Test Blu-ray / La Kermesse des aigles, réalisé par George Roy Hill

LA KERMESSE DES AIGLES (The Great Waldo Pepper) réalisé par George Roy Hill, disponible en DVD et combo Blu-ray/DVD le 5 septembre 2017 chez Elephant Films

Acteurs : Robert Redford, Bo Svenson, Bo Brundin, Susan Sarandon, Geoffrey Lewis…

Scénario : George Roy Hill, William Goldman

Photographie : Robert Surtees

Musique : Henry Mancini

Durée : 1h44

Date de sortie initiale : 1975

LE FILM

Après la Première Guerre mondiale, l’aviateur Waldo Pepper gagne sa vie en donnant des spectacles aériens et des baptêmes de l’air aux citoyens de petites villes américaines. Frustré de n’être jamais devenu un as de l’aviation, il s’invente un passé prestigieux, prétendant avoir survécu à un affrontement contre l’as allemand Ernst Kessler. Mais alors que son talent le mène à Hollywood, où il devient cascadeur, son passé le rattrape sous la forme de Ernst Kessler, venu participer à un tournage…

Après Butch Cassidy et le Kid (1969) et L’Arnaque (1973, Oscar du meilleur réalisateur), le cinéaste George Roy Hill (1921-2002) et le comédien Robert Redford s’associent pour un troisième et dernier tour de piste avec La Kermesse des aiglesThe Great Waldo Pepper réalisé en 1974. Le neuvième long métrage de George Roy Hill demeure un formidable spectacle dont les véritables, authentiques et vertigineuses prouesses aériennes, certaines réalisées par Robert Redford lui-même et sans avoir recours aux sempiternelles transparences, ne cessent d’impressionner encore aujourd’hui.

Dans les années 20, le pilote Waldo Pepper se produit dans des cirques volants du Nebraska. Ancien pilote de combat, racontant à qui veut bien l’entendre – et le croire – qu’il avait volé avec la force aérienne américaine lors de la Première Guerre Mondiale, il aime raconter une de ses aventures durant laquelle il aurait affronté le pilote allemand Ernst Kessler, qu’il considère alors comme le plus grand du monde. Son talent pour les acrobaties périlleuses et son ambition conduisent Waldo à Hollywood où il doit tourner un film qui reconstitue justement les exploits d’Ernst Kessler, auxquels il a voulu assister et participer. C’est alors que Waldo se retrouve face à l’homme qu’il a toujours idolâtré, venu comme conseiller technique sur le plateau. Waldo voit alors son rêve se réaliser. Comme dans la plupart de ses films, George Roy Hill distille une furieuse mélancolie et une nostalgie à fleur de peau dans La Kermesse des aigles en dressant le portrait d’un homme qui n’a jamais cessé de vivre dans le fantasme, jusqu’à être rattrapé par le destin. A l’instar de La Castagne qu’il réalisera en 1977, le cinéaste oscille entre le drame et la comédie.

La Kermesse des aigles est souvent léger et reflète l’innocence d’une Amérique post-Première Guerre mondiale et avant le rouleau compresseur de la crise économique. Le personnage incarné par Robert Redford est charmeur et bondissant, vante ses talents d’acrobate et de pilote émérite, devant une population en quête de sensations. Mais George Roy Hill – grand amateur d’aviation et lui-même pilote sur le tournage – nous montre également que tout ceci n’est que vernis puisque Waldo Pepper est avant tout un homme qui vit dans le déni, qui se ment à lui-même avant de mentir aux autres et qui se contente de poudre aux yeux. Il ne sait faire qu’une seule chose, voler et seule compte l’adrénaline. Alors quand son autorisation de piloter lui est retirée puisqu’il n’a pas de licence et que le gouvernement américain souhaite réguler le trafic aérien en le démocratisant, Waldo ne sait plus quoi faire. S’il s’était déjà contenté de faire le clown et des cascades devant les yeux ébahis, Waldo doit se rendre à l’évidence. On lui interdit tout simplement de vivre s’il ne peut plus voler à sa guise. Une deuxième chance s’offre à lui, la dernière, quand son chemin va enfin croiser celui qu’il imaginait combattre. L’occasion de se mesurer à lui, quitte à en mourir. Mais cet homme, Ernst Kessler, bien que possédant toutes les décorations militaires et un prestige international, est lui aussi devenu l’ombre de lui-même depuis qu’il ne vole plus.

La Kermesse des aigles met en relief la difficile voire l’impossible reconversion professionnelle des anciens pilotes de la Grande guerre. Après Gatsby le Magnifique de Jack Clayton et avant Les Trois Jours du condor de Sydney Pollack, Robert Redford est évidemment parfait dans ce rôle complexe, pour lequel il s’est une fois de plus très investi au point d’exécuter quelques cascades et pirouettes à plus de mille mètres d’altitude. Le baroudeur est également soutenu devant la caméra par un casting quatre étoiles, dont les sublimes Susan Sarandon et Margot Kidder, mais aussi les talentueux Bo Svenson et Geoffrey Lewis, sans oublier la beauté de la photo du chef opérateur Robert Surtees (Ben-Hur, Le Lauréat, L’Arnaque) et le grand Henry Mancini à la baguette. En d’autres termes, La Kermesse des aigles, c’est la classe absolue du cinéma.

LE BLU-RAY

La Kermesse des aigles est disponible en combo Blu-ray-DVD chez Elephant Films. Le test de l’édition HD a été réalisé sur un check-disc. Le menu principal est élégant, animé et musical.

L’interactivité est le gros point faible de cette édition. En effet, en dehors d’un lot de bandes-annonces et une galerie de photos, la présentation du film par Julien Comelli (12’) n’a strictement aucun intérêt puisque le journaliste en culture pop se contente d’énumérer les films réalisés par George Roy Hill, ceux écrits par William Goldman et ceux dans lesquels ont joué les principaux comédiens de La Kermesse des aigles. Vous gagnerez votre temps à consulter IMDB directement, plutôt que de visionner ce segment sans aucun rythme et platement réalisé.

L’Image et le son

La Kermesse des aigles renaît littéralement de ses cendres avec ce nouveau master Haute-Définition (1080p, AVC) grâce à Elephant Films ! C’est superbe. Alors qu’il ne bénéficiait que d’une simple édition DVD depuis une quinzaine d’années chez Universal Pictures, le film de George Roy Hill est de retour dans les bacs dans une édition digne de ce nom. La propreté de la copie est bluffante, le grain original respecté flatte les mirettes, la luminosité des scènes diurnes est élégante, tout comme la gestion des contrastes et la stabilité est de mise. Certes, le générique en ouverture est un peu plus défraîchi et grumeleux, tandis que certaines séquences sombres s’avèrent moins définies, mais cela reste anecdotique. Le cadre large offre une profondeur de champ inédite et regorge de détails, le piqué est à l’avenant et la colorimétrie étincelante.

La Kermesse des aigles est disponible en version originale et française DTS HD Master Audio 2.0. La première instaure un confort acoustique plaisant avec une délivrance suffisante des dialogues, des effets annexes convaincants et surtout une belle restitution de la musique. La piste française se focalise souvent sur les voix au détriment des ambiances environnantes et de la composition d’Henry Mancini. Les deux options acoustiques sont propres et dynamiques.

Crédits images : © Universal Pictures / Elephant Films / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

Test Blu-ray / Sage Femme, réalisé par Martin Provost

SAGE FEMME réalisé par Martin Provost, disponible en DVD et Blu-ray le 23 août 2017 chez France Télévisions Distribution

Acteurs : Catherine Deneuve, Catherine Frot, Olivier Gourmet, Quentin Dolmaire, Mylène Demongeot, Pauline Etienne, Audrey Dana…

Scénario : Martin Provost

Photographie : Yves Cape

Musique : Gégroire Hetzel

Durée : 1h57

Date de sortie initiale : 2017

LE FILM

Béatrice, une femme exubérante et libre d’esprit, appelle Claire, la fille de l’un de ses anciens amants. Claire, son exact opposé en terme de caractère, en veut à cette personne qui a fait beaucoup de mal à son père, décédé peu après qu’elle l’a quitté. Sage-femme appréciée et très impliquée dans la maternité où elle travaille, Claire se demande ce que veut Béatrice, qui n’a pas donné signe de vie depuis trente ans. Bizarrement, elle ne cherche pas à fuir celle qui ne cesse de faire des commentaires désobligeants sur ses choix vestimentaires. En fait, Claire voudrait des réponses à ses questions…

Révélé en 2008 avec le merveilleux Séraphine, couronné par sept Césars (meilleur film, meilleure actrice, meilleur scénario original, meilleure musique, meilleurs décors, meilleure photo et meilleurs costumes), le réalisateur Martin Provost a eu beaucoup de mal à confirmer avec ses films suivants Où va la nuit (2011), énorme déception et Violette (2013). Très attaché aux portraits de femme, le cinéaste en signe un double croisé avec Sage femme, son sixième long métrage. Honnêtement, ce n’est pas avec ce film que Martin Provost reviendra sur le devant de la scène et ce malgré un casting exceptionnel et une rencontre au sommet entre les deux grandes Catherine, Deneuve et Frot. Mais le film déçoit malheureusement, comme un rendez-vous manqué et ce en raison d’une mise en scène trop sage et d’un scénario banal.

Claire (Catherine Frot) est la droiture même. Sage-femme, elle a voué sa vie aux autres. Déjà préoccupée par la fermeture prochaine de sa maternité, elle voit sa vie bouleversée par le retour de Béatrice (Catherine Deneuve), ancienne maîtresse de son père disparu, femme fantasque et égoïste, son exacte opposée. Martin Provost a pensé à son film comme un hommage à la sage-femme qui l’a sauvé à la naissance, ainsi qu’à toutes celles qui œuvrent dans l’ombre pour les autres, sans rien attendre en retour. A l’instar de la séquence où Claire accouche une jeune femme (interprété par Pauline Etienne) à qui elle avait donné son sang lors de sa venue au monde, Martin Provost avait été sauvé de la même façon. Si le réalisateur avait eu l’intelligence de placer sa caméra sous le signe de la sobriété et du réalisme dans Séraphine, Sage femme apparaît justement trop sobre et le revirement de certains personnages, notamment celui interprété par Catherine Frot, est bien trop soudain pour être vraisemblable.

Catherine Deneuve mène le jeu avec naturel, une énergie débordante et une fraîcheur de jeu dont certains comédiens devraient s’inspirer. Après presque 60 ans de carrière, l’immense actrice démontre qu’elle prend visiblement toujours autant de plaisir à jouer et à donner la réplique. De son côté, Catherine Frot n’est pas aidée par un personnage plus classique de femme quasi-quincagénaire qui a mis sa vie de côté pour s’occuper des autres, dans sa vie personnelle – célibataire et un fils interprété par Quentin Dolmaire, révélation de Trois souvenirs de ma jeunesse d’Arnaud Desplechin, sur le point d’être père – et évidemment dans sa vie professionnelle. Pour le tournage, Catherine Frot a d’ailleurs participé à de véritables accouchements filmés en Belgique puisque la loi française n’autorise pas le tournage avec des bébés âgés de moins de trois mois. Sans horaires, dormant à peine, sclérosée dans une petite vie tranquille, Claire contrôle tout, ce qu’elle mange (sainement, sans alcool) et en limitant ses déplacements. C’est alors que les retrouvailles inattendues avec l’ancienne compagne de son père (responsable de son suicide), Béatrice, vont raviver certaines douleurs du passé qui ont figé sa vie…et paradoxalement déclencher l’envie de la reprendre en main en pensant enfin à elle. En voyant Béatrice, épicurienne et excentrique rattrapée par le destin, continuer à profiter à fond de la vie, s’autorisant quelques bons verres de vin, fumant cigarette sur cigarette et s’adonnant à sa passion du jeu, Claire va faire le point sur sa propre existence.

