Ensuite, les femmes de Creed II, autrement dit Tessa Thompson et Phylicia Rashād, ne sont pas oubliées et bénéficient d’un petit reportage de six minutes, consacré à leurs personnages.

Plus conséquent, le bonus intitulé The Rocky Legacy (15’), propose un retour sympathique sur la saga et son héritage, aussi bien au cinéma que dans la culture populaire. L’ensemble est présenté par Dolph Lundgren, qui s’entretient d’ailleurs avec Sly en regardant quelques extraits de Rocky IV.

Enfin, nous trouvons dix minutes de scènes coupées, très réussies, notamment celle où Rocky rend hommage à l’un de ses amis lors d’une cérémonie funèbre (sublime Stallone) et une autre intervenant après le match final où tous les personnages se font face dans le vestiaire, Adonis avec Viktor, Adonis face à Ivan, puis Rocky face à Ivan. Une séquence superbe. Dommage de ne pas retrouver la scène regrettée par Sylvester Stallone car coupée au montage, où Rocky et Ivan Drago en venaient aux mains, avant d’être séparés par la sécurité.

L’Image et le son

Que voilà un bel objet ! Warner met les petits plats dans les grands et offre à la photo de Kramer Morgenthau, jusqu’alors habitué aux nanars et navets (Terminator Genisys, Thor: Le monde des ténèbres, Godsend, expérience interdite) ,un superbe écrin qui restitue adroitement les partis pris esthétiques originaux. Le piqué est diaboliquement ciselé, le cadre large flatte les rétines, tout comme un léger grain d’ailleurs, les contrastes sont particulièrement tranchés, les noirs concis et la colorimétrie est sublime. L’ensemble est soutenu par une compression AVC de haute volée et fort élégante, les détails sont légion, le relief omniprésent et la profondeur de champ toujours présente. Un master HD (1080p, AVC) brillant, dense et minutieux, en un mot superbe.

Comme pour l’image, l’éditeur a soigné le confort acoustique et livre un mixage Dolby Atmos-TrueHD anglais (également disponible en DTS-HD Master Audio 5.1), aussi percutant dans les scènes d’affrontements secs que dans les échanges plus intimistes. Les séquences sur le ring peuvent compter sur une balance impressionnante des frontales comme des latérales. Les effets annexes sont très présents et dynamiques, les voix solidement exsudées par la centrale, tandis que le caisson de basses souligne efficacement chacune des actions au moment opportun. La spatialisation est en parfaite adéquation avec le ton du film. En revanche, la piste française, proposée dans un pauvre Dolby Digital 5.1, parvient à s’en sortir, même s’il n’y a pas de comparaison possible avec la version originale.


Crédits images : © MGM, Warner Bros. Pictures, New Line Cinema, Chartoff-Winkler Productions

Test DVD / L’Incroyable histoire du facteur Cheval, réalisé par Nils Tavernier

L’INCROYABLE HISTOIRE DU FACTEUR CHEVAL réalisé par Nils Tavernier, disponible en DVD depuis le 22 mai 2019 chez M6 Vidéo

Acteurs : Jacques Gamblin, Laetitia Casta, Bernard Le Coq, Florence Thomassin, Natacha Lindinger, Aurélien Wiik, Alain Blazquez, Thomas Baillet, Zélie Rixhon, Louka Petit-Taborelli…

Scénario : Fanny Desmarès, Nils Tavernier, Laurent Bertoni

Photographie : Vincent Gallot

Musique : Baptiste Colleu, Pierre Colleu

Durée : 1h40

Année de sortie : 2019

LE FILM

Fin XIXème, Joseph Ferdinand Cheval, est un simple facteur qui parcourt chaque jour la Drôme, de village en village. Solitaire, il est bouleversé quand il rencontre la femme de sa vie, Philomène. De leur union naît Alice. Pour cette enfant qu’il aime plus que tout, Cheval se jette alors dans un pari fou : lui construire de ses propres mains, un incroyable palais. Jamais épargné par les épreuves de la vie, cet homme ordinaire n’abandonnera pas et consacrera 33 ans à bâtir une œuvre extraordinaire : « Le Palais idéal ».