Si Sage femme n’est évidemment pas déplaisant grâce à ses deux têtes d’affiche et une superbe partition de Grégoire Hetzel, le récit patine et manque de surprises. On pouvait attendre beaucoup mieux de cette histoire de transmission (quasi-méta diront certains) et de cette première collaboration entre deux grandes comédiennes qui avait tout pour faire des étincelles à l’écran, mais les flammèches sont finalement bien trop rares, les dialogues assez pauvres et la forme proche d’un simple téléfilm.

LE BLU-RAY

Le test a été réalisé sur check-disc. France Télévisions Distribution reprend l’interface commune pour l’ensemble de ses éditions avec un menu lambda, animé et musical. Le visuel de la jaquette reprend celui de l’affiche du film. Aucun supplément, ni de chapitrage.

L’Image et le son

Hormis quelques petites pertes de la définition sur les scènes sombres et un piqué manquant parfois de mordant, ce master HD au format 1080p demeure fort plaisant et n’a de cesse de flatter les yeux avec une superbe restitution de la colorimétrie à la fois chatoyante et froide. Les contrastes sont denses et élégants, la gestion solide, le relief palpable, les détails précis sur les gros plans et les partis pris esthétiques raffinés du chef opérateur Yves Cape (Holy Motors, Hors Satan, Hadewijch), trouvent en Blu-ray un très bel écrin.

Le mixage français DTS-HD Master Audio 5.1 parvient à créer une immersion acoustique probante grâce à la très belle musique de Grégoire Hetzel (Incendies, L’Arbre, Un conte de Noël). Les ambiances naturelles viennent souvent à manquer sur les séquences en extérieur et l’ensemble se révèle souvent timide. Le report des voix est solide, la balance frontale fait gentiment son boulot, mais beaucoup de scènes reposent essentiellement sur les enceintes avant. À titre de comparaison, la version Stéréo finit par l’emporter sur la 5.1 du point de vue fluidité et homogénéité des voix avec les effets et la musique. L’éditeur joint également les sous-titres français destinés au public sourd et malentendant.

Crédits images : © Michael Crotto / France Télévisions Distribution / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

Test Blu-ray / Picnic, réalisé par Joshua Logan

PICNIC réalisé par Joshua Logan, disponible en DVD et Blu-ray le 23 août 2017 chez Carlotta Films

Acteurs : William Holden, Kim Novak, Betty Field, Susan Strasberg, Cliff Robertson, Arthur O’Connell…

Scénario : Daniel Taradash, d’après la pièce éponyme de William Inge

Photographie : James Wong Howe

Musique : George Duning

Durée : 1h53

Date de sortie initiale : 1955

LE FILM

Dans une petite ville du Kansas, un pique-nique annuel est organisé pour célébrer la fête du Travail. C’est ce jour-là que débarque Hal Carter, ancien camarade d’université d’Alan Benson, dont le père est un riche céréalier de la région. Avant de retrouver son ami, Hal fait la connaissance des sœurs Owens : Millie, « garçon manqué » au tempérament bien trempé, et Madge, la plus jolie fille du coin et petite amie d’Alan. Le nouveau venu tombe immédiatement sous son charme. Le pique-nique sera pour les deux jeunes gens l’occasion de se rapprocher…

Incontestablement, le scénariste et metteur en scène Joshua Logan (1908-1988) a plus marqué le monde du théâtre que celui du cinéma. Très jeune il participe à la création d’une troupe de théâtre au sein de l’université de Princeton, où s’invitent les débutants Henry Fonda et James Stewart. Tout d’abord comédien au début des années 1930 et adepte de la méthode Stanislavski qu’il a étudié à Moscou, il rencontre et collabore avec le grand David O. Selznick à Hollywood, tout en gardant un pied à Broadway. Après la Seconde Guerre mondiale, il se consacre à la mise en scène de pièces de théâtre et accumule les récompenses. Parmi ses grands succès, il y a notamment la pièce Picnic du dramaturge William Motter Inge (1913-1973), auréolée du prix Pulitzer du théâtre en 1953. Ouvertement sexuelle, la pièce attire quand même les convoitises de certains producteurs. Joshua Logan, qui vient d’être rappelé à Hollywood afin de remplacer John Ford alors souffrant pour terminer Mister Roberts, est lui-même désigné pour adapter Picnic sur grand écran, en Technicolor et Cinémascope.

Le jour de la fête du travail, dans une petite ville du Kansas. Un jeune homme débarque d’un train de marchandises, visible vagabond qui n’a qu’un baluchon, un pantalon élimé et une chemise crasseuse. Le nouveau venu, Hal Carter, cherche aussitôt un emploi. Une charmante vieille dame, Helen Potts, lui fournit le gîte et le couvert en échange de quelques travaux de jardinage. Hal espère se faire engager dans la minoterie familiale d’Alan Benson, un ancien camarade. Benson convie Hal à prendre part au traditionnel pique-nique qui réunit toute la population et lui présente sa fiancée, Madge Owens. Entre les deux jeunes gens, c’est le coup de foudre. Picnic condense les thèmes de prédilection de William Inge avec ses personnages en quête d’indépendance, isolés dans leur caste sociale, englués dans leur quotidien, dans leur famille et leur environnement, rêveurs mais trop lâches pour réaliser leurs fantasmes, résigner à accepter leur situation ou laissant tomber s’ils échouent à s’échapper la première fois. Avec acuité, le scénariste Daniel Taradash, auteur de Tant qu’il y aura des hommes de Fred Zinnemann (1953) et de Troublez-moi ce soir (1952) de Roy Ward Baker transpose l’univers, l’environnement, les mots et les maux de William Inge, le tout pris en charge par Joshua Logan, qui signe ici son meilleur film.

Le cinéaste plonge immédiatement l’audience dans une petite bourgade du Kansas, ainsi que l’élément qui va perturber le quotidien morne et trop bien réglé de ses habitants, autrement dit le personnage de Hal Carter, interprété par William Holden. Avec son cadre large et la merveilleuse photographie de l’immense chef opérateur James Wong Howe, Picnic subjugue d’entrée de jeu, tandis que les émotions submergent progressivement, entre amour et haine, entre la rage et le désespoir. Joshua Logan filme la fureur de (sur)vivre. L’arrivée de cet homme sensuel, qui exhibe innocemment son corps musclé et bronzé va être mal vue de la part de cette petite société sclérosée dans les convenances. Une mère de famille va ainsi se rendre compte qu’elle vit par procuration en voulant faire de sa fille aînée Madge, incarnée par Kim Novak qui avait explosé l’année d’avant en femme fatale dans Du plomb pour l’inspecteur de Richard Quine, la reine de beauté de la ville lors de la fête du travail organisée une fois par an. La frustration sexuelle, la jeunesse éphémère et l’élévation dans l’échelle sociale sont également les sujets abordés dans Picnic avec une rare subtilité, dans une unité de temps (24 heures, de l’aube jusqu’au lever du soleil du jour suivant), de lieu (une petite ville) et d’action avec la préparation du pique-nique, la fête, le retour au bercail.

Joshua Logan ne force jamais le trait et semble prendre beaucoup de plaisir à filmer – avec tendresse – les petites habitudes, les jeux organisés, les concours de chansons, les bébés qui pleurent, les amis qui trinquent durant cette journée si particulière à laquelle tout le monde semble attachés. Hal Carter ne fait pas partie de ce monde millimétré et sa présence, même si tolérée au départ, va progressivement devenir embarrassante (alors que l’alcool coule à flot), surtout lorsque les invités vont se rendre compte qu’il ne laisse pas Madge indifférente et réciproquement lors d’une incroyable scène de danse où les sentiments se dévoilent. Ancien grand sportif de son université, mais qui ne pouvait vraiment compter que sur ses exploits au football pour être populaire, Hal souhaite renouer avec son ancien meilleur ami Alan (Cliff Robertson), héritier d’une grande entreprise agricole, afin d’espérer obtenir un emploi bien rémunéré. Si Alan est tout d’abord très heureux de revoir Hal, il tue dans l’oeuf ses espoirs de gérer un poste important puisqu’il n’est pas diplômé. La soirée va s’envenimer puisque Madge doit épouser Alan, selon les désirs de la mère de la jeune femme.

Picnic est un entrecroisement de récits initiatiques et rappelle dans une moindre mesure le Théorème de Pier Paolo Pasolini sorti presque quinze ans après, qui ciblait le milieu bourgeois. La présence d’un être attirant, bâti comme une statue grecque, sans attaches ni fortune et surtout libre, va donc faire imploser cette communauté engluée dans la routine et où le déni est devenu quotidien. Picnic obtiendra un grand succès aux Etats-Unis, à tel point que l’année suivante Joshua Logan, Golden Globe du meilleur réalisateur, se verra confier la transposition d’une autre pièce de théâtre de William Inge, Arrêt d’autobus (Bus Stop) avec la star Marilyn Monroe. Dernière chose, Picnic reste l’un des rares films diffusés aux Etats-Unis en incluant deux messages publicitaires subliminaux, insérés toutes les cinq secondes à l’aide d’un tachistoscope. Procédé qui a visiblement porté ses fruits, puisque les vendeurs de popcorn et de sodas voyaient leurs ventes grimper auprès des spectateurs venus voir le film de Joshua Logan !

LE BLU-RAY

Le test de l’édition HD de Picnic, disponible chez Carlotta Films, a été réalisé à partir d’un check-disc. Le visuel de la jaquette, tout comme celui du menu principal fixe et musical, est étonnamment sobre, mais très élégant.

Aux côtés de la bande-annonce originale, l’éditeur livre une formidable présentation et analyse de Picnic de Joshua Logan, mais également de l’oeuvre du dramaturge William Inge (27’). On doit ce brillant exposé à Marguerite Chabrol, professeure à l’université Paris 8 et auteure de l’ouvrage De Broadway à Hollywood (CNRS Editions). Vous saurez tout sur la création de la pièce Picnic à Broadway en 1953 ! Les thèmes abordés, la mise en scène, l’importance du décor (unique, entre deux façades de maisons voisines), des lumières et même du son, élément encore rare au théâtre à l’époque. Marguerite Chabrol dresse le portrait de William Inge et dresse un panel de ses thèmes de prédilection, tout en replaçant Picnic dans sa carrière. La professeure en vient ensuite à sa transposition au cinéma par Joshua Logan, qui avait également mis en scène la pièce, en évoquant notamment l’évolution à l’écran de la représentation du corps masculin à moitié dénudé, élément important dans la trame de Picnic.

L’Image et le son

C’est avec un immense plaisir de redécouvrir un Technicolor 2.55 dans de telles conditions ! Le master HD (1080p, AVC) affiche une propreté sidérante (restauré en 2K par Sony), restituant la vivacité et la saturation de la colorimétrie, tout en délivrant un relief inédit (la séquence du pique-nique est fantastique), un piqué inouï, une clarté appréciable, une profondeur de champ de haut niveau et des détails foisonnants. Hormis la scène d’ouverture et le générique aux teintes fanées et à la définition moindre, la restauration n’en finit pas d’étonner et la copie demeure stable. Malgré quelques flous sporadiques mais vraisemblablement d’origine, Picnic a bénéficié d’un lifting de premier ordre, tout en conservant le merveilleux grain de la photo de l’immense chef opérateur James Wong Howe.