« Fils de paysan je veux vivre et mourir pour prouver que dans ma catégorie il y a aussi des hommes de génie et d’énergie. Vingt-neuf ans je suis resté facteur rural. Le travail fait ma gloire et l’honneur mon seul bonheur ; à présent voici mon étrange histoire. Où le songe est devenu, quarante ans après, une réalité ». Ferdinand Cheval

Né en 1965, Nils Tavernier est le fils de l’immense Bertrand Tavernier. Tout d’abord comédien, il fait d’ailleurs ses premières apparitions devant la caméra de son père dans Des enfants gâtés (1977), il signe son premier long métrage en tant que scénariste et réalisateur en 2006 avec Aurore. Un échec critique et commercial. Il se tourne alors vers le documentaire pour le cinéma et la télévision, avant de revenir à la fiction avec De toutes nos forces, succès d’estime de l’année 2014, sur lequel il dirige Jacques Gamblin. Cinq ans plus tard, Nils Tavernier fait son retour derrière la caméra avec L’Incroyable Histoire du facteur Cheval. L’histoire vraie atypique de Joseph Ferdinand Cheval était faite pour le cinéma et le metteur en scène s’en empare pour livrer un film sombre, froid voire glacial dans sa première partie, dont l’émotion arrive par petites touches délicates et sensibles, grâce à l’intense interprétation de Jacques Gamblin.

Ferdinand Cheval, alias Joseph, est un homme réservé et solitaire. Le film commence en 1869 alors qu’il a récemment été nommé facteur à Hauterives. Son chef de poste, qui a une réelle sympathie pour lui, garde de côté les cartes postales illustrées qui sont illisibles et dont le service postal n’a pas pu identifier le destinataire. Le premier drame de Ferdinand sera la mort de sa première femme Rose et la séparation avec son fils Cyrille, âgé d’environ dix ans, sa famille considérant qu’il n’est pas apte à assurer la charge de celui-ci. Plus tard, au cours de ses tournées, il fait connaissance de Philomène, une jeune veuve qui vit dans une ferme des environs et qu’il finira par épouser. Ferdinand reste distant et rêveur, mais il sait pétrir la pâte (il explique avoir été apprenti boulanger) et son épouse l’aime comme il est. En 1879, une fille prénommée Alice naît de leur union et si, au début, Ferdinand reste un père plutôt distant au grand désespoir de Philomène, l’homme finit par s’attacher à sa petite fille. Entre-temps, lors d’une de ses tournées qui lui font parcourir la campagne drômoise, le facteur bute sur une pierre et dévale une pente abrupte en manquant de se rompre le cou. Il en perd d’ailleurs la moitié de son courrier, qu’il finira par récupérer. Intrigué par les raisons de sa chute, Ferdinand remonte sur le lieu de l’accident et déterre une grosse pierre, cause de son accident. Trouvant sa forme curieuse, il décide de l’emporter chez lui. Dès lors, un projet incroyable prend naissance dans son esprit : édifier un immense palais fait de pierres trouvées durant sa tournée et soudées par du mortier, qu’il dédiera à sa fille. Qu’il neige, qu’il vente, qu’il pleuve, le facteur se lance dans sa recherche de pierres originales et élabore, année après année, son œuvre sous les yeux d’Alice, qui défend son père face aux sarcasmes des enfants du village qui le traitent de fou.