Soyons honnêtes, la piste anglaise DTS-HD Master Audio 5.1 ne sert pour ainsi dire à rien, à part pour créer une légère chambre d’écho lors des scènes soutenues par la musique de George Duning. Et encore, les latérales se révèlent bien trop avares pour créer une spatialisation solide. A sa sortie, Picnic avait été exploité en format 4 canaux, donc revoir le film en 5.1 reconstitue quelque peu les conditions acoustiques originales. Toutefois, n’hésitez pas à sélectionner d’emblée le mixage DTS-HD Master Audio 2.0, d’excellent acabit et qui instaure le même si ce n’est un meilleur confort. Les sous-titres français ne sont pas imposés sur la version originale. L’éditeur joint également une piste dans la langue de Molière DTS-HD Master Audio 1.0 avec des dialogues forcément moins naturels et dynamiques, aux ambiances plus feutrées, mais néanmoins dépourvue de souffle parasite.

Crédits images : © 1955, RENOUVELÉ 1983 COLUMBIA PICTURES INDUSTRIES, INC. Tous droits réservés. / Carlotta Films / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

 

Test DVD / Chiens, à vous de créver !, réalisé par Frank Wisbar

CHIENS, À VOUS DE CREVER ! (Hunde, wollt ihr ewig leben) réalisé par Frank Wisbar, disponible en DVD le 11 juillet 2017 chez Movinside

Acteurs : Joachim Hansen, Peter Carsten, Wolfgang Preiss, Horst Frank, Wilhelm Borchert, Carl Lange, Richard Münch, Günter Pfitzmann…

Scénario : Frank Wisbar, Frank Dimen, Fritz Wöss, Heinz Schröter

Photographie : Helmuth Ashley

Musique : Herbert Windt

Durée : 1h33

Date de sortie initiale : 1959

LE FILM

Octobre 1942. Le général Friedrich Paulus qui commande la 6ème Armée obéit aveuglement à Hitler qui exige, coûte qui coûte, qu’il tienne Stalingrad et résiste par tous les moyens à l’encerclement des troupes soviétiques. Dans les rangs allemands, les soldats privés d’armes et de vivres commencent à prendre conscience de la folie mégalomane du Führer. Parmi eux, le lieutenant Wisse, le sergent Böse, le caporal Krämer et un aumônier, redécouvrent des valeurs humaines que la guerre avait annihilé.

Hormis le film soviétique Stalingradskaja Bitva (The Battle of Stalingrad) réalisé en 1949 de Vladimir Petrov, restauré il y a une dizaine d’années par l’International Historique Films, Chiens, à vous de crever !Hunde, wollt ihr ewig leben ! de Frank Wisbar est le premier long métrage allemand à parler de la débâcle allemande lors de la bataille de Stalingrad. De son vrai nom Frank Wysbar (1899-1967), le cinéaste né à Tilsit alors en Prusse-Orientale livre un très grand film de guerre malheureusement et injustement oublié aujourd’hui. Il est donc grand temps de réhabiliter Chiens, à vous de crever ! qui aborde frontalement et avec objectivité l’une des batailles les plus sanglantes de la Seconde Guerre mondiale, qui a opposé l’armée soviétique à l’armée allemande de juillet 1942 à février 1943.

Le film adopte le point de vue de l’armée allemande et montre comment les soldats et leurs supérieurs ont été tout simplement abandonnés par Adolf Hitler, qui promettait alors de les ravitailler en nourriture, en armes et en hommes. L’histoire s’attache à une poignée de personnages livrés à eux-mêmes, affamés, démunis, rongés par le froid (on brûle les photos encadrées du Führer pour se réchauffer) et la maladie, tandis que les cadavres s’amoncellent sur leur chemin, avant de se retrouver encerclés dans la ville de Stalingrad alors à feu et à sang. Dès la première séquence, Frank Wisbar montre une armée triomphante qui défile sous les yeux brillants du Führer, tandis qu’une voix-off vient couper court à cette parade en commentant des images du front dévasté, des soldats allemands morts au combat : « Jusqu’à ce que la neige et le vent recouvrent les cadavres et fassent oublier l’entrée triomphale. Le soldat mort n’a que faire de l’issue victorieuse ou non de la guerre ». Sur un montage percutant et fluide, Chiens, à vous de crever ! intègre d’incroyables et impressionnants stockshots, parfois très difficiles et violents, qui rend compte des tensions et des divisions au sein de la 6e armée envoyée sur le front de l’Est.

Avec des moyens plutôt conséquents, Frank Wisbar rend compte de la situation sur le front qui n’a de cesse de se dégrader (un soldat allemand meurt toutes les 7 secondes), tandis que les russes mieux équipés, resserrent leurs unités jusqu’à étouffer littéralement leurs adversaires. Adolf Hitler apparaît de dos principalement, tandis que sa voix exprime clairement son désintérêt pour ces hommes qui seraient très vite remplacés s’ils devaient tous tomber. De leur côté, Goebbels déclare déjà la victoire allemande sur Stalingrad et Göring s’époumone à la radio pour célébrer le dixième anniversaire de la prise du pouvoir. Jusqu’à la reddition des troupes allemandes après plus de six mois de combats, plus de 800.000 pertes soviétiques (civils et soldats) et 400 000 militaires allemands, roumains, italiens, hongrois et croates.

S’il démarre comme un documentaire, Chiens, à vous de crever ! s’avère un film maîtrisé et épatant, aussi passionnant sur le fond que sur la forme, porté par de remarquables comédiens et qui s’avère un témoignage sans concession ni faux héroïsme, qui colle au plus près de la vérité. C’est le cas de la séquence où durant une courte trêve demandée entre les deux armées afin d’aller récupérer leurs soldats décédés sur le front, un officier allemand trouve un piano dans les décombres recouvertes de neige et commence à jouer une sonate de Beethoven.

Sorti en France en 1960, le film de Frank Wisbar attire plus d’1,2 million de spectateurs dans les salles, et se voit récompenser par de nombreux prix en Allemagne, dont le meilleur réalisateur et le Deuxième meilleur film aux Prix du film allemand. Il faudra attendre 1989 et le film russe Stalingrad de Youri Ozerov pour que le cinéma s’intéresse à nouveau à cet épisode clé de la Seconde Guerre mondiale.

LE DVD

Chiens, à vous de crever ! intègre la collection Grands films de guerre disponible chez Movinside. Aucun supplément ni de chapitrage, le menu principal, animé et musical, ne propose que le choix des langues avant le lancement du film. Si l’éditeur aurait pu proposer une présentation de Chiens, à vous de crever ! par un historien du cinéma, la grande rareté du film l’emporte sur l’absence des suppléments.

L’Image et le son

La restauration est impressionnante ! Movinside a pu mettre la main sur un master qui permet de (re)découvrir Chiens, à vous de crever ! dans de très bonnes conditions. Certes, les stockshots n’ont évidemment pas été restaurés et détonnent avec les images filmées par Frank Wisbar, mais la copie s’avère propre, stable, les contrastes sont bien gérés, les noirs sont denses et certaines séquences s’avèrent lumineuses. Quelques points blancs et rayures verticales ont pu échapper au nettoyage, mais dans l’ensemble l’image est de fort bon acabit.

La version originale est proposée dans son intégralité avec des sous-titres français non imposés. La piste est étonnamment propre, ne serait-ce que deux ou trois craquements, sans souffle parasite et sans bruits de fond. Le confort acoustique est donc assuré. Une piste française est également au programme, un peu plus sourde, mais qui ne démérite pas.

Crédits images : © BETA FILM. / Movinside / Captures DVD : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

Test Blu-ray / Soudain l’été dernier, réalisé par Joseph L. Mankiewicz

SOUDAIN L’ÉTÉ DERNIER (Suddenly, Last Summer) réalisé par Joseph L. Mankiewicz, disponible en DVD et Blu-ray le 23 août 2017 chez Carlotta Films

Acteurs : Elizabeth Taylor, Katharine Hepburn, Montgomery Clift, Albert Dekker, Mercedes McCambridge, Gary Raymond…

Scénario : Gore Vidal d’après la pièce de théâtre Suddenly, Last Summer de Tennessee Williams

Photographie : Jack Hildyard

Musique : Malcolm Arnold, Buxton Orr

Durée : 1h54

Date de sortie initiale : 1959

LE FILM

Dans la Nouvelle-Orléans de 1937, une riche veuve, Violet Venable, propose de financer l’hôpital public Lyons View si l’un de ses praticiens, le docteur Cukrowicz, accepte de pratiquer une lobotomie sur sa nièce Catherine Holly. Celle-ci est internée depuis le décès mystérieux, durant un périple estival, de Sebastian Venable, poète et fils de Mrs Venable. La version que raconte Catherine du décès de Sebastian paraît tellement loufoque, que Violet la croit folle à lier. Avec l’aide du Dr Cukrowicz, Catherine va peu à peu recouvrer la mémoire jusqu’à révéler une vérité que certains auraient préféré rester enfouie.

Tout d’abord scénariste (Alice au pays des merveilles de Norman Z. McLeod, L’Ennemi public n°1 de W.S. Van Dyke), puis producteur (Furie de Fritz Lang, Indiscrétions de George Cukor), Joseph L. Mankiewicz (1909-1993) passe derrière la caméra en 1946 avec Le Château du dragon, en remplacement d’Ernst Lubitsch, victime d’une crise cardiaque. Suite à ce premier et grand succès, Mankiewicz choisit une pièce de Lee Strasberg, qu’il adapte avec Howard Dimsdale. Ce sera Quelque part dans la nuit, un film noir dans le style du Faucon maltais de John Huston (1941) et du Grand sommeil de Howard Hawks, par ailleurs sorti quelques semaines après le film de Mankiewicz. Suivront Un mariage à Boston (1947), L’Aventure de madame Muir (1947), Escape (1948) et Chaînes conjugales (1949). Autant dire que Joseph L. Mankiewicz a le vent en poupe à la fin des années 1940. Il clôt cette fabuleuse décennie avec La Maison des étrangersHouse of Strangers, drame familial qui annonce notamment Le Parrain plus de 20 ans avant. Le cinéaste prend alors son envol avec Eve (1950), On murmure dans la ville (1951), L’Affaire Cicéron (1952) et Jules César (1953). En revanche, il connaît quelques revers commerciaux et enchaîne les échecs avec La Comtesse aux pieds nus (1954), Blanches colombes et vilains messieurs (1955) et Un Américain bien tranquille (1958). Pour se refaire au box-office, Joseph L. Mankiewicz accepte la proposition du producteur Sam Spiegel (L’Odyssée de l’African Queen, Sur les quais et Le Pont de la rivière Kwaï), l’audacieuse adaptation de la pièce de Tennessee Williams, Soudain l’été dernier.

A l’hôpital psychiatrique de Lion’s View, le docteur Cukrowicz pratique dans des conditions vétustes la psychiatrie et la neurochirurgie. Le directeur lui annonce que Violet Venable, une riche veuve, lègue un million de dollars à l’établissement, à condition que Cukrowicz accepte de pratiquer une lobotomie sur sa nièce, Catherine. La jeune fille, traumatisée par la mort récente de son cousin Sebastien, le fils de Violet donc, a sombré dans la folie. Le jeune médecin s’efforce alors de provoquer chez sa patiente le souvenir de la scène fatale. C’est ainsi qu’il découvre peu à peu une troublante vérité que tous s’entendent, par intérêt, à lui tenir cachée, et dont l’innocente Catherine pourrait bien être la victime. Soudain l’été dernier aborde des thèmes extrêmement graves et rarement évoqués au cinéma à la fin des années 1950 comme l’homosexualité, la pédophilie, l’inceste et même le cannibalisme. A partir d’un scénario principalement écrit par Gore Vidal, qui a étendu l’histoire de la pièce originale en un acte de Tennessee Williams, le cinéaste signe un drame psychologique haletant qui s’apparente souvent à un thriller avec une tension maintenue du début à la fin. Fin lettré, Joseph L. Mankiewicz use des mots comme de véritables munitions et les longues, très longues séquences dialoguées, à l’instar de l’apparition de Katharine Hepburn, mettent les nerfs des spectateurs et ceux des personnages à rude épreuve.

Cette atmosphère pesante et oppressante sur le déni et le transfert, renvoie également aux difficiles conditions de tournage, en particulier pour Montgomery Clift, imposé par sa grande amie Elizabeth Taylor, qui venait d’avoir un très grave accident de voiture. Miraculé mais défiguré, le comédien avait dû subir de nombreuses opérations de chirurgie esthétique. Si son visage s’est ensuite transformé en figeant ses traits figés, ce traumatisme n’a fait qu’accentuer ses penchants pour l’alcool et sa dépendance aux médicaments. Le voir trembler à l’écran est souvent difficile, ce qui ne l’empêche pas de livrer une remarquable performance, même si Mankiewicz avait sérieusement envisagé de le remplacer par Peter O’Toole, avant que ses deux partenaires à l’écran ne prennent sa défense. De son côté, Elizabeth Taylor vient de perdre son troisième mari Michael Todd dans un accident d’avion et tombe en dépression. Quant à Katherine Hepburn, elle fait preuve d’une jalousie exacerbée envers Elizabeth Taylor et passe le tournage à pester contre cette histoire qu’elle trouve répugnante et qui la montre presque sans fard à l’écran. Elle finira ses prises de vue en allant cracher sur le plateau et dans le bureau de Sam Spiegel. Les deux comédiennes seront nommées pour l’Oscar de la meilleure actrice, qui sera finalement remporté par Simone Signoret pour Les Chemins de la haute ville. Sublime et d’ailleurs sublimée par Mankiewicz (tous les cinéphiles ont en tête la comédienne moulée dans son maillot de bain affriolant) Elizabeth Taylor obtiendra le Golden Globe pour sa prestation.

La pièce de théâtre originale était l’une des créations les plus personnelles du dramaturge puisque très inspirée de l’histoire de sa sœur aînée Rose, qui atteinte de schizophrénie aiguë avait subi une lobotomie en 1937 après une décision de leur mère castratrice et tyannique. Cet événement traumatisera Tennessee Williams toute sa vie et entraînera une rupture définitive avec les membres de la famille. Si les thèmes tabous et sulfureux sont évidemment plus suggérés qu’explicites, Soudain l’été dernier instaure un malaise qui ne fait que s’accentuer au fil des révélations de Catherine sur l’étrange disparition de son cousin, jeune poète que tout le monde adulait comme un Dieu, en premier lieu sa mère (Katharine Hepburn donc, immense) qui ne le quittait jamais et dont la relation trouble faisait jaser jusqu’à l’intelligentsia. Lors de la révélation finale qui s’apparente à un épisode des enquêtes d’Hercule Poirot (remplacé ici par un neurochirurgien en quête de la vérité) quand tous les suspects sont réunis dans une même pièce autour du détective, on comprend ainsi que Sebastian, prédateur sexuel, utilisait sa mère comme appât afin d’attirer de jeunes garçons démunis afin d’abuser d’eux. Voyant sa mère Violet vieillir, Sebastian a ensuite jeté son dévolu sur sa cousine Catherine, présente lors de sa mort l’été dernier. Délaissée, Violet voit sa nièce devenir sa rivale en occultant son désir pour son propre fils et décide alors de s’en débarrasser en la faisant interner puis en demandant sa lobotomisation.

Soudain l’été dernier condense tous les tourments propres à Tennessee Williams et le film de Joseph L. Mankiewicz demeure l’une des plus transpositions les plus denses, complexes, terrifiantes et impressionnantes d’une des œuvres de l’écrivain aux côtés d’Un tramway nommé désir d’Elia Kazan et La Nuit de l’iguane de John Huston.

LE BLU-RAY

Le test de l’édition HD de Soudain l’été dernier, disponible chez Carlotta Films, a été réalisé à partir d’un check-disc. Le visuel de la jaquette, tout comme celui du menu principal fixe et musical, est étonnamment sobre, mais très élégant.

Avec la bande-annonce originale, l’éditeur joint une passionnante présentation de Soudain l’été dernier par Michel Ciment, critique, historien du cinéma et directeur de la revue Positif (26’). Ce dernier indique comment Joseph L. Mankiewicz s’est emparé de la pièce de Tennessee Williams pour la transcender, avant d’analyser l’adaptation, le style et l’interprétation d’un trio d’acteurs hors du commun. Michel Ciment replace Soudain l’été dernier dans la carrière du cinéaste, avant de très vite enchaîner sur les thèmes de la pièce originale et de sa transposition. Dans la dernière partie de cet entretien, le critique parle de l’accueil mitigé de la part de la critique américaine et française (Jean-Pierre Melville appelait même au boycott du film), ce qui n’a pas empêché Soudain l’été dernier de remporter un immense succès à travers le monde.

L’Image et le son

Le film de Joseph L. Mankiewicz avait bénéficié d’une édition en DVD en 2002 chez Sony Pictures. Le nouveau master restauré 4K au format respecté 1.85 de Soudain l’été dernier livré par Carlotta se révèle extrêmement pointilleux en terme de piqué, de gestion de contrastes (noirs denses, blancs lumineux), de détails ciselés, de clarté (l’éclat des yeux de Montgomery Clift) et de relief. La propreté de la copie est souvent sidérante, la nouvelle profondeur de champ permet d’apprécier la composition des plans, la photo entre ombre et lumière signée par le grand Jack Hildyard (Le Pont de la rivière Kwaï, L’Etau, Vacances à Venise) retrouve une nouvelle jeunesse doublée d’un superbe écrin, et le grain d’origine a heureusement été conservé. Les contrastes ne cessent d’impressionner, la copie est stable, tout comme les fondus enchaînés qui n’entraînent pas de décrochages. Il s’agit sans nul doute de la plus belle copie de Soudain l’été dernier disponible à ce jour.

Comme pour l’image, le son a également été restauré de fond en comble. Résultat : aucun souci acoustique constaté sur le mixage anglais DTS-HD Master Audio 1.0. Le confort phonique de cette piste unique est total, les dialogues sont clairs et nets, jamais étouffés, les effets annexes probants et les plages de silence très impressionnantes. La partition entêtante est impeccablement restituée. Néanmoins, cette piste paraît parfois trop « propre » et donne un côté quelque peu artificiel à l’ensemble. La version française est correcte, un peu plus sourde, mais étonnamment plus naturelle. Les sous-titres français ne sont pas imposés.

Crédits images : © 1960, renouvelé 1988 Horizon Pictures (G.B.) LTD. Tois droits réservés. / Columbia Pictures / Carlotta Films / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

 

Test DVD / Les Chiens sont lâchés, réalisé par Falk Harnack

LES CHIENS SONT LÂCHÉS (Unruhige Nacht) réalisé par Falk Harnack, disponible en DVD le 11 juillet 2017 chez Movinside

Acteurs : Bernhard Wicki, Ulla Jacobsson, Hansjörg Felmy, Anneli Sauli, Erik Schumann, Werner Hinz, Richard Münch…

Scénario : Horst Budjuhn, Albrecht Goes

Photographie : Friedl Behn-Grund

Musique : Hans-Martin Majewski

Durée : 1h35

Date de sortie initiale : 1958

LE FILM

En Russie, pendant la Deuxième Guerre mondiale, un pasteur est désigné pour assister un soldat condamné à mort pour désertion. Ce soldat est un très jeune homme, presque encore un adolescent, tendre, doux et buté… Il doit être exécuté le lendemain matin. Le pasteur, en possession du dossier de Boranovski, compte passer la nuit à l’étudier, ignorant encore qu’il ne sera pas seul dans sa chambre d’auberge : un jeune capitaine. Von Arnim, doit la partager avec lui. Celui-ci lui dit qu’il vient d’être désigné pour Stalingrad, d’où on ne revient pas, et qu’il a demandé à sa fiancée, infirmière, de venir passer avec lui cette nuit-là, qui sera bien vraisemblablement leur première et aussi leur dernière nuit…

Grand succès du box-office allemand, Les Chiens sont lâchésUnruhige Nacht est l’oeuvre du réalisateur Falk Harnack (1913-1991), qui fut très actif dans la résistance allemande durant la période nazie. Il est issu d’une famille de savants, d’artistes et de scientifiques, dont plusieurs ont payé de leur vie leur résistance antinazie. En 1943, il déserte pour rejoindre la Grèce où il s’allie au Greek People’s Liberation Army, avant de cofonder plus tard et de diriger le « comité antifasciste pour une Allemagne libre ». Les Chiens sont lâchés, réalisé en 1958, est symbolique de son combat et de son cinéma. Poignant, ce drame de guerre est une véritable révélation. Falk Harnack met en scène une poignée de soldats allemands, plongés en plein coeur de la Seconde Guerre mondiale, au cours de la bataille de Stalingrad. Un pasteur militaire parcourt le dossier d’un soldat allemand condamné à mort pour désertion après être tombé amoureux d’une jeune ukrainienne.

L’aumônier Brunner est interprété par le grand acteur allemand Bernhard Wicki, vu dans La Nuit de Michelangelo Antonioni et Paris, Texas de Wim Wenders. Il est également réalisateur et on lui doit entre autres les parties allemandes du Jour le plus long ou bien encore le célèbre film Le Pont, mis en scène en 1959. Dans Les Chiens sont lâchés, sa prestation tout en colère rentrée et immense délicatesse foudroie le spectateur. Son empathie et son amour pour ce jeune homme prénommé Fedor Boranovski (Hansjörg Felmy), dont le recours en grâce a été rejeté une dernière fois, sont traités avec finesse et intelligence. Malgré l’apparente austérité des décors et la sécheresse du montage, la mise en scène est très inspirée (très beaux mouvements de caméra) et l’émotion affleure progressivement, au fur et à mesure que le pasteur découvre l’histoire de celui qu’il doit informer de son exécution, en essayant de lui apporter une tranquillité d’esprit. L’aumônier arrive sur place en fin d’après-midi et découvre que Boranovski, accusé d’avoir déserté (plus de 200.000 jeunes soldats allemands avaient déserté) en ayant profité de la confusion d’une attaque aérienne, doit se faire fusiller le lendemain matin à l’aube.

Durant la nuit, alors qu’il partage sa chambre avec un capitaine sur le point d’être envoyé sur le champ de bataille à Stalingrad et sa fiancée Melanie, Brunner découvre l’histoire de Boranovski. Falk Harnack use alors de récents flashbacks qui dressent le portrait d’un jeune homme qui n’inspirait qu’à vivre comme n’importe quel être humain, qui a rencontré l’amour auprès d’une jeune mère et veuve ukrainienne. Un petit homme moustachu à frange en a décidé autrement. Par ailleurs, ce dernier apparaît seulement en fond sonore pendant un discours, comme si sa présence, ou plutôt son omniprésence était tellement devenue banale qu’on ne faisait même plus attention à lui. Tandis qu’il s’époumone sur la victoire qu’il sent « imminente », les soldats vaquent à leurs occupations, laissant ce chien aboyer dans le vide. Falk Harnack livre un film pacifiste, antimilitariste et antinazi, fortement engagé, beau et très attachant.

LE DVD

Les Chiens sont lâchés intègre la collection Grands films de guerre disponible chez Movinside. Aucun supplément ni de chapitrage, le menu principal, animé et musical, ne propose que le choix des langues (version originale avec ou sans sous-titres français) avant le lancement du film. Si l’éditeur aurait pu proposer une présentation des Chiens sont lâchés par un historien du cinéma, la grande rareté du film l’emporte sur l’absence des suppléments.