Jacques Gamblin est magnifique dans le rôle-titre. Moins présent au cinéma, le comédien signe une de ses performances les plus impressionnantes avec ce rôle quasi-muet qui lui va comme un gant et ce personnage qui se dessine au fur et à mesure, par strates, par ses regards, ses gestes saccadés, ses tics, sur une durée de cinquante ans. Joseph Ferdinand Cheval (1836-1924), facteur qui aura parcouru plus de 220.000 kilomètres à pied au cours de sa carrière, a conçu et réalisé pendant plus de trente ans, à raison de dix heures par jour (alors qu’il travaillait déjà dix heures pour La Poste), une sculpture monumentale (12 mètres de hauteur et 26 mètres de long) dénommée le palais idéal, encore visible de nos jours dans la petite ville de Hauterives, située dans la Drôme, avant de bâtir son propre tombeau familial. Symboles de l’architecture naïve, ces œuvres attirent chaque année plus de 150.000 personnes venues du monde entier, tandis que le palais est classé au titre des monuments historiques depuis cinquante ans.

Nils Tavernier soigne la forme de son film, mais certains pris, notamment les couleurs qui renvoient aux peintures d’Henri Fantin-Latour, peuvent laisser dubitatif dans un premier temps. En effet, le cadre, la direction d’acteurs et la photographie sont vraiment froids, figés, comme quelques cartes postales fanées par le temps. Il faut alors faire preuve de patience pour commencer à distinguer les failles et pour apprendre à connaître Joseph Ferdinand Cheval et ce qui peut l’animer. On s’attache à cet homme mystérieux, pudique, en apparence fragile, mais qui se révèle être une vraie force de la nature puisque le facteur Cheval aura travaillé sur ses sculptures jusqu’à l’âge avancé de 86 ans.

Hormis une longue exposition souvent maladroite et difficilement empathique, ainsi que le jeu très approximatif de Laetitia Casta, L’Incroyable histoire du facteur Cheval est un film qui sort du lot par son approche, son sujet fascinant, son personnage principal hors-norme et véritable héros de cinéma, à la fois romanesque et poétique.

LE DVD

Pour la sortie en DVD de L’Incroyable histoire du facteur Cheval, M6 Vidéo reprend le visuel de l’affiche du film d’exploitation. Le menu principal est animé et musical.

Le premier supplément est souvent passionnant puisque le réalisateur Nils Tavernier intervient tout d’abord seul sur la genèse et la mise en route du film, ainsi que sur le travail avec Jacques Gamblin, avant de rejoindre Rodolphe Chabrier, superviseur des effets visuels chez Mac Guff, pour évoquer leur collaboration (30’30). Comment Nils Tavernier a-t-il pu obtenir le ciel qu’il désirait à chaque plan ? Comment le palais a-t-il été reconstitué ? Comment les comédiens ont-ils été vieillis ? Les deux associés répondent à ces questions, et même plus, au fil de ce module enrichissant et très complet au cours duquel nous trouvons également de rapides images de tournage.

Et pour ceux que cela intéresse, nous vous invitons vivement à rejoindre Raphaëlle Lambert, adjointe du Palais idéal du facteur Cheval à Hauterives, qui nous propose une véritable visite guidée de l’oeuvre de Joseph Ferdinand Cheval (20’).

L’Image et le son

Point d’édition HD pour ce titre. Dommage car la photo particulière du chef opérateur Vincent Gallot (96 heures, Adopte un veuf, Le Petit Spirou) méritait bien un beau Blu-ray. Toujours est-il que certains plans sortent du lot avec une belle clarté et des détails plus acérés sur les séquences tournées en extérieur. Le reste du temps, autrement dit dans l’habitation de la famille Cheval, le piqué est souvent émoussé, les noirs manquent de profondeur et la gestion des contrastes est aléatoire. La palette chromatique spécifique donne du fil à retordre à l’encodage qui fait ce qu’il peut. Résultat très mitigé donc.

Une seule option acoustique au programme avec une piste Dolby Digital 5.1 qui instaure un confort dynamique, dense et souvent percutant, avec des voix délicatement posées sur le canal central. La spatialisation musicale est systématique, toutes les scènes en extérieur sortent du lot avec des ambiances naturelles qui vous transportent au coeur de la nature, tandis que les scènes plus intimistes baignent dans un silence de marbre. L’éditeur joint également une piste Audiodescription, ainsi que les sous-titres français destinés au public sourd et malentendant.