L’Image et le son

Movinside propose Les Chiens sont lâchés dans son format original 1.33 (4/3). Le grain original a été lissé quasiment entièrement, la copie a subi un certain dépoussiérage, même si des rayures verticales, points noirs, tâches et raccords de montages demeurent visibles. L’image est stable, divers moirages sont constatés, notamment sur les galons des officiers, sans oublier les décrochages sur les fondus enchaînés. Le N&B est lumineux, la gestion des contrastes équilibrée. Malgré les défauts énumérés, découvrir le film de Falk Harnack est une chance inespérée et nous ne pouvons que saluer l’éditeur pour cette ambitieuse sortie dans les bacs.

Seule la version originale est proposée avec des sous-titres français non imposés. La piste est étonnamment propre, ne serait-ce que deux ou trois craquements, sans souffle parasite et sans bruits de fond. Le confort acoustique est donc assuré.

Crédits images : © BETA FILM. / Movinside / Captures DVD : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

Test Blu-ray / L’Esprit de Caïn, réalisé par Brian De Palma

L’ESPRIT DE CAÏN (Raising Cain) réalisé par Brian De Palma, disponible en combo DVD-Blu-ray le 28 mars 2017 chez Elephant Films

Acteurs : John Lithgow, Lolita Davidovich, Steven Bauer, Frances Sternhagen, Gregg Henry, Tom Bower, Gabrielle Carteris…

Scénario : Brian De Palma

Photographie : Stephen H. Burum

Musique : Pino Donaggio

Durée : 1h31

Date de sortie initiale : 1992

LE FILM

Le docteur Carter Nix est un pédopsychiatre réputé qui décide d’abandonner sa carrière pour mieux pouvoir élever la fille qu’il a eue avec Jenny, elle-même médecin. Cette dernière se montre concernée par l’obsession grandissante que son mari porte à l’éducation de leur enfant, jusqu’à commencer à douter de la santé mentale de l’homme qu’elle a épousé et qu’elle croit connaître.

En 1984, Brian De Palma livre un chef d’oeuvre sur sa filiation avec son maître Alfred Hitchcock, Body Double. Puis, le cinéaste effectue un virage étonnant dans sa carrière, cela ne sera pas l’unique fois, en enchaînant trois films de studio aux budgets conséquents et portés par des stars. Les Incorruptibles (1987) est un succès mondial et vaut à Sean Connery le seul Oscar de sa carrière, Outrages (1989), interprété par Michael J. Fox et Sean Penn est un film sur les dérives de la guerre du Vietnam qui se solde par un échec au box-office. Ce changement de registre étonne les spectateurs et la difficulté de son sujet, le viol et le meurtre d’une jeune paysanne vietnamienne en 1966 par des soldats américains, entraîne son rejet total aux Etats-Unis. De Palma essaye alors de se refaire avec Le Bûcher des vanités, mais malheureusement, cette adaptation du roman de Tom Wolfe avec pourtant le trio Tom Hanks – Melanie Griffith – Bruce Willis en vedette est très mal accueillie par la presse et les salles sont désertées. Après ces expériences à la Paramount, à la Fox puis à la Warner Bros., Brian de Palma tombe dans la dépression au début des années 1990. Comme tout artiste, il décide de revenir à ses premières amours, au film à petit budget, une production indépendante plus modeste dans laquelle il mettrait à nouveau tous les thèmes qui l’animent et qui ont fait sa renommée. Ce thriller névrotique, psychologique, baroque et hitchcockien s’intitule L’Esprit de Caïn et demeure à ce jour le film le plus mal aimé, probablement le plus incompris de son auteur, celui qui entraîne le plus de débats au sein même de la sphère des fans du réalisateur.

Sorti en 1992, Raising Cain détonne et la critique conspue immédiatement ce film. « Grotesque », « ridicule », « absurde », « outrancier », rarement un film de Brian De Palma aura été à ce point controversé et traîné dans la boue. Pourtant, rétrospectivement, ces qualificatifs reflètent bien ce film du réalisateur de Phantom of the Paradise, qui concentre le plus la sève de sa création. Le spectre d’Alfred Hitchcock plane évidemment sur Raising Cain, comme si Brian De Palma, après s’être éloigné de ses thèmes de prédilection, se sentait à nouveau attirer par celui qui lui a donné envie de faire ce métier de cinéaste. Magistralement interprété par John Lithgow, le personnage principal schizophrène atteint de dédoublement de la personnalité renvoie à la propre situation de De Palma, pris entre son désir de conserver son indépendance, ainsi que sa liberté créatrice, et son obligation à se plier aux directives des studios hollywoodiens afin de survivre dans l’industrie cinématographique. Le cinéaste use de ficelles devenues « populaires » à l’instar du soap opéra, caractérisé par l’idylle entre une femme (la ravissante Lolita Davidovich) avec son ancien amant (Steven Bauer), filmée comme un épisode des Feux de l’amour. Redoutablement intelligent, Brian De Palma dynamite ces codes afin de mieux les parasiter, en incluant ses thèmes récurrents, la perversité, le voyeurisme, la frustration sexuelle, le meurtre à l’arme blanche, le travestissement, le double. L’Esprit de Caïn n’est pas une parodie, mais une œuvre maîtrisée de A à Z par un réalisateur bien trop heureux de faire perdre ses repères à un spectateur devenu trop conditionné par une esthétique acidulée et des histoires à l’eau de rose tirées d’un mauvais roman de gare.

Nul autre film que Psychose a su parler de la psyché bouleversée d’un être humain. Le chef d’oeuvre d’Alfred Hitchcock est omniprésent dans L’Esprit de Caïn, tout comme Le Voyeur de Michael Powell, mais contrairement à un Quentin Tarantino ou un Nicolas Winding Refn qui se contentent la plupart du temps de plagier leurs modèles, les références ont été digérées par De Palma dont l’oeuvre n’a de cesse de converser avec celle de ses modèles. Par ailleurs, Brian De Palma s’autocite avec humour à travers quelques motifs puisque nous retrouvons la grande femme blonde aux lunettes noires de Pulsions, ou bien encore la panique de la femme en train de se noyer qui n’est pas sans rappeler l’une des séquences de Blow Out. John Lithgow se délecte dans ce rôle-multiple (Carter/Caïn/Dr. Nix/Josh/Margo), qui a vraisemblablement et très largement inspiré James McAvoy dans le formidable Split de M. Night Shyamalan, qui comme une mise en abyme a de son côté été bercé par le cinéma de Brian de Palma et d’Alfred Hitchcock. Rythmé par les sublimes accords de Pino Donaggio (Carrie au bal du diable), L’Esprit de Caïn ne cesse de déstabiliser les spectateurs, en leur faisant constamment perdre leurs repères, les obligeant ainsi à recomposer systématiquement l’histoire qu’on leur montre et que Brian de Palma n’a de cesse de leur déconstruire en jouant à la fois sur la temporalité, l’inconscient, avec parfois des rêves qui s’imbriquent dans d’autres rêves au moyen d’un montage chronologique…mais défragmenté.

C’est cette construction et ce mélange de genres qui a visiblement choqué les spectateurs à la sortie du film, avant d’être « remonté » en 2012 par Peet Gelderblom, un réalisateur néerlandais fan de Brian De Palma et de L’Esprit de Caïn, qui ayant appris que le cinéaste avait décidé – chose qu’il a ensuite regretté – de changer la structure originelle de son film en postproduction (afin de ne pas trop perdre de spectateurs), a décidé de le recomposer en suivant le scénario initial et en se servant d’une simple copie en DVD. Si ce recut, proposant les mêmes scènes mais dans un ordre différent et une durée identique, rapproche encore plus L’Esprit de Caïn de Pulsions, l’expérience est moins viscérale et vertigineuse, plus classique et linéaire, bien que ce recut mélange à la fois le présent, le passé et les songes. Malgré tout, cette version remaniée avec l’adoubement de Brian De Palma himself – qui a voulu que les deux moutures soient proposées en Blu-ray – s’avère une belle curiosité, L’Esprit de Caïn conserve indéniablement plus de force dans son cut cinéma, plus axé sur le trouble dissociatif de son personnage principal (qui passe au second plan dans le recut), plutôt que sur sa critique de l’adultère, dans laquelle on se perd finalement moins et qui reflète moins le chaos psychologique de Nix/Caïn.

Virtuose, comme ce long et extraordinaire plan-séquence durant lequel Frances Sternhagen détaille la personnalité et le trauma de Carter Nix, Raising Cain s’adresse donc non seulement aux cinéphiles passionnés par le genre et par la filmographie de Brian De Palma, mais aussi aux cinéphiles férus de technique, tout comme à ceux qui possèdent un bagage nanti de références. Injustement considéré comme mineur et souvent dissimulé derrière des oeuvres prestigieuses et mondialement reconnues, L’Esprit de Caïn est pourtant un film à la fois matriciel, somme et définitif d’un des plus grands auteurs de l’histoire du cinéma.

LE BLU-RAY

Elephant Films édite l’un de ses titres les plus importants à ce jour. Cette édition combo de L’Esprit de Caïn se compose de deux Blu-ray, la version cinéma d’un côté (disque rouge), la version « Director’s Cut » 2016 de l’autre (disque bleu), sans oublier le DVD du montage cinéma (disque jaune). Les trois galettes, ainsi qu’un livret de 20 pages écrit par Stéphane du Mesnildot, critique aux Cahiers du Cinéma (qui reprend l’essentiel de sa présentation dans les bonus), reposent dans un boîtier transparent glissé dans un surétui. La jaquette est réversible. Le visuel du recto a été concocté pour cette sortie dans les bacs, tandis que l’affiche originale est disponible au verso. A vous de choisir ! Le menu principal de chaque disque est animé sur la musique de Pino Donaggio.

Le montage cinéma s’accompagne d’une formidable présentation par Stéphane du Mesnildot, que nous évoquions plus haut (21’). L’intervenant replace L’Esprit de Caïn dans la carrière de Brian De Palma, insiste sur le côté œuvre maudite, détaille les thèmes du film qui nous intéresse, revient sur l’accueil très froid de la part de la critique et des spectateurs, sans oublier les références de Brian De Palma (Le Voyeur, Psychose, Pas de printemps pour Marnie, Pulsions, Ne vous retournez pas), la forme très détaillée avec l’usage du plan-séquence et du cadre dans l’image. Une analyse précise, passionnante et très détaillée.

L’interactivité se clôt sur une galerie de photos et des bandes-annonces.

Le Blu-ray de la version « Director’s Cut » (terme autorisé par le maître en personne) démarre automatiquement par un clip de 2’30, durant lequel Peet Gelderblom, dont nous parlons dans la critique du film, présente la raison d’être de ce recut. Ce segment intitulé Le Changement de Caïn, la restauration du classique culte de Brian De Palma, est également disponible dans la section des suppléments.

Comme il l’indique dans le module précédent, Peet Gelderblom a présenté sa version « Director’s Cut » de L’Esprit de Caïn, dans un essai vidéo posté sur le site IndieWire en 2012. C’est après avoir découvert cet exposé, que Brian De Palma, tout comme plusieurs de ses confrères (dont Edgar Wright) s’est dit très heureux et impressionné par ce remodelage qu’il avait finalement abandonné avant la sortie du film dans les salles. Elephant Films propose de découvrir ce petit documentaire en question (13’), dans lequel Peet Gelderblom revient sur chacune des étapes qui ont conduit à cette version alternative.

L’interactivité se clôt sur une galerie de photos et les credits.

L’Image et le son

Le sort réservé à chaque mouture est différent. La version cinéma 1992 est la mieux lotie. Le film est disponible sur un BD 50, double couche donc, et la copie présentée, même si elle ne peut rivaliser avec les standards actuels à 2 ou 4K, s’en sort très bien. La gestion du grain argentique est solide, les couleurs plaisantes et ravivées. Bien qu’elle ne paraisse pas récente et que les détails manquent parfois à l’appel, la restauration est indéniable (à peine quelques points blancs à signaler), les contrastes élégants et la stabilité est de mise. En revanche, le « Director’s Cut » 2016, présenté sur un BD 25 apparaît plus délavé avec un aspect étonnamment plus lisse, une compression moins discrète et un bruit vidéo parfois palpable. Dans les deux cas, le film est évidemment proposé dans son format original 1.85.