Crédits images : © SND / M6 Vidéo / Captures DVD : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

Test Blu-ray / Légitime violence, réalisé par Serge Leroy

LÉGITIME VIOLENCE réalisé par Serge Leroy, disponible en DVD et Blu-ray le 21 mai 2019 chez ESC Editions

Acteurs : Claude Brasseur, Véronique Genest, Thierry Lhermitte, Roger Planchon, Michel Aumont, Plastic Bertrand, Pierre Michaël, Francis Lemarque, Christian Bouillette, Christophe Lambert, Valérie Kaprisky, Eric Métayer…

Scénario : Patrick Laurent, Jean-Patrick Manchette, Pierre Fabre, Serge Leroy, Richard Morgiève d’après une histoire originale de Véra Belmont

Photographie : Ramón F. Suárez

Musique : Jean-Marie Sénia

Durée : 1h35

Année de sortie : 1982

LE FILM

Après un week-end comme tant d’autres, Martin Modot et sa famille vont prendre le train en gare de Deauville quand le destin les frappe. Au cours d’un hold-up, trois voyous tirent sur un homme qui riposte. Les voyous s’affolent et tirent aveuglément sur la foule. La femme, la fille et la mère de Martin Modot sont tués. Son père est grièvement blessé. Martin Modot ne vit plus alors que pour retrouver les coupables. Un soir, il est contacté par un certain Miller, président d’une association d’autodéfense, personnage fanatique qui ne parle que de vengeance. Déçu par la police inefficace et malgré son aversion pour ce genre d’association, Martin Modot finira par faire appel à Miller.

« Nous sommes des fascistes, des nazis…il semble que vous ignorez le sens des mots…mais non, c’est plus simple, nous sommes une association de braves hommes qui en ont assez des vols, des agressions à main armée, qui en ont marre que la justice s’en branle ! »

Devant l’affiche et le synopsis, on pouvait s’attendre à un film comme Le Vieux fusil (1975) de Robert Enrio, L’Agression (1975) de Gérard Pirès, Un justicier dans la ville (1974) de Michael Winner et même Rolling Thunder (1977) de John Flynn sorti en France sous le titre de…Légitime violence. Si le film de Serge Leroy, réalisateur du Mataf (1973), La Traque (1975), Les Passagers (1977) et Attention, les enfants regardent (1978), reprend le même titre que le thriller avec William Devane et Tommy Lee Jones, Légitime violence n’est pas un vigilante où le personnage principal décide de faire justice lui-même en supprimant ceux qui ont détruit sa vie, mais qui se voit pousser à le faire par une association d’autodéfense.

Légitime violence est avant tout un drame humain porté par un Claude Brasseur très émouvant, tandis que le récit interroge constamment sur le libre-arbitre et le passage à l’acte. Beaucoup plus intelligent que ne laissaient supposer certaines critiques, visiblement passées à côté d’un film qu’ils espéraient sans doute bourrin, Légitime violence n’épargne personne. Les hommes politiques comme les policiers sont aussi pourris que les truands et les assassins. De ce fait, comment un homme qui a tout perdu, peut-il avoir confiance dans les institutions de son pays ? Le dicton dit que la vengeance est un plat qui se mange froid. Et si elle ne se mangeait pas ?

Mitraillade en gare de Deauville. Un homme politique, amené là par une jeune femme, est abattu. Martin Modot, qui accompagnait sa famille à la gare, voit tomber sous ses yeux, sa mère, sa femme, sa fille. Son père est grièvement blessé. Martin seul est indemne. Sa raison de vivre sera désormais le châtiment des coupables. Mais la police ne montre guère de zèle pour mener l’enquête ! L’affaire et ses dessous politiques suscitent au contraire l’intérêt de Miller et du groupe d’auto-défense qu’il a constitué pour suppléer les insuffisances de la justice. Martin contacté, repousse les offres de soutien qui lui sont faites, puis finit par les accepter. Il retrouve ainsi la trace de la jeune femme qui accompagnait l’homme politique, objet du massacre. C’est la soeur de l’un des coupables. Martin Modot se trouve alors embarqué dans une aventure dramatique au terme de laquelle, il comprendra que les assassins ont été eux-mêmes manipulés, dans une affaire de basse politique.