Les versions originale et française (présentes sur les deux montages) bénéficient d’une piste DTS-HD Master Audio Stéréo 2.0 exemplaire et limpide, restituant les dialogues avec minutie – moins en version originale toutefois – ainsi que l’enivrante bande originale signée Pino Donaggio qui jouit d’un coffre inédit. Les effets sont solides, le confort acoustique largement assuré et nous découvrons même quelques ambiances inédites qui avaient pu échapper à nos oreilles jusqu’à maintenant. La piste française se focalise un peu trop sur les dialogues et le doublage de John Lighgow au détriment des effets annexes, plus saisissants en version anglaise. Un souffle léger demeure constatable en français pour les deux options acoustiques. Le mixage français est certes moins riche mais contentera les habitués de cette version. Nous échappons heureusement à un remixage 5.1 inutile. Les sous-titres français ne sont pas imposés.

Crédits images : © Universal Studios. / Elephant Films / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

Test Blu-ray / Chacun sa vie, réalisé par Claude Lelouch

CHACUN SA VIE réalisé par Claude Lelouch, disponible en DVD et Blu-ray le 18 juillet 2017 chez Metropolitan Vidéo

Acteurs : Eric Dupond-Moretti, Johnny Hallyday, Nadia Farès, Jean Dujardin, Christophe Lambert, Antoine Duléry, Marianne Denicourt, Rufus, Gérard Darmon, Julie Ferrier, Stéphane De Groodt, Béatrice Dalle, Jean-Marie Bigard…

Scénario : Claude Lelouch, Grégoire Lacroix, Valérie Perrin, Pierre Uytterhoeven

Photographie : Robert Alazraki

Musique : Laurent Couson, Francis Lai, Dimitri Naiditch

Durée : 1h53

Date de sortie initiale : 2017

LE FILM

Ils ne se connaissent pas, mais tous ont rendez-vous pour décider du sort d’un de leurs semblables. Avant d’être juges, avocats ou jurés, ils sont d’abord des femmes et des hommes au tournant de leurs existences, avec leurs rêves et leurs secrets, leurs espoirs et leurs limites, tous sous un même soleil, chacun avec sa part d’ombre. Dans une jolie ville de province, le temps d’un festival de jazz, la vie va jongler avec les destins…

C’est souvent dans l’ordre des choses. Après avoir fait un film relativement bon, Claude Lelouch s’évertue toujours à enchaîner avec un nouvel opus en repoussant les limites dans ce qu’il peut faire de pire. Un plus une ayant été une belle réussite, Chacun sa vie est à marquer d’une croix dans la carrière du cinéaste puisque sa comédie de mœurs s’avère complètement ratée, mais pas désagréable dans le sens où le film devient hilarant là où le cinéaste lui-même ne l’avait évidemment pas prévu. Avec près de 60 courts, longs métrages (son 46e ici) et documentaires à son actif en 60 ans de carrière, on pouvait penser que Claude Lelouch prendrait un peu de repos à presque 80 ans. C’était mal le connaître. Le metteur en scène d’Un Homme et une femme, Roman de gare, Tout ça…Pour ça ! aurait pu (dû ?) s’arrêter sur Un plus une, il serait ainsi parti sur une bonne note. Mais non. Une fois de plus il a décidé de reprendre sa caméra à l’épaule pour filmer le destin, des acteurs et des actrices plongés dans le hasard et les coïncidences, dans leurs histoires d’amour, des tranches de vie aussi grasse que des tranches de lard.

Claude Lelouch signe ses Dix Commandements et tel un Cecil B. DeMille parigot s’entoure d’un casting à faire frémir Les Cahiers du cinéma avec par ordre alphabétique : Ramzy Bedia, Samuel Benchetrit, Jean-Marie Bigard, Béatrice Dalle (Swann d’or de la meilleure actrice, si si), Gérard Darmon, Stéphane De Groodt, Vanessa Demouy, Marianne Denicourt, Jean Dujardin, Antoine Duléry, Éric Dupond-Moretti, Nadia Farès, Julie Ferrier, Liane Foly, Déborah François, Kendji Girac, Johnny Hallyday, Francis Huster, Chantal Ladesou, Christophe Lambert, Michel Leeb, Pauline Lefèvre, Philippe Lellouche, William Leymergie, David Marouani (oui de David et Jonathan), Raphaël Mezrahi, Vincent Perez, Rufus, Mathilde Seigner, Zinedine Soualem et Elsa Zylberstein. Ils sont tous là pour ce qu’ils croyaient être le meilleur, mais ce qui s’avère le pire.

Chacun sa vie prend la forme d’un film choral (comme La Belle Histoire ou Les Uns et les Autres), d’un film à sketches qui s’imbriquent continuellement à travers des séquences incroyables car constamment foirées. L’histoire ? Stéphane (De Groodt) veut divorcer de Nadia (Farès), donc ils se mettent à chanter à table comme dans un film de Jacques Demy. Samuel (Benchetrit) cherche à se réconcilier avec Jessica (Déborah François) lassée de son manque de tendresse. Malgré ses 45 ans bien tapés il enfile son jean slim et vient l’embêter à l’hôpital où elle travaille. Une prostituée (Dalle) se confie à son client (Dupond-Moretti), et lui annonce qu’elle souhaite raccrocher. Lui, veut être son dernier client. Un commissaire (Dujardin) reçoit la visite de Johnny Hallyday (Jean-Philippe Smet aka) qui porte plainte contre à un sosie qui lui cause du tort. Ou comment perdre Johnny dans un nouveau film méta. La comtesse (Zylberstein) tombe dans les bras de l’idole des jeunes et déclare aux yeux du monde que toutes les femmes rêvent de coucher avec Johnny, les yeux en pleurs, en hurlant, la morve au nez. François (Michel Leeb, toujours pas remis de son pitch sur l’art de la pizza dans Les Parisiens du même Lelouch) reçoit la visite désagréable de sa contrôleuse fiscale (Ladesou) et tente de l’acheter avec un collier d’une fortune inestimable. Nathalie (Ferrier) et Eugénie (Foly), une chanteuse, veulent se séparer, mais avec le sourire. Bon et n’oublions pas pêle-mêle Jean-Marie Bigard dans un remake de Docteur Patch qui perché sur son hoverboard raconte des histoires de cul bien graveleuses à ses patients car le rire guérit de tout, Christophe Lambert qui lampe du grand cru à plat ventre, Antoine Duléry dans un double rôle donc deux fois plus mauvais, Marianne Denicourt qui a la tête penchée quand elle est triste, Rufus et son béret de chauffeur de taxi, Gérard Darmon à poil full frontal qui frictionne un autre mec sous la douche, Julie Ferrier elle aussi dans un double rôle dont celui d’une cagole, Liane Foly (encore elle) qui chante du Johnny dans une parodie des Blues Brothers, Francis Huster qui parodie Francis Huster au premier degré, Vanessa Demouy qui taille une pipe à son compagnon Philippe Lellouche et à Raphaël Mezrahi (sans avoir de dialogues car on ne peut pas parler la bouche pleine), William Leymergie qui n’a plus de boulot et qui se reconvertit dans le cinéma après plusieurs apparitions chez…Lelouch. Tout ce petit monde va se croiser, dans une sarabande des sentiments. N’en jetez plus, c’est trop de bonheur.

Chacun sa vie est une véritable expérience cinématographique en soi. Il faut tout d’abord se farcir un discours de Dupond-Moretti sur le destin avant d’enchaîner avec le générique de huit minutes, filmé lors d’un concert de Johnny Hallyday. Huit minutes de Toute la musique que j’aime avec le chanteur sur scène donc, mais également un sosie de Johnny (incarné par l’idole des jeunes lui-même), qui entonne les paroles sans les savoir. Et ce n’est que le début, chaque séquence du film, chaque histoire – nous n’avons pas compté, mais il doit y en avoir treize connaissant le cinéaste – instaure un vrai malaise. Malaise devant le jeu souvent éhonté des comédiens, la palme revenant sans conteste à Elsa Zylberstein dans une séquence où son personnage doit témoigner devant la barre pour avoir succombé au charme de Johnny. Malaise aussi devant les dialogues venus d’un autre temps, d’un autre univers peut-être. Un amoncellement de phrases toutes faites, de slogans publicitaires pour la Foir’Fouille ou d’un club de rencontres pour le troisième âge, déclamées avec une fausse spontanéité. Même les jeunes sont montrés comme des vieux cons dans Chacun sa vie.

Malaise encore durant cette séquence où Philippe Lellouche se fait faire une petite gâterie par sa (véritable) compagne Vanessa Demouy, alors qu’il est au volant de sa belle voiture de sport sur une route de campagne. Quand soudain deux motards l’arrêtent, Raphaël Mezrahi et David de David et Jonathan. Afin de ne pas être verbalisé, Lellouche propose aux deux gendarmes de passer un peu de temps avec sa copine. Mezrahi accepte et s’installe au volant, les deux autres s’éloignent. Tandis que Lellouche dit à l’autre gendarme « attendez un peu, ça va être votre tour, vous m’en direz des nouvelles ! » l’autre lui rétorque qu’il préfère en fait les mecs. Regard bas de Lellouche. Ouin ouin ouinouinouin…

Voilà, des scènes comme ça à la Kamoulox il y en a des tas dans Chacun sa vie, filmé comme un spot promo pour Norwich Union sur une musique d’André Rieu ou plutôt de Jean-François Copé au synthétiseur. Mais c’est finalement touchant, car c’est ça la vie pour Lelouch. C’est à la fois profondément naïf et prétentieux, pathétique et attachant, puant et désopilant, il faut le voir pour le croire. Enfin, nous terminerons cette chronique par l’une des blagues raffinées racontées par Jean-Marie Bigard, médecin-chef de service devant un parterre d’internes outrés : « Tu sais pourquoi les hippopotames ils font l’amour dans l’eau ? Bah t’essaieras de faire mouiller une chatte de 200 kilos ! ». Quand on sait que Claude Lelouch a eu l’idée de son film en écoutant une plaidoirie de l’avocat Eric Dupont-Moretti, on n’ose imaginer ce qui lui viendra à l’esprit après avoir mangé un bon cassoulet.

Une des plus grandes comédies (involontaires) de tous les temps, une ode au mauvais goût qui rejoint instantanément le T’aime de Patrick Sébastien. Magistral.

LE BLU-RAY

Le test du Blu-ray de Chacun sa vie, disponible chez Metropolitan Vidéo, a été réalisé à partir d’un check-disc. Le menu principal est animé sur la musique du film.

Pour celles et ceux qui auraient aimé le film, du moins au même degré que l’auteur de ces mots, il est fortement conseillé de se pencher sur les 75 minutes de suppléments proposés par l’éditeur tant ceux-ci prolongent le délire du film.

C’est le cas pour les scènes coupées (4’30) durant lesquelles Stéphane De Groodt se parle à lui-même façon Gollum/Smeagol, plus d’autres bouts de scène sans intérêt, qui auraient donc pu être gardés au montage final puisque cela n’aurait rien changé.

S’ensuit un long documentaire (22’30) qui commence par un délire (encore un) de Claude Lelouch. On le voit entouré de ses treize étudiants des Ateliers du Cinéma de Beaune, qu’il a lui-même créés. Deux sont habillés en mariés, tandis que les autres les entourent, une caméra à la main. Lelouch leur demande de filmer « l’événement » de leur point de vue, afin de se familiariser avec leur appareil qui capte « l’instant de vie », tout en leur bourrant le crâne sur sa technique. Heureusement, cela ne dure pas la totalité du module, mais six minutes environ, ce qui est déjà pas mal. On retrouve ensuite Lelouch nous parler de ses élèves (qui prennent également la parole) et de leur travail sur Chacun sa vie, à travers quelques images du tournage. Les comédiens interviennent également et évoquent face caméra « l’immense talent », « la virtuosité » et « le génie » de Claude Lelouch. Un documentaire écrit et réalisé par Claude Lelouch. Ou pas.