Claude Brasseur est impeccable dans ce rôle torturé, qui parvient à laisser passer moult sentiments avec un visage quasi-imperturbable. Chose étonnante, le protagoniste ne tombe pas dans la solution « facile » de prendre la pétoire et de décimer ceux qui ont tué sa femme, sa mère et sa fille, mais cherche avant tout à comprendre. Si le film fait douloureusement écho avec l’actualité, Légitime violence s’inspire alors du style du poliziottesco, le néo-polar italien qui fleurissait dans les salles transalpines où la violence des rues était montrée de façon brutale avec leurs conséquences sur les petites gens. Néanmoins, le film de Serge Leroy, d’après un scénario Patrick Laurent (La Guerre des polices) et Jean-Patrick Manchette (L’Agression, Trois Hommes à Abattre, Pour la peau d’un flic) sur une idée de la grande productrice Véra Belmont, fait la part belle aux émotions.

Modot se retrouve entre ceux qui ont tué sa famille (dont Christophe Lambert, juste avant Greystoke, la légende de Tarzan), les flics qui viennent constamment lui demander s’il ne se souvient pas d’un nouvel élément qui pourrait les mettre sur une piste, une association d’extrême-droite qui le pousse à faire le boulot de la police, et une jeune femme (Véronique Genest, canon, si si), l’une des rares rescapées de la tuerie et qui était présente pour rendre service à son frère (Thierry Lhermitte). Le scénario dévoile alors que celui qui tient les fils n’est pas forcément celui que l’on croit et que les frontières séparant les deux côtés de la loi sont bien poreuses.

Enfin, Légitime violence repose également sur une très bonne mise en scène de Serge Leroy, aussi à l’aise dans les échanges burnés de ses personnages, que dans les séquences d’action, notamment lors d’une poursuite dans la rue qui se poursuit dans le métro, le tout en caméra portée très immersive. Rebondissements, action, personnages suintants, psychologie, apparition dénudée de la jeune Valérie Kaprisky, voilà un beau programme et Légitime violence reste un divertissement emblématique des années 1980 (avec Plastic Bertrand dans son propre rôle en plus) qui conserve un charme inaltérable.

LE BLU-RAY

Légitime violence était encore inédit en DVD. ESC Editions intègre désormais ce titre dans une collection Polar. Un Condé d’Yves Boisset viendra d’ailleurs rejoindre Légitime violence le 4 juin. Le menu principal est animé sur la séquence de poursuite dans le métro.

Un seul petit supplément est proposé ici. La productrice Véra Belmont (86 ans) intervient face caméra pour évoquer la genèse de Légitime violence, inspiré par un drame personnel. Franche et directe, elle déclare en parlant de l’individu qui les avait braquées elle et sa sœur « j’ai eu envie de tuer cette personne ». Partant de ce sentiment, Véra Belmont y voit une idée de film et se met à la recherche d’un budget. D’une durée de dix minutes, cet entretien donne quelques informations sur la production du film et le casting, mais manque de rythme (le montage laisse à désirer) et nous n’en retenons pas grand-chose à part que Véra Belmont est « pour » l’auto-justice.

La bande-annonce d’Un Condé est également incluse.

L’Image et le son

Quel plaisir de (re)découvrir le film de Serge Leroy en Haute-Définition ! Ce superbe master restauré fait la part belle aux couleurs (le rouge est éclatant) et les contrastes sont léchés du début à la fin. La copie est d’une stabilité à toutes épreuves, le piqué est acéré, le grain argentique respecté et les détails vraiment épatants.