Le bonus suivant installe une fois de plus le réalisateur dans un fauteuil, cette fois en compagnie d’Éric Dupond-Moretti (9’). Les deux compères reviennent sur leur rencontre, sur leur collaboration et le tournage du film. On tousse quand Claude Lelouch déclare qu’il y a du Lino Ventura chez Dupond-Moretti, on s’étrangle quand le premier récidive en disant qu’il le ferait bien tourner le second dans un prochain film.

En guise de making of, Metropolitan nous confie une petite vidéo de 3’30 constitué de propos de…ah bah de Claude Lelouch tiens, repris d’une interview disponible un peu plus loin dans l’interactivité. Le tout illustré par des images provenant du plateau où tout le monde il est beau et où tout le monde il est gentil. Quand Lelouch déclare qu’il avait de quoi faire au moins treize films avec les histoires présentes dans Chacun sa vie, on rigole. Moins, quand on s’aperçoit qu’il est sérieux.

Une grande partie du casting était réunie à Beaune pour l’avant-première de Chacun sa vie le 2 mars 2017 (10’30). La troupe débarque, petit foulard autour du cou, fardée de fond de teint et coiffée par Franck Provost pour présenter le film, avant de participer à une conférence de presse où chacun fait son petit show, tout en caressant l’ami Claude dans le sens du poil en lui disant qu’il est génial. Une conférence de presse écrite par Claude Lelouch. Ou pas encore une fois.

Last but not least, ne manquez pas l’interview de…ah bah de Claude Lelouch une dernière fois, mais on s’y attendait hein. Un peu plus de vingt minutes durant lesquelles le réalisateur se lance dans des délires à la Van Damme période cocaïne. Il a un avis sur tout. Il nous parle de sa vision du cinéma, de ses intentions, de son travail avec les comédiens, de la vie, de la septième saison de Game of Thrones, de l’arrivée de Neymar au PSG, de l’augmentation du Navigo et de tout un tas d’autres choses. Rayez les mentions inutiles. C’est très drôle, jamais informatif, on en redemande surtout quand il lance des phrases du genre « l’échec, c’est le terreau du succès ! ». Ses plantes doivent être très belles alors.

L’interactivité se clôt sur un lot de bandes-annonces et des liens internet.

L’Image et le son

Comme d’habitude, l’éditeur soigne son master HD qui se révèle exemplaire. Le label «  Qualité Metropolitan » » est donc encore une fois au rendez-vous pour le Blu-ray de Chacun sa vie. L’image bénéficie d’un codec AVC de haut niveau, des contrastes d’une densité jamais démentie, ainsi que des détails impressionnants aux quatre coins du cadre large. Certains plans étendus sont magnifiques et tirent entièrement parti de cette élévation en Haute définition. Les visages, filmés en gros plans, des comédiens peuvent être analysés sous toutes leurs coutures (nous ne ferons aucune métaphore avec le visage de Johnny non non non), la photo est ambrée et chaude, la clarté demeure frappante, tout comme la profondeur de champ, le piqué est affûté et les partis pris esthétiques merveilleusement restitués. Ce Blu-ray est évidemment une franche réussite technique et offre de fabuleuses conditions pour revoir le film de Claude Lelouch lors d’une soirée nanar.

D’emblée, l’ensemble des enceintes est mis à contribution aux quatre coins cardinaux sur l’unique piste DTS-HD Master Audio 5.1. Les ambiances fusent de tous les côtés dès le logo Metropolitan, puis lors du concert de Johnny qui ouvre le film. L’omniprésente musique du fidèle Francis Lai bénéficie d’un traitement de faveur avec une large ouverture. Les dialogues ne sont jamais pris en défaut et demeurent solidement plantés sur la centrale, avec des effets latéraux constants. L’éditeur joint également une piste Audiodescription, ainsi que les sous-titres français destinés au public sourd et malentendant.

Crédits images : © Metropolitan FilmExport / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

Test Blu-ray / T2 – Trainspotting, réalisé par Danny Boyle

T2 TRAINSPOTTING réalisé par Danny Boyle, disponible en DVD, Blu-ray et 4K Ultra HD le 12 juillet 2017 chez Sony Pictures

Acteurs : Ewan McGregor, Ewen Bremmer, Jonny Lee Miller, Robert Carlyle, Kelly MacDonald, Anjela Nedyalkova, Irvine Welsh, Shirley Henderson…

Scénario : John Hodge d’après les romans Trainspotting et Porno d’Irvine Welsh

Photographie : Anthony Dod Mantle

Musique : Rick Smith

Durée : 1h57

Date de sortie initiale : 2017

LE FILM

D’abord, une bonne occasion s’est présentée. Puis vint la trahison. Vingt ans après, certaines choses ont changé, d’autres non. Mark Renton revient au seul endroit qu’il ait jamais considéré comme son foyer : Edimbourg. Spud, Sick Boy et Begbie l’attendent. Mais d’autres vieilles connaissances le guettent elles aussi : la tristesse, le deuil, la joie, la vengeance, la haine, l’amitié, le désir, la peur, les regrets, l’héroïne, l’autodestruction, le danger et la mort. La vie ? Toutes sont là pour l’accueillir, prêtes à entrer dans la danse…

Cela faisait plus de vingt ans que certains cinéphiles espéraient et attendaient le retour de Renton, Spud, Sick Boy et Begbie. Longtemps annoncée, puis reportée, enfin concrétisée, la suite de Trainspotting a enfin pu voir le jour. Lancés avec Petits meurtres entre amis, le réalisateur Danny Boyle et le comédien Ewan McGregor ont ensuite explosé dans le monde entier avec Trainspotting, petite production tournée avec 3,5 millions de dollars, qui en avait rapporté 72 millions et attiré plus d’un million de spectateurs en France à sa sortie en juin 1996. Après Une vie moins ordinaire (1997), Ewan McGregor et Danny Boyle ne se sont pas adressé la parole pendant une dizaine d’années, l’acteur n’ayant pas apprécié d’être remplacé par Leonardo DiCaprio dans La Plage en 2000. En raison de ces rapports tendus et de la difficulté à synchroniser leurs emplois du temps respectifs, la suite de Trainspotting a été maintes et maintes fois repoussée. Depuis, de l’eau a coulé sous les ponts et donc T2 Trainspotting, puisque le film est intitulé ainsi, est arrivé sur les écrans en 2017.

Que sont-ils devenus ? Mark Renton semble en avoir fini avec la drogue. Il a un travail sûr à Amsterdam qui lui assure un train de vie confortable. Il revient à Edimbourg, sa ville natale qu’il ne reconnaît plus. Il avait besoin de ce retour aux sources afin de se confronter à ses démons et à ses amis, Sick Boy, Spud et Begbie, qu’il avait trahis lors d’un deal de drogue vingt ans plus tôt en emportant avec lui un butin de 16 000 £. Il retrouve Sick Boy, qui a remplacé l’héroïne par la cocaïne et qui dirige une très lucrative agence d’escort girls, tout en tenant désespérément le pub déserté de sa tante. Spud, lui, a du mal à avoir une vie normale tant il a abusé des drogues et se laisse aller à des pulsions suicidaires. Après vingt ans de prison et voyant toutes ses demandes de liberté conditionnelle rejetées, Begbie parvient à s’évader. Il est bien décidé à se venger et à prendre sa revanche sur Renton. Notre quatuor est donc bel et bien présent, pour notre plus grand plaisir.

Trainspotting est rapidement devenu un film culte et a su traverser les années sans trop de dommages. Danny Boyle a su démontrer son savoir-faire dans des genres différents (28 jours plus tard, Sunshine, 127 heures) jusqu’à la consécration ultime avec Slumdog Millionnaire. Bien que ses films aient été souvent marqués par des budgets modestes, Danny Boyle a toujours su imposer un style visuel reconnaissable et une énergie revigorante. T2 Trainspotting ne déroge pas à la règle et outre la joie non dissimulée de retrouver les personnages, le cinéaste signe également une œuvre mélancolique sur le passage du temps. C’est ainsi que Mark « Rent Boy » Renton parti d’un point A revient finalement au point A, là où tout avait commencé, là où rien n’avait commencé. La fureur de vivre s’est dissoute, sauf en ce qui concerne Francis « Franco » Begbie qui enfermé depuis vingt ans derrière les barreaux n’a eu de cesse de voir son désir de vengeance s’exacerber. La vie n’a pas changé pour lui puisqu’il n’a rien connu d’autre depuis son arrestation. Il reste très violent et inquiétant (si ce n’est plus), même les cheveux blancs et la bedaine. Si le feu s’est consumé, les personnages doivent apprendre à vivre à partir de ce qui reste des cendres de leur jeunesse. Daniel « Spud » Murphy parvient tant bien que mal à survivre, seul dans son appartement miteux. Ses retrouvailles avec Renton vont l’aider à lâcher définitivement l’héroïne. Quant à Simon « Sick Boy » Williamson, il parvient à se faire quelques rentrées d’argent en faisant du chantage auprès de bourgeois, filmés dans quelques positions compromettantes avec la délicieuse Veronika (Anjela Nedyalkova, révélée dans le rôle-titre du film Avé de Konstantin Bojanov), complice de Sick Boy, qui les attirent dans une chambre tamisée où une caméra a été dissimulée.

Si l’on craignait tout d’abord que T2 Trainspotting se contente de nous refaire le même film, le scénario original de James Hodge (complice de Danny Boyle depuis toujours), qui ne s’inspire que très sporadiquement de Porno (2002), la suite du livre écrite par Irvine Welsh, parvient à jouer avec la nostalgie du spectateur, tout en lui offrant quelque chose de frais. Ewan McGregor, Ewen Bremmer, Jonny Lee Miller et Robert Carlyle assurent le show avec classe et leur plaisir à retrouver ces personnages qui ont contribué à lancer leurs carrières respectives est contagieux. Si elle ne fait qu’une brève apparition, Kelly MacDonald est également de la partie, ce qui nous permet de comprendre que Diane est devenue une avocate qui a réussi. Le film est truffé de scènes destinées à devenir cultes (la soirée 1690, la course-poursuite dans le parking), marqué par une b.o explosive (Young Fathers, Wolf Alice, The Rubberbandits, Blondie) et une mise en scène au cordeau avec quelques réminiscences intelligemment amenées.

T2 Trainspotting ne cesse d’étonner par ses partis pris, par son approche des revers de la vie et des espoirs déçus. Bien qu’ils aient passé beaucoup de temps à fuir et à courir, personne, pas même Renton, ne peut finalement retenir et encore moins devancer le temps qui finit par nous rattraper. Finalement, après être finalement revenu au bercail, que faire maintenant ? Pourquoi ne pas écouter un album digne de ce nom ? Alors que Bowie s’en est allé et qu’Iggy Pop résiste encore, autant mettre Lust For Life à fond comme au bon vieux temps et on verra bien ce que nous réservent ces quarante prochaines années.

LE BLU-RAY

Le Blu-ray de T2 Trainspotting repose un boîtier classique de couleur bleue, glissé dans un surétui cartonné. Le visuel de la jaquette reprend l’un des visuels promotionnels avec nos quatre loustics occupant des toilettes. Etat-il nécessaire de la gâcher par les étoiles provenant des critiques françaises dithyrambiques ? Le menu principal est fixe et musical.

Les amateurs de suppléments seront ravis d’apprendre que l’éditeur nous propose ici près de trois heures de bonus !

On commence par le commentaire audio de Danny Boyle et du scénariste John Hodge, disponible en version originale sous-titrée en français. Les deux complices reviennent essentiellement sur le succès et le phénomène du premier film, la longue gestation de T2 Trainspotting et l’évolution des personnages. S’ils se marrent beaucoup pendant l’exercice, les deux intervenants ne livrent pas le commentaire du siècle. Mais comme ils ne s’arrêtent pour ainsi dire jamais de parler, qu’ils passent du coq à l’âne, qu’ils ne manquent pas d’anecdotes sur le tournage et qu’ils sont très sympathiques, il serait dommage de ne pas en profiter. Un commentaire distrayant.

Comme il l’indique dans le supplément précédent, Danny Boyle a beaucoup coupé au montage, surtout dans la première partie qui se penchait plus longuement sur chacun des personnages. Afin de les réunir le plus vite possible à l’écran, ces séquences n’ont donc pas été montées et se trouvent essentiellement réunies dans la section des scènes coupées (30’). Il y a donc plus de scènes en prison avec Begbie (et une où il se réveille pendant son opération), de Sick Boy dans son pub avec Veronika, de réunions d’entraide avec Spud, mais aussi des petits plans coupés ici et là pour accélérer le rythme. Une intrigue secondaire concernant Begbie et ses problèmes sexuels, ainsi que Begbie qui séquestre son avocat chez lui ont également été écarté du montage final. Ceux qui auraient été déçus de voir la participation de la belle Kelly McDonald réduite à une simple apparition seront heureux de la voir dans deux ou trois séquences où Diane héberge Renton chez elle après que ce dernier se soit fait agresser par Begbie dans le parking. On le voit allongé dans le canapé, se relever en pleine nuit avec l’envie d’aller rejoindre Diane dans sa chambre, avant d’y renoncer. Le lendemain, Renton lui demande si elle a déjà pensé à ce qu’aurait pu être leur vie s’ils avaient vécu ensemble. Une autre séquence très amusante montre Spud voler un iPad malgré la réticence de Renton. S’ensuit une course-poursuite dans la rue qui n’est évidemment pas sans rappeler la séquence d’ouverture du premier Trainspotting. Un vrai plaisir.

Après ces séquences, nous passons à une discussion sous forme de table ronde entre Danny Boyle et trois de ses comédiens principaux (25’), Ewan McGregor, Robert Carlyle et Jonny Lee Miller. Si Ewen Bremner n’est pas présent pour cause de tournage (Wonder Woman de Patty Jenkins), il introduit néanmoins ce supplément et apparaît parmi ses camarades sous forme de silhouette en carton. Le réalisateur et Ewan McGregor monopolisent la parole, avant d’être rapidement rejoint par Robert Carlyle. Seul Jonny Lee Miller semble trouver le temps long et n’ouvre la bouche qu’au bout d’un quart d’heure et encore de façon très sporadique. Les souvenirs des autres affluent (surtout sur le phénomène du premier film), chacun évoque son propre personnage ainsi que son évolution d’un film à l’autre, l’alchimie est toujours aussi évidente et cette réunion entre potes s’avère un très bon moment.

L’interactivité se clôt sur un spot promotionnel – intitulé « documentaire athlétique de Calton »pour une association sportive destinée à aider d’anciens junkies et alcooliques durant leur cure de désintoxication. Constitué de témoignages et de gros plans sur quelques rescapés, ce clip ne laisse évidemment pas indifférent (4’).

L’Image et le son

Sony Pictures prend soin de T2 Trainspotting et livre un master HD au format 1080p, irréprochable et au transfert immaculé. Respectueux des volontés artistiques du chef opérateur Anthony Dod Mantle (Trance, Dredd, Antichrist), la copie se révèle un petit bijou technique alliant des teintes multicolores et saturées (vert, rouge, rose, bleu, tout y passe), à la fois chaudes et froides (avec un usage de filtres à l’étalonnage), le tout soutenu par un encodage AVC de haute volée. Le piqué est tranchant, les arrière-plans sont magnifiquement détaillés, le relief omniprésent et les détails foisonnants sur le cadre 1.85. Les partis pris esthétiques sont donc respectés avec un léger grain cinéma conservé qui confère à l’image une agréable texture, une fabuleuse gestion des contrastes et des séquences sombres aussi soignées. Un service après-vente remarquable.

Voici le genre de mixage qui ne fait pas dans la demi-mesure ! Les pistes anglaise et française DTS-HD Master Audio 5.1 se révèlent fracassantes et redoutablement immersives. La bande-originale très « gros son » met à mal le caisson de basses à plusieurs reprises. Nous vous conseillons d’ailleurs de visionner T2 Trainspotting au moment où vos voisins seront absents. Les dialogues sont ardents sur la centrale, tandis que les frontales et les latérales n’ont de cesse de s’affronter lors des séquences plus agitées. Le doublage français est correct et reprend les mêmes comédiens que pour le premier film, mais le mixage peine parfois à mettre les dialogues en avant. Montez le volume, car c’est du très grand spectacle ! L’éditeur joint également une piste française Audiodescription.

Crédits images : © Sony Pictures / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

Test Blu-ray / Voice from the stone, réalisé par Eric D. Howell

VOICE FROM THE STONE réalisé par Eric D. Howell, disponible en DVD et Blu-ray le 26 juillet 2017 chez Marco Polo Production

Acteurs : Emilia Clarke, Marton Csokas, Caterina Murino, Kate Linder, Remo Girone, Lisa Gastoni, Edward Dring…

Scénario : Silvio Raffo d’après son roman « La voce della pietra »

Photographie : Peter Simonite

Musique : Michael Wandmacher

Durée : 1h31

Date de sortie initiale : 2017

LE FILM

Dans un vieux manoir de Toscane, Verena, une infirmière, s’occupe d’un jeune garçon devenu muet suite à la mort soudaine de sa mère. Elle découvre que l’enfant est en réalité hanté par des forces malveillantes emprisonnées dans les murs de la bâtisse. Au fur et à mesure que le temps passe et que ses relations avec le père de l’enfant évoluent, Verena est, elle aussi, peu à peu ensorcelée. Si elle veut sauver le garçon et se libérer, elle doit affronter les mauvais esprits cachés dans la pierre…

Alors que la septième saison de Game of Thrones vient de démarrer, la comédienne Emilia Clarke commence à se faire plus présente au cinéma, histoire de préparer tranquillement sa transition une fois qu’elle aura rendu le costume (bien qu’elle s’en débarrasse souvent il est vrai) de Daenerys Targaryen. Après l’inénarrable Terminator: Genisys d’Alan Taylor dans lequel elle reprenait – ou essayait de reprendre plutôt – le rôle de Sarah Connor, puis le drame romantique Avant toi adapté du roman de Jojo Moyes où elle s’occupait et tombait amoureuse d’un jeune homme tétraplégique, Emilia Clarke porte sur ses épaules Voice from the stone, d’après le roman La Voce Della Pietra de Silvio Raffo. Si elle n’est pas l’actrice la plus fine et que son jeu laisse souvent à désirer, elle s’avère plutôt « convaincante » dans ce petit film dramatique teinté de fantastique.

Dans les années 50 en Toscane, Verena, une jeune infirmière, se rend jusqu’à un manoir isolé afin de guérir Jakob, un enfant devenu muet depuis le décès de sa mère. Mais lors de son séjour, Verena se retrouve plongée au cœur des secrets et mystères de ce lieu. Alors qu’elle tombe amoureuse du père du garçon, elle est la proie de mauvais esprits présents dans les murs de la bâtisse. Si l’histoire n’a rien d’original, le metteur en scène Eric D. Howell, dont il s’agit du premier long métrage réalisé en solo après From Heaven to Hell en 2002 (avec Lou Ferrigno, Burt Ward et Adam West) et quelques courts-métrages, soigne l’esthétique de son film et crée une ambiance intrigante du début à la fin. Ancien coordinateur de cascades (Un plan simple, A Serious Man), Eric D. Howell livre donc un film tout à fait honorable.

Coproduction italienne, Voice from the stone a été intégralement tourné sur la Botte, dans les studios de Cinecittà pour les scènes en intérieur et dans les magnifiques paysages du Lazio pour les quelques séquences en extérieur. L’occasion pour Emilia Clarke de nous montrer son excellent accent à travers quelques dialogues dans la langue de Dante. Le principal ennui, c’est que Voice from the stone abat ses cartes durant le premier quart d’heure. Le spectateur habitué aux codes du genre fantastique découvrira immédiatement où le réalisateur souhaite l’emmener avec cette vieille bâtisse perdue au bout d’un chemin embrumé entouré d’arbres centenaires. Du coup, l’audience a souvent un coup d’avance sur les personnages, jusqu’à la résolution finale, que l’on peut également largement anticiper et qui s’avère d’ailleurs bien trop expédiée. Mais Voice from the stone n’est pas un film désagréable, d’autant plus que la photographie de Peter Simonite (collaborateur de Terrence Malick sur Song to Song, À la merveille, The Tree of life – l’arbre de vie) ravit souvent les yeux et met les acteurs en valeur. Dans quelques scènes assez gratuites mais pour le grand plaisir de ses fans, Emilia Clarke nous gratifie de son corps nu filmé sous tous les angles, devant les yeux émoustillés d’un Marton Csokas (L’Arbre, Sin City: j’ai tué pour elle) toujours aussi talentueux et charismatique.

Finalement, on s’intéresse plus à la forme qu’au fond dans Voice from the stone. On ne croit guère en l’évolution du personnage de Verena auprès de l’enfant dont elle a la charge, d’autant plus que le jeu de sourcils, tantôt en accent grave, tantôt en accent aigu, d’Emilia Clarke, sans oublier ses yeux sans cesse écarquillés n’arrangent pas vraiment les choses. On regarde donc Voice from the stone – sorti directement en DVD en France, sans passer par la case cinéma – en mode automatique, le spectacle n’est pas déplaisant en soi, mais ne cesse de faire penser à Rebecca d’Alfred Hitchcock ou Les Autres d’Alejandro Amenábar et s’oublie rapidement après.

LE BLU-RAY

Le test du Blu-ray de Voice from the stone, disponible chez Marco Polo Production, a été réalisé à partir d’un check-disc. Le menu principal est fixe et muet. Le visuel de la jaquette française fait la part belle à Emilia Clarke aux côtés de Caterina Murino (qui apparaît très peu dans le film), contrairement au visuel original qui faisait apparaître Marton Csokas. Aucun supplément, ni de chapitrage. L’Image et le son

Faites confiance à Marco Polo pour assurer la sortie dans les bacs de ce DTV. En effet, si le film d’ Eric D. Howell n’a pas connu de sorties dans nos salles, il bénéficie tout de même d’une édition Blu-ray (au format 1080p) élégante. Cependant, si les contrastes affichent une densité fort acceptable, le piqué n’est pas aussi ciselé sur les scènes sombres et certaines séquences apparaissent un peu douces avec des visages légèrement cireux. En dehors de cela, la profondeur de champ demeure fort appréciable, les détails se renforcent et abondent en extérieur jour, le cadre large est idéalement exploité et la colorimétrie est très bien rendue. Le codec AVC consolide l’ensemble.

Du côté acoustique, les mixages français et anglais DTS-HD Master Audio 5.1 créent un espace d’écoute suffisamment plaisant en faisant la part belle à la musique et à quelques effets latéraux. Des ambiances naturelles percent les enceintes arrière sans se forcer mais avec une efficacité chronique. Le doublage français est convaincant. Les sous-titres français sont imposés et le changement de langue impossible pendant le visionnage nécessite le recours au menu pop-up.

Crédits images : © Marco Polo Production / Franck Brissard pour Homepopcorn.fr