Une piste DTS-HD Master Audio propre, sans souffle et suffisamment dynamique. En revanche, certains propos manquent parfois d’intelligibilité. Pas de sous-titres français destinés au public sourd et malentendant…


Crédits images : © ESC Edtions / ESC Distribution / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

Test 4K Ultra-HD / Bohemian Rhapsody, réalisé par Bryan Singer

BOHEMIAN RHAPSODY réalisé par Bryan Singer, disponible en DVD, Blu-ray et 4K UHD le 6 mars 2019 chez 20th Century Fox

Acteurs : Rami Malek, Lucy Boynton, Gwilym Lee, Ben Hardy, Joseph Mazzello, Aidan Gillen, Tom Hollander, Allen Leech, Aaron McCusker, Mike Myers…

Scénario : Anthony McCarten

Photographie : Newton Thomas Sigel

Musique : Michael Giacchino

Durée : 2h15

Année de sortie : 2018

LE FILM

Le destin extraordinaire du groupe Queen et de leur chanteur emblématique Freddie Mercury, qui a défié les stéréotypes, brisé les conventions et révolutionné la musique. Du succès fulgurant de Freddie Mercury à ses excès, risquant la quasi-implosion du groupe, jusqu’à son retour triomphal sur scène lors du concert Live Aid, alors qu’il était frappé par la maladie. La vie exceptionnelle d’un homme qui continue d’inspirer les outsiders, les rêveurs et tous ceux qui aiment la musique.

Mouarf…comme le disait François Truffaut, Bohemian Rhapsody est un film malade. Issu d’une longue et pénible gestation, passé entre les mains de plusieurs réalisateurs, qui se sont finalement refilé le bébé après avoir soupçonné dans quel piège on allait les mettre, ce biopic sur Freddie Mercury (1946-1991) est comme qui dirait une illustration « wikipedienne » de l’artiste qu’il voudrait mettre en lumière. C’est finalement Bryan Singer, qui n’a pas signé une seul bon film depuis Walkyrie, qui a hérité de ce projet maudit. Après les désistements successifs de Sacha Baron Cohen et Ben Wisham, et après avoir envisagé Dominic Cooper et Daniel Radcliffe, Rami Malek, découvert dans le rôle d’Ahkmenrah dans la trilogie de La Nuit au musée, puis devenu célèbre en 2015 grâce à la série Mr. Robot, est engagé pour incarner Freddie Mercury, après avoir été adoubé par Brian May et Roger Taylor en personne. On connaît la suite. Bryan Singer est ensuite pris dans quelques scandales sexuels (la production préférera dire « évincé pour des raisons de santé ») et remplacé au pied levé par Dexter Fletcher, qui avait été un temps pressenti pour réaliser Bohemian Rhapsody, lui-même metteur en scène du prochain biopic consacré à Elton John, Rocketman. Qui a fait quoi ? Ce serait difficile à dire, même si l’éviction de Singer ne s’est faite qu’à deux ou trois semaines de la fin du tournage. Toujours est-il que ce portrait de Freddie Mercury déçoit par son manque d’audace et d’intérêt, sa réalisation mollassonne et par son rythme en dents de scie qui peine à emporter le spectateur jusqu’au bout de ses 135 minutes. Rendez-nous Control, Walk the Line, Bird, Shine, Velvet Goldmine, ou le récent et magnifique Love & Mercy : La Véritable Histoire de Brian Wilson des Beach Boys !

En 1970, Farrokh Bulsara, un immigré parsi, est étudiant en art et travaille comme bagagiste à l’aéroport de Londres-Heathrow. Un soir, dans une petite boîte de nuit, il découvre sur scène le groupe de rock Smile, alors composé du guitariste Brian May, du batteur Roger Taylor et du chanteur-bassiste Tim Staffell. Ce dernier annonce aux deux autres qu’il a décidé de quitter la formation pour rejoindre un autre groupe qui lui semble plus prometteur. Après le concert, Farrokh se présente à Brian May et Roger Taylor, qui sont alors dépités. Ils ne prennent pas au sérieux ce jeune homme au look étrange et Roger Taylor, alors étudiant en médecine dentaire, se moque même de sa denture si particulière, mais Farrokh leur fait une démonstration de ses capacités en chant qui les fait changer d’avis. Après des débuts hésitants, ils sont rejoints par le bassiste John Deacon. Le groupe se renomme Queen, alors que Farrokh choisit comme nouveau nom Freddie Mercury, malgré les réticences de son père. Le groupe commence à se faire remarquer, notamment par les performances scéniques de Freddie, qui demande par ailleurs en mariage Mary Austin, une vendeuse de vêtements qu’il fréquente depuis plusieurs mois et qui l’aide à créer ses costumes de scène. Le groupe va imposer son style et Freddie a une idée pour un album qui succédera au succès de Killer Queen. Après plusieurs semaines d’enregistrement dans un studio en pleine campagne, Queen présente Bohemian Rhapsody, qui ne convainc pas le producteur Ray Foster d’EMI, trouvant les paroles confuses et le morceau trop long pour être diffusé à la radio. Queen quitte le label et fait passer le single dans des petites radios, créant un engouement populaire. Pendant ce temps, le couple Mary-Freddie bat de l’aile : Freddie veut sa liberté et se sent davantage attiré par les hommes. Au fil des années, le groupe enchaîne les tournées et les albums, Freddie organise des soirées exubérantes dans sa nouvelle maison, à côté de celle où il a installé Mary. S’installe alors une certaine routine entre enregistrements d’albums et longues tournées internationales. Voyant que les autres membres du groupe ont désormais une vie de famille, Freddie a des envies d’ailleurs. Il se brouille avec les trois autres membres du groupe.

On connaît la suite. Freddie Mercury part enregistrer son premier album solo et la réconciliation du chanteur avec le reste du groupe se fera autour du concert Live Aid le 13 juillet 1985 au stade de Wembley. Bref, Bohemian Rhapsody suit le cahier des charges bien élimé du « parfait petit biopic », sans aucune surprise, en suivant un chemin bien trop balisé. Succès, pétage de câble, fêtes décadentes, sexe (mais point trop, surtout que l’homosexualité est presque montrée comme une malédiction), drogue, alcool, reprise en main, rédemption, de nouveau au top. Bohemian Rhapsody passe en revue quinze années du groupe Queen et des aventures de Freddie Mercury, en transformant la véritable histoire quand il le faut.

En résulte une œuvre souvent interminable, où les séquences s’enchaînent comme des perles sur un collier, sans jamais rendre les personnages attachants. Bohemian Rhapsody est devenu un film bâtard, que s’est approprié le producteur Graham King (Ali, Gangs of New York, Traffic, The Town, World War Z). Malgré tout et en dépit des critiques en grande partie négatives, Bohemian Rhapsody est devenu le biopic le plus lucratif de l’histoire du cinéma en dépassant la barre des 900 millions de dollars de recette pour une mise de départ de 52 millions, dont près de 4,5 millions de spectateurs en France. Le mimétisme, il est vrai souvent dingue du comédien Rami Malek a visiblement fait son effet auprès du public, qui ne s’est d’ailleurs jamais lassé d’écouter Queen. Ce serait mentir de dire que les comédiens ne sont pas bons et excellemment castés. Mention spéciale à Gwilym Lee, parfait dans la peau de Brian May et on apprécie de revoir Joseph Mazzello, ici John Deacon, le bassiste du groupe, qui interprétait le petit Tim dans Jurassic Park de Steven Spielberg ! Alors oui on en prend plein les yeux avec une multitude de costumes extravagants, de lumières éclatantes (belle photo de Newton Thomas Sigel, collaborateur complice de Bryan Singer), de décors en tous genres, tout comme le film fait office de juke-box en enchaînant les tubes du groupe. Mais tout est ici bien trop mécanique et artificiel (comme la prothèse dentaire du comédien), comme la séquence finale qui reproduit quasiment en temps réel la performance de Queen au Live Aid.

Bohemian Rhapsody rejoint Ray de Taylor Hackford au rayon des biopics sans âme. Ce qui n’a pas empêché le film de repartir avec quatre statuettes aux Oscar en 2019, dont celle du meilleur acteur pour Rami Malek (également lauréat du Golden Globe, du Screen Actors Guild Awards et du BAFTA) et du meilleur montage pour John Ottman.

LE BLU-RAY

Qu’il soit réussi ou non, Bohemian Rhapsody bénéficie d’une superbe édition 4K Ultra-HD chez Fox. Cette édition se compose du Blu-ray et du disque full HD, sérigraphiés à l’occasion comme un disque vinyle, mauve pour le Blu-ray, noir pour le 4K. Les menus principaux, animés et musicaux des deux galettes sont les mêmes.

Le seul supplément en commun des deux disques est le concert Live Aid reconstitué pour le film, disponible dans son intégralité (22’), autrement dit agrémenté des deux chansons manquantes, A Little Thing Called Love et We Will Rock You.

Le reste des suppléments donne la parole au producteur Graham King, à Brian May et Roger Taylor, aux comédiens du film, aux différents techniciens (chef opérateur, maquilleuse, décorateur, costumier)…mais…mais…il est où le réalisateur ? Aucune trace de Bryan Singer, ni de son remplaçant. Personne ne fait allusion au metteur en scène et aucune image ne montre un réalisateur à la barre de Bohemian Rhapsody. En réalité, Graham King s’octroie tous les « mérites » en expliquant que ce projet lui tenait à coeur depuis le début des années 2000 et qu’il s’est battu pour le concrétiser. Il n’est jamais fait mention non plus des différents choix d’acteurs pour interpréter Freddie Mercury. Nous nous retrouvons donc avec trois modules d’une durée de 20 minutes en moyenne chacun. Le premier est consacré à la transformation (jusqu’au choix de la prothèse dentaire) et au travail de Rami Malek, le second au groupe proprement dit et le dernier segment se concentre sur la reconstitution du Live Aid, avec un gros plan sur les effets spéciaux, qui sont d’ailleurs très (voire trop) voyants dans le film. Des propos à foison, tous évidemment criant au génie sur un tel, des images de tournage souvent rapides qui dissimulent constamment qui se trouve derrière la caméra, tout cela est compilé proprement, mais cela n’empêche pas de trouver cela suspect.

L’interactivité se clôt sur un lot de bandes-annonces.

L’Image et le son

L’image chiadée bénéficie d’un codec de haut niveau, renforçant les contrastes, ainsi que les détails aux quatre coins du cadre large. Voici typiquement le genre de film qui tire entièrement parti de cette élévation en Full Haute Définition grâce au HDR10+, nouveauté chez Fox. Les visages des comédiens peuvent être analysés sous toutes les coutures, tout comme les costumes avec les matières palpables, les coiffures, jusqu’à la moustache de Rami Malek. Les couleurs sont flamboyantes, les contrastes dingues, la photo seventies du chef opérateur Newton Thomas Sigel est resplendissante, le piqué aiguisé comme la lame d’un scalpel. Le nec plus ultra de la 4K UHD, c’est sublime. Mention spéciale à la luminosité du Live Aid, éblouissante, même si les effets spéciaux ressortent malheureusement encore plus qu’en Blu-ray.

Alors là, chapeau ! Montez le volume, car c’est du très grand spectacle ! Le mixage Dolby Atmos (compatible Dolby True HD 7.1) se révèle particulièrement explosif et immersif. Les frontales et les latérales rivalisent de dynamisme, les chants sont exsudés avec force, la spatialisation est démentielle et le caisson de basses participe joyeusement à toutes les séquences musicales. Chaque note de guitares et de piano, chaque percussion résonne et crèvent les tympans, notamment lors du Live Aid avec son quart d’heure ininterrompu de tubes et les acclamations des 100.000 spectateurs. On en redemande et restez jusqu’au générique pour le démentiel The Show Must Go On que nous n’avions jamais entendu ainsi ! En revanche, la version française doit se contenter d’une DTS 5.1…forcément moins percutante.


Crédits images : © 20th Century Fox / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